Christian-Jaque (1904-1994)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Nestor Almendros
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Re: Christian-Jaque (1904-1994)

Message par Nestor Almendros »

LE REPAS DES FAUVES (1964) - Cinécinéma Classic

Si le procédé (huis clos et face à face) devient rapidement prévisible, l'accueil chaleureux se transformant en joutes acérées, le résultat est néanmoins réussi. Les confrontations sont savoureuses et ces portraits croisés d'une Humanité individualiste et implacable lorsque la mort s'en approche contourne plutôt efficacement le jeu des caractères. La mise en scène de Christian-Jaque profite bien du lieu unique, des déplacements, des cadres, des tensions, et offre un film bien rythmé. Surtout, l'ensemble est porté par des dialogues savoureux d'Henri Jeanson qui donnent au film toute la consistance nécessaire, apportant une certaine légitimité et un aspect ludique à ce huis-clos parfois un peu artificiel. Soulignons enfin la bonne interprétation d'ensemble, du Francis Blanche opportuniste jusqu'au gradé allemand assez jubilatoire. Agréable.
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Re: Christian-Jaque (1904-1994)

Message par Federico »

Nestor Almendros a écrit :LE REPAS DES FAUVES (1964) - Cinécinéma Classic

Si le procédé (huis clos et face à face) devient rapidement prévisible, l'accueil chaleureux se transformant en joutes acérées, le résultat est néanmoins réussi. Les confrontations sont savoureuses et ces portraits croisés d'une Humanité individualiste et implacable lorsque la mort s'en approche contourne plutôt efficacement le jeu des caractères. La mise en scène de Christian-Jaque profite bien du lieu unique, des déplacements, des cadres, des tensions, et offre un film bien rythmé. Surtout, l'ensemble est porté par des dialogues savoureux d'Henri Jeanson qui donnent au film toute la consistance nécessaire, apportant une certaine légitimité et un aspect ludique à ce huis-clos parfois un peu artificiel. Soulignons enfin la bonne interprétation d'ensemble, du Francis Blanche opportuniste jusqu'au gradé allemand assez jubilatoire. Agréable.
J'ai commencé à le regarder et puis j'ai décroché. J'ai peut-être loupé de bons moments mais le peu que j'ai vu m'a plutôt donné envie de revoir Marie-Octobre de Duvivier...
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Re: Christian-Jaque (1904-1994)

Message par Nestor Almendros »

Federico a écrit :le peu que j'ai vu m'a plutôt donné envie de revoir Marie-Octobre de Duvivier...
J'y ai pensé également. Les deux films sont très similaires, tant sur la forme (huis clos) que sur le fond (des personnalités vont se dévoiler). Je n'ai plus assez de souvenir du Duvivier pour pouvoir vraiment comparer mais je crois que je le préfère au Christian-Jaque malgré tout.
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Cathy
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Re: Christian-Jaque (1904-1994)

Message par Cathy »

Compartiment de dames seules (1934)

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Le jour de son mariage, la jeune mariée veut savoir si son mari de 20 ans son aîné a eu de nombreuses conquêtes. Elle demande à son père de questionner son mari, et celui-ci avoue une relation furtive dans un train, le fameux "compartiment de dames seules". Par ailleurs ce mari n'a pas l'intention de se laisser faire par sa belle-mère. Celle-ci au courant de l'histoire du train se fait passer pour cette fameuse inconnue du compartiment et fait passer sa fille pour le fruit de cette relation d'une nuit.

Comme on peut le constater avec le résumé nous sommes dans un genre typiquement français, la comédie de boulevard. Et effectivement ce film est l'adaptation cinématographique d'une pièce de théâtre, et cela se sent, entre les phrases qui sonnent le théâtre, les entrées, les sorties, les rebondissements, les maris et les femmes trompés, les amants et les maîtresses supposés, tout sonne le théâtre. Maintenant si la pièce est menée à un train d'enfer, (et cela est logique !), les acteurs jouent souvent dans l'outrance comme au théâtre en premier Armand Bernard dans le rôle de ce mari qui devient le père potentiel de sa femme, ou Ginette Leclerc qui joue abominablement faux son rôle de vedette nue des Folies bergère. Pierre Larquey demeure truculent en père dominé par son épouse, Alice Tissot qui joue à la perfection, la maîtresse femme, deus ex machina de toute l'histoire. La copie proposée par Studio Canal est très belle, mais le film reste tout à fait dispensable, même si on note le sens du rythme du réalisateur, et le côté osé du cinéma français de l'époque.
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Message par bruce randylan »

La maison d’en face (1936)

Mr Pic est un banquier très conservateur et tatillon qui suit au pied de la lettre la loi et la morale que lui impose son travail. Il voit d’un très mauvais œil l’implantation d’une maison close en face de chez lui… jusqu’au jour où il perd son travail.

Une comédie populaire et bon enfant qui n’est certes pas la meilleure de Christian-Jaque mais qui reste toujours plaisante.
On n’y rit pas de bon cœur comme dans la sonnette d'alarme mais l’ensemble possède une bonne humeur communicative qui fait oublier qu’on se contente souvent de sourire.
Le problème vient de l’histoire qui met un peu trop de temps à mettre la situation et les personnages en place. Il aurait sans doute fallut réduire au maximum l’exposition pour se développer la partie se déroulant dans la maison close. Il manque en effet un rythme un peu plus soutenu qui apporterait la vitalité aux chassés-croisés qui ne demeurent au final qu’esquissés et réduits aux 20 dernières minutes.
Cela dit, on retrouve un casting sympathique, quelques bons mots, quelques situations amusantes et ce ton décontracté et modeste de Christian-Jaque. Sa mise en scène est typique de ses films de l’époque avec un découpage qui refuse le champ contrechamp au profit de plans assez longs qui se rapproche d’un personnage pour commuter sur un autre avant d’élargir le cadre pour se rapprocher d’un autre acteur etc… Le principe est un peu trop systématique et manque de variété mais on apprécie toujours de pouvoir ainsi mieux profiter du jeu des comédiens.

Ça se laisse donc agréablement suivre sans toutefois de grands éclats malgré une fin qui passe tout de même la vitesse supérieur grâce à une immoralité réjouissante.
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Message par bruce randylan »

Les dégourdis de la 11ème (1937)

Le colonel de la 11ème est à peu à cran. Veuf depuis pas mal de temps, il a promis à son épouse à l'agonie de ne pas connaître d'autre femmes après elle. Du coup, il force son régiment à de exercices intenses pour oublier les tentations de la chair. Comme le moral des troupes commencent à baisser, il accepte la proposition de sa soeur de monter une pièce de théâtre, une tragédie antique nommée "l'orgie romaine", avec plusieurs de ses troufions.


:lol: :lol:
Ah il m'a donné la patate ce film ! :D

C'est vraiment le chant du cygne de la comédie troupière.
Avec les tensions militaires via la montée du nazisme, on imagine que le temps n'est plus trop à la déconnade dans l'armée d'où cet ultime baroud d'honneur, un feu d'artifice totalement débridé et jubilatoire.

Tout le monde se fait vraiment plaisir avec une bonne humeur contagieuse qui commence comme bon nombre représentant du genre avec les conventions du genre (les corvées, "les jours", les problèmes entres gradées et simples soldats, les ruses et astuces pour échapper aux punitions etc...) mais l'histoire dépasse rapidement ce cadre restreint pour foncer dans une certaine folie à la limite de l'absurde quand la pièce de théâtre commence à se monter.
Le rythme s'accélère, les situations deviennent irrésistibles, les acteurs se lâchent, les répliques fusent... bref les zygomatiques travaillent bien plus.

C'est souvent vraiment très con avec une certaine vulgarité joliment détournée mais ça reste sacrément très efficace. Les 20 dernières minutes tiennent même du génie quand Saturnin Fabre se ramène et fait entrer l'histoire dans la 4ème dimension avec un André Lefaut essayant de sauver les apparences alors que ça demeure se transforme en orgie romaine. :mrgreen:
Grandiose. Sans parler des scènes entre Pauline Carton et Fernandel :lol:

Un grand moment de rigolade, potache, insouciant et généreux. On devine une grand part d'improvisation dans de nombreuses séquences mais toujours bien encadrés par Christian-Jaque dont la réalisation demeure toujours aussi solide avec de long-plans qui refuse le champ-contre champ pour permettre à l'humour et aux répliques de mieux fonctionner.
On trouve même quelques moments assez élégants comme ce travelling qui vient se glisser dans le bordel déserté par les militaires trop fatigués pour courir les jupons. :mrgreen:

Pour avoir vu quelques film de ce courant (Un de la légion, les gaités de l'escadron ou le revival tire au flanc 62), celui-ci est clairement le meilleur par son exubérance qui rue dans les brancards.

Un gros gros plaisir (même pas coupable) qui a l'air d'être un film culte pour beaucoup de personnes comme Jean-François Rauger.
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Re: Christian-Jaque (1904-1994)

Message par riqueuniee »

je ne mettrais pas Un de la légion dans cette catégorie, vu que le film comporte des moments qui ne relèvent pas du comique troupier. Les dégourdis sont en effet un des sommets du genre . Un genre qui vivait alors ses dernières années. (si on excepte les bidasseries des années 70)
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Re: Christian-Jaque (1904-1994)

Message par Commissaire Juve »

bruce randylan a écrit :Les dégourdis de la 11ème (1937)

:lol: :lol:
Ah il m'a donné la patate ce film ! :D

...

Un grand moment de rigolade, potache, insouciant et généreux...
:mrgreen: ça donne envie de le revoir.
riqueuniee a écrit :je ne mettrais pas Un de la légion dans cette catégorie, vu que le film comporte des moments qui ne relèvent pas du comique troupier...
Tutafé d'accord. Un de la légion est plutôt une version "familiale" de La Bandera.
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Re: Christian-Jaque (1904-1994)

Message par bruce randylan »

oui, ok, je me suis peut-être emballé pour Un de la légion

Sinon, en parcourant ce topic, je me rends compte que je n'ai pas posté mes avis le repas des fauves et sur Pirates du rail alors qu'avais quelques rapides bafouilles. Il va falloir que je fouille dans "mes documents" de mon PC :|
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Re: Christian-Jaque (1904-1994)

Message par bruce randylan »

Nouvel article sur 1kult avec le très rare et très rafraichissant Le grand élan où j'en profite pour rendre hommage au cinéaste de façon un peu plus large :D

http://www.1kult.com/2011/12/17/le-gran ... ian-jaque/
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Re: Christian-Jaque (1904-1994)

Message par Watkinssien »

Revu avec un plaisir non dissimulé La Tulipe Noire...

Si le film est souvent comparé au formidable Fanfan la Tulipe, il peut en souffrir.

Mais si on le prend en tant que film autonome, il demeure un film de cape et d'épées tout à fait distrayant, enlevé et prenant, mis en scène avec beaucoup d'entrain, même s'il y a quelques maladresses ici et là (fondus enchaînés pas toujours bien placés).

Mais le récit est assez surprenant et Alain Delon est convaincant dans un double rôle qui n'en fait plus qu'un, même de manière invraisemblable...
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Re: Christian-Jaque (1904-1994)

Message par Sybille »

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Un revenant
(1946) :

De retour à Lyon, sa ville natale, après des années de travail à l'étranger, le directeur d'une célèbre troupe de ballets règle ses comptes avec la famille bourgeoise de son ancienne fiancée.
Retour sur le passé, machination, vengeance. C'est très noir, relativement bien mené, mais assez peu convainquant. Le trio de personnages impliqués joue pourtant parfaitement le jeu : à savoir Louis Jouvet, Jean Brochard et Louis Seigner, tous très bons à leur manière, et selon les caractéristiques de leur rôle. L'atmosphère est ainsi pleine d'arrogance, de couardise, de détestation glacée. Mais on a peine à s'y impliquer réellement. La jeunesse aventureuse, prête à tous les enthousiasmes et à tous les chagrins, s'exprime par l'entremise de François Périer, qui est drôle, débordant de sincérité juvénile, et en cela au fond plutôt assommant (ses scènes d'amour en particulier). J'ai apprécié la scène où Jouvet décrit la personnalité du jeune homme rien qu'en examinant les objets de sa chambre. Gaby Morlay, a contrario, ne se montre pas assez passionnée : son interprétation est beaucoup trop pâlotte. Nul vrai désespoir sur son visage, malgré ce qui est dit ; de la légèreté, mais ici significative d'une expressivité un peu à côté de la plaque, pas d'une ironie sensible. Le scénario en profite quand même pour brosser l'efficace scène au théâtre, témoin de la fatigue sociale de cette femme malheureuse dans son mariage. Il y a beaucoup de détours autour d'enjeux sans véritable intérêt, mais on attend leur résolution sans jamais être certain de comment ça va se terminer. Et c'est justement beaucoup moins évident que prévu, avec une ouverture sur la personnalité du 'revenant' qui suscite alors un brin de curiosité. 6,5/10

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L'assassinat du Père Noël
(1941) :

Très bon film : doté allègrement d'une ambiance, celle d'un village de montagne pendant les vacances de Noël, recouvert de neige et du pittoresque des habitants. Scènes à base d'alcool et de plaisanteries, là où Harry Baur vient montrer toute l'excellence de son jeu, à la fois pathétique et sympathique, comme souvent ceux qui ont bu un verre de trop. Il y a l'animation joyeuse des enfants, le ravissement des fêtes, la promesse des cadeaux, mais aussi une sentimentalité légère avec un petit garçon malade. Robert Le Vigan est plutôt amusant en instituteur tendrement autoritaire et amoureux déçu, j'ai bien aimé le retrouver dans ce film. Et en même temps, pour faire honneur au climat policier, quelques touches inquiétantes, principalement accentuées sur les personnages : le mystérieux baron (Raymond Rouleau, impérialement hautain, mais qui parvient néanmoins à insuffler un peu de chaleur dans son interprétation) la vieille fille bizarre toujours à la recherche de son chat (Marie-Hélène Dasté, 2 ou 3 scènes de crise hallucinée étonnantes), l'adolescente mélancolique et éthérée (Renée Faure, presque hors du monde). Car sinon, le mystère n'est rien de plus qu'une cocasserie un peu bête, entre l'instant où le curé se fait assommer et celui où le diamant de la crèche de Noël est dérobée. Un coupable d'occasion qu'on n'aurait pas soupçonné, quelques mesures d'explications, et c'est terminé. La réalisation de Christian-Jaque est un vrai plaisir, c'est vif, inventif, parfois très surprenant. 7/10
bruce randylan
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Re: Christian-Jaque (1904-1994)

Message par bruce randylan »

Sortilèges (1944)

Deux hommes occupent un refuge en haute montagne. L'un est un peu simplet et le second qui possède un fort pouvoir de persuasion se fait passer pour un sorcier. Amoureux de la fille de son collègue, il tue un passant qu'il abandonne dans la neige pour lui voler sa bourse
.

Christian-Jaque et Jacques Prévert signent tous les deux cette adaptation pour un film à l'ambiance assez unique avec son village isolé et enneigé, baignant dans une ambiance poético-fantastique qui déploie un pouvoir de fascination immédiat.
Le réalisateur semble vraiment inspirée et livre un film visuellement somptueux avec une mise en scène assez baroque, presque expressionniste par moment et déploie un savoir faire permanent. Avec ses travellings décadrés, sa profondeur de champ, son tournage en décor naturel, ses lieux exigus, son découpage refusant l'académisme, ses longs mouvements d'appareils, Christian-Jaque ne demande vraiment pas la facilité à ses opérateurs (je pense à quelques travellings assez complexes avec gros plan, trajectoire circulaire puis mouvement arrière, le tout de nuit en forêt hivernal ou le final très inventif lors de l'incendie qui n'aurait pas dépareillé dans un fantastique Universal des années 30). Loin d'être de la démonstration gratuite ou de l'esbroufe, cette technique virtuose installe immédiatement cette ambiance onirique, lyrique, quelque part assez malsaine. Le cinéaste n'y va vraiment pas avec les pincettes et le dos de la cuillère même quand il doit mettre en scène une scène romantique qui devient en opérette de carte postale avec un sérieux imperturbable. C'est aussi ce qui en fait sa force et son originalité, encore aujourd'hui.

L'irréalité opaque des images est en osmose avec son scénario jouant volontairement de son aspect artificiel avec des dialogues sur-écrit et une direction d'acteur théâtralisé. Mais ce scénario qui fonctionne à merveille quand il est dans la mise en place et dans la pure atmosphère fonctionne moins bien quand il doit s'aventurer dans le narratif. Pas mal de stéréotypes et de passage prévisibles (histoire d'amour, évolutions psychologiques, raccourcis) qui n'évitent pas quelques longueurs et baisses de régime. C'est d'ailleurs dans ces moments là que la réalisation de Christian-Jaque est la moins créatrice et tombe dans quelques répétitions de certaines figures de style.

Mais dans l'ensemble, Sortilège est un vrai petit bijou méconnu dans la carrière insaisissable de son auteur qui mérite vraiment une plus large diffusion. C'est un peu un ovni mais ce caractère très particulier en fait toute l'originalité.
Dernière modification par bruce randylan le 27 févr. 13, 15:26, modifié 1 fois.
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Re: Christian-Jaque (1904-1994)

Message par bruce randylan »

A Venise une nuit (1937)

Un dandy dépensier se retrouve sans le sou. Il accepte (ou s'impose) un poste de détective dans une petite agence. Son premier emploi est de séduire une femme fortunée afin que le mari puisse l'accuser d'adultère et ainsi demander le divorce.

Une petite comédie sympathique à défaut d'être marquante. C'est très gentil et mignon mais ça ne va pas voir très loin avec une intrigue prévisible heureusement rehaussée par des personnages attachants, des situations doucement loufoques et 3 villes (Paris, Nice, Venise) filmées joliment sans tomber dans la carte postale dégoulinante.
le duo formé par Albert Préjean et le très jeune Marcel Mouloudji était loin d'être gagné sur le papier mais fonctionne très bien à l'écran avec une belle complicité et un jeu naturel et chaleureux qui les met à égalité. C'est presque ce qui est le plus réussi au final. Mais quelques scènes très amusantes sortent du lot comme la manière dont Préjean regarde ses meubles être saisis avant de s'incruster dans l'agence de détective (en faisant un chantage au suicide). L'accident de voiture qui noue sa rencontre avec Elvire Popesco est également assez drôle.
Dans l'ensemble, l'humour est plutôt réservée à la première moitié du film tandis que la romance (moins engageante) se garde la seconde

La réalisation de Christian-Jaque ne manque pas de style mais peine à trouver du caractère. A quelques exceptions près (dont une courte et étonnante excursion dans un vrai bidon-ville en périphérie de Paris), sa mise en scène est purement décorative avec une caméra souvent en mouvement mais qui n'apporte rien au final à l'histoire ou aux personnages

Comme le film possède en outre quelques longueurs et une conclusion précipitée, A venise une nuit est loin de faire partie des incontournables de sa filmographie mais ça ne manque pas de charme.
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Re: Christian-Jaque (1904-1994)

Message par Commissaire Juve »

Comme je me suis revisionné toutes les adaptations de romans de Zola que j'ai en ma possession, j'ajoute ce petit point de vue sur Nana.

http://www.dvdclassik.com/forum/viewtop ... 9#p2256799

Donc, la nuit dernière, je me suis fait Nana de Christian-Jaque (1955) avec Martine Carol et Charles Boyer. Pour faire bref : c'est -- avec Pot-Bouille -- un des meilleurs crus (en termes d'efficacité... pour l'aspect "oeuvre d'art", c'est autre chose).

Alors oui, Martine Carol (34 ans) n'a pas vraiment l'âge du rôle (elle est presque deux fois plus vieille que la Nana du roman), mais elle pète la forme (les "formes") et fait parfaitement illusion. Par ailleurs certains éléments du texte ont disparu : l'enfant de Nana, sa liaison saphique avec Satin... Enfin, la conclusion de l'histoire -- comme dans le Thérèse Raquin de Carné -- connaît une modification "formelle" de taille...
Spoiler (cliquez pour afficher)
C'est le comte Muffat qui tue Nana en l'étranglant... dans le roman, elle meurt de la petite vérole
... mais tous les moments forts sont là. Avec une mise en dialogues de Henri Jeanson vraiment efficace (on n'est pas dans la citation servile du texte de départ, les personnages vivent, ont des choses à dire) et une bande de comédiens à papa vraiment à l'aise dans leurs chaussons : Paul Frankeur (Bordenave), Noël Roquevert (le banquier Steiner), Jacques Castelot (le duc de Vandeuvres)... Le récit est fluide, la caméra assez mobile et... il y a du fric à l'écran. C'est vraiment tout le contraire du boulot minimaliste effectué l'année précédente sur Le rouge et le noir (Claude Autant-Lara).

Bref : le cinéma de papa dans toute "son horreur" (vu de la Nouvelle Vague). Il paraît que François Truffaut avait aimé Lola Montès (Max Ophüls, 1955... il est sorti 4 mois après Nana), également avec Martine Carol... je me demande ce qu'il a bien pu penser du film de Christian-Jaque (comme il conchiait Aurenche, Bost, Sigurd, Jeanson, Autant-Lara et Allegret, il a dû a-do-rer !).
Dernière modification par Commissaire Juve le 23 nov. 12, 18:41, modifié 1 fois.
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