Je suis un peu comme toi concernant The Lady From Shanghai... Visuellement j'avais trouvé ça superbe, mais sinon je m'étais beaucoup ennuyé en le voyant. Je n'ai jamais eu le courage de lui accorder une deuxième vision tant je trouvais cette histoire chiante et sans réel intérêt...Kevin95 a écrit :car si esthétiquement le film m'avait fasciné, je confesse que, comme d'autres, l'histoire ne m'avait pas si emballée que cela!
La Dame de Shanghai (Orson Welles - 1947)
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Re: La dame de Shangaï (Orson Welles)
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Re: La dame de Shangaï (Orson Welles)
J'ai vu le film il y a deux ans de ça, et comme beaucoup, n'avait pas particulièrement aimé. En plus, je ne me souviens pas avoir été tant que ça frappé par l'aspect visuel du film, même si j'ai encore relativement en tête la scène de l'aquarium et celle des miroirs. Quant à l'histoire, sans m'ennuyer, je l'avais trouvé un peu quelconque. Je n'ai vu que peu de films de Welles, mais c'est sans doute celui qui m'a le moins plu.
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Re: La dame de Shangaï (Orson Welles)
Pareil que Solal (au début du topic). Je n'ai pas aimé ce film la première fois, vu en vhs. J'avais trouvé l'histoire bizarre, et je trouvais ça plutôt chiant. Mais j'ai quand même acheté le dvd belge, assez rapidement après sa sortie, et miracle, j'ai adoré le film en le revoyant. C'est le film de Welles que j'ai le plus vu (6 ou 7 fois je pense, contre 2 fois maximum pour ses autres films), et c'est celui pour lequel j'ai le plus de sympathie (donc). J'ai même souvent dit que c'était mon préféré (je crois bien que c'est mon préféré, difficile à dire). La réalisation est superbe, et me parait moins "tape à l'oeil" que dans la plupart de ses autres films (chose qui m'agace parfois chez Welles), de nombreuses scènes sont géniales, déjà énumérées plus haut (j'adore la scène de l'aquarium, avec les gros poiscailles en arrière plan ), les acteurs sont magnifiques, et l'ambiance est vraiment fascinante avec des dialogues de Welles et Rita débités comme dans un rêve, rêve dont s'échappera seul le personnage de Welles peu avant la fin en laissant crever à terre sa bien aimée.
Bref, très grand film en ce qui me concerne. Je recommande donc à tous ceux qui ne l'ont vu qu'une fois et qui se sont ennuyés ou qui ont même été agacé par le film de tenté une nouvelle fois.
Bref, très grand film en ce qui me concerne. Je recommande donc à tous ceux qui ne l'ont vu qu'une fois et qui se sont ennuyés ou qui ont même été agacé par le film de tenté une nouvelle fois.
Dernière modification par k-chan le 20 avr. 08, 17:47, modifié 1 fois.
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Re: La dame de Shangaï (Orson Welles)
k-chan a écrit :
Bref, très grand film en ce qui me concerne. Je recommande donc à tous ceux qui ne l'ont vu qu'une fois et qui se sont ennuyés ou qui ont même été agacé par le film de tenté une nouvelle fois.
Ainsi que pour les autres films de Welles, d'ailleurs !
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Re: La dame de Shangaï (Orson Welles)
J'ai bien aimé le film aussi, pas tout a fait tout compris... mais bon, c'est un Welles et comme d'habitude, le visuel est extraordinaire et je me laisse happé par le film.
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Re: La dame de Shangaï (Orson Welles)
Pareil. J'ai détesté la première fois que je l'ai vu.k-chan a écrit :Pareil que Solal (au début du topic). Je n'ai pas aimé ce film la première fois, vu en vhs. J'avais trouvé l'histoire bizarre, et je trouvais ça plutôt chiant. Mais j'ai quand même acheté le dvd belge, assez rapidement après sa sortie, et miracle, j'ai adoré le film en le revoyant.
Revu, par hasard quelques années plus tard, et là j'ai été scotché.
Depuis, c'est bizarre, au grès des visionnages, soit je décroche totalement, soit j'adore complètement
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Re: La dame de Shangaï (Orson Welles)
C'est l'effet Welles !
On se rend compte souvent après coup que ses films sont extraordinaires et que l'on comprend pourquoi !
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Re: La dame de Shangaï (Orson Welles)
J'aime beaucoup ce film, qui comme souvent chez Welles, prend la forme d'un rêve.
Un homme, un irlandais, erre le long d'un parc. Soudain, surgit comme une apparition, un carrosse où s'alanguit une femme. Sa beauté, son port de reine, ce fiacre qui semble provenir d'un passé lointain, tout lui rappelle ces contes qui peuplent ses rêves, quand ivre de chagrin et d'un amour imaginaire, il s'abandonne au sommeil.
Il est envouté par cette femme, qui l'entrainera dans les méandres d'une intrigue de film noir. Parce qu'il l'a rencontrée dans des circonstances si littéraires, si propices au rêve, il voit en elle une princesse, qui se mue ensuite en sirène, quand il la voit plus tard reposant sur un rocher baigné de soleil. L'image que nous nous faisons d'une femme est celle qui naît des circonstances de sa rencontre. Longtemps cette image reste indélébile, mais parfois, un détour de la vie, une dispute, ou une tromperie finit par la changer.
Dans La Dame de Shangaï, Welles raconte comment il fut envouté par Rita Hayworth, et comment il réussit par le truchement de son personnage à se libérer de cet envoutement qui confinait au vertige. La mise en scène du film rend compte de cet envoutement avec ce génie particulier propre à Welles où les images et leur assemblage, alliés à cette voix-off si littéraire et chuintante où Welles contrefait l'accent irlandais, comptent plus que le récit lui-même. La figure du vertige est ainsi au centre du film, qui fourmille en plongées (à Acapulco ou sur le bateau par exemple), contre-plongées, ou en brefs mouvements de caméra verticaux en allez-retours (la scène du fiacre au début). C'est le vertige d'un homme qui croit que la vie est le prolongement de ses rêves (n'est-ce pas finalement ce qui arriva à Welles à Hollywood ?).
Car l'irlandais s'imagine cette vie multidimensionnelle, composite, mélange d'imaginaire et de réalité. La clef de ce kaléidoscope nous est là aussi donnée par la mise en scène : les inscrustations géniales dont le film regorge (de l'aquarium au palais des glaces (dont les labyrinthes préfigurent Le Procès, Welles ayant d'ailleurs une nature d'artiste très proche de celle de Kafka)) divise la vie en ces plans différents que le rêveur n'arrive jamais à réconcilier.
Et puis, il y a dans cette Dame de Shangaï cette rapidité d'exécution, cet entrelacs d'images incessant, qui est une autre facette du génie de Welles (on peut supposer que cette rapidité était là avant l'opération de réduction du film imposée par le studio), et qui le différenciera toujours par exemple de la lenteur voulue d'un Kubrick. D'ailleurs, on pourrait à bon escient comparer La Dame de Shangaï et Eyes Wide Shut pour observer comment le cinéma peut par des moyens complètements différents traduire en images les rêves des hommes.
Un homme, un irlandais, erre le long d'un parc. Soudain, surgit comme une apparition, un carrosse où s'alanguit une femme. Sa beauté, son port de reine, ce fiacre qui semble provenir d'un passé lointain, tout lui rappelle ces contes qui peuplent ses rêves, quand ivre de chagrin et d'un amour imaginaire, il s'abandonne au sommeil.
Il est envouté par cette femme, qui l'entrainera dans les méandres d'une intrigue de film noir. Parce qu'il l'a rencontrée dans des circonstances si littéraires, si propices au rêve, il voit en elle une princesse, qui se mue ensuite en sirène, quand il la voit plus tard reposant sur un rocher baigné de soleil. L'image que nous nous faisons d'une femme est celle qui naît des circonstances de sa rencontre. Longtemps cette image reste indélébile, mais parfois, un détour de la vie, une dispute, ou une tromperie finit par la changer.
Dans La Dame de Shangaï, Welles raconte comment il fut envouté par Rita Hayworth, et comment il réussit par le truchement de son personnage à se libérer de cet envoutement qui confinait au vertige. La mise en scène du film rend compte de cet envoutement avec ce génie particulier propre à Welles où les images et leur assemblage, alliés à cette voix-off si littéraire et chuintante où Welles contrefait l'accent irlandais, comptent plus que le récit lui-même. La figure du vertige est ainsi au centre du film, qui fourmille en plongées (à Acapulco ou sur le bateau par exemple), contre-plongées, ou en brefs mouvements de caméra verticaux en allez-retours (la scène du fiacre au début). C'est le vertige d'un homme qui croit que la vie est le prolongement de ses rêves (n'est-ce pas finalement ce qui arriva à Welles à Hollywood ?).
Car l'irlandais s'imagine cette vie multidimensionnelle, composite, mélange d'imaginaire et de réalité. La clef de ce kaléidoscope nous est là aussi donnée par la mise en scène : les inscrustations géniales dont le film regorge (de l'aquarium au palais des glaces (dont les labyrinthes préfigurent Le Procès, Welles ayant d'ailleurs une nature d'artiste très proche de celle de Kafka)) divise la vie en ces plans différents que le rêveur n'arrive jamais à réconcilier.
Et puis, il y a dans cette Dame de Shangaï cette rapidité d'exécution, cet entrelacs d'images incessant, qui est une autre facette du génie de Welles (on peut supposer que cette rapidité était là avant l'opération de réduction du film imposée par le studio), et qui le différenciera toujours par exemple de la lenteur voulue d'un Kubrick. D'ailleurs, on pourrait à bon escient comparer La Dame de Shangaï et Eyes Wide Shut pour observer comment le cinéma peut par des moyens complètements différents traduire en images les rêves des hommes.
Dernière modification par Strum le 22 avr. 08, 11:51, modifié 7 fois.
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Re: La dame de Shangaï (Orson Welles)
J'ai peut etre le don de ne pas comprendre certains des plus grands chefs d'oeuvre du cinema que tout le monde ou presque comprend, ainsi j'attendais surement beaucoup trop de Citizen Kane, et j'ai vu un film admirable sur la forme mais je ne me suis jamais emballé pour ce chef d'oeuvre de Welles, par contre La dame de Shanghai chef d'oeuvre incompris y compris sur ce forum, pourtant film admirable qui baigne dans une magie des le debut, les scenes sur le bateau sont absolument sublimes, l'enigme policiere n'a rien de complexe contrairement à ce que beaucoup ont pu penser, le personnage de Grisby terriblement inqiuietant est admirablement interpreté, pour leurs separations c'est je crois un sublime cadeau que Welles offre à Rita Hayworth, elle a certes un nouveau look cheveux coupées qui ne fut guere apprecié par ses admirateurs, mais je crois qu'elle n'a jamais eté aussi belle que dans ce film tellement ce look permet de mieux faire ressortir la beauté de son regard, la scene finale est extraordinaire, on ne sait plus qui tire sur qui, Welles est vraiment au sommet de son art, je considere ce film comme un des plus grands de l'histoire du cinema, la magie du debut à la fin.
Vous conviendrez qu'il vaut mieux arroser quelqu'un que de l'assassiner. Fernando Rey : Cet obscur objet du désir.
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Re: La dame de Shangaï (Orson Welles)
C'est en effet un film que l'on peut voir et revoir car welles l'a traité avec plus de légèreté qu'il ne l'avait fait jusqu'alors.Comme l'a dit si justement J.McBride dans O.WELLES (Rivages/Cinéma) , l'histoire est traitée avec une telle désinvolture qu'il faut l'avoir vue plusieurs fois avant de voir clair dans l'intrigue , mais le film aurait pu être un succés commercial sans quelques-unes de ses provocations les plus flagrantes . Welles détruit un certains nombes de mythes romantiques dans le dénouement , cependant il satisfait un grand nombre de nos espérances tout au long du film .
La Dame de Shangai est le seul des films de Welles à être avant tout une comédie .
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Re: La dame de Shangaï (Orson Welles)
Je ne pense pas que le terme "comédie" soit approprié pour qualifier le film.rosebud a écrit :La Dame de Shangai est le seul des films de Welles à être avant tout une comédie .
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Re: La dame de Shangaï (Orson Welles)
Orson Welles est l'un de mes réalisateurs préférés. La dame de Shangaï est excellent, mais j'ai un faible pour ces films moins conventionnels comme :
Le Procès
Mr Arkadin
Macbeth
La Splendeur des Amberson
et un autre ou il n'est qu'acteur : Le Troisième homme (je le met car la réalisation me fait penser à du wells)
Le Procès
Mr Arkadin
Macbeth
La Splendeur des Amberson
et un autre ou il n'est qu'acteur : Le Troisième homme (je le met car la réalisation me fait penser à du wells)
Le cinéma, ce nouveau petit salarié de nos rêves on peut l'acheter lui, se le procurer pour une heure ou deux, comme un prostitué.
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Re: La dame de Shangaï (Orson Welles)
Différent.....?Strum a écrit :Je ne pense pas que le terme "comédie" soit approprié pour qualifier le film.rosebud a écrit :La Dame de Shangai est le seul des films de Welles à être avant tout une comédie .
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Re: La Dame de Shangaï (Orson Welles - 1946)
La dame de Shanghai
8/10
« La dame de Shanghai » est un grand film malade. Charcuté avant sa sortie, descendu en flèche par la critique, boudé par le public, trop novateur, trop dispendieux, trop bancal, ce désastre financier sonna le glas de la carrière (à peine lancée) de Welles à Hollywood.
Le film est un alliage confus de classicisme hollywoodien, de symbolisme, et de virtuosité refrénée.
Il se présente en premier lieu comme un film noir respectueux des codes. Les images sont, pour commencer, accompagnées d'une voix-off très littéraire qui plante le décor et les personnages. Ensuite l'intrigue s'élance doucement, puis se complexifie, avant de devenir pleinement alambiquée, pour ne pas dire incompréhensible. Enfin, le dénouement, fidèle au code du genre, explique dans une tirade le fin mot de l'histoire pour apaiser et désembuer nos esprits cartésiens. Sur le fond, donc, on est clairement en présence d'un film noir standard aux ficelles un peu lourdes, avec son avocat véreux, sa femme fatale, et sa galerie de personnages inquiétants. Mais, sur la forme, tout se complique, puisque le film se déroule en plein jour, dans des décors multiples et baroques (un yatch, un village mexicain, un quartier chinois, un parc d'attraction abandonné...), et semble être une déconstruction minutieuse des habitudes cinématographiques.
Dans « La dame de Shanghai » on sera également sans cesse surpris de voir accolées bout à bout des scènes très classiques, très hollywoodiennes, et des plans purement wellesiens, à l'esthétique très (et presque trop) travaillée. Cet éclectisme déroutant est sûrement imputable au fait que le film ait été remonté sans scrupule par Harry Cohn, le tyrannique patron de la Columbia. Mais au final, mieux vaut se laisser transporter par ces invraisemblances que de regretter un film pur (et peut-être parfait) qui n'existe plus. D'autant que, malgré les coupes et les raccommodages, certaines scènes gardent toute leur intensité. C'est le cas par exemple de la splendide séquence finale, fameuse à juste titre, qui se déroule dans une surréaliste galerie de miroirs.
Alors que le film était destiné à le faire entrer les deux pieds dans le système, Orson Welles semble y régler définitivement ses comptes avec Hollywood. Il démystifie la star, enterre le romantisme, et critique la réussite sociale (si chère à la culture américaine), avec ses grand hommes riches qui se dévorent entre eux et leurs femmes beaucoup trop belles, vénales et vénéneuses. Quant à sa femme, la merveilleuse Rita Hayworth, que les studios avaient transformée en rousse incendiaire, il lui coupe les cheveux et la rend blonde platine. Un sacrilège que la Columbia et le public ne lui pardonneront pas. Pourtant, quelle beauté, glaciale et irréelle, transpire de ce visage neuf, totalement remodelé! Rita aura rarement été aussi lumineuse que dans ce corps de déesse blonde, si éloigné de sa vraie nature.
Découvrir ce film a aussi le don d'éveiller l'intérêt pour le couple Welles-Hayworth, « la belle et le cerveau » comme on les surnommait. Leur mariage partait déjà à la dérive quand ils se lancèrent dans le tournage de « La dame de Shanghai ». Le film n'est pas un écrin pour la star, mais bel et bien un cadeau de rupture, et il prend une dimension supplémentaire quand on le voit comme tel.
« J'aurais dû écouter ma raison. Mais après l'avoir vue une fois, une seule fois, je n'ai longtemps plus été en mesure de penser rationnellement » Cette phrase prononcée par Welles au début du film, n'est-elle pas la justification de l'amour passionnel et illusoire qu'il portait à Rita, cette image sur papier glacé, à la fois star et femme ordinaire? Et pour finir, Orson Welles clôt son film et quitte la femme qu'il aime sur cette phrase magnifique et lourde de sens : « Peut-être vivrais-je assez longtemps pour l'oublier, peut être mourrais-je en essayant ».
« La dame de Shanghai » est un film complexe et beau, dont le charme poursuit puis s'éteint, lentement, au détour d'un autre rêve...
Le film est un alliage confus de classicisme hollywoodien, de symbolisme, et de virtuosité refrénée.
Il se présente en premier lieu comme un film noir respectueux des codes. Les images sont, pour commencer, accompagnées d'une voix-off très littéraire qui plante le décor et les personnages. Ensuite l'intrigue s'élance doucement, puis se complexifie, avant de devenir pleinement alambiquée, pour ne pas dire incompréhensible. Enfin, le dénouement, fidèle au code du genre, explique dans une tirade le fin mot de l'histoire pour apaiser et désembuer nos esprits cartésiens. Sur le fond, donc, on est clairement en présence d'un film noir standard aux ficelles un peu lourdes, avec son avocat véreux, sa femme fatale, et sa galerie de personnages inquiétants. Mais, sur la forme, tout se complique, puisque le film se déroule en plein jour, dans des décors multiples et baroques (un yatch, un village mexicain, un quartier chinois, un parc d'attraction abandonné...), et semble être une déconstruction minutieuse des habitudes cinématographiques.
Dans « La dame de Shanghai » on sera également sans cesse surpris de voir accolées bout à bout des scènes très classiques, très hollywoodiennes, et des plans purement wellesiens, à l'esthétique très (et presque trop) travaillée. Cet éclectisme déroutant est sûrement imputable au fait que le film ait été remonté sans scrupule par Harry Cohn, le tyrannique patron de la Columbia. Mais au final, mieux vaut se laisser transporter par ces invraisemblances que de regretter un film pur (et peut-être parfait) qui n'existe plus. D'autant que, malgré les coupes et les raccommodages, certaines scènes gardent toute leur intensité. C'est le cas par exemple de la splendide séquence finale, fameuse à juste titre, qui se déroule dans une surréaliste galerie de miroirs.
Alors que le film était destiné à le faire entrer les deux pieds dans le système, Orson Welles semble y régler définitivement ses comptes avec Hollywood. Il démystifie la star, enterre le romantisme, et critique la réussite sociale (si chère à la culture américaine), avec ses grand hommes riches qui se dévorent entre eux et leurs femmes beaucoup trop belles, vénales et vénéneuses. Quant à sa femme, la merveilleuse Rita Hayworth, que les studios avaient transformée en rousse incendiaire, il lui coupe les cheveux et la rend blonde platine. Un sacrilège que la Columbia et le public ne lui pardonneront pas. Pourtant, quelle beauté, glaciale et irréelle, transpire de ce visage neuf, totalement remodelé! Rita aura rarement été aussi lumineuse que dans ce corps de déesse blonde, si éloigné de sa vraie nature.
Découvrir ce film a aussi le don d'éveiller l'intérêt pour le couple Welles-Hayworth, « la belle et le cerveau » comme on les surnommait. Leur mariage partait déjà à la dérive quand ils se lancèrent dans le tournage de « La dame de Shanghai ». Le film n'est pas un écrin pour la star, mais bel et bien un cadeau de rupture, et il prend une dimension supplémentaire quand on le voit comme tel.
« J'aurais dû écouter ma raison. Mais après l'avoir vue une fois, une seule fois, je n'ai longtemps plus été en mesure de penser rationnellement » Cette phrase prononcée par Welles au début du film, n'est-elle pas la justification de l'amour passionnel et illusoire qu'il portait à Rita, cette image sur papier glacé, à la fois star et femme ordinaire? Et pour finir, Orson Welles clôt son film et quitte la femme qu'il aime sur cette phrase magnifique et lourde de sens : « Peut-être vivrais-je assez longtemps pour l'oublier, peut être mourrais-je en essayant ».
« La dame de Shanghai » est un film complexe et beau, dont le charme poursuit puis s'éteint, lentement, au détour d'un autre rêve...
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- Localisation : Comme Mary Henry : au fond du lac
Re: La Dame de Shangaï (Orson Welles - 1946)
Le fantastique site de l'INA vient de mettre en ligne une curiosité : l'adaptation radiophonique de La dame de Shanghai, diffusée le 8 janvier 1949 sur la chaîne nationale de la RDF, époque où un téléviseur n'était encore qu'un coûteux gadget hi-tech réservé à quelques dizaines d'élus.
Evidemment, ça a bien mal vieilli, demande beaucoup d'indulgence et n'atteint pas la cheville du chef d'oeuvre de Welles mais la distribution peut faire saliver :
Arletty, Dalio, Louis Seigner, Jane Marken, le génial Temerson (grande figure des seconds couteaux à la bouche et au phrasé caoutchouteux)...
http://boutique.ina.fr/audio/fictions-e ... ai.fr.html
Evidemment, ça a bien mal vieilli, demande beaucoup d'indulgence et n'atteint pas la cheville du chef d'oeuvre de Welles mais la distribution peut faire saliver :
Arletty, Dalio, Louis Seigner, Jane Marken, le génial Temerson (grande figure des seconds couteaux à la bouche et au phrasé caoutchouteux)...
http://boutique.ina.fr/audio/fictions-e ... ai.fr.html
The difference between life and the movies is that a script has to make sense, and life doesn't.
Joseph L. Mankiewicz
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