Abel Gance (1889-1981)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Rashomon
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Message par Rashomon »

Ann Harding a écrit :C'est un mystère que je n'ai pas encore éclairci. Ce qui est étrange, c'est que les studios français étaient équipés de systèmes sonores américains ou allemands. Au studio Paramount/Saint-Maurice de Joinville, ils avaient le système Western Electric et chez Pathé à Joinville et rue Francoeur, ils étaient équipés en RCA Photophone. Seuls les studios Tobis à Epinay avaient le système Tobis-Klang. Donc, le matériel de prise de son devait être au moins équivalent à ceux des USA. Par contre, il semble qu'il y ait eu des problèmes au niveau du mixage. La combinaison des différentes pistes sonores semblait poser des problèmes non résolus en France. (J'ai lu cela quelque part, mais impossible de me souvenir où!)
Sinon, la médiocrité de la piste sonore est peut-être aussi due à la médiocrité des copies conservées. Sans négatif original, le son doit être nettement moins bon.
J'ai lu quelque part (je ne sais plus où moi non plus!) que le parlant avait été plutôt mal accueilli par le milieu cinématographique français de l'époque, l'avant-garde en particulier qui jugeait que le son allait tuer le media. Est-ce que cela pourrait expliquer en partie les difficultés françaises dans ce domaine?
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Ann Harding
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Re: Abel Gance (1889-1981)

Message par Ann Harding »

Je ne crois pas du tout que ce soit un facteur. Les patrons de studio qui se sont équipés en cinéma sonore ne cherchaient pas à saboter le nouveau média. Si certains cinéastes ont eu du mal à s'adapter, c'était vrai aussi en Amérique. Mais, ça n'a pas empêché la révolution sonore.
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Ann Harding
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Re: Abel Gance (1889-1981)

Message par Ann Harding »

Image
Ma critique de la projection de J'accuse (1919) de Gance à la Salle Pleyel hier soir. Cette version sera projetée le 11 novembre sur Arte.
J'avais découvert, éblouie, sur grand écran cette superbe restauration du film de Gance en octobre 2009 au Festival de Pordenone en Italie (Giornate del cinema muto). J'avais alors écrit une critique enthousiaste à mon retour du festival. Voici mes impressions d'alors:
Spoiler (cliquez pour afficher)
Ce film d'Abel Gance est sorti en DVD l'année dernière aux USA chez Flicker Alley. La restauration réalisée par le Nederland Filmmuseum, Amsterdam et Lobster Films Paris a été faite à partir d'éléments divers et offre la version la plus longue à ce jour du film. J'ai vu -bien entendu- plusieurs fois le film sur ce DVD. J'en avais tiré que les éléments mélodramatiques réduisaient l'impact du 'réveil des morts' de la partie finale. Avant la projection, j'ai pu parler avec diverses personnes qui avaient été impliquées directement dans cette restauration. Toutes sans exception avaient les mêmes réserves sur le contenu mélo et le jeu des acteurs. J'ai également discuté avec le musicien en charge de l'accompagnement, Stephen Horne. Cet excellent pianiste et compositeur anglais avait passé du temps à regarder le film pour bien l'assimiler sans pour autant mettre par écrit sa musique. Il arrivait devant ce marathon (3H15!) avec une certaine tension mais avait déjà des idées bien arrêtée en ce qui concernait certains éléments comme les chansons françaises traditionnelles du début du film.
J'aurais du retourné sept fois ma langue dans ma bouche avant de parler du mélodramatisme excessif du film. D'abord cette copie est une pure merveille de clarté et d'homogénéité (quand on sait que les éléments étaient très divers!). La photographie de Léonce-Henri Burel dégage une poésie incroyable aussi bien dans les scènes d'extérieurs où on sent littéralement le frémissement du vent dans les branches et on a l'impression d'entendre les ruisseaux qui courrent. Les scènes au bord de l'eau avec Romuald Joubé et Marise Dauvray sont sublimes de beauté. Certes, cette beauté est visible sur le DVD, mais, sur cette copie 35 mm, c'est incomparable. Quant au jeu des acteurs, l'aspect excessif disparait sur grand écran où leur ampleur soudain devient juste. Comment expliquer cette différence ? Ce n'est pas la première fois qu'un film se révèle à moi sous un nouveau jour sur grand écran, mais, cette fois-ci, c'est particulièrement troublant. D'abord, il y a le problème de la vitesse de projection. Apparemment, il y a eu d'âpres discussions avant le festival: 16, 17 ou 19 im/sec? Finalement, David Robinson, le directeur du festival, m'a confirmé que le film est passé à 17 im/sec, un compromis entre le DVD (à 19) et les 16 im/sec proposées par Kevin Brownlow. A cette vitesse, tout tombe en place. Les mouvements restent légèrement rapides dans les scènes d'action, mais pour les scènes intimes, c'est parfait. Et puis, il y a la musique. Stephen Horne nimbe le film d'une poésie et d'une subtilité qui élimine entièrement le grotesque de certaines scènes. Son interprétation du personnage de Maria Lazare, qui est un revanchard particulièrement caricatural, est formidable: il lui offre un thème comique qui donne de l'ampleur au personnage au lieu de le ridiculiser. De même, Séverin-Mars, la brute épaisse, a ici une épaisseur humaine que je ne soupçonnais pas. Le film tomble en place, tel que Gance l'avait voulu. Une vision poétique, complexe et parfois très ambiguë de la guerre et de ses conséquences. Les intertitres qui sont parfois un peu ronflants (le traducteur américain des intertitres m'a parlé de 'purple prose' = style ampoulé!) prennent soudain toutes leurs places. Il s'accordent avec le style visuel du film. Contrairement aux Ten Commandments de De Mille, que j'ai vu également au festival, ils ne suscitèrent pas le rire. D'ailleurs, il y avait une émotion visible dans le public. On sentait une tension et une attention inhabituelle. Après un tout petit entracte, le film a repris son cours et Stephen Horne s'est à nouveau surpassé pour la dernière partie. Toutes les personnes auxquelles j'ai parlé à la fin du film ont dû reconnaître qu'ils avaient été vraiment émus par le film et les personnages. Un film comme celui-ci ne peut être vu que sur grand écran avec un accompagnement musical 'live'. La musique de Stephen Horne était particulièrement remarquable en indiquant les sentiments intimes des personnages et l'atmosphère d'une scène sans la souligner excessivement. (D'autant plus que le film a été présenté à Amsterdam récemment avec un accompagnement de guitare électrique complètement raté.)
J'ai pu observé à quel point Kevin Brownlow était tendu avant la projection de ce film qui lui tient particulièrement à coeur. Il a été totalement justifié par cette projection : ce film est effectivement une expérience émotionnelle qu'il faut avoir vécue.
On ne peut que regretter que cette restauration n'a toujours pas été programmée en France. Gance semble toujours appartenir à la liste des cinéastes 'maudits' en France... Et le film est considéré par certains comme un 'poison pour le public'. Mais quand une restauration de cette envergure est réalisée, il serait bien qu'une institution quelconque offre une projection au public français avec -de préférence- une très bonne musique (la partition orchestrale de Robert Israel ou le piano de Stephen Horne).
Cinq ans plus tard, J'accuse a enfin droit à sa première française, en grandes pompes, avec tous les corps constitués, à la Salle Pleyel. Le film ne semble pouvoir être montré dans notre pays que dans un cadre officiel: la commémoration de la Grande Guerre. Pourtant de nombreux festivals internationaux n'ont pas attendu cette commémoration pour projeter le film qu'ils considéraient comme une oeuvre importante dans l'histoire du cinéma mondial. Même avec 6 ans de retard depuis la première projection du film, il faut quand même se réjouir que J'accuse ait enfin droit à une projection publique. Pourtant Arte claironnait dans ses communiqués de presse que nous allions avoir droit à une "première mondiale". En fait, la chaîne franco-allemande ne parlait pas du film, mais de la nouvelle partition commandée au compositeur français Philippe Schoeller pour l'accompagner. Comme c'est pratiquement toujours le cas pour les commandes d'Etat, on a choisi un compositeur contemporain dans la mouvance de l'IRCAM. Dans de nombreuses interviews relayées par la presse, Schoeller nous a expliqué sa technique pour accompagner le film. J'ai été assez sidérée de l'entendre dire lors une interview à France Musique le 4 novembre dernier que, pour composer cette partition, "il ne faut pas trop regarder le film." [sic] En fait, sa perception de la musique pour le cinéma muet est parfaitement cohérente: il vaut éviter d'illustrer l'image. Comme il le dit, dans un langage aussi abscons que sa musique: "La musique n’a pas besoin de dire ce qui est déjà dit. Elle aspire à révéler l’indicible. Il lui faut garder une distance, se contenter d’enrober le film en se choisissant quelques couleurs, climats ou nappes expressives qui alors structurent le discours en fonction de champs sémantiques récurrents." De la théorie à la pratique, il y a un monde. La partition que nous avons entendue à la Salle Pleyel n'était certainement pas illustrative. Si à l'écran on chantait la Marseillaise ou une chanson populaire (mentionnée dans les intertitres), la musique de M. Schoeller les ignorait totalement. Après tout, ce parti pris peut avoir un sens si la musique réussit à magnifier les sentiments et les émotions des personnages. Hélas, nous n'avons entendu qu'une grisaille sonore qui ignorait superbement les éléments de l'intrigue, en particulier les moments d'humour. Il y a un malentendu à clarifier. Abel Gance n'était pas un cinéaste cérébral. C'était un émotif, un instinctif qui repondait à ses émotions profondes. Ses images étaient le reflet de celles-ci. Alors, pourquoi devrait-il être illustré par une partition purement conceptuelle et abstraite qui ne répond pas aux émotions des personnages? C'est un non-sens. Il existe pourtant des compositeurs de talent en France comme Amaury du Closel qui a fait une superbe musique pour Michel Strogoff (1926) ou Marc-Olivier Dupin pour Monte-Cristo (1928) qui savent se mettre au service des images.
C'est grâce au talent de Gance que le film survit à ce traitement. Le manque d'empathie de la musique ne m'a empêchée de suivre avec intérêt ce mélodrame transcendé par la beauté des images et le lyrisme de son réalisateur. Tous les acteurs donnent le meilleur d'eux-mêmes ; Maryse Dauvray, Séverin-Mars et Romuald Joubé sont réellement possédés par leurs personnages auxquels ils donnent une vérité sans pareil. L'intensité émotionnelle vient aussi du travail sur la lumière avec des clairs-obscurs magiques. Alors, il faut profiter de cette commémoration pour découvrir le film sur grand écran dans de nombreuses projections (accompagnées au piano) à la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, à la Cinémathèque française et à Compiègne.
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Re: Abel Gance (1889-1981)

Message par kiemavel »

Comme c'est pratiquement toujours le cas pour les commandes d'Etat, on a choisi un compositeur contemporain dans la mouvance de l'IRCAM...pour composer cette partition, "il ne faut pas trop regarder le film"….Hélas, nous n'avons entendu qu'une grisaille sonore qui ignorait superbement les éléments de l'intrigue...Abel Gance n'était pas un cinéaste cérébral. C'était un émotif, un instinctif qui repondait à ses émotions profondes. Ses images étaient le reflet de celles-ci. Alors, pourquoi devrait-il être illustré par une partition purement conceptuelle et abstraite qui ne répond pas aux émotions des personnages? C'est un non-sens..
Merci pour ce formidable compte-rendu de projection. Alors effectivement je m'attends au pire pour ce film dont l'unique vision m'a longtemps hanté. Ça ne va pas m'empêcher de le revoir surtout que des éléments qui ne devaient pas figurer dans la version que j'avais vu jadis ont du être ajoutés à cette copie qui sera projeté sur Arte mais je vais peut-être carrément le regarder sans le son…
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Tommy Udo
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Re: Abel Gance (1889-1981)

Message par Tommy Udo »

Merci pour ce retour Ann.
C'est donc un peu dommage pour la version qui sera diffusée sur Arte.
Mais quid de celle qui sera disponible en Blu-ray (et là c'est apparemment une première mondiale) chez Lobster dès mercredi ?
Il me semble avoir lu (mais je n'en suis plus certain) que le compositeur serait différent ?
La version Flicker avait une musique de Robert Israel.
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Ann Harding
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Re: Abel Gance (1889-1981)

Message par Ann Harding »

Voilà ce que disait Emileduhomard sur le sujet:
Emileduhomard a écrit :Juste pour compléter. Le BR contiendera uniquement la composition de R. Israël. Pour ce qui est de l'image la restauration à encore été améliorée depuis la sortie américaine !
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Tommy Udo
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Re: Abel Gance (1889-1981)

Message par Tommy Udo »

Je n'étais pas retombé sur le message. Que du bon, la musique de Robert Israel étant, à mon humble avis (je ne suis guère connaisseur dans le domaine), excellente.
Merci^^
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Ann Harding
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Re: Abel Gance (1889-1981)

Message par Ann Harding »

Tu as parfaitement raison Tommy! :mrgreen:
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Jeremy Fox
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Re: Abel Gance (1889-1981)

Message par Jeremy Fox »

bruce randylan
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Re: Abel Gance (1889-1981)

Message par bruce randylan »

Les gaz mortels (1916)

Durant la première guerre mondiale, le gouvernement français demande à un scientifique spécialiste des poisons de travailler sur des gaz mortels pour contrer les attaques allemandes.

Si on met de côté la folie du Docteur tube, il me semble que ce film est le plus ancien ayant survécu d'Abel Gance. Celà fait 5 ans que le cinéaste a fait ses début dans la mise en scène et il commence à vouloir faire des œuvres plus ambitieuses que ce que propose le cinéma français de cette époque. Son regard est clairement tourné vers le cinéma américain et particulièrement D.W. Griffith. Les références sont évidentes puisque le film se déroule en partie dans le sud de Etats-Unis où travaille le fournisseur en serpents du scientifique.
La première moitié n'est cela dit pas particulièrement passionnante avec cette reconstitution factice et ridicule de l'ouest américain (un sous-bois un peu touffu), sans parler de ce méchant grotesque dont les motivations de vengeance sont pour le moins idiotes.
L'histoire comme la réalisation de Gance sont en réalité plus proches des sérials que du grand metteur en scène d'Intolerance. On se demande même où le cinéaste veut en venir quand l'intrigue stagne douloureusement sur les sous-intrigues avec la famille du scientifique qui désire se débarrasser du grand-père, du petit-fils et sa nourrice pour toucher un héritage. Les personnages sont tristement manichéens, le scénario sans crédibilité, la narration remplie de trous et d'ellipses (la copie était-elle complète ?) et d'une mise en scène plate, sans envergure.
Très décevant mais quand on s'y attend le moins, Gance lance sa machine à plein régime pour un dernier tiers trépidant où il montre cette fois qu'il a retenu les leçon de son maître outre-Atlantique. Comme souvent chez Griffith, les gas mortels donnent lieu à un formidable climax plein de suspens qui ne comporte pas seulement une situation à risque mais deux. Ici, il y a un enfant menacé par un reptile venimeux et en même temps le scientifique et son assistant qui doivent empêcher un nuage toxique de tuer la population d'un village voisin. Tout y est : sens du mouvement, narration rapide, travelling embarqué, rythme qui s'accélère toujours plus vite, montage alterné etc... Une longue séquence de plus de 15 minutes qui subjugue par sa vitalité et son désir de faire les choses en grand. Il y a là plusieurs généreuses ébauches de son gigantesque Napoléon (notamment la fuite en Corse).

Il va sans dire que cette dernière partie tout en panache et accélération sauve totalement toute les maladresses et incohérences de la première heure.
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Re: Abel Gance (1889-1981)

Message par bruce randylan »

Mater Dolorosa (1917)

Une femme a une brève liaison avec le frère de son mari, un médecin délaissant sa vie de famille. En tentant d'empêcher sa maîtresse de se suicider, ce frère meurt accidentellement. Des années plus tard, le docteur découvre une lettre qui prouve que son épouse a eut une liaison sans savoir qui. Il croit alors que son enfant n'est pas son fils naturel.

Tourné juste après Les gaz mortels, Abel Gance effectue une virage stupéfiant. Délaissant le sérial et l'influence de D.W. Griffith, le jeune cinéaste opte pour une style plus raffiné après la découverte de Forfaiture de Cecil B DeMille qui a décidément traumatisé une génération de cinéastes.
Mater Dolorosa est donc un mélodrame psychologique qui se déroule essentiellement en intérieur, reposant plus sur un éclairage sophistiqué que sur une grammaire cinématographique dynamique et avant-gardiste. Il est à ce titre totalement dénué d'expérimentations. On sent en revanche que Gance cherche ses figures de style plutôt dans la littérature avec un symbolisme discret (comme ce bouquet de fleur tombant à la mort du frère au début). Ses tentatives sont encore balbutiantes et peu nombreuses mais il y a une volonté d'étoffer la psychologie des personnages et de créer une ambiance dramatique par l'atmosphère, les détails, la lumière, le décor et la sobriété du jeu d'acteur qui est ici irréprochable.

Tout est louable mais le problème provient d'un scénario qui est loin lui de répondre à tous ces critères d'exigence et de subtilité. Gance a toujours aimé le mélodrame et il y va ici en enfonçant toutes les portes ouverte, tombant même parfois dans le pure chantage émotionnelle avec le public. Beaucoup de péripéties sont artificielles ou répondant à des clichés (le caractère du mari vraiment odieux et égoiste ; tout ce qui concerne l'entretien du mystère autour de la liaison et la paternité de l'enfant ; un suspens assez déplacé sur la maladie de l'enfant)... Mais bon, il faut reconnaître que ça fonctionne quand même pas si mal, grâce en partie au talent Emmy Lynn dont le jeu est déchirant et vibrant (surtout lors de la virée en voiture vers la fin qui m'a presque fait verser ma larme)
Pas étonnant donc que le film fut un gros succès à l'époque.

Je me demande à quoi peut ressembler le remake parlant que Gance a diriger lui-même 15 ans plus tard.
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Re: Abel Gance (1889-1981)

Message par Filmomaniac »

Ses films qui me plaisent le plus sont ceux des années trente!
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Re: Abel Gance (1889-1981)

Message par bruce randylan »

Filmomaniac a écrit :Ses films qui me plaisent le plus sont ceux des années trente!
Ah ben, c'est pas courant ça !

Fin de ce mini cycle consacré à Abel Gance dans cette rétrospective 14-18 avec la dixième symphonie (1918)

Une femme parvient à s'échapper de la domination d'un arriviste adepte de soirées de débauche et d'excès. Elle refait sa vie avec un veuf, père d'un adolescente qui tombe bientôt amoureux... de l'ancien amant de sa belle-mère.

Fini les hésitations de Mater Dolorosa, Abel Gance frappe cette fois un grand coup dans ce sublime mélodrame d'un maturité tout simplement extraordinaire. L'auteur pousse ses recherches et son approche encore plus loin que dans sa précédente réalisation pour accoucher d'une oeuvre pleinement aboutie et réfléchie.
La maîtrise de la mise en scène, la virtuosité de sa narration, la profondeur des relations entre les personnages, la sophistication de la photographie et des décors, la justesse des acteurs concourent à faire de la dixième symphonie un tourbillon émotionnelle d'une intensité dramatique perpétuelle qui parvient à émouvoir du début à la fin sans jamais se reposer sur des archétypes ou des clichés. Il n'y a absolument rien d'artificiel, les personnages sont admirablement campés et définis. Ils sont tous prisonniers de leurs propres sensibilité et de leurs actions qu'ils assument plutôt que de fuir ou de se déresponsabiliser. Cela rend les tourments et leur dilemmes d'autant plus riches. Des états d'âmes qui sont toujours mises en valeur par l'approche de Gance : la manière de les intégrer dans une pièce, d'apporter une variation dans le découpage en travers d'une statue au cœur de chaque plan, l'utilisation de la lumière comme un symbole de l'isolement psychologique des protagonistes.
Son travail est d'autant plus stupéfiant que sa mise en scène est un modèle de sobriété et de discrétion. Aucun effet n'est appuyé ou surligné. La technique est invisible pour une fluidité exemplaire qui place l'humain en premier plan avant tout. Il parvient ainsi à maintenir l'attention alors que de nombreuses séquences pourraient basculer à tout moment dans la surenchère grotesque comme lors du dernier acte qui accumule sur le papier les pire situations du genre.

Un authentique chef d'oeuvre intemporel magnifié par l'accompagnement inspiré et vibrant de Nicolas Worms (un élève de la classe d'improvisation de Jean-François Zygel) qui a su retranscrire miraculeusement la sensibilité du film. Grâce à lui, la séquence où est interprêté la 10ème symphonie, déjà merveilleuse en tant que tel, est devenu un sommet de lyrisme. Un immense bravo à ce jeune pianiste.
Le film repasse cette semaine à la fondation Pathé (notamment samedi). :wink:

Une question aux spécialistes : La folie du docteur Tube, Barbe-rousse, les gaz mortels, Mater Dolorosa, la dixième symphonie j'accuse, la roue, au secours, Napoléon... Il a survécu d'autres Gance muets ?
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Ann Harding
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Re: Abel Gance (1889-1981)

Message par Ann Harding »

Il reste aussi Au secours!, une petite pochade avec Max Linder et deux films non restaurés Ecce Home (1918) et Le Droit à la vie (1917).
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Re: Abel Gance (1889-1981)

Message par Filmomaniac »

J'aimerais bien voir Le Voleur de Femmes, mais je pense qu'il n'y as aucune trace de ce film!
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