Christian-Jaque (1904-1994)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Murnaldien
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Re: Christian-Jaque (1904-1994)

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Commissaire Juve
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Re: Christian-Jaque (1904-1994)

Message par Commissaire Juve »

Il n'est pas question de savoir si j'aime ou pas Nana... je dis que le film est "efficace", que le passage à l'écran des personnages de papier tient parfaitement la route (sinon, c'est un spectacle criard, tape-à-l'oeil... à l'image de son héroïne).

Sinon, concernant le rouge et le noir, je sais que Tavernier ne l'aime pas du tout ; je suis en bonne compagnie. :mrgreen:

Murnaldien a écrit :...

Franchement, à part Martine Carol, je ne vois pas le rapport entre les deux films. Ce sont deux mondes. Lola Montès est plutôt un film d'auteur, Nana un véhicule pour Martine Carol...
Deux films en costumes, en couleur (quand la majorité des films français étaient en noir & blanc), avec Martine Carol... à quelques semaines d'intervalle... C'est tout. Le public de l'époque n'a pas dû se poser davantage de questions en les voyant à l'affiche.
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Re: Christian-Jaque (1904-1994)

Message par Chrislynch »

L'assassinat du père Noël (1941)

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Synopsis

Le soir du 24 décembre, dans un petit village de Savoie enfoui sous la neige, le bon père Cornusse, fabricant de mappemondes, s'apprête à jouer comme chaque année le rôle du père Noël, tandis que Catherine, sa fille, rêve d'un prince charmant en cousant des robes de poupées. Le mystérieux retour au château du baron Roland alimente quant à lui bien des conversations. Puis, un homme en habit de Père Noël est retrouvé mort...

Avis

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Difficile de pouvoir lire la narration en dehors de son contexte historique. Difficile donc de pouvoir se transporter dans l’association entre la narration et son époque historique. Le film est réalisé pendant l’occupation allemande, avec le refus officiel de Christian-Jaque de tomber dans le film de propagande. Alors, comme l’indique Gérard Camy dans Télérama, la narration joue-t-elle de métaphore sur l’interprétation d’une princesse endormie mais bien vivante (la France) et un prince charmant qui un jour la réveillera (de Gaulle) ? Ou bien, comme l’indique encore l’auteur, n’est-ce là qu’une interprétation d’après guerre ?

En tout cas, si nous ne sommes pas dans la métaphore, nous sommes au moins dans le conte de fée ou presque, qui renvoie de toute façon à un processus de distanciation sur la fable en elle-même. Pas vraiment dans la fable, ni à l’extérieur, entre les deux.

Le Père Noël, c’est le lien symbolique entre le monde de l’enfance et celui de l’adulte. Il y une très belle scène où le père Noël parle avec les parents alors que les enfants écoutent en dessous de la table ; et la boisson aidant, entre en confusion dans ses paroles. L’assassinat du Père Noël c’est avant tout la confusion du jeu de rôle des personnages. Nous voyons des adultes parler et agir comme des enfants. Nous voyons des enfants projetés dramatiquement dans l’horreur du monde adulte, par exemple, lorsqu’ils découvrent le cadavre dans la neige. Confusion et encore confusion… le Père Noël, qui n’en est pas vraiment un, s’inquiétant de l’enfouissement de sa fille dans un monde fantastique, hors de toute réalité. Le pharmacien, qui empoisonne son entourage ; la mère Michel qui n’a pas vraiment perdu son chat, etc.

Scénario tout à fait remarquable, qui cadre parfaitement avec l’atmosphère de confusion de la guerre. Et avec ça, la sublime dextérité de la mise en scène, rendant le tout d’une belle fluidité et comprenant parfaitement la distanciation qui se joue dans le scénario. Nous ne sommes pas dans du drame, mais dans une comédie dramatique à dimension hautement symbolique. L’intérêt est aussi ludique, dans une atmosphère d’intrigue policière.
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Commissaire Juve
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Re: Christian-Jaque (1904-1994)

Message par Commissaire Juve »

Je me disais bien que j'avais vu un message récent concernant ce film...

C'est marrant, je l'ai justement découvert jeudi soir (après avoir mis la main sur un des derniers René Chateau dispo). Je suis vraiment client pour ce genre de cinéma, mais j'avoue avoir été déçu. Je n'ai pas accroché au scénar (plutôt sous acide) et j'ai trouvé le récit assez anarchique. Cela dit, avec le recul, le film commence à prendre forme dans ma tête. Mais à la première vision, j'ai ressenti de la frustration (frustration de voir tous ces comédiens que j'aime bien au service d'une histoire mal fichue*).


* on ne retrouve pas la qualité de "Les disparus de Saint-Agil".
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Re: Christian-Jaque (1904-1994)

Message par Major Dundee »

Commissaire Juve a écrit :Je me disais bien que j'avais vu un message récent concernant ce film...

C'est marrant, je l'ai justement découvert jeudi soir (après avoir mis la main sur un des derniers René Chateau dispo). Je suis vraiment client pour ce genre de cinéma, mais j'avoue avoir été déçu. Je n'ai pas accroché au scénar (plutôt sous acide) et j'ai trouvé le récit assez anarchique. Cela dit, avec le recul, le film commence à prendre forme dans ma tête. Mais à la première vision, j'ai ressenti de la frustration (frustration de voir tous ces comédiens que j'aime bien au service d'une histoire mal fichue*).


* on ne retrouve pas la qualité de "Les disparus de Saint-Agil".
J'ai ressenti la même frustration que toi Commissaire (du moins à la première vision).
Mais c'est un film qui me trotte souvent dans la tête, je ne sais pas pourquoi. Et je le revois maintenant de temps en temps avec beaucoup plus de plaisir.
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Re: Christian-Jaque (1904-1994)

Message par Sybille »

Il est peut-être moins bien conduit à première vue, moins rigoureux dans son ensemble que "St-Agil" (plus concentré il me semble). Ici il y a pas mal d'histoires et de personnages qui se mélangent. Mais le film vaut largement le coup.
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Re: Christian-Jaque (1904-1994)

Message par nobody smith »

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Sur les étagères du bureau des objets trouvés, quatre objets font nous délivrer l’histoire de leurs pertes. Chaque histoire se fonde sur le principe du souvenir qui revient hanter les personnages sous une forme ou une autre. L’occasion d’explorer à chaque sketch un genre différent. Sur le papier, ça semble poétique et très émouvant. Dans les faits, c’est assez banal et tout juste plaisant à regarder. Le premier sketch aux accents de mélodrame donne le ton. L’histoire est classique (deux amants se retrouvent et passent la nuit en se mentant mutuellement sur leur statut social) et le traitement n’a rien de faramineux, étalant avec application mais sans génie les manipulations liées à une telle situation. C’est toujours mieux que le second sketch, vaudeville où un coureur de jupons doit se faire passer pour mort auprès d’une hystérique ex-conquête. Que du classique encore et il n’y a pas grand chose à reprocher si ce n’est une longueur excessive par rapport à l’intérêt de ces pitreries. Tout l’inverse du troisième volet qui est le plus court alors qu’il aurait bien mérité à gagner en développement. C’est en effet le meilleur du lot. Un évadé de l’asile assassine les responsables de son enfermement et trouve refuge chez une jeune femme qu’il a sauvé du suicide. La première moitié est assez excitante par son ambiance mystérieuse. Gérard Philippe a de la prestance dans son rôle de serial-killer et la mise en scène lui donne une aura supplémentaire avec sa profusion de plans décadrés et de jeux d’ombre. La seconde moitié est un peu moins convaincante (notamment dans sa manière d’amener le retournement final) mais cela n’empêche pas le sketch de se positionner largement au-dessus des autres. Quant au dernier segment, c’est limite un hors-sujet s’éloignant de la logique des précédentes histoires (c’est la naissance d’un souvenir marquant et non plus sa résurgence). Mais même sans ça, l’histoire n’a pas grand intérêt et ne vaut guère que pour le présence d’Yves Montand et de Bernard Blier dans les rôles principaux. Enfin bref, fort oubliable à l’exception du troisième sketch.
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Commissaire Juve
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Re: Christian-Jaque (1904-1994)

Message par Commissaire Juve »

:mrgreen: Je reposte ici. Attention : c'est la version suédoise.


Singoalla (Christian-Jaque, 1949) ... avec Pierre Véry au manuscrit...

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C'est une coproduction franco-suédoise qui a été tournée en trois versions : une française, une suédoise et une anglaise. Dans la version française, le rôle du chevalier Erland est tenu par Michel Auclair (mais en voyant Alf Kjellin, j'ai souvent pensé que Gérard Philipe aurait été comme un ours au salon du miel dans ce film :mrgreen: ), dans les deux autres versions c'est Alf Kjellin -- assez fade -- qui tient la barre. Quant au personnage de la Tzigane Singoalla, il est interprété par Viveca Lindfors dans les trois versions (là, elle nous la joue Gina Lollobrigida dans "Notre-Dame de Paris"... mais en Suède).

C'est censé commencer vers 1340 et cela se termine en 1350 quand la peste noire est arrivée en Suède... En gros, c'est l'histoire d'une malédiction : tous les chevaliers de la famille Månesköld sont condamnés à mourir jeunes et, partant, on s'efforce de les marier rapidement pour que la lignée puisse survivre. Seulement, dans le film, le chevalier Erland tombe malencontreusement amoureux d'une Tzigane, ce qui dérange bien du monde...

Dans les cinq premières minutes, on est plongé dans une ambiance à la Pierre Véry ("Les Disparus de Saint-Agil"), les couloirs du château font penser à "Sylvie et le fantôme" (1946), le chevalier somnambule au "Baron fantôme" (Serge de Poligny, 1943). Enfin, quand Erland décide de partir avec les Tziganes, on se dit qu'il y a un petit côté capitaine Fracasse (qui, je vous le rappelle, décide de suivre une troupe de comédiens par amour). Mais l'aspect fantastique est vite désamorcé. A la sixième minute, le chapelain dit qu'il n'y a pas plus de malédiction que de beurre en broche, que c'est un problème d'alignement des planètes (réplique qui a mis en colère les gens de la "National Legion of Decency" pour qui il était impensable qu'un prêtre catholique puisse faire de l'astrologie) et le film change de registre.

A partir de là, on se retrouve devant une simple histoire d'amants maudits. Cela se laisse regarder, mais, en dehors de Viveca Lindfors (qui est habitée par son rôle), l'interprétation est assez fade voire caricaturale. Enfin, à l'arrière-plan, la figuration n'est pas très convaincante. Là, je pense surtout à l'attaque du château qui est vraiment jouée avec les pieds. On est loin du Robin des Bois de Curtiz (1938). En voyant le tricot à l'épée de certains combattants, j'ai carrément pensé à José Noguéro dans Mandrin (René Jayet, 1947) ; affreux !

Quant au maelstrom final, j'avoue qu'il m'a laissé songeur ! On peut se contenter de le prendre au premier degré, bien sûr. Mais, personnellement, j'ai eu le sentiment que le réalisateur ne savait plus quoi faire de ses personnages et que, faute de pouvoir démolir sa caméra sur scène à la façon d'un Pete Townsend, il s'est dit : "Foutu pour foutu, faisons tout péter !"

Au passage : je signale que ce film a eu droit à deux fins. J'ignore comment se termine la version française, mais les versions suédoise et américaine ne se terminent pas du tout de la même manière (mais je n'en dis pas plus pour ne pas spoiler).

C'est un film qui a coûté très cher (en décors et en costumes), mais qui a probablement souffert d'avoir été tourné en trois versions. Même s'il a fait des entrées, il a été mal reçu par la critique suédoise qui l'a trouvé plutôt risible ! Tout comme la version tournée en anglais. En fait, d'après la notice de l'Institut suédois du film, seule la version française tiendrait la route (mais, c'est bien connu, l'herbe est toujours plus verte ailleurs).

J'ajoute qu'ayant travaillé à la fac sur le Moyen Age suédois, je n'ai pu m'empêcher de le regarder d'un point de vue historique et... oué... :uhuh: Et je ne dis rien du fait que les Tziganes / Roms ne soient mentionnés en Suède qu'à partir du 16e siècle ! Bref : on a un grand écart entre le 14e siècle et le 16e siècle.

Comme d'habitude, le DVD suédois n'offre que des sous-titres suédois. On a une qualité d'image "Gaumont à la demande" plutôt pas mal (sauf sur les 4 premières minutes qui ont un peu trop noirci).
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Re: Christian-Jaque (1904-1994)

Message par Profondo Rosso »

Voyage sans espoir (1943)

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Tout juste évadé de prison, Gohelle cherche à quitter le pays. Dans le train, il fait la rencontre d'un certain Alain Ginestier, visiblement fortuné. Gohelle a alors l'idée de demander à sa charmante maîtresse - Marie-Ange - de charmer ce pigeon idéal. Mais elle va tomber dans son propre piège et s'éprendre du millionnaire.

Voyage sans espoir est un flamboyant mélodrame qui marque la rencontre entre le film noir et le réalisme poétique. Le film est un remake de Les Amants de minuit de Augusto Genina (1931) produit par Roger Richebé au sein des Établissements Braunberger-Richebé, société qu'il codirigeait alors avec Pierre Braunberger. Au début des années 40 et désormais seul maître à bord des Films Roger Richebé, le producteur se rend compte qu'il possède toujours les droits du film et décide d'en signer un remake. Il en confiera le scénario à Pierre Mac Orlan, sorte de père spirituel du réalisme poétique depuis la merveilleuse adaptation que tirèrent Marcel Carné et Jacques Prévert de son roman Quai des brumes (1938). Roger Richebé pensait au départ réaliser le film lui-même mais désormais pris par ses responsabilité de dirigeant du Comité d'organisation de l'industrie cinématographique (ancêtre du CNC crée conjointement par les français et les allemands sous l'Occupation) il devra en confier la direction à Christian-Jaque. Celui-ci avait réussi depuis plusieurs années déjà à se sortir de l'ornière des comédies populaire à succès avec Fernandel grâce à des réussites majeures comme La Symphonie fantastique (1942) ou L'Assassinat du père Noël (1941). Ce sera donc une occasion de plus de montrer une autre facette de son talent versatile, notamment en apportant sa patte dans une ultime réécriture du scénario.

Avec sa ville portuaire éthérée et réaliste à la fois, ses amours maudites et le poids de la destinée, le film dessine un univers typique de Mac Orlan où viennent s'inscrire des archétypes du film noir : l'innocent (Jean Marais), le gangster (Paul Bernard) et la femme fatale (Simone Renant). La tragédie transcende ces archétypes à travers des personnages tous en quête d'évasion, symbolique ou bien réelle. Le malfrat Pierre Gohelle (Paul Bernard) fraîchement évadé de prison renoue avec son amante Marie-Ange (Simone Renant) pour l'aider à quitter le pays. La victime idéale pour réaliser ses plans semble être Alain (Jean Marais), jeune homme innocent et fortuné fuyant également sa vie monotone de directeur de banque et prenant un bateau pour l'Argentine. Chaque personnage est prisonnier, chacun à sa manière. Pierre est ainsi enchaîné à cette existence criminelle, incapable par faiblesse mais aussi par les circonstances (un chantage implacable) de se reconstruire une existence plus honnête. Marie-Ange est tout aussi enchaînée à cette liaison coupable source de souffrances pour elle. Alain incarne une pure figure de pureté et d'innocence juvénile mais s'avérera également assujetti à un secret douloureux. L'unité de temps et de lieu de la nuit de cette cité portuaire va pourtant permettre à chacun de se libérer, par l'amour. L'égoïsme et le pur instinct de survie laisse place au dépit de l'amoureux abandonné pour Pierre, l'appât et la victime s'étant rapproché de manière inattendue avec la romance sincère et passionné entre Alain et Marie-Ange. La présence inquiétante de Paul Bernard se fait fébrile, le détachement de Simone Renant devient une pure exaltation amoureuse et la naïveté presque agaçante de Jean Marais laisse place à une angoisse latente. Les seuls protagonistes apaisés sont ceux résignés (superbe Lucien Coëdel en marin amoureux), omniscient (Louis Salou en truculent policier) ou uniformément négatif (les membres de l'équipage) qui observent à distance le drame se jouant au cours de cette nuit.

Le tournage entièrement en studio confère une aura toute particulière au film. Chaque environnement se plie littéralement à la personnalité du protagoniste. La photo de Robert Lefebvre multiplie les éclairages tortueux et expressionniste pour nourrir les noir desseins de Pierre (l'arrivée dans le wagon de train où le portefeuille d'Alain s'offre à lui), offre un entre-deux diffus devant les hésitations coupable de Marie-Ange (superbe scène de cabaret où Simone Renant donne de la voix) et s'illumine d'une pure grâce immaculée lors des scènes romantiques comme cette entrevue sous un kiosque. La ville oscille également entre étouffement urbain et une imagerie féérique avec ce magnifique panoramique parcourant les lumières nocturnes depuis le balcon de Marie-Ange. On navigue ainsi entre inquiétude et émerveillement, le malheur frappant comme le souligne un dialogue ceux n'ayant pas pu ou su revenir en arrière et apprendre de leur erreurs. La bouleversante dernière scène montre ainsi l'expression du jusqu'auboutisme amoureux, pour le meilleur et pour le pire dans une pure tragédie. Une belle réussite un peu oubliée, peut-être à cause de son rattachement à la Continentale (Richebé forcé d'en céder les droits pour boucler son budget devra en répondre à la Libération) mais qui participera à l'ascension de Jean Marais puisque intercalé entre L'Éternel Retour (1943) et Carmen (1945) du même Christian-Jaque. Tout juste tiquera a-t-on sur quelques dialogues et personnages typé (le matelot asiatique fourbe) dénotant un certain racisme. 5/6
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Re: Christian-Jaque (1904-1994)

Message par Bogus »

Les Disparus de Saint-Agil
Une intrigue pleine de mystère où l'imagination et l'esprit d'aventure des enfants font face aux regrets et à l'amertume des adultes et qui captive sans problème.
Le film à un côté désuet qui lui donne un certain charme.
Eric Von Stroheim et Michel Simon sont excellents ainsi que l'inquiétant Robert le Vigan (j'ai adoré la longue scène entre ces deux derniers).
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Re: Christian-Jaque (1904-1994)

Message par Jeremy Fox »

Les Disparus de St-Agil par Philippe Paul à l'occasion de la sortie du film en combo Blu-ray/DVD chez Pathé.
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Re: Christian-Jaque (1904-1994)

Message par 1kult »

Voyage sans espoir (1943)

Quelle jolie découverte ! Et qui éclaire à sa manière sur le cinéma sous l'Occupation. Emprunt de réalisme poétique (les décors ressemblent à s'y méprendre à du Trauner), voire sous influence certaine, Christian-Jaque tente de suivre les traces d’œuvres d'avant-guerre, comme Pépé le Moko (la dégaine de Pierre, l'évadé, qui ressemble à s'y méprendre à Gabin dans certains plans) ou Quai des brumes (le port, le microcosme des ouvriers et le monde de la nuit maritime). D'ailleurs c'est Pierre Mac Orlan (Pépé le Moko) qui signe le scénario, qu'on aurait pu croire ancré dans le même univers. C'est magnifique, c'est tragique, c'est noir, la réalisation est inventive et on sent le cinéaste inspiré, en tentant des travellings dans des décors grandioses, des décadrages, des mouvements de caméra et le chef opérateur fait des merveilles. C'est d'ailleurs cette recherche de merveilleux qui fait l'intérêt du film, dans son espèce de copie (presque) conforme du réalisme poétique.

Jean Marais apparaît déjà comme le héros romantique, lui aussi héritier des personnages romantiques type Gueule d'amour. Les autres comédiens sont plus fades à mon goût, et ne sont pas forcément aidés par des personnages très stéréotypes et des dialogues qui cherchent à faire du Prévert, en plus poussif et sans l'aspect fabuleusement aérien des mots de l'auteur du Jour se lève. Si comme beaucoup de films réalisés pendant l'Occupation on a du mal à ressentir réellement les préoccupations de l'époque, on s'évertuera tout de même à en rechercher des touches ici ou là, quitte à surinterpréter et à partir dans de mauvaises directions. A ce titre, on tiquera gentiment sur l'éternel représentation de l'asiatique (fourbe) et de l'africaine (danseuse, donc pulpeuse), qui est plus un tic qui apparaissait déjà avant l'Occupation (et même après). Plus parlant à mon avis, les forces de l'ordre sont montrés comme bienveillants et compréhensifs, peut-être même a excès. peut-être quelqu'un pourra me confirmer, mais c'est à mon avis la seule fois que c'est le cas dans le réalisme poétique (que j'ai découvert il y a 15 ans, et sur ce point ma mémoire flanchouille un tit peu).
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Re: Christian-Jaque (1904-1994)

Message par Kevin95 »

L'ASSASSINAT DU PÈRE NOËL - Christian-Jaque (1941) découverte

Au-delà de son titre vendeur mais quelque peu mensonger, L'Assassinat du Père Noël est l'une des rares tentatives françaises de faire du cinéma fantastique sans forcément annoncer clairement la couleur. Car le film est surtout la chronique d'un petit village de Savoie, paisible, rassurant, peuplé d'habitants hauts en couleur et rythmé par une existence clame, loin de tout. En bref, le cahier des charges de la Continental dont c'est ici le premier film et qui vise - comme chez nos voisins occupés - à endormir le public, à le réchauffer avec une couette sur grand écran. Mais la machine n'est pas si facile à faire marcher et si le film Christian-Jaque perdure dans le temps c'est justement, parce qu’il ose mettre un pied en dehors des clous de Vichy, quitte à fricoter (on y vient) avec le fantastique. Le village était presque parfait à un détail près, une couille dans le potage. Les non-dits sont légion, les trognes patibulaires, on conchie l'étranger en un rien de temps et on repend une rumeur sur celui qui ne veut pas boire un coup à la taverne du coin. Vichy ou presque, ce petit monde à quelque chose à cacher et le mystérieux assassin est plus un prétexte du scénario pour ne pas accuser la mentalité étroite des villageois comme source de leurs tourments. A côté, les mômes s'amusent, rêvent, patientent attendant que leurs parents cuvent entre deux paires de baffes. Mais Christian-Jaque n'est pas Henri-Georges Clouzot et son titre est aussi une rêverie hors du temps, où derrière la vinasse des vieux de la vielle, un couple de jeunes amants tente de s'aimer dans ce décor oppressant. Un peu niaise sur les bords, cette part sentimentale comme l'expédition du dénouement ne sont que quelques rides bien mineures à côté de la mine étrange mais fascinante que L'Assassinat du Père Noël affiche depuis plus de 70 ans.
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Re: Christian-Jaque (1904-1994)

Message par Kevin95 »

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LES DISPARUS DE SAINT-AGIL - Christian-Jaque (1938) découverte

Gros succès populaire français qui lança la mode des films de pensionnat, du ringard La Cage aux rossignols (aussi tarte que son remake Les Choristes) à l'appliqué Les Anciens de Saint-Loup avant qu'Henri-Georges Clouzot ne vienne pervertir le jeu avec ses Diaboliques. Le film de Christian-Jaque navigue entre deux eaux, qu'il soit du côté des élèves ou celui des profs avec coté mômes une ambiance fantastique bon-enfant tendance Club des cinq dans lequel un coupable est à découvrir tandis que coté vieux schnock, le ton est à l’ironie vacharde entre un Michel Simon cuit comme un œuf, un Erich von Stroheim victime malgré lui ou un Robert Le Vigan comme toujours complétement habité. Seulement, Christian-Jaque inverse la tendance qui verrait d'un œil naïf mais condescendant la vie des gamins et verrait avec un œil adulte celui des professeurs, c'est ici tout le contraire. Les détectives en culottes courtes ont une prestance et des réactions d'hommes murs quand leurs ainés sont victimes de régression, se chamaillent pour un rien et passent pour la plupart (Stroheim mis à part) pour ridicules. Les Disparus de Saint-Agil n'est pas si bêta qu'on pourrait le penser, sa vision de l'enfance est tendre mais pas mielleuse quand celle des adultes, annonce inconsciemment les tourments français de l'Occupation, entre peur de l'étranger, esprit simpliste et goût de la délation. De là à faire un lien entre la disparition des enfants et celui des Juifs quelques années après, il n'y a qu'un pas (d'ailleurs, le film partage pas mal de liens avec Au revoir les enfants de Louis Malle). Comme L'Assassinat du Père Noël, Les Disparus de Saint-Agil pèche par une résolution un tantinet bâclée mais continue à garder la forme grâce à son ambiance fanstastico-naïve et à sa solidité formelle. Pas si anodin le père Christian-Jaque.
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Re: Christian-Jaque (1904-1994)

Message par Commissaire Juve »

La remarque super inintéressante de la soirée...

Je viens d'acheter Les Disparus de Saint-Agil pour la troisième fois (2 éditions DVD + le BLU... pour voir... parce qu'il n'était pas trop cher). Et je me suis demandé à quelle date j'avais pu le découvrir (je vous avais dit que ça serait passionnant).

Donc : petite recherche... et j'ai le choix entre trois dates...

- dimanche 21 mars 1971, 17h15, sur la 1ère chaîne (mais j'étais peut-être un peu jeune)
- lundi 19 août 1974, 14h30, sur la 1ère chaîne, (à quelques jours d'un départ en Bretagne)
- jeudi 29 juillet 1976, 20h30, sur FR3 (à quelques jours d'un départ en colo)

... difficile de choisir. Si ça se trouve, je l'ai vu à chaque fois. :mrgreen:
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