Abel Gance (1889-1981)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Tommy Udo
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Re: Abel Gance (1889-1981)

Message par Tommy Udo »

Filmomaniac a écrit :J'aimerais bien voir Le Voleur de Femmes, mais je pense qu'il n'y as aucune trace de ce film!
Tu sembles avoir les mêmes goûts que le forumeur lilmoz.
Lui aussi aimerait découvrir ce film : http://www.dvdclassik.com/forum/viewtop ... 1#p2435171
Du reste, moi aussi... Quid de copies en circulation :?:
bruce randylan
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Re: Abel Gance (1889-1981)

Message par bruce randylan »

Ann Harding a écrit :Il reste aussi Au secours!, une petite pochade avec Max Linder
J'ai cité Au secours :wink:
(et pour l'avoir vu, c'est quand même plus qu'une simple pochade.)
Ann Harding a écrit :et deux films non restaurés Ecce Home (1918) et Le Droit à la vie (1917).
Mais qu'est-ce qu'ils attendent bon sang ! On parle d'Abel Gance... pas de Henri Desfontaines :evil:
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batfunk
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Re: Abel Gance (1889-1981)

Message par batfunk »

Austerlitz(1960)
Premier film d'Abel Gance que je vois et si c'est un film de fin de carrière,j'en veux bien tous les jours. :mrgreen: .2h46 de film et pas une once d'ennui à l'arrivée(contrairement à pas mal de films d'aujourd'hui,souvent trop longs).En gros,un film en 2 parties.Une première qui dépeint l'entourage tumultueux de Bonaparte qui pousse celui-ci à devenir empereur,ce qui permet de poser des questions sur l'héritage de la révolution.Plus en filigrane,sa survie face aux complots royalistes et Anglais.Une deuxième consacrée à la bataille d'Austerlitz.
Les 2 parties sont très bien traitées,la première par ses enjeux politiques et moraux,la deuxième par son côté fouillé et épique.Pierre Mondy est surprenant et crédible en Napoléon(après quelques minutes d'adaptation pour oublier les Cordier et la 7ème compagnie :mrgreen: ).ça fourmille de seconds rôles de qualité(Jean Marais,Claudia Cardinale,Jean Louis Trintignant,Jack Palance,Michel Simon,Orson Welles...).
Bon,faut juste aimer les couleurs pastels,il y a pas mal de scènes studio qui tranchent avec les scènes de plein air lors de la deuxième partie mais ça reste un très bon film.
Hâte de voir le Waterloo de Bondartchouk pour comparer.
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Re: Abel Gance (1889-1981)

Message par bruce randylan »

Egalement l'un des premiers que j'ai découvert du cinéaste (avec la tour de Nesle) et j'avais trouvé sa réputation peu flatteuse plutôt injuste (contrairement à celle de la tour de Nesle méritée :mrgreen: ). Pas revu depuis 10-12 ans mais j'en garde le souvenir d'un film bien construit, rythmé, fluide et une gestion habile des tensions et de la stratégie sur les champs de bataille. Le défilé de guest-stars n'est pas toujours nécessaire mais pas désagréable pour autant.

Le Bondartchouk, c'est autre chose par contre. Personnellement j'adore. Certains n'apprécient pas la première heure, ça ne m'avait pas gêné à l'époque. L'heure de bataille est en revanche totalement folle, d'une logistique extraordinaire avec des images plus spectaculaires et impressionnantes les unes que les autres ; peut-être encore plus que son Guerre et paix :D
Le genre de truc qui mériterait une sortie en blu-ray.
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Re: Abel Gance (1889-1981)

Message par Demi-Lune »

batfunk a écrit :Austerlitz(1960)
Premier film d'Abel Gance que je vois et si c'est un film de fin de carrière,j'en veux bien tous les jours. :mrgreen: .2h46 de film et pas une once d'ennui à l'arrivée(contrairement à pas mal de films d'aujourd'hui,souvent trop longs).En gros,un film en 2 parties.Une première qui dépeint l'entourage tumultueux de Bonaparte qui pousse celui-ci à devenir empereur,ce qui permet de poser des questions sur l'héritage de la révolution.Plus en filigrane,sa survie face aux complots royalistes et Anglais.Une deuxième consacrée à la bataille d'Austerlitz.
Les 2 parties sont très bien traitées,la première par ses enjeux politiques et moraux,la deuxième par son côté fouillé et épique.Pierre Mondy est surprenant et crédible en Napoléon(après quelques minutes d'adaptation pour oublier les Cordier et la 7ème compagnie :mrgreen: ).ça fourmille de seconds rôles de qualité(Jean Marais,Claudia Cardinale,Jean Louis Trintignant,Jack Palance,Michel Simon,Orson Welles...).
Bon,faut juste aimer les couleurs pastels,il y a pas mal de scènes studio qui tranchent avec les scènes de plein air lors de la deuxième partie mais ça reste un très bon film.
Hâte de voir le Waterloo de Bondartchouk pour comparer.
J'en ai regardé des bouts, et ça me faisait mal au derche de constater que le cinéaste visionnaire de Napoléon, qui repoussait les limites du langage cinématographique dans un acte de foi monumental de quatre heures, avait laissé la place à du plan-plan académique à bout de souffle. Pour moi il n'y a pas de Cinéma là-dedans. Ce n'est que de la séquence filmée, totalement scolaire. "Des images animées de gens qui parlent", comme aurait dit Hitchcock. Un tel écart entre les deux films est impensable. Voilà un exemple de superproduction obèse de cette époque où le défilé de stars et de costumes annihile tout travail de mise en scène. Comment un cinéaste comme Gance, qui parvenait à faire des débats a priori anti-cinématographiques à la Convention un morceau de bravoure à lui tout seul, en est-il arrivé à filmer de pauvres poupées préparatoires à la fresque de David du sacre de Napoléon, pour retranscrire un événement qui restera hors-champ ? C'est d'un cheap total. Comment un cinéaste qui a révolutionné le montage et a accouché de toutes ces images fascinantes a-t-il pu se satisfaire de ces perspectives peintes bidons sur les plaines d'Austerlitz, dignes d'un nanar italien ? C'est incompréhensible. D'autant que ce n'est pas le budget qui manquait. Je ne suis pas allé jusqu'au bout, mais le seul truc qui vaille pour moi le détour, c'est Claudia Cardinale dans le rôle de Pauline Bonaparte. Mondy en Napoléon, désolé mais non, ce n'est pas crédible. Et puis aucun cinéaste n'aura décidément eu le courage de faire parler Napoléon avec l'accent corse à couper au couteau qu'il avait.
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Commissaire Juve
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Re: Abel Gance (1889-1981)

Message par Commissaire Juve »

Demi-Lune a écrit :... Mondy en Napoléon, désolé mais non, ce n'est pas crédible. Et puis aucun cinéaste n'aura décidément eu le courage de faire parler Napoléon avec l'accent corse à couper au couteau qu'il avait.
:lol: :lol: :lol:

Mondy avec l'accent corse ? Oh la vache ! Et pourquoi pas Fernand Raynaud ? :mrgreen:
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Re: Abel Gance (1889-1981)

Message par batfunk »

Demi-Lune,t'es sacrément dur avec Mondy.Il a surtout été pris pour sa ressemblance avec Napoléon mais sa performance est loin d'être ridicule.après,il n'a pas le charisme d' Al PAcino ou de Georges c.scott,on est d'accord. :D .Quand à la scène du sacre,il me semblait évident qu"il s'agissait d'un manque de budget(corroboré par les scènes de studio) et j'avais trouvé le procédé assez ingénieux.La mise en scène est assez sage,certes et contrairement à toi,je n'ai pas de référents dans la filmographie de Gance.Mais je le répète,je ne me suis pas ennuyé, grâce à une première partie intéressante par ses enjeux.La génie militaire de Napoléon est bien mis en avant et illustré de manière lisible dans la deuxième partie ,ce qui est rarement le cas au cinéma lorsqu'il s'agit de batailles.Et une réplique de Bonaparte m'a beaucoup fait rire lorsqu'il passe devant le portrait de Marie Louise d'Autriche
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"C'est qui cette dinde engoncée dans sa robe?Je souhaite bien du plaisir à celui qui l'épousera..."
:lol:
Il me reste à voir Napoléon du même auteur et on en reparlera plus longuement. :D
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Re: Abel Gance (1889-1981)

Message par bruce randylan »

bruce randylan a écrit :Mater Dolorosa (1917)

Une femme a une brève liaison avec le frère de son mari, un médecin délaissant sa vie de famille. En tentant d'empêcher sa maîtresse de se suicider, ce frère meurt accidentellement. Des années plus tard, le docteur découvre une lettre qui prouve que son épouse a eut une liaison sans savoir qui. Il croit alors que son enfant n'est pas son fils naturel.

Tourné juste après Les gaz mortels, Abel Gance effectue une virage stupéfiant. Délaissant le sérial et l'influence de D.W. Griffith, le jeune cinéaste opte pour une style plus raffiné après la découverte de Forfaiture de Cecil B DeMille qui a décidément traumatisé une génération de cinéastes.
Mater Dolorosa est donc un mélodrame psychologique qui se déroule essentiellement en intérieur, reposant plus sur un éclairage sophistiqué que sur une grammaire cinématographique dynamique et avant-gardiste. Il est à ce titre totalement dénué d'expérimentations. On sent en revanche que Gance cherche ses figures de style plutôt dans la littérature avec un symbolisme discret (comme ce bouquet de fleur tombant à la mort du frère au début). Ses tentatives sont encore balbutiantes et peu nombreuses mais il y a une volonté d'étoffer la psychologie des personnages et de créer une ambiance dramatique par l'atmosphère, les détails, la lumière, le décor et la sobriété du jeu d'acteur qui est ici irréprochable.

Tout est louable mais le problème provient d'un scénario qui est loin lui de répondre à tous ces critères d'exigence et de subtilité. Gance a toujours aimé le mélodrame et il y va ici en enfonçant toutes les portes ouverte, tombant même parfois dans le pure chantage émotionnelle avec le public. Beaucoup de péripéties sont artificielles ou répondant à des clichés (le caractère du mari vraiment odieux et égoiste ; tout ce qui concerne l'entretien du mystère autour de la liaison et la paternité de l'enfant ; un suspens assez déplacé sur la maladie de l'enfant)... Mais bon, il faut reconnaître que ça fonctionne quand même pas si mal, grâce en partie au talent Emmy Lynn dont le jeu est déchirant et vibrant (surtout lors de la virée en voiture vers la fin qui m'a presque fait verser ma larme)
Pas étonnant donc que le film fut un gros succès à l'époque.

Je me demande à quoi peut ressembler le remake parlant que Gance a diriger lui-même 15 ans plus tard.
Le site European film Gateway vient de mettre le film en ligne :D

http://www.europeanfilmgateway.eu/fr/no ... 9uXzE0NjUx
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Supfiction
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Re: Abel Gance (1889-1981)

Message par Supfiction »

Vu "Paradis perdu" de 1940 hier. La réalisation est soignée et l'image du Blu Ray superbe. La présence de Micheline Presle et le mélo dans le monde de la mode m'a fait penser au Falbalas de Jacques Becker. L'un a été tourné à l'aube de la guerre et l'autre à sa sortie. Mais le film de Jacques Becker est bien supérieur et moins "lourd". Micheline Presle est d'ailleurs bien plus amusante et frivole dans Falbalas.
En outre, ayant revu La bête humaine il y a seulement quelques jours, je me suis aperçu du même usage excessif (à la limite du supportable) et envahissant de la musique.
Je pense aussi à Vénus aveugle, le film suivant d'Abel Gance. On y retrouve le même goût appuyé pour le mélodrame mais l'esthétique expressioniste et le jeu de Viviane Romance lui donnait un ton et une saveur sans équivoque.

On dit que le culte un peu morbide du personnage de Fernand Gravey pour sa femme a pu inspirer Truffaut pour La Chambre verte.
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Découverte au passage de l'actrice Monique Rolland qui a eu une carrière dans les années 30 et qui m'a fait bonne impression.

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Re: Abel Gance (1889-1981)

Message par bruce randylan »

Venus Aveugle (1941)

Une jeune femme qui a posé comme modèle pour une marque de cigarettes apprend qu'elle perdra prochainement la vue. Pour protéger l'homme qu'elle aime, un marin vivant sur un bateau en attente de renflouage, elle décide de le quitter et part vivre dans un cabaret où elle devient chanteuse.

Etonnant film que voilà !
Il y a 2 à 3 films à l'intérieur, ce qui explique une durée de 2h30 avec un tiers central un peu décevant en comparaison du reste.
Les 30-40 premières minutes par exemple propose une des réalisations les plus inspirées du cinéaste dans sa période parlante : photographie ciselée, expérimentations visuelles sur l'objectif (pour traduire les débuts de cécité), décadrages, décors poético-expressionniste, montage multipliant les faux raccords volontaires, plans très resserrés sur les visages. Sans parler d'un scénario assez torturé où l'infirmité est omniprésente (en plus de l'héroïne, il y a sa sœur boiteuse, un cimetière de bateaux ou un artiste en panne d'inspiration) mais qui évite la grisaille dépressive par de stupéfiants détails poétiques comme cette pompe pour scaphandre bricolée à partir d'un orgue de barbarie qui fait de la musique quand on l'active !
Le film en devient assez fascinant et hypnotique avec son univers très fabriqué et artificiel, presque toc mais qui demeure en adéquation avec un status quo maladif ambiant.

La suite vire malheureusement dans le mélodrame plus conventionnel avec histoire d'amour impossible, faux espoirs et mort d'enfant qui m'a laissé d'autant plus de marbre que la réalisation est moins inventive et personnelle.
Alors donc que je n'en attendais plus rien à l'approche des derniers sombres-saut larmoyants, Venus aveugle se relance dans une ultime partie qui devient au contraire totalement légère et enjouée où le personnage de saltimbanque trouve une solution invraisemblable pour réunir le couple maudit.
Cette partie est formidable car non seulement, elle fonctionne parfaitement avec ce charme naïf et presque euphorisant mais elle permet au cinéaste de se lancer dans un magnifique manifeste sur l'art(iste) sublimant le quotidien pour faire naître de la pure magie (et cette manière de relancer un navire à l'arrêt est sans doute une métaphore de la situation de la France en attente de jours meilleurs).
Et Vivianne Romance campe un vibrant personnage du début à la fin, au milieu d'un casting un peu moins convainquant.

Un film imparfait, bancal, virtuose, riche, parfois trop symbolique mais surprenant, atypique, stimulant et avec une forte dimension autobiographique qui rend cette oeuvre émouvante (plus que par certaines péripéties dramatiques qui se jouent).

Invisible depuis la VHS sortie par René Chateau (qui exploitait de toute façon un montage raccourci), la cinémathèque vient de présenter la version intégrale nouvellement restaurée à partir de l'unique copie existante. Il repasse le 1er juillet. :wink:
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Re: Abel Gance (1889-1981)

Message par Commissaire Juve »

J'ai découvert Paradis perdu hier soir. En très bref -- comme je l'avais lu ici ou là -- le film s'enlise effectivement dans la seconde partie. Du reste, dans sa présentation, Bertrand Tavernier évoque à plusieurs reprise la première partie sans jamais parler de la seconde. Une façon comme une autre de dire qu'on finit par s'y emmerder sec.

Je ne retrouve plus ton avis, Bruce, mais je crois que tu étais arrivé à la même conclusion.

Sinon, dans les suppléments, l'extrait d'interview où Gance explique qu'il a fait des films commerciaux pour payer son loyer, que ces films ont eu du succès et que c'est la preuve que les gens sont "bêtes"... quelle posture à la con !
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Re: Abel Gance (1889-1981)

Message par bruce randylan »

Commissaire Juve a écrit : Je ne retrouve plus ton avis, Bruce, mais je crois que tu étais arrivé à la même conclusion.
Sans doute parce que j'en avais parlé sur 1kult :wink:
Et oui, même ressenti. La première moitié est très belle, presque autant vibrante que du Borzage. La seconde se plante en beauté.
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Kevin95
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Re: Abel Gance (1889-1981)

Message par Kevin95 »

VÉNUS AVEUGLE - Abel Gance (1941) découverte

Gros, énorme, gigantesque morceau de mélo avec suppléments flotte sur les vitres (et sur les joues), destin morose, chansons pas gaies, crucifie sur les murs et - parce que le chef a un cœur gros comme ça - lendemain qui chante. Le compteur affiche plus de deux heures et bizarrement, on ne constate pas de surchauffe. Abel Gance est si premier degré, si enivré par son propre récit qu'il ne laisse pas de place à la moquerie ou à l'ennui. Vénus aveugle est évidemment sur la ligne, frôle plus d'une fois le ridicule, y met un pied de temps en temps tandis que la première demi-heure et son montage hystérique laisse circonspect, l'inventivité et la fièvre du metteur en scène font le reste. C'est bourré de séquences bateaux et de comédiens sur une note renifleuse, mais comment résister à un enterrement qui croise un baptême, à un jeu de poupée qui voit réapparaitre un enfant, à une mer filmée en négatif et à une morale de fin qui tire vers le positif. Plus c'est gros, plus ça passe, même si la dédicace au Maréchal Pétain en début du film a de quoi faire doucement grincer les dents.
Les deux fléaux qui menacent l'humanité sont le désordre et l'ordre. La corruption me dégoûte, la vertu me donne le frisson. (Michel Audiard)
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Re: Abel Gance (1889-1981)

Message par bruce randylan »

Magirama - J'accuse !

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Après avoir inventé le triple-écran sur Napoléon en 1927, Abel Gance expérimente de nouveau le procédé en 1956 grâce au CNC qui lui permet de développer le Proterama alors que le Cinerama est en train d'émerger aux USA. Pour sa nouvelle Polyphonie visuelle, le cinéaste et Nelly Kaplan repartent du J'accuse ! de 1937 pour composer une version remontée d'un peu moins d'une heure.
N'ayant pas vu la version de 37 (ni la précédente d'ailleurs), je ne pourrais dire ce que Gance a gardé et coupé sachant qu'il a aussi rajouté des plans inédits. L'histoire est donc un peu précipitée mais particulièrement percutante, bien-sûr aidée par les 3 écrans qui permettent de nombreuses possibilités narratives et esthétiques pour une immersions décuplée. On va dire qu'une bonne moitié est en "mono-écran", le triptyque étant exploitée surtout dans les séquences les plus marquantes qui gagnent incroyablement en force : scène de bombardements, défilés militaires, montage parallèle désormais simultanée (et ça change beaucoup mine de rien !) et bien-sûr tout le final avec Victor Francen littéralement en transe qui exhorte les morts à sortir de terre.

Contrairement à Napoléon, aucune séquence n'a été filmée à 3 caméras juxtaposées, la largeur de l'écran est donc uniquement assemblée à partir de plans indépendant, soit répétés, soit inversés, soit agencés avec une ou deux sources différentes. Et ça marche très bien d'autant que Gance introduit aussi différentes teintes qui s'enchaînent comme au temps du muet.
Il est étonnant de constater que les images parviennent à composer une telle puissance visuelle et l'on se dit que malgré les split-screen plus répendus, peu de films ont réussis à créer un ensemble aussi viscérale. Ce n'est pas le cas tout le temps bien-sûr car il aurait fallut que Gance y songe dès le tournage mais il y a 2-3 moments qui m'ont presque coller des frissons et la chaire de poule. Ca impose aussi une sacrée rythmique avec le risque d'un sur-dosage et d'une gestion du temps très complexe. Le dernier acte n'est ainsi pas dénué de problème de continuité dans sa mise en parallèle d'actions désormais simultanées. Ca crée aussi quelques répétitions provenant d'un manque de variétés dans les images qui amenuisent l'impact de certains collages redondants et du coup trop démonstratifs dans leurs effets.

Malgré ces quelques réserves, c'est un spectacle poignant et vraiment enthousiasmant qui risque de rendre un peu fade la future découverte du J'accuse de 1938. Ca serait en tout cas un bonus idéal au futur blu-ray (d'autant que Gaumont a co-produit la restauration de cette version Magirama) même si forcément un écran télé ne rendra que moyennement justice à la grandeur du procédé (déjà que la salle Franju de la Cinémathèque était un peu étroite pour répondre aux 27 mètres conçus par Gance).
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Re: Abel Gance (1889-1981)

Message par Demi-Lune »

Merde, je l'ai raté... une rediffusion est prévue ?
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