tenia a écrit :Ici, c'est quand même un changement assez "linéaire" : c'est majoritairement plus sombre. Est-ce que le BR coréen était trop lumineux ? Je ne sais pas.
Et je tends à dissocier l'aspect plus épais de la nouvelle restauration, c'est peut-être purement technique et pas artistique.
Je pense que le blu-ray coréen est beaucoup trop lumineux et dispose de couleurs bien trop saturées. Il n'y a qu'à voir les captures 6 et 10 pour s'en convaincre. Les blancs sont cramés.
Il y a même un aspect téléfilm sur certaines captures (la 12), alors que la version française est beaucoup plus subtile.
Le master utilisé par la Rabbia donne au film une dimension plus cinématographique, et bien plus naturelle.
N'ayant pas vu le film en salles, je ne sais pas si le BR français dénature l'image d'origine ou non, mais la désaturation des couleurs est en tout cas parfaitement cohérente avec le projet esthétique du film, qui oppose la Corée de 2003 (prologue et épilogue aux couleurs chaudes et saturées) à l'étouffoir des années de dictature militaire (la partie 1986, soit la quasi-totalité du film).
Dans le livret, Bong explique que "la 5ème république était une période extrêmement sombre". D'où des "couleurs ternes et des lumières un peu fades, des gris cendrés. Pour le développement, nous avons choisi dès le début d'appliquer la technique de la décoloration".
Michel2 a écrit :Dans le livret, Bong explique que "la 5ème république était une période extrêmement sombre". D'où des "couleurs ternes et des lumières un peu fades, des gris cendrés. Pour le développement, nous avons choisi dès le début d'appliquer la technique de la décoloration".
Ce même livret explique aussi que "Seuls le début et la fin du film possèdent une dimension solaire, avec ces champs de blés baignés de lumière dorée."
Or, sur le nouveau Blu-ray, la dimension "solaire" baignée de "lumière dorée" est elle aussi fortement atténuée par la baisse de luminosité.
Je vais citer Darcy Paquet, qui par l'intermédiaire de son fabuleux site koreanfilm.org (plein de ressources tels que les chiffres du box office local année par année, des essais et des critiques de films vus là-bas en salle), fut pour moi l'une des sources privilégiées lorsque je me suis interressé au cinéma sud-coréen il y a une quinzaine d'années.
Il disait à propos du film à l'époque : Another impressive aspect of this film are its visuals. The production set a record for using the most locations in any Korean film to date, in an effort to recreate the underdeveloped rural landscape of the mid-80s. Director of photography Kim Hyung-gu (who also shot Musa, One Fine Spring Day and Chen Kaige's Together) creates striking images out of ordinary objects, with earthy browns and yellows painting an unforgettable portrait of small town life.
Il parle donc de bruns et de jaunes "terreux".
Après, en se remettant dans le contexte de l'époque, on est en 2003, soit en plein boom de la "nouvelle vague" coréenne. Depuis 1996 et le film "The Jingko Bed", les équipes techniques des films et notamment les chefs opérateurs, sont capables de réaliser des merveilles en terme de photographie. Il faut savoir que le gouvernement avait pas mal poussé pour que des grandes écoles de cinéma émergent des pointures à ce niveau. Par ailleurs, avec leur système de quotas, ils ont fait en sorte que les productions locales rivalisent voire dépassent les gros blockbusters américains au box office. Et cela se confirme en voyant les gros cartons à la fin des 90's et au tout début des années 2000, avec des films comme Shiri (1999), Joint Security Area (2000), Friend (2001), Silmido et Memories Of Murder (2003). Ce dernier a fait quasiment autant d'entrées sur le sol coréen que Le Retour Du Roi de Peter Jackson ! Imaginez un peu...
Pour en revenir à la photographie des films, je me souviens qu'à l'époque c'était l'aspect qui me paraissait le plus incroyable. Les chefs ops coréens n'avaient rien à envier à ceux qui officiaient sur les grosses prods américaines. Même des comédies du genre "My Sassy Girl" avaient des prods et une direction artistique démentielles.
Là où je veux en venir, c'est que le côté très terne de la photo de Memories Of Murder, tel que présenté dans l'édition La Rabbia, me paraît un peu déphasé quand on le remet dans ce contexte. Et quand je dis terne, je ne parle pas de la palette chromatique du film mais de cet espèce de voile sur l'image qui fait disparaitre le gros travail sur la lumière typique des chefs ops coréens.
En outre, on sait ce que des réals comme Park Chan-Wook, Kim Jee-Won et Bong Joon-Ho ont fait de leurs carrières par la suite. Pour moi ils avaient à la base une grande ambition. Du coup j'ai un doute sur le fait que cette photo très terne de Memories Of Murder, proposée à l'époque de la sortie du film, eût été la meilleure carte de visite pour obtenir des capitaux étrangers (américains)...
Alors qu'à présent, il n'est pas impossible que Bong Joon-Ho puisse se permettre de revoir sa copie. Le succès du film et ses qualités, aussi bien artistiques que techniques ne sont plus à remettre en question. Mais est-ce là l'une de ces fausses bonnes idées traduisant une lubie de réalisateur voulant reprendre le contrôle de son œuvre ? Un peu comme ce fût le cas avec Park Chan-Wook qui avait proposé une version alternative de Lady Vengeance, pas du meilleur goût. Le film, à la base en couleur, virait très progressivement au noir et blanc. Mais bon, Park Chan-Wook et le maniérisme, il est acquis que ça a quelque fois été pour le meilleur, et souvent pour le pire. Ce qui fait débat ici est un peu plus étonnant, venant de la part de Bong Joon-Ho, que j'ai toujours vu comme l'un des rares "très bons élèves" que le cinéma sud-coréen nous a fait découvrir depuis 20 ans...
Mon top éditeurs : 1/Carlotta 2/Gaumont 3/Studiocanal 4/Le Chat 5/Potemkine 6/Pathé 7/L'Atelier 8/Esc 9/Elephant 10/Rimini 11/Coin De Mire 12/Spectrum 13/Wildside 14/La Rabbia-Jokers 15/Sidonis 16/Artus 17/BQHL 18/Bach
Ce qui est de toutes façons étonnant c'est que Bong Joon Ho est censé avoir supervisé les deux éditions et qu'elles n'ont pas le même look...
Clear Eyes, Full Hearts Can't Lose !
« S’il est vrai que l’art commercial risque toujours de finir prostituée, il n’est pas moins vrai que l’art non commercial risque toujours de finir vieille fille ».
Erwin Panofsky
Rockatansky a écrit :Ce qui est de toutes façons étonnant c'est que Bong Joon Ho est censé avoir supervisé les deux éditions et qu'elles n'ont pas le même look...
Il doit être dans sa période Friedkin ...
Loneliness has followed me my whole life. Everywhere. In bars, in cars, sidewalks, stores, everywhere. There's no escape. I'm God's lonely man.
Encore une fois, ma remarque n'avait aucune portée universelle et définitive, je ne conteste absolument pas le fait que ça soit "plus conforme" ou mieux ou que sais je encore... c'est juste que personnellement et très subjectivement, ça me plaît moins et les défauts de la version coréenne me gênent moins (ou en tout cas, pendant moins de temps / séquences).
Et comme Juve le mentionne souvent, j'ai déjà payé plusieurs fois le film sur support physique de mon plein gré, cette fois-ci le résultat ne me convainc pas suffisamment pour que je re-claque des sous dedans, d'autant plus que je ne trouve pas les visuels et les packagings attrayants et que je ne l'apprécie pas autant que la plupart d'entre vous
Très sceptique sur les choix colorimétriques du BD La Rabbia. Pour avoir le disque CJ Entertainment, la photographie de l'édition remastérisée coréenne me semble plus fidèle par rapport ) l'expérience originelle (salle, pas en France).
tenia a écrit :Ici, c'est quand même un changement assez "linéaire" : c'est majoritairement plus sombre. Est-ce que le BR coréen était trop lumineux ? Je ne sais pas.
Et je tends à dissocier l'aspect plus épais de la nouvelle restauration, c'est peut-être purement technique et pas artistique.
Je pense que le blu-ray coréen est beaucoup trop lumineux et dispose de couleurs bien trop saturées. Il n'y a qu'à voir les captures 6 et 10 pour s'en convaincre. Les blancs sont cramés.
Il y a même un aspect téléfilm sur certaines captures (la 12), alors que la version française est beaucoup plus subtile.
Le master utilisé par la Rabbia donne au film une dimension plus cinématographique, et bien plus naturelle.
C'était le cas lors de l'expérience salle que j'ai eue (ciel gris cramé avec peu de dégradé nuageux).
Il n'y a pas franchement plus de dégradés nuageux sur le nouveau disque, mais si ton expérience salles était avec des blancs cramés, là, par contre, y a pas photo.
tenia a écrit :Il n'y a pas franchement plus de dégradés nuageux sur le nouveau disque, mais si ton expérience salles était avec des blancs cramés, là, par contre, y a pas photo.
Non je suis d'accord, je répondais surtout sur cet aspect là ; mais sur la tonalité sombre générale, je suis très sceptique, j'ai un souvenir d'une image assez charnue et vive, avec une matière organique assez liée à une colorimétrie plutôt vive. Et pas seulement sur les segments XXIe siècle comme évoqué plus haut.
Je n'ai pas vu passé d'info à ce sujet sur le forum, la nouvelle sortie salle La Rabbia : un documentaire sur Robert Mitchum, Nice girls don't stay for breakfast sortira le 27 février.
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