Burt Lancaster (1913-1994)
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Re: Burt Lancaster (1913-1994)
The Swimmer de Frank Perry (1968)
Ned Merrill (Burt Lancaster) sort des bois vêtu d'un seul maillot de bain et plonge dans la piscine d'une propriété du Connecticut. Accueilli par de vieux amis étonnés de le trouver là, il leur fait part de son intention de rentrer chez lui en traversant la vallée, de piscine en piscine. Ce voyage est l'occasion de reconstituer le puzzle de sa vie au fil des rencontres avec les propriétaires aisés de la bonne société américaine.
The Swimmer est un ovni et film charnière entre l'ancien et Nouvel Hollywood. Adapté d'une nouvelle de John Cheever, The Swimmer évoque des thématiques au cœur de grands films de la fin des 50's et du début 60's à savoir la remise en cause de la place toute puissante de l'homme et de statut chef de famille. Ce statut peut être vacillant par une quête d'ailleurs (Demain est un autre jour de Douglas Sirk (1956), Les Liaisons Secrètes de Richard Quine (1960)), un mal être et un sentiment de frustration (Derrière le miroir de Nicholas Ray (1956), L'Arrangement d'Elia Kazan (1969)) et plus globalement un sensation d'étouffement dans l'ambition effrénée exigée par l'American Way of Life (L'Homme au complet gris de Nunnally Johnson (1956)). Des questionnements qui annoncent les échappées libertaires du Nouvel Hollywood comme Le Lauréat (1967) ou Easy Rider (1967). Tourné en 1966 mais seulement sorti en 1968, The Swimmer est à la fois un prolongement et un précurseur de ces différents questionnement et captive par son ton assez unique.
Tout cela s'incarne à travers le mystérieux personnage de Ned Merrill (Burt Lancaster), surgissant comme dans un songe vêtu de son seul maillot de bain dans une villa pavillonnaire d'un comté du Connecticut. Il va alors se lancer dans un étrange périple où il va remonter la vallée en plongeant dans chaque piscine se situant sur le trajet jusqu'à chez lui. Autant de piscine que de demeures et de rencontre qui vont ainsi nous en révéler un peu plus sur le personnage. Merrill nous apparaît d'abord comme une sorte d'Apollon débordant de vie et de santé, la carrure sportive de Lancaster tranchant avec les mines rabougries de ses interlocuteurs. Cela se situe également à travers les échanges qu'il a avec eux, lui naïf et insouciant uniquement préoccupé du présent avec en point d'orgue la fameuse traversée tandis qu'ils n'auront que des sujets terre à terre et matérialistes (le travail, la piscine sans impuretés dont se vante certains) à lui renvoyer. Son odyssée et plus précisément ses plongeons dans l'eau sont un moyen de fuir cette réalité qui cherche à le rattraper dès que son pied retouche le sol. La progression dramatique ira ainsi en inversant progressivement ce rapport, le réel se faisant de plus en plus cinglant et cruel pour Merrill et les plongeons s'avérant de plus en plus vains.
L'arrivée incongrue, le fait que les différents protagonistes semblent ne pas l'avoir vu depuis longtemps et les silences gênés sur sa situation nous indique que malgré son attitude fière Merrill ne fait plus partie de cette communauté bourgeoise de la vallée. Les révélations progressives vont effriter le sentiment de rêve éveillé que dégage dans un premier temps le film. Cela passe notamment par l'altération physique de Lancaster qui semble au départ échappé de Tant qu'il y aura des hommes (1953) dans son petit maillot de bain seyant et se voit même magnifié dans une esthétique quasi publicitaire lorsqu'il va avec grâce faire la course avec un cheval, sauter des haies dans un halo lumineux sous le regard amoureux d'une jeune fille et porté par la musique emphatique de Marvin Hamlisch. Le quinquagénaire refait soudainement son âge lorsqu'il se réceptionnera mal lors d'un saut et amorce la déchéance à venir dans la seconde partie du film. Chaque sortie d'eau sera désormais le théâtre d'une cruelle désillusion où il sera tour à tour éconduit en faisant une avance, snobé et humilié, le spectateur étant partagé entre pitié et recul en constatant que notre héros n'était sans doute pas très recommandable. L'impasse finale se dessine peu à peu par la terrible entrevue avec une ancienne maîtresse (Janice Rule formidable d'intensité), une piscine publique surpeuplée rendant désormais impossible cette échappée par les eaux et cette porte close signifiant la fin du rêve et des illusions.
Cette dimension rêvée est grandement véhiculée par la mise en scène gorgée d'effets visuels typique de l'époque avec ses flous, ses dialogues hors champs et sa photo diaphane inscrivant le film dans une esthétique flower power et psychédélique. Plus on approche de la fin du voyage et plus cette imagerie se fait plus réaliste avec en point d'orgue la mise en image plus sobre et crue de l'échange entre Merrill et son ex maîtresse, accentué par le changement de réalisateur. Frank Perry ayant claqué la porte pour différent artistiques, quelques séquences seront tournées par d'autres réalisateurs dont Sidney Pollack pour cette fameuse scène où son style plus sobre tranche judicieusement avec l'extravagance des premières scènes filmées par Perry. Cette bascule d'un modèle de vie inscrit dans les années 50 vers un esprit plus rêveur se ressent par cette fuite en avant de Merrill mais désormais trop vieux, trop installé dans l'ancien monde et finalement aussi trop coupable, notre héros ne trouve plus sa place nulle part et ne trouvera plus que cette porte fermée et synonyme de mort lui répondre. 6/6
Ned Merrill (Burt Lancaster) sort des bois vêtu d'un seul maillot de bain et plonge dans la piscine d'une propriété du Connecticut. Accueilli par de vieux amis étonnés de le trouver là, il leur fait part de son intention de rentrer chez lui en traversant la vallée, de piscine en piscine. Ce voyage est l'occasion de reconstituer le puzzle de sa vie au fil des rencontres avec les propriétaires aisés de la bonne société américaine.
The Swimmer est un ovni et film charnière entre l'ancien et Nouvel Hollywood. Adapté d'une nouvelle de John Cheever, The Swimmer évoque des thématiques au cœur de grands films de la fin des 50's et du début 60's à savoir la remise en cause de la place toute puissante de l'homme et de statut chef de famille. Ce statut peut être vacillant par une quête d'ailleurs (Demain est un autre jour de Douglas Sirk (1956), Les Liaisons Secrètes de Richard Quine (1960)), un mal être et un sentiment de frustration (Derrière le miroir de Nicholas Ray (1956), L'Arrangement d'Elia Kazan (1969)) et plus globalement un sensation d'étouffement dans l'ambition effrénée exigée par l'American Way of Life (L'Homme au complet gris de Nunnally Johnson (1956)). Des questionnements qui annoncent les échappées libertaires du Nouvel Hollywood comme Le Lauréat (1967) ou Easy Rider (1967). Tourné en 1966 mais seulement sorti en 1968, The Swimmer est à la fois un prolongement et un précurseur de ces différents questionnement et captive par son ton assez unique.
Tout cela s'incarne à travers le mystérieux personnage de Ned Merrill (Burt Lancaster), surgissant comme dans un songe vêtu de son seul maillot de bain dans une villa pavillonnaire d'un comté du Connecticut. Il va alors se lancer dans un étrange périple où il va remonter la vallée en plongeant dans chaque piscine se situant sur le trajet jusqu'à chez lui. Autant de piscine que de demeures et de rencontre qui vont ainsi nous en révéler un peu plus sur le personnage. Merrill nous apparaît d'abord comme une sorte d'Apollon débordant de vie et de santé, la carrure sportive de Lancaster tranchant avec les mines rabougries de ses interlocuteurs. Cela se situe également à travers les échanges qu'il a avec eux, lui naïf et insouciant uniquement préoccupé du présent avec en point d'orgue la fameuse traversée tandis qu'ils n'auront que des sujets terre à terre et matérialistes (le travail, la piscine sans impuretés dont se vante certains) à lui renvoyer. Son odyssée et plus précisément ses plongeons dans l'eau sont un moyen de fuir cette réalité qui cherche à le rattraper dès que son pied retouche le sol. La progression dramatique ira ainsi en inversant progressivement ce rapport, le réel se faisant de plus en plus cinglant et cruel pour Merrill et les plongeons s'avérant de plus en plus vains.
L'arrivée incongrue, le fait que les différents protagonistes semblent ne pas l'avoir vu depuis longtemps et les silences gênés sur sa situation nous indique que malgré son attitude fière Merrill ne fait plus partie de cette communauté bourgeoise de la vallée. Les révélations progressives vont effriter le sentiment de rêve éveillé que dégage dans un premier temps le film. Cela passe notamment par l'altération physique de Lancaster qui semble au départ échappé de Tant qu'il y aura des hommes (1953) dans son petit maillot de bain seyant et se voit même magnifié dans une esthétique quasi publicitaire lorsqu'il va avec grâce faire la course avec un cheval, sauter des haies dans un halo lumineux sous le regard amoureux d'une jeune fille et porté par la musique emphatique de Marvin Hamlisch. Le quinquagénaire refait soudainement son âge lorsqu'il se réceptionnera mal lors d'un saut et amorce la déchéance à venir dans la seconde partie du film. Chaque sortie d'eau sera désormais le théâtre d'une cruelle désillusion où il sera tour à tour éconduit en faisant une avance, snobé et humilié, le spectateur étant partagé entre pitié et recul en constatant que notre héros n'était sans doute pas très recommandable. L'impasse finale se dessine peu à peu par la terrible entrevue avec une ancienne maîtresse (Janice Rule formidable d'intensité), une piscine publique surpeuplée rendant désormais impossible cette échappée par les eaux et cette porte close signifiant la fin du rêve et des illusions.
Cette dimension rêvée est grandement véhiculée par la mise en scène gorgée d'effets visuels typique de l'époque avec ses flous, ses dialogues hors champs et sa photo diaphane inscrivant le film dans une esthétique flower power et psychédélique. Plus on approche de la fin du voyage et plus cette imagerie se fait plus réaliste avec en point d'orgue la mise en image plus sobre et crue de l'échange entre Merrill et son ex maîtresse, accentué par le changement de réalisateur. Frank Perry ayant claqué la porte pour différent artistiques, quelques séquences seront tournées par d'autres réalisateurs dont Sidney Pollack pour cette fameuse scène où son style plus sobre tranche judicieusement avec l'extravagance des premières scènes filmées par Perry. Cette bascule d'un modèle de vie inscrit dans les années 50 vers un esprit plus rêveur se ressent par cette fuite en avant de Merrill mais désormais trop vieux, trop installé dans l'ancien monde et finalement aussi trop coupable, notre héros ne trouve plus sa place nulle part et ne trouvera plus que cette porte fermée et synonyme de mort lui répondre. 6/6
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Re: Burt Lancaster (1913-1994)
Belle chronique. Une expérience unique et hypnotique mais un film qui mérite à la fois une introduction et une digestion (quitte à le revoir plusieurs fois) pour l'apprécier pleinement au risque d'y rester hermétique!
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Re: Burt Lancaster (1913-1994)
Oui, fine analyse d'un film franchement unique, capable autant d'époustoufler (ce fut mon cas) que de laisser le spectateur au pied de la porte (comme cet ami à qui j'avais prêté le DVD en lui disant tout le bien que j'en pensais et qui me l'a rendu avec un : "Bof, pas mal, sans plus").
The difference between life and the movies is that a script has to make sense, and life doesn't.
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Re: Burt Lancaster (1913-1994)
Une expérience que je connais...mais je continue. Dernière tentative en date : un copain qui connait ma collection m'avait demandé pour son père un certain nombre de westerns dont quelques Ford qui ne passent pas souvent sur nos chaines...J'ai eu peu de réactions enthousiastes et même une franchement négative pour "My Darling Clementine" Il déplorait notamment le manque d'action !.."Ben oui mais Fonda qui cocotte en sortant de chez le barbier ; L'acteur bourré qui déclame du Shakespeare dans un troquet mal famé ; Le bal ; L'opération de Chihuahua dans la pénombre du saloon ; l'au revoir de Fonda à Clementine, nom de dieu de bordel de merde !!!". Ben oui mais c'est chiant !!!Federico a écrit :... tout le bien que j'en pensais et qui me l'a rendu avec un : "Bof, pas mal, sans plus").
Et sinon, encore un super texte de notre ami...
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Re: Burt Lancaster (1913-1994)
En ce moment sur TCM, Le temps du châtiment, premier film de John Frankenheimer (et première de ses quatre collaborations avec Lancaster avant l'apogée du Prisonnier d'Alcatraz). Très (trop) classique dans sa forme scénaristique (meurtre, enquête, procès), il est étonnant de constater que le film est de la même année que West Side Story (dont le propos liberal democrat n'est pas different), preuve que le sujet de la violence des jeunes immigrés (portoricains et italiens ici) dans les "quartiers" était en vogue (et d'actualité). Le noir et blanc est superbe.
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Re: Burt Lancaster (1913-1994)
Je viens de le voir dans l'excellent (et surviolent ) Fureur Apache d'Aldrich. Et moi qui n'étais pas fan de Lancaster auparavant, je le deviens clairement de plus en plus.
- cinephage
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Re: Burt Lancaster (1913-1994)
Tu as vu le grand chantage ?Ratatouille a écrit :Je viens de le voir dans l'excellent (et surviolent ) Fureur Apache d'Aldrich. Et moi qui n'étais pas fan de Lancaster auparavant, je le deviens clairement de plus en plus.
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Re: Burt Lancaster (1913-1994)
Chef-d'œuvre.Ratatouille a écrit :Je viens de le voir dans l'excellent (et surviolent ) Fureur Apache d'Aldrich. Et moi qui n'étais pas fan de Lancaster auparavant, je le deviens clairement de plus en plus.
Et tu ne deviens pas fan d'Aldrich aussi de plus en plus ?
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Re: Burt Lancaster (1913-1994)
Un acteur extraordinaire quand même. Je crois que tu subis l'effet "Grand Détournement": Lancaster, ce sont surtout des dents qu'il n'hésite pas à montrer.Ratatouille a écrit :Je viens de le voir dans l'excellent (et surviolent ) Fureur Apache d'Aldrich. Et moi qui n'étais pas fan de Lancaster auparavant, je le deviens clairement de plus en plus.
Mais bon, chez Visconti, Frankenheimer, Brooks, Aldrich ou à ses débuts chez Siodmak ou Dassin, il est excellent.
Et puis, c'est un des rares grands de Hollywood à avoir une très belle dernière partie de carrière (jusqu'à Local Hero).
EDIT: par contre, j'aime pas du tout Fureur Apache que je trouve complaisant dans la violence et un peu emmerdant.
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Re: Burt Lancaster (1913-1994)
Ah si si, j'en vois au moins 1 par mois depuis quelques temps. Et hormis The Big Knife que j'ai trouvé finalement anecdotique (malgré un gros potentiel), c'est quand même du méga solide.
J'en ai encore 4-5 sous le coude à découvrir.
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Re: Burt Lancaster (1913-1994)
On dirait moi sur Peckinpah y'a 3/4 ansAtCloseRange a écrit :que je trouve complaisant dans la violence
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Re: Burt Lancaster (1913-1994)
Je n'ai pas vraiment de règle sur le sujet. ça fait longtemps que je n'ai pas vu les Peckinpah emblématiques mais je suis plutôt client d'habitude.Père Jules a écrit :On dirait moi sur Peckinpah y'a 3/4 ansAtCloseRange a écrit :que je trouve complaisant dans la violence
Là, ça n'est pas passé mais avec Aldrich, chez moi, c'est souvent une fois sur deux.
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Re: Burt Lancaster (1913-1994)
Oui, j'ai toujours eu un problème avec ses 150 dents qu'il met bien en avant (ça m'avait notamment soulé dans Elmer Gantry).AtCloseRange a écrit :Un acteur extraordinaire quand même. Je crois que tu subis l'effet "Grand Détournement": Lancaster, ce sont surtout des dents qu'il n'hésite pas à montrer.Ratatouille a écrit :Je viens de le voir dans l'excellent (et surviolent ) Fureur Apache d'Aldrich. Et moi qui n'étais pas fan de Lancaster auparavant, je le deviens clairement de plus en plus.
Mais depuis The Swimmer découvert il y a 3 ans, mon avis a totalement changé.
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Re: Burt Lancaster (1913-1994)
Philippe Paul nous parle aujourd'hui de Le Flic se rebiffe à l'occasion de sa sortie en Bluray chez Movinside.