Henry King (1886-1982)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Federico
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Re: Henry King (1886-1982)

Message par Federico »

Jeanne Crain au bain, m'est avis que Noël approche... :uhuh:
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Demi-Lune
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Re: Henry King (1886-1982)

Message par Demi-Lune »

Échec à Borgia (1949)

A tous ceux que les films historiques intéressent, je recommande la découverte du film d'Henry King Échec à Borgia.
Quelques raisons à cela. D'une part, pour Orson Welles, impérial en Cesare Borgia. Inconsciemment peut-être, le film porte d'ailleurs un peu sa marque que ce soit au niveau plastique (certains cadrages qui annoncent Othello) ou des acteurs (Everett Sloane, le mari de La Dame de Shanghai). D'autre part, le cinéma s'est peu intéressé à la Renaissance et ce film, en allant tourner en décors réels italiens, est une petite splendeur esthétique (la finition des costumes est superbe) et probablement l'un des mieux foutus sur l'époque. Le scénario est plutôt pas mal avec un Tyrone Power qui ruse parmi les différentes ambitions pour mener sa barque - il y a un petit côté Miller's Crossing, toutes proportions gardées bien entendu. C'est un film d'intrigues, à la Machiavel quoi. Ne vous attendez pas à un truc trash et soap à la série Borgia. Ça ne passionnera peut-être pas tout le monde mais en ce qui me concerne, la surprise n'en est que meilleure.

(Gros) Aperçu :
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Jeremy Fox
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Re: Henry King (1886-1982)

Message par Jeremy Fox »

Demi-Lune a écrit :Échec à Borgia (1949)

A tous ceux que les films historiques intéressent, je recommande la découverte du film d'Henry King Échec à Borgia.

Et moi donc. L'un de ses innombrables très beaux films.
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Cathy
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Re: Henry King (1886-1982)

Message par Cathy »

Demi-Lune a écrit :
A tous ceux que les films historiques intéressent, je recommande la découverte du film d'Henry King Échec à Borgia.
Très beau certes, mais aussi très casse-pieds, un des films qui m'a fait comprendre que je n'aimais pas plus que cela les films d'Henry King :oops: ! Enfin sans doute son cinéma historique, Capitaine de Castille m'avait aussi particulièrement barbée :oops:
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Demi-Lune
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Re: Henry King (1886-1982)

Message par Demi-Lune »

Cathy a écrit :
Demi-Lune a écrit :
A tous ceux que les films historiques intéressent, je recommande la découverte du film d'Henry King Échec à Borgia.
Très beau certes, mais aussi très casse-pieds, un des films qui m'a fait comprendre que je n'aimais pas plus que cela les films d'Henry King :oops: !
Ah tiens. Qu'est-ce qui t'a cassé les pieds ?
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Cathy
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Re: Henry King (1886-1982)

Message par Cathy »

Demi-Lune a écrit :
Cathy a écrit :
Très beau certes, mais aussi très casse-pieds, un des films qui m'a fait comprendre que je n'aimais pas plus que cela les films d'Henry King :oops: !
Ah tiens. Qu'est-ce qui t'a cassé les pieds ?
L'histoire m'avait ennuyée, cela fait un bout de temps que je l'ai vu, il faut que je retrouve ma critique !

Une fois encore, Henry King réalise un film d'aventures mêlant fiction et histoire réelle. Au départ on pense que l'on va avoir droit à une histoire de Lucrezia Borgia mais pas du tout, ce sera les aventures d'un parvenu, un ancien paysan qui a réussi grâce à ses talents "politiques" et de séduction. Le film a été tourné entièrement ou presque en Italie et les décors naturels, palais, cité de San Marin, sont absolument magnifiques, les reconstitutions des costumes sont superbes, toutefois, dommage que les peintures liées à Orsini ne semblent pas être d'époque. Le film montre naturellement une fois encore peu de scènes d'action et se base surtout sur les relations humaines entre les différents personnages. Il y a quand même la sublime attaque de la Cita dell Monte à grand renfort de catapultes d'huile bouillante, d'échelles, ainsi que la très belle reconstitution du Carnaval avec ces figures typiques. Toutefois le rythme du film est assez lent et conduit assez vite à l'ennui, même si la scène de l'arrachage des yeux est absolument épouvantable. Le film repose sur Tyrone Power qui campe un Orsini séducteur, Orson Welles un peu sous-employé finalement même s'il apparaît un magnifique Cesar Borgia, Wanda Hendricx est charmante en jeune femme du comte de la Cita del Monte et puis surtout Everett Sloane, qui campe un inquiétant et angoissant traitre. Bref une belle reconstitution pour un film au rythme malheureusement un peu lent et peu passionnant.
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Re: Henry King (1886-1982)

Message par Rick Blaine »

Je me retrouve bien dans l'avis de Cathy.
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cinephage
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Re: Henry King (1886-1982)

Message par cinephage »

Pour ma part, j'apprécie beaucoup Henry King, et Echec à Borgia ne m'avait pas spécialement ennuyé. Certes, c'est un réalisateur qui laisse une grande part de son récit reposer sur la splendeur de ses images, mais le récit d'ensemble est un film d'aventure sympathique et accrocheur, avec une très belle séquence d'attaque de chateau-fort.

Capitaine de Castille m'avait aussi bien plu, même s'il faut reconnaître qu'on y trouve encore moins d'action, mais plutôt des paysages splendides et des hommes qui rêvent en regardant les étoiles. Personnellement, j'y trouve largement mon compte.
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Re: Henry King (1886-1982)

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Wait 'Til the Sun Shines, Nellie

1952
Scénario : Allan Scott et Maxwell Shane d'après un roman de Ferdinand Reyher
Image : Leon Shamroy
Musique : Alfred Newman
Produit par George Jessel
Twentieth Century Fox

Durée : 109 min

Avec :
David Wayne (Ben Halper)
Jean Peters (Nellie Harper)
Bill Walker (Trooper)
Hugh marlowe (Ed Jordan)
Albert Dekker (Lloyd Slocum)
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Le jour des célébrations du cinquantième anniversaire de la fondation de Sevillinois, une petite ville proche de Chicago, les journalistes se pressent autour du sénateur Slocum, qui avait été jadis le premier maire de la ville, afin de recueillir confidences et anecdotes sur la vie au temps des pionniers, mais celui ci étant indisponible, les journalistes se tournent vers Ben Halper, un ancien barbier qui avant même qu'on ne le sollicite, allongé dans un fauteuil de son ancienne échoppe, commence à se remémorer ses souvenirs. Il se revoie dans le train en route pour l'Illinois le jour de ses noces avec la jeune et belle Nellie, mais alors que celle ci ne rêve que de Chicago, Ben croyant lui faire une bonne surprise les fait descendre à Sevillinois ou il lui fait découvrir fièrement l'échoppe de barbier qu'il prétend avoir loué. En réalité, cette première affaire, il s'en est porté secrètement acquéreur et le couple s'installe dans sa nouvelle vie…Les premiers clients, les premiers amis, puis les premiers employés…et deux enfants. Alors que Nellie rêve toujours d'ailleurs, de grandes villes et de grande vie, de Chicago et de Paris, Ben tout au contraire fait tout pour que la famille s'enracine dans la petite ville. Les contradictions entre les aspirations de Ben et ceux de sa famille entraineront des drames. Ce sont les drames intimes de cette famille que nous suivrons sur 50 ans avec en toile de fond les évènements historiques majeurs de la fin du 19ème siècle jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale.
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Un film précédé d'une excellente réputation et qui s'est fait longuement attendre mais qui se révèle à la hauteur de sa très bonne réputation. 1er point, l'affiche est incroyablement trompeuse. Pour un peu, on se croirait dans une comédie musicale, or c'est un pur Americana, par un des grands metteurs en scène de ce courant de la littérature puis du cinéma américain mais si c'est l'un plus beaux films du genre que j'ai pu voir jusque là, c'est aussi un des plus sombre, sinon le plus sombre en raison de la personnalité singulière suivie par henry King. Le petit barbier borné, égoïste et dissimulateur, se trompe tout le temps entrainant des drames qui toucheront plusieurs membres de la famille. La frivole et pétillante Nellie n'acceptera provisoirement les manières de son époux qu'en raison de son profond attachement à lui, mais elle finira par se révolter quand à la faveur de l'absence de Ben appelé à combattre au cours de la guerre hispano-américaine, elle s'apercevra qu'au fil du temps et à l'insu de sa femme, Ben, contrairement à ses promesses réitérées, avait tout fait, accumulant notamment les titres de propriété -et achetant même une concession dans le cimetière de la ville- pour rendre inéluctable l'enracinement de la famille dans cette petite ville. Cette homme n'est pourtant jamais montré comme un abominable tyran domestique n'en ayant pas l'air. Le gentil et jovial barbier a beau avoir des manières douces et tranquilles, il est montré comme un homme de son temps qui prend en charge les affaires de la famille et ne laisse pas la parole aux autres. Henry King et ses scénaristes ne lui font jamais prononcer de discours rigoristes, le puritanisme n'est jamais apparent chez lui mais il transparait dans toutes les décisions qu' il prend. S'il refuse malgré ses promesses réitérées d'emmener sa femme en ville, c'est sans doute par peur de voir sa jolie femme s'évaporer dans la ville tentatrice. Plus tard, il refusera que son fils poursuive sa vocation d'artiste. Or, toutes ses décisions conduiront à la catastrophe et à la mort dramatique de certains des êtres chers.
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Le seul reproche que l'on pourrait faire à ce film est que l'intrigue est presque exclusivement centrée sur le personnage du barbier et ceux/ce qui gravite autour de lui. En terme de mise en scène c'est remarquable car on aura eu l'impression d'avoir été plongé au coeur de la petite communauté mais au bout du parcours, on s'aperçoit qu'en réalité, on en a presque rien vu. Point de scènes "communautaires" dans l'église, le tribunal, le bal, etc... et on apprend relativement peu de choses sur les personnages secondaires ou sur la vie quotidienne à Sevillinois. Toute l'action est centrée sur Ben : on suit l'activité de la boutique, ses clients et Henry King nous montre la ville essentiellement à travers les vitres de l'échoppe. Si l'on sort tout de même, c'est le soir après le travail. Toutes les scènes nocturnes sont d'ailleurs plastiquement superbes, Leon Shamroy réussissant grâce à un éclairage savant à donner beaucoup de relief aux scènes d'intérieur plongées dans une demi-pénombre dans lesquelles se détachent quelques points de couleurs : Une cheminée, les visages clairs qui se détachent sur des habits sombres et…les éclairs de couleurs des robes de Nellie. Henry King se sert aussi à plusieurs reprises de simples objets du quotidien comme des symboles de la situation vécue par les personnages. Un simple tube de rouge à lèvres lui permet de montrer que les rêves d'ailleurs de Nellie sont intacts. Elle fait l'acquisition d'un tube, "l'inaugure" un soir de fête malgré le désaccord préalable de Ben. Le rouge qu'elle lui transmet en l'embrassant l'amuse et le détend mais plus tard, c'est ce même rouge à lèvres qui entrainera un baiser volé…prémisse d'un drame à venir. Figure récurrente, le chant -encore une activité communautaire souvent présente dans le genre- occupe une petite place dans ce film. Les 4 amis proches de Ben chante à plusieurs reprises en choeur la chanson de Nellie, émouvante et nostalgique. En revanche, l'irruption du milieu du gangstérisme dans le genre est inédite, très réussie…et très inattendue. Je n'en dirais par conséquent pas plus.
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Ce film était bizarrement resté inédit en France et demeure assez méconnu, tellement méconnu que Jean Tulard qui parle du film comme d'une comédie…ne doit pas l'avoir vu ou alors en état d'ébriété. Tavernier/Coursodon disent grand bien du film, tout comme Jacques Lourcelles, une fois de plus remarquable même s'il voit dans le personnage du barbier "un petit notable local" et " un être monstrueux", or je n'irais pas jusque là. Pour le 1er point, à aucun moment, la condition sociale des protagonistes n'intéresse le metteur en scène et d'ailleurs la profession des amis et proches d'Halper n'est presque jamais évoquée. Pareil pour les rapports de classe, contrairement à bien d'autres films de l'époque et même du genre , le domestique -je devrais même dire l'employé- noir de la boutique mais qui est aussi l'homme a tout faire de la maison, n'est traité avec condescendance. C'est même dans la première partie du récit, le premier personnage secondaire du film et a plusieurs reprises il participe aux conversations regardant le famille puis prend parti contre son patron et le critique vertement.
Passé au moins une fois sur une chaine française. DVD édité en zone 1 dans la collection Cinéma Archives de la Fox mais apparemment la copie proposée est assez mauvaise.
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Re: Henry King (1886-1982)

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Deep Waters

1948
Scénario : Richard Murphy d'après un roman de Ruth Moore
Image : Joseph LaShelle
Musique : Cyril J. Mockridge et Alfred Newman
Produit par Samuel G. Engel
Twentieth Century Fox

Durée : 85 min

Avec Dana Andrews (Hod Stillwell)
Jean Peters (Ann Freeman)
Dean Stockwell (Donnie Mitchell)
Cesar Romero (Joe Sanger)
Anne Revere (Mme McKay)
Ed Begley (Josh Hovey)

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Ann Freeman, une assistante sociale revient dans le petit port de pêche du Maine dans lequel elle a grandit accompagné d'un jeune garçon turbulent qu'elle confie à la garde d'une mère d'accueil, Mme Mckay. Dès son retour, elle rompt ses fiançailles avec Hod Stillwell, un petit patron pêcheur, ne désirant plus épouser un homme dont elle ne sait pas s'il sera de retour à l'issu de chacune de ses sorties en mer, une angoisse qu'elle a connu puisqu'elle est originaire du même milieu. L'enfant aussi et il a même perdu 2 membres de sa famille en mer, son père et son oncle. Ces marins étaient même des amis de Stillwell, aussi, quand il apprend l'identité de l'enfant, il se prend de sympathie pour lui et commence à l'emmener en mer accompagné par Joe Sanger, son employé portugais .
L'enfant y prend très vite gout et semble à son tour irrésistiblement attiré par la mer. Une attirance qu'Ann Freeman tentera à tout prix de briser...

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Henry King traite honorablement son sujet en évitant tous les écueils potentiels d'un sujet dangereux mais sans parvenir pour autant à rendre le récit ni très passionnant ni très émouvant. Le scénario se développe en effet sans la moindre surprise et Henry King et ses scénaristes ont oublié de développer certains aspects qui auraient rendu plus crédible et "véridique" les préoccupations de Ann et plus globalement celles de l'entourage des marins. La peinture du milieu évoquée semble constamment artificielle et même si c'est l'obsession permanente des famille, on est jamais confronté aux fameux dangers de la mer. La pêche tel que la pratiquent le langoustier Stillwell et son assistant Sanger a même l'air assez tranquille…et je suis persuadé que même si on les avaient surpris à l'improviste, les acteurs devaient sentir bon…et çà se sent à l'écran. On peut dire la même chose du personnage interprété par Jean Peters, elle sent trop bon et elle est assez peu convaincante en travailleuse sociale. De plus, tout du long elle se contente de son discours "de filles" :mrgreen: Attention ! C'est chaud/dangereux/mal payé/ (rayez la/les mentions inutiles). Or, ces discours réitérés sur les dangers de la mer qui emportent les hommes sont lassants et répétitifs. Dana Andrews fournit son minimum en marin même pas bourru qui s'attache très vite à cette enfant dont il avait connu les parents disparus. Le personnage le plus vrai serait finalement l'enfant même si tout ce qui tourne autour de son passé aurait mérité d'être plus développé, notamment son histoire familiale mais King a voulu éviter les larmes. Il n'en reste pas moins que le portrait d'un enfant en perdition, sans repères, dissimulateur, menteur, fugueur et voleur est le plus juste et le plus honnête de tous les principaux personnages.

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Parmi les seconds rôles, on retrouve Anne Revere en mère d'accueil sévère…mais finalement elle a bon coeur (Étonnant, non ?) puis Ed Begley, en armateur prospère (et généreux avec les amis dans le besoin) et surtout Cesar Romero qui est l'employé de Stillwell. C'est le seul personnage traité avec humour. En général, ce genre de personnages est souvent haut-en-couleur, tape souvent dans la bouteille, etc...lui non mais à 5 ou 6 reprises il expose ses projets de "terrien" tous plus ou moins farfelus et lui aussi rêve de reconversion professionnelle. C'est en quelques sorte la version comique et tout à fait concrète du discours des autres personnages qui évoquent la dureté du métier de marin et les dangers auxquels ses hommes s'exposent. On le voit ainsi concevoir plusieurs projets qui ne marchent jamais. Il épluche les magazines en vue d''y trouver l'idée lumineuse qui lui permettra d'échapper à sa condition : La culture des petits pois, l'élevage de vison puis celui de lapin (mais manque de chance, il s'avère que son premier couple est constitué -comme il le dit- ...de 2 Charlie) puis il s'essaiera à l'élevage de poule. Amusant mais répétitif. Bilan mitigé. Ce n'est pas un mauvais film mais on l'oublie facilement. Celui ci est aussi demeuré inédit en France mais il était sorti en Belgique sous le titre L'orphelin de la mer. Il a été diffusé au moins une fois sur une chaine française. Comme le précédent, il a été édité aux USA dans la collection Archives de la Fox.

A la fin du film, on a enfin la scène permettant de justifier à postériori les inquiétudes des terriens : une spectaculaire tempête et un sauvetage en mer qui valurent au responsable des effets spéciaux une nomination à l'oscar :

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Re: Henry King (1886-1982)

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Capitaine King (King of the Khyber Rifles)

1953
Scénario : Ivan Goff et Ben Roberts
Image : Leon Shamroy
Musique : Bernard Herrmann
Produit par Frank P. Rosenberg
Twentieth Century Fox

Durée : 100 min

Avec :
Tyrone Power (Le capitaine Alan King)
Terry Moore (Susan Maitland)
Michael Rennie (Le général Maitland)
John Justin (Le Lieutenant Heath)
Guy Rolfe (Karram Khan)

En 1857, un officier britannique, le capitaine King est muté dans un fort proche de la ville de Peshawar en Inde. Lorsque certains officiers découvrent que King est un métis dont le père était un officier britannique et la mère une indienne musulmane, ils le repoussent plus ou moins discrètement, l'excluant du cercle des officiers. Après la mort de ses parents tués au cours de la dernière grande révolte indienne 25 ans plus tôt, King avait même passé son enfance à Peshawar et avait été élevé par Hamid Bara, un notable musulman. De retour dans la région, Il recherche ce père adoptif, le retrouve et apprend ainsi que le fils d'hamid et par conséquent son presque demi-frère se fait appeler désormais Khurram Khan, qu'il a pris la tête de la révolte contre l'occupant britannique dans la région et qu'il occupe avec ses hommes un tertre réputé imprenable. Ravivée par l'action souterraine des mollahs, une révolte générale de tout le pays se prépare. Des attaques sporadiques ont lieu et une patrouille est même capturée par les hommes de Khurram Kahn. Le capitaine King obtient alors l'autorisation de se rendre seul à la rencontre de son vieil ami…
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Un remake du premier film parlant de John Ford, The Black Watch, réalisé en 1929. C'est l'un des rares films qui évoquent la première guerre d'indépendance indienne de 1857-1859. Dans les développements de l'histoire, on suivra les péripéties en partie historique d'un aspect de cette révolte, celle des soldats indigènes, les Cipayes, ici ceux de la fameuse Khyber Rifles du titre américain (que l'on peut interpréter comme un jeu de mot un peu ironique). Ces supplétifs étaient chargés notamment de surveiller la Khyber Pass ou s'étaient réfugiée des rebelles indiens (Dans le film d'Henry King, Khurram Khan et ses hommes). La mutinerie des cipayes a été déclenché au moment de l'arrivée en Inde d'une nouvelle arme, le fusil Endfield pour laquelle les soldats devait déchirer les cartouches en papier avec les dents pour mettre la poudre dans le canon avant d’y introduire la balle ; cette cartouche étant lubrifiée avec du suif (graisse de porc ou de bœuf), le procédé fut jugé inacceptable par les hindous et les musulmans qui refusèrent de se servir de cette arme nouvelle et se retournèrent même contre l'occupant anglais, s'estimant victime de provocations et de vexations de leur part. Cependant, quelques officiers gagnèrent semble t'il la sympathie de leurs supplétifs. C'est sans doute l'un de ces personnages "historiques" qui a inspiré le personnage du capitaine King dans le roman de Talbot Mundy puis dans les adaptations cinématographiques de John Ford puis de Henry King. Les évènements décrits plus haut sont tous relatés dans le film d'Henry King mais récupérés et remis à la sauce Hollywoodienne pour montrer une "réalité" acceptable par le public anglais car cette première grande révolte indienne qui impliqua aussi la noblesse et bien sûr la paysannerie se termina dans un bain de sang et fit entre 500 000 et 1 000 000 de morts coté indien. La "révision" que propose le film entraina l'interdiction du film en Inde.
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Les actes douteux ou tout au moins discutables du capitaine King que l'on verra dans la deuxième partie du film qui appartient presque totalement au film d'aventure et au film de guerre s'explique sans doute par ce qui est montré dans la première partie du film, l'arrivée de King dans la garnison et le racisme qu'il subissait de la part des autres officiers. Très vite cet aspect était intégré et même noyé dans l'intrigue amoureuse. Le problème de discrimination raciale se déplaçait donc lorsque Susan, la fille du général commandant la garnison tombait amoureuse du capitaine King. Le général Maitland semble d'abord appuyer King lorsqu'il constate la mise à l'écart de l'officier par ses collègues mais cet appui connaitra quelques limites quand il s'apercevra que l'amour éprouvé par sa fille est plus qu'une simple amourette. Comme souvent avec ce metteur en scène, même lorsqu'il est relativement peu inspiré, c'est visuellement que l'on trouve toujours plaisir à le suivre. Les rencontres obligatoirement discrètes entre Susan et King sont filmées de manière absolument sublime, notamment une longue séquence nocturne au cours de laquelle, en marge du bal dont l'accès a été refusé à King car en tant que métis il n'a pas le droit de rentrer dans le cercle des officiers ni de les fréquenter en dehors du service, Susan quitte le bal, rejoint King sur une terrasse discrète ou ils improvisent un merveilleux bal à deux visuellement splendide. Cette séquence est encore prolongée par une autre rencontre secrète dans le désert puis dans les ruines d'un temple abandonné au sable. C'est la scène qui fournit d'ailleurs la transition entre la romance contrariée et le film de guerre car ils sont attaqués par des rebelles indiens au cours de cette escapade amoureuse.
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A partir de là, çà se gâte une peu, en tout cas si l'on considère qu'une vérité historique un peu trop "violée" est un critère valable pour moins estimer le spectacle que l'on regarde car visuellement encore une fois, on n'est pas déçu. Pour moi (malheureusement) parfois la morale véhiculée par un personnage et d'une manière plus générale, par le film lui même compte un peu pour le juger, or ici la morale du capitaine King est douteuse et je pense qu'Henry King épouse son point de vue. On peut interpréter les actes du capitaine King au cours de la seconde partie du film comme une manière d'être enfin reconnu comme un "vrai" britannique. Bien que rejeté par les anglais, ou pour cette raison, il espère sans doute par sa bravoure, par une forme de trahison et par le sacrifice d'une part de lui-même, obtenir son brevet de britannique en massacrant ses "semblables". Intéressant mais un peu ambiguë pour ne pas dire gênant…surtout que Henry King et ses scénaristes utilisent pour montrer cette évolution, des évènements qui trahissent la vérité historique. On voit ainsi le capitaine King menacer ses supplétifs lorsque ceux ci -informés de la présence de porc dans les amorces des fusils- refusent de se servir de leurs armes, mais malgré tout, à force de menaces et de persuasion, ils finissent par céder et il obtient leur collaboration dans le massacre de leurs "frères". Or, les auxiliaires Cipayes qui suivent l'officier britannique et l'appuie contre les rebelles indiens, si cela donne de formidables séquences d'attaque nocturne, c'est historiquement faux. Cela dit, j'ai parfaitement conscience que l'on peut éprouver beaucoup de plaisir au visionnage de ce film en se moquant éperdument des réserves que je pose, surtout que certains pourront considérer que King agit simplement en fonction de son devoir et que les rebelles Indiens ont bien cherché ce qui leur arrivent. Je parlais de grande histoire, or, on regarde aussi les films en trimbalant la notre, la petite...

Photo sublime de leon Shamroy. Musique très Herrmanienne de Bernard. Passé à la télévision chez nous. En 1954, Lazlo Benedek a réalisé un film intitulé La révolte des Cipayes (Bengal Brigade) mais ce film n'évoque pas du tout les mêmes évènements mais une révolte qui eu lieu à la fin du 19ème siècle. On y retrouvait Rock Hudson et Arlene Dahl. Ce film a aussi été diffusé à la tv chez nous, à priori seulement en vf.
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Re: Henry King (1886-1982)

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Tant que soufflera la tempête (Untamed)
1955
Réalisation : Henry King
Scénario : Michael Blankfort, Frank Fenton et Talbot Jennings
et adaptation de William A. Bacher d'après un roman de Helga Moray
Image : Leo Tover
Musique : Frank Waxman
Produit par William A. Bacher, Bert E. Friedlob, Gerd Oswald
Twentieth Century Fox

111 min

Avec :

Tyrone Power (Paul Van Riebeck)
Susan Hayward (Katie O'Neill Kildare)
Richard Egan (Kurt Hout)
Agnes Moorehead (Aggie)
Rita Moreno (Julia)
John Justin (Shawn Kildare)
Hope Emerson (Maria)
Brad Dexter (Lt. Christian)
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Paul Van Riebeck, un citoyen sud-africain d'origine hollandaise, séjourne en Irlande pour y acheter des chevaux. Il semble d'abord ignorer la fille de ses hôtes, Kathie O'Neal qui est tombée amoureuse de lui mais peu avant son retour ils deviennent finalement amants. Paul refuse néanmoins que Kathie quitte son pays pour lui car il ne souhaite pas perdre sa liberté pour une femme. Il lui avoue ses ambitions politiques. Dans son pays, il a pris la tête d'une rébellion d'immigrants d'origine néerlandaise rêvant de l'indépendance de leur territoire et c'est pour le moment le seul but de sa vie. Il repart donc seul. Dans les années qui suivent, la maladie de la pomme de terre s'étend à toute l'Irlande, entrainant de terribles famines et provoquant l'émigration de millions d'irlandais. Kathie décide elle même de partir pour l'Afrique du Sud avec son mari et leur premier enfant. A peine descendus du bateau, ils se joignent à un groupe d'immigrants de toutes origines qui prennent le chemin d'une région sauvage du nord du pays ou l'on donne de la terre aux nouveaux arrivants mais c'est aussi un territoire en guerre. Paul Van Riebeck et ses commandos s'y battent toujours contre les zoulous et les anglais. La caravane commandée par le guide Kurt Hout se met en route vers les territoires du nord situés à 1500 km de là mais le parcours est semé d'embuches…

Un film construit en plusieurs parties. Un préambule Irlandais de 10 minutes, puis le parcours d'une caravane d'immigrants en territoire hostile -et donc un western africain- pendant 40 minutes et enfin l'arrivée en terre promise et une romance impliquant les 3 personnages principaux avec pour toile de fond la guerre menée par les hollandais pour tenter de constituer un état libre. Le film est excellent jusqu'à cette dernière partie qui est selon moi assez pénible mais avant çà, le film était au minimum très divertissant. Nombreux sont les films à avoir montrés les accidents et incidents divers de LA caravane de pionniers en route pour le territoire libre dans lequel tout est à construire. Heu, libre ? Pas tout à fait…D'ailleurs les zoulous tiennent le rôle tenu par les indiens dans le Western mais Henry King se contente d'une très longue séquence magnifiquement filmée : l'attaque de la caravane par des milliers de Zoulous. Du western, on retrouve même à l'identique des scènes entières vues 50 fois : l'attaque des autochtones est imminente alors on met les charriots en cercle et on attend. Les lances, les peaux de félins et les plumes d'autruche remplaçant simplement les flèches, les peaux de bison et les plumes d'aigle. Visuellement tout ceci est splendide. Henry King prend son temps pour filmer l'attente et les préparatifs du combat et filme dans de longs panoramiques les danses de guerre exécutées par les milliers de figurants parés de leurs plus beaux habits sur fond de percussions africaines. On a même droit à l'arrivée de la cavalerie, les soldats en bleu étant remplacés ici par Van Riebeck et ses mercenaires hollandais. Il arrive d'ailleurs au bon moment car au cours de l'attaque le mari de Kathie trouve opportunément la mort...mais il trouve aussi un rival car Kurt, le chef de l'expédition a lui aussi des vues sur son ancienne maitresse. C'est selon moi le début du désastre et la bascule navrante du récit…
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Spoiler (cliquez pour afficher)
Pour la suite, j'ai repris la grève du smiley (oui, c'est çà l'objet du spoiler)
On apprend peu de choses par la suite mis à part que l'homme d'action trouve sans doute quelques avantages à partager la vie d'une femme mais que forcément, séparé de ses copains, il s'étiole et mollit (surtout de la tête). Van Riebeck finit par reprendre le combat et comme on le sait, la nature (des femmes) ayant horreur du vide, il est vite remplacé par le rival ( Kurt Hout/Richard Egan) qui attendait son heure malgré la jalousie de sa compagne (Julia/Rita Moreno). Tout du moins c'est ce que Kurt espère. C'est le début de ce que j'appelle les Susan Hayward's Special. Quand Kurt réapparaît opportunément juste après que Paul se soit remis sur le sentier de la guerre, regardant les champs cultivés par Van Riebeck, il lance devant Kathie : "Moi…Je laboure beaucoup mieux que çà !!! ". Mais Kurt, c'est pas qu'un gros vantard, il passe aux actes avant même d'avoir obtenu la récompense attendue. Il se met effectivement au travail, défriche, plante et laboure (la terre) mais fini par craquer, le pauvre. Il n'en peut plus d'un arbre énorme planté au milieu de la propriété. Il prétend que c'est l'ombre de cet arbre qui gêne les cultures qui lui pose problème mais en réalité, c'est surtout l'ombre de Paul van Riebeck qui continue de le préoccuper. Cette arbre, c'est celui qui symbolise l'union de Paul et Kathie, celui ou ils s'étaient embrassés pour la 1ère fois après le retour de Paul (Henry King n'a pas osé filmer la suite), alors Kurt n'en peut plus et veut abattre cet arbre. Un soir de tempête, il s'arme d'une hache et commence à attaquer le tronc. Kathie s'enchaine à l'arbre alors que l'orage éclate et Kurt, le visage inondé de pluie, lui lance : "J'ai débroussaillé la savane pour vous et lui, je le déracinerais de votre coeur ! ". Comme le ferait un chevelu de Notre Dame des Landes, elle se lie alors à l'arbre pour le protéger, enlace malgré tout Kurt pour finalement une nouvelle fois se refuser à lui. Rien que de raconter çà, j'en ai encore des frissons ( il y a bien encore un coup de théatre mais je ne veux pas tout gâcher).

Tout le reste est dans cet esprit, il y a sans doute des clients, on aura compris que je ne le suis pas tellement. Je signale tout de même aux plus téméraires qu'on assiste encore par la suite à plusieurs chassé-croisés amoureux avec moults rebondissements bouleversants (paternité caché, handicap, meurtre ). Bref, un territoire idéal pour Susan Hayward qui devait exiger par contrat de pouvoir au moins une fois, se rouler par terre de rage/éclater en sanglot…ou alors : "George, si à la suite d'un accident je devenais paralysée, il faudrait que je remarche avant la fin " (chose vue mais pas dans Untamed). Bref, la dernière demi-heure est selon moi pour le moins pénible. Bilan : Un début prometteur. On pense que l'on va nous parler un peu d'histoire et de politique -à la Californienne bien sûr- mais quand même un peu plus que ce qui nous attend. Il en reste une histoire qui tendrait à prouver que les (vrais) sud-africains ont eu raison de pratiquer l'apartheid car ces zoulous sont vraiment des sauvages et Nelson Mandela n'était que l'arbre (l'olivier) qui cachait la forêt (de broussaille). Plus sérieusement, ces questions la ne sont évidemment pas abordées, de même que le contexte politique est une toile de fond et même un tout petit alibi pour montrer une romance sur fond de beaux paysages. Tournage en Afrique du sud donc pas ou peu de transparences (Merci pour tout Henry). Diffusé à la TV chez nous.
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Re: Henry King (1886-1982)

Message par kiemavel »

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Le médecin de campagne (The Country Doctor)
1936
Réalisation : Henry King
Scénario : Sonya Levien et Charles E. Drake
Image : Daniel B. Clark et John F. Seitz
Musique : R. H. Bassett et Cyril J. Mockridge
Produit par Nunnally Johnson
Twentieth Century Fox

Durée : 95 min

Avec :

Jean Hersholt (Le docteur John Luke)
June Lang (Mary MacKenzie)
Michael Whalen (Tony Luke)
Slim Sumerville (Jim Ogden)
John Qualen (Asa Wyatt)
Robert Barat (MacKenzie)
Jane Darwell (Mme Graham)

A Moosetown, une petite ville isolée au nord du Canada, tout le monde vit de l'exploitation forestière, la plupart des hommes étant employés à l'abattage des arbres ou à la grande scierie. John Luke, le seul médecin de la ville ne manque pas de travail pour avoir à prendre soin de tous ces ouvriers et leurs familles. Sa vie quotidienne est rythmée par celle de la communauté. Les événements se succèdent, parfois dramatiques quand les accidents plus ou moins graves touchent les hommes exposés à des métiers dangereux, ou amusant parfois lorsqu'une nouvelle naissance s'annonce chez les Wyatt, dont la famille déjà nombreuse n'empêche pas Asa, le père, d'annoncer chaque hiver l'accouchement annuel de Mme, provoquant l'hilarité de toute la ville. Un hiver, au moment ou le docteur s'apprêtait à prendre un peu de repos à Montreal, il est contrait de rester quand une épidémie de diphtérie se déclare. Les réserves de médicament s'épuisant très vite, le docteur Luke est contraint de faire appel à son frère, lui aussi médecin mais dans un hôpital de Montreal. Ce dernier envoie en urgence son fils Tony avec le sérum demandé mais son avion endommagé à l'atterrissage ne lui permettant pas de repartir et l'inaccessibilité de la ville en hiver rendant impossible un dépanage, Tony et son co-pilote sont contraints de passer tout l'hiver à Moosetown. C'est ainsi qu'il fait la connaissance de Mary, la fille du contremaitre de l'usine et que les deux jeunes gens tombent amoureux…


L'évènement qui a engendré ce film est pour le moins inhabituel, c'est la naissance exceptionnelle de quintuplés dans une famille canadienne en 1934, d'autant plus exceptionnelle que les soeurs Dionne sont réputées être les premières à avoir survécus au delà de leur petite enfance. Cette naissance multiple eu donc un retentissement mondial et engendra un business lucratif (voir ci-dessous)…que le cinéma exploita aussi puisque les fillettes apparaitront dans 4 films de 1936 à 1938. C'est l'avisé Darryl Zanuck qui dégaina le plus vite et s'assura contre 100 000 $ l'exclusivité de l'histoire pour s'en servir dans un sujet de fiction. Il dépêcha sur place Sonya Levien qui avait déjà écrit plusieurs scénario pour Henry King et plusieurs films de Will Rogers, lequel était initialement prévu pour interpréter le rôle du médecin qui fit naitre les enfants. Malheureusement, Rogers fut tué dans un accident d'avion en 1935 et il fut remplacé par Jean Hersholt…et on ne perd pas beaucoup au change car il est formidable dans un rôle semblant fait pour lui. Heureusement d'ailleurs que le film tourne essentiellement autour de la personnalité du médecin contrairement à ce que pourrait laisser supposer l'affiche (qui est la tête de gondole du film). En réalité, la naissance des quintuplés et ses conséquences n'occupent que les 20 dernières minutes du film et ce n'est pas la partie la plus intéressante même si elle est la plus drôle.

Cette naissance était donc un "produit d'appel" et d'ailleurs, comme le prévoyait Zanuck, le film fut un immense succès. Il fallait toutefois construire une histoire solide qui amène jusqu'à ce final surement très attendu à l'époque…et elle l'est même si la naissance crée une certaine rupture avec le reste du récit puisque à partir du soir ou Asa Wyatt, le père de famille, vient réclamer son médecin habituel malgré le rejet dont il est victime et même en dépit de l'interdiction d'exercer qui le frappe à ce moment là, le récit se concentrera essentiellement sur les fillettes. Mais l'essentiel et l'intérêt du film sont ailleurs, c'est une de ces chroniques campagnardes dans lesquelles Henry King excellait. Il s'attache à décrire cette communauté de manière drôle, sensible et émouvante en se penchant plus particulièrement sur la personnalité de son médecin dévoué et désintéressé. Le scénario exploite d'ailleurs de manière semble t'il très romancée les souvenirs du véritable médecin Allan Roy Dafoe mais sans dramatisation excessive, mêlant même beaucoup d'humour à son récit en raison de la truculence de certains personnages (Asa Wyatt, le père de famille nombreuses avant même la naissance des quintuplés ; l'agent de police incarné par Slim Summerville ; le co-pilote de Tony Luke). D'autre part, on constate simplement les dangers auxquels s'exposent les travailleurs du bois, c'est à dire presque tous les gens de la région. L'accident finalement dans gravité qui touche aux jambes un employé de la scierie écrasé par un tronc renvoi aux images d'un autre ex-employé de la scierie devenu magasinier à qui il manque une jambe. Puis l'épidémie de diphtérie permet à Henry King d'introduire quelques séquences dont il a le secret, notamment l'image d'une mère cherchant sa petite fille à travers la vitre embuée du bâtiment inaccessible dans lequel ont été regroupé tous les malades, et qui voyant un prêtre s'approcher du lit comprendra qu'il n'y a plus rien à faire pour elle.

Ses séquences permettent aussi d'introduire deux personnages secondaires remarquables, la "vieille" et solide infirmière incarnée par Dorothy Peterson qui est montrée comme la seule proche et la confidente d'un médecin vivant seul, ainsi que Mary (incarnée par la très jolie June Lang), la fille de Mackenzie, le contremaitre de la scierie, qui se dévouera au service des malades à l'insu de son père, ce qui entrainera l'inimitié de cet homme rude à l'égard du médecin, une situation qui ne sera pas sans conséquences quand plus tard sa fille tombera amoureuse du neveu du docteur. Ce neveu, Tony Luke, un jeune homme issu d'un milieu aisé, venant de la ville, un brin casse cou et bagarreur est immédiatement rejeté. En dehors de la romance (charmante mais sans grand intérêt), son arrivée permet d'introduire aussi quelques séquences d'aviation très spectaculaires mais qui ne s'intègre pas forcément au reste du récit.

Beaucoup plus intéressantes sont les séquences ou Henry King et sa scénariste s'attachent à décrire les conflits entre le médecin et les responsables de la scierie, MacKenzie d'abord mais aussi et surtout avec le grand patron vivant à Montreal. Ce dernier n'entend rien des demandes successives de Luke pour améliorer le sort de ses employés. Il refuse d'abord d'envoyer en urgence le sérum pour soigner les malades puis rejetera la construction d'un hôpital à Mooseport que Luke réclamera en vain. Il cherchera même à l'évincer en raison de l'audace du discours que tiendra Luke au milieu de tous les notables réunis autour du grand patron au cours d'une réception. Ce discours du docteur est une scène admirable renvoyant aux monologues bouleversants des films de Ford auxquels il fait penser, avec en premier lieu celui du Docteur Bull sorti 3 ans plus tôt. Je préfère sans doute le film de Ford mais ce " Country Doctor " vaut largement le détour...

Ce film a eu une suite, Reunion de Norman Taurog avec les mêmes comédiens, puis en 1938, un 3ème opus fut tourné Five of a Kind avec dans le casting le soutien de Claire Trevor et de Cesar Romero. Dans celui ci, on tentait de faire chanter les fillettes et Il semble que Zanuck rêvait de poursuivre la déclinaison des soeurs Dionne -comme les Martine- sous toutes ses formes mais la médiocrité de ce dernier opus, et son insuccès stoppa la série. Le personnage du généreux médecin resurgit malgré tout car Jean Hersholt fut par la suite d'une série de film mettant en scène un médecin, le Dr. Christian qui fut d'abord un énorme succès radiophonique puis fut le personnage principal de 3 films et enfin dans les années 50, fut décliné en série TV dans laquelle Jean Hersholt ne jouait que dans quelques épisodes, le rôle échouant ensuite à MacDonald Carey. Vu en vost. Edité comme les précédents dans la collection Archives Fox (en VO non st)
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Les soeurs Dionne (Yvonne, Cecile, Marie, Annette et Emilie) nées en 1934 au Canada dans l'Ontario mais dans une famille francophone sont réputées être les premiers quintuplés à avoir survécu au delà de leurs premiers jours. Aussitôt après, cette naissance exceptionnelle a été exploitée, y compris par les parents Dionne qui, comme dans le film d'henry King, avaient déjà 5 enfants. Elles furent exhibées dans des foires, retirées à leurs parents pour cette raison, mais elles furent au moins autant exploitées par la suite y compris par les autorités de l'Ontario. Le rôle du médecin qui les avaient sous sa garde est très ambigu mais -enfin- grâce aux fillettes l'hôpital fut effectivement construit…mais il servit aussi à l'exhibition des soeurs Dionne que les touristes pouvaient voir dans l'hôpital à travers un grillage…et le Quinttour devint l'attraction à voir dans les années 30, l'hôpital étant lui-même à l'intérieur d'un Quintland, une sorte de parc d'attractions comportant boutiques souvenirs, hôtel et restaurant. En 1934, plus d'un million de touristes vinrent au Canada les voir (plus que les chutes du Niagara) et au total l'exploitation du filon Dionne Sisters -qui vécurent plus ou moins enfermées pendant des années- aurait rapporté plus de 50 millions de dollars. De cette argent, les soeurs ne virent jamais la couleur. Ce n'est qu'en 1998 que les survivantes touchèrent un dédommagement conséquent pour leurs années d'exploitation...

Un documentaire de la CBS datant de 1978 montre le contraste entre les 3 fictions de la Fox…et la réalité du sort réservé aux fillettes. Je passe sur d'autres détails sordides pour passer à la suite et fin …L'une des soeurs est décédée à 20 ans, une autre à 35, une 3ème en 2001 et il en reste donc 2 encore en vie.
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Re: Henry King (1886-1982)

Message par bruce randylan »

Margie (1946)

Dire qu'il y a presque une dizaine d'année, j'avais refuser d'enregistrer ce film au cinéma de minuit par crainte d'une niaiserie dégoulinante... :oops:

Depuis les années ont passé, Henry King est devenu l'un de mes cinéastes de prédilection et je regrettais amèrement d'être passé à côté de sa diffusion. Mais j'ai pu combler cette lacune. Evidemment j'ai été presque totalement charmé par ce film délicieux.
Je vais encore ressortir les éloges habituels que j'adresse au cinéaste : sa simplicité, son classicisme sophistiqué, sa tendresse, son lyrisme discret, sa sensibilité tout en délicatesse et finesse...
Pourtant il y avait tout à craindre à la lecture du pitch avec cette histoire où une mère raconte à sa fille adolescente ses premiers émoi amoureux à l'université quand elle craquait pour un de ses professeurs. Mais c'est mal connaître King que de croire qu'il va tomber dans la mièvrerie et les bon sentiments. Ce que j'ai trouvé déjà admirable c'est qu'il ne cherche jamais à idéalisé le passé ou tomber dans les pièges de la nostalgie facile du "c'était mieux avant". Mine de rien et avec beaucoup de malice, King aborde avec une légèreté irrésistible une condition féminine pas vraiment enviable avec des jupons envahissants, un avenir peu épanouissant et des préjugés rétrogrades. Pas de grand discours mais juste des petits détails par ci par là toujours admirablement intégré au récit ou à la psychologie des personnages.

Pour le reste, comment ne pas ronronner de plaisir devant la douceur du traitement, la pureté cristalline de la caméra, le tact d'un technicolor entièrement dédié à sublimer la personnalité de l'héroïne et bien sûr le regard d'Henry King qui parvient à créer cette alchimie miraculeuse entre l'humour, l'attention, la moquerie, la fragilité et la pudeur sans ménager pour autant les désillusions, les craintes et les frustrations.

Tout juste, je regrette la conclusion où l'on apprend que
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Margie a bel et bien épousé son professeur. J'aurais préféré que cet amour reste à un état d'impossibilité. Cette fin me parait un peu trop commercial pour être satisfaisante.
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Re: Henry King (1886-1982)

Message par daniel gregg »

:D
Pour l'occasion je replace mon petit topo de l'époque.
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