J'ai également découvert le film hier soir, et sans surprise, je suis réservé.
D'abord, j'aimerais dire que relire le topic est très amusant. On y voit jacques2 prophétiser
Django Unchained.
J'ai trouvé
Le vieux fusil plus intéressant par son aspect de curiosité dans le paysage cinématographique français (conjuguer la "qualité française" à du cinéma d'exploitation à la Peckinpah/Winner) que pour son décorticage du processus de vengeance.
C'est, comme toujours, un sujet éminemment casse-gueule, et qui aboutit sur une démonstration que je trouve au mieux maladroite à partir du moment, déterminant, où la séquence de la mise à mort de Romy Schneider et de sa fille sont montrées frontalement par le réalisateur en dépit de la cohérence de la narration. Je m'explique : il aurait suffi qu'Enrico en reste à la découverte visuelle, par Noiret, du cadavre ensanglanté de sa fille et du cadavre carbonisé de Schneider. Le spectateur aurait été sollicité dans son imagination et aurait de toute façon compris et mesuré la portée du massacre qui s'est produit en angle mort. On n'en aurait pas plus vu que Noiret, mais l'effet de dévastation et d'horreur aurait été le même. Malheureusement, Enrico choisit à ce moment-là, et pour la seule fois du film, de quitter le point de vue de Noiret et de s'aventurer dans un flash-back totalement factice : Noiret "s'imagine" arbitrairement ce qui s'est passé et ce choix de mise en scène, qui n'est évidemment pas neutre, rompt avec la suggestion de "l'après" pour balancer au visage du spectateur la violence de "l'avant" dont le caractère abominable va émotionnellement le conditionner à épouser la future vengeance. Le procédé est similaire à ceux de Quentin Tarantino : la mort de Schneider est si horrible, que celle des Allemands, au moins aussi cruelle, satisfait le spectateur grâce à leur caractère cathartique (l'officier commandant, qu'on se réserve pour la fin, devant bien sûr périr de la même façon). Rien ne justifie ce flash-back puisque Noiret n'était pas présent, si ce n'est pour édifier le spectateur et lui causer un traumatisme visuel qui le hantera chaque fois que Noiret va buter un Allemand : œil pour œil, merde. Alors que si Enrico n'avait rien montré, il aurait préservé une forme d'ambiguïté qui, sans être hypocrite (quand on voit un corps carbonisé, on a pas besoin d'un dessin pour comprendre ce qui s'est passé), serait restée viable car elle aurait suivi avec un certain recul l'entreprise méthodique de Noiret. Bref, je trouve vraiment regrettable l'intrusion de ce flash-back cherchant mécaniquement la connivence du public car il obscurcit du coup l'attitude d'Enrico face à la vengeance de son personnage.
De même, les autres flash-back semblent sonner comme autant d'électrochocs mémoriels pour Noiret au cas où sa détermination vacillerait : qu'il suffise de montrer les heures perdues de bonheur et le sourire de Romy, pour que le retour au présent galvanise et le personnage, et le public, pour le prochain face-à-face mortel.
Le fait que le film s'inspire tacitement d'un événement aussi atroce que celui d'Oradour-sur-Glane ne le met pas à l'abri de toute remise en perspective morale... encore une fois, ce n'est pas un gros mot, ce n'est pas sale, ce n'est pas prendre le parti des méchants. Ce n'est pas faire l'autruche bien-pensante. Il s'agit simplement de regarder ce que propose le film. Car c'est justement ce qui est, à mon sens, dérangeant : par son pouvoir de réinvention, le cinéma offre finalement ici la possibilité fantasmatique de se venger et de se purger de cette barbarie en servant, sur un plateau d'argent, à une victime collatérale les tortionnaires responsables de cette tuerie historique. Là encore, on n'est pas si éloigné des débats récents sur Tarantino : réécrire, revisiter l'Histoire pour châtier. Je continue de trouver cela problématique.
Cependant
Le vieux fusil me semble quand même plus intéressant dans la mesure où son historicité est rationalisée, ce qui crée une proximité émotionnelle. Phnom&Penh avait raison de parler de mélo, au fond. C'est ce qui distingue
Le vieux fusil du premier
vigilante venu. Incidemment, la tragédie humaine subie par le personnage de Noiret est suffisamment forte pour questionner, en notre for intérieur, notre propre conscience. C'est juste dommage qu'Enrico aiguille bien notre point de vue avec ce fameux flash-back.