Le Vieux Fusil (Robert Enrico - 1975)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Phnom&Penh
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Re: Le Vieux Fusil (Robert Enrico - 1975)

Message par Phnom&Penh »

tenia a écrit :Oui et non. Je citais Le corbeau uniquement dans le sens où ces pratiques de vendetta personnelle disons amorales finissent toujours par faire des dommages collatéraux indésirés, en réponse à l'exemple hypothétique du nazi qui viendrait à refuser de se mêler à la meute, mais serait mis malgré tout dans le même sac.
De mon côté, je pensais surtout au "critique" cité, qui, en employant des mots outranciers et très exagérés pour le plaisir de se donner un positionnement moral à propos d'un film qui n'en méritait pas tant, ne peut obtenir comme véritable résultat que de faire passer Robert Enrico pour tout le contraire de ce qu'il était. Il ne s'agit pas d'une meute ni d'un film d'horreur sur un fait ponctuel. Il s'agit de faits imaginés d'après des faits historiques identiques, perpétrés par des troupes disciplinées et aguerries ayant reproduit dans le sud-ouest de la France et à plusieurs reprises des actes de ce type. Il y a malheureusement des cas où l'ambiguïté n'est pas de mise.

Les propos de Noiret à propos du film sont beaucoup plus nuancés et pointent plus un manque de subtilité, ce qui n'est pas faux. Mais si le film n'était que la vengeance de Noiret, il serait oublié depuis longtemps. C'est un mélodrame ou un drame, comme on veut, mais en aucun cas un film qui fait saliver ou se réjouir.
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Federico
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Re: Le Vieux Fusil (Robert Enrico - 1975)

Message par Federico »

J'aime énormément (et même plus encore) certains films d'Enrico mais j'ai toujours eu du mal avec Le vieux fusil et le fait qu'il reste son film le plus célébré est un peu dommage. Quitte à voir (ou subir - par rapport à la violence crue de certaines scènes) la description d'une vengeance froide et définitive, tant qu'à choisir, je préfère encore Les chiens de paille de Peckinpah et surtout Les visiteurs de Kazan. Quant à Noiret, si ce que raconte Enrico dans son autobiographie est exact, il aurait été loin de se comporter avec l'élégance qu'on lui prête avec sa partenaire durant le tournage (à l'en croire, Noiret aurait passé son temps à se moquer de l'accent de Romy Schneider en la surnommant "L'autrichienne"). Mais il y avait peut-être aussi un vieux contentieux entre le réalisateur et l'acteur (dans ce bouquin, Enrico égratigne aussi pas mal la statue du commandeur Ventura)...
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Re: Le Vieux Fusil (Robert Enrico - 1975)

Message par homerwell »

Federico a écrit :J'aime énormément (et même plus encore) certains films d'Enrico mais j'ai toujours eu du mal avec Le vieux fusil et le fait qu'il reste son film le plus célébré est un peu dommage. Quitte à voir (ou subir - par rapport à la violence crue de certaines scènes) la description d'une vengeance froide et définitive, tant qu'à choisir, je préfère encore Les chiens de paille de Peckinpah et surtout Les visiteurs de Kazan. Quant à Noiret, si ce que raconte Enrico dans son autobiographie est exact, il aurait été loin de se comporter avec l'élégance qu'on lui prête avec sa partenaire durant le tournage (à l'en croire, Noiret aurait passé son temps à se moquer de l'accent de Romy Schneider en la surnommant "L'autrichienne"). Mais il y avait peut-être aussi un vieux contentieux entre le réalisateur et l'acteur (dans ce bouquin, Enrico égratigne aussi pas mal la statue du commandeur Ventura)...
De toute manière, "Le vieux fusil" n'est pas un film que l'on peut chérir et se repasser à loisir. Et ce n'est pas le thème de la vengeance qui est important, c'est la description par le menu des atrocités commises par les divisions das reich qu'évoquait Phnom&Penh à peu plus haut dans le fil. Et effectivement, à partir de ce constat, on peut dire que le scénario est un peu faible. Mais pour décrire ce genre de faits historiques, le film est forcément dérangeant. Je pense à "Requiem pour un massacre", ultime, épouvantable, qui décrit les même exactions.
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Re: Le Vieux Fusil (Robert Enrico - 1975)

Message par blaisdell »

J'ai revu ce film ce soir, dans la très belle édition dvd qui vient de sortir.

Ce film reste toujours aussi percutant. On a beau avoir vu beaucoup de violence en 35 ans de cinéma et de télévision, celle qui est exposée dans le film de Robert Enrico reste toujours aussi marquante.
C'est un film très bien fait, qui ne porte guère certains tics du cinéma des années 70: ici pas de zoom, pas de cheveux longs anachroniques et la photo est très réussie.
Je trouve que ce qui a été reproché au film reste sa plus grande originalité: mêler un cinéma dit de "qualité française" avec de beaux décors, une belle reconstitution et d'excellents acteurs -caractéristiques que l'on retrouvait à l'époque chez un Pierre Granier-Defferre par exemple; et le film de genre, le film de vengeance à la Michael Winner. Effectivement sur le plan éthique et historique, on peut être dérangé par un tel mixage mais de là vient l'originalité du film.
Le film est certes ambigu:
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c'est un voyage au bout de la vengeance, notamment dans des scènes dont je ne me souvenais plus: lorsque Noiret-Dandieu refuse de suivre les FTP ou quand les soldats SS se massacrent entre eux
.

Noiret est fabuleux: quelle interprétation.
Quant à son avis sur le film, le fait qu'il l'ait désavoué, peu importe. Dans le livre que Dominique Maillet lui avait consacré il y a quelques années, il était vraiment un très mauvais juge de ses films, qualifiant par exemple "Le désert des Tartares" de Zurlini de ratage.

Et comme l'a dit un forumeur précédent, il faut redécouvrir l'oeuvre de Robert Enrico.
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Major Tom
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Re: Le Vieux Fusil (Robert Enrico - 1975)

Message par Major Tom »

J'aime bien ce film, et en même temps, il m'embête un peu. J'arrive un peu tard pour revenir au débat, toutefois je ne suis pas ennuyé pour la même raison - qu'il s'agisse d'un "revenge movie" ne m'embête absolument pas. ;) Cela dit, il y a très peu de films de ce type qui m'aient plu jusque là (Les Chiens de paille, The Visitors...), plutôt par question de goût. Comme phnom&penh, je ne les trouve pas vraiment dangereux. Cathartique, oui. Mais je peux comprendre l'opinion opposée, même pour ce film, le fait est que les SS du Vieux fusil m'évoquent un peu les méchants du minable Justicier braque les dealers, qui n'ont pas d'autre but que celui d'être... méchants, et de se faire dégommer. :lol: Il manque -selon moi- quelque chose dans la présentation de ses fameux bourreaux SS qui les changerait de la vision toute faite, de la représentation que s'en faisait n'importe quel Français moyen de l'époque qui leur vouait une haine profonde. Je ne dis pas de les rendre moins "méchants", mais moins caricaturaux. Ce qui m'amène à ce qui, moi, me dérange un peu dans le film... phnom&penh évoque la réalité historique, ça tombe bien, car Dieu sait que je suis chiant avec les faits historiques au cinéma. :mrgreen: Je ne suis pas fan de la vision cavalière de ces fameux SS, de voir cette bande paumée d'une division allemande (Das Reich ou pas, imaginaire ou non) mélanger tout le monde, femmes, hommes, vieux, enfants, dans une seule église, qu'ils ne brûlent même pas (et sans le lance-flammes qu'ils n'utilisaient pas en France), alors qu'on sait très bien qu'en réalité ils procédaient méthodiquement - méthodes très bien décrites d'ailleurs dans le Requiem pour un massacre de Klimov. Leur présentation est simpliste, ça sent trop le pur prétexte scénaristique à un dégommage par le personnage de Noiret, je dirais même. Même si l'évènement décrit dans le film se déroule dans un village imaginaire, je suis déçu de ne pas y avoir vu des faits plus crédibles, alors que les auteurs ne reculaient manifestement pas devant la mise en scène d'atrocités. Ils auraient pu se permettre d'aller jusque là dans la présentation des faits. Le trait est un peu trop grossi. Mais bref, au-delà de ça, le film est intéressant pour sa construction narrative (la réalisation est somme toute assez banale, mais le montage récupère beaucoup de choses), l'interprétation, et il y a beaucoup d'idées intéressantes, comme le miroir sans teint... Pas un chef-d'œuvre, mais un bon film, oui.
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Commissaire Juve
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Re: Le Vieux Fusil (Robert Enrico - 1975)

Message par Commissaire Juve »

Pour l'époque, fallait peut-être que ça reste relativement "grand public". Plutôt que de cramer une église avec plein de gens dedans, les scénaristes se sont dit que la carbonisation de Romy Schneider -- qui avait beaucoup frappé les esprits... je me souviens des commentaires des adultes -- ferait bien l'affaire.

Des années plus tard, Jean-Loup Hubert aura cette même approche "soft" (si l'on peut dire) dans Après la guerre (1989).

Et ça n'a qu'un lointain rapport, mais en 2000, Roland Emmerich (allemand comme chacun sait) décidera de faire brûler l'église avec les gens dedans (dans The Patriot).

De 1975 à 2000, il y a peut-être un cheminement dans la façon de montrer les choses.


EDIT : en 75, je ne sais pas si l'on se risquait beaucoup à faire brûler les gens en masse au cinéma (dans le cinéma français à tout le moins). Rappel, La tour infernale -- qui avait fait sensation -- est sorti en France en mars 75.

Par ailleurs, quand Noiret arrive dans le village, les soldats ne sont pas précisément sur le départ. On peut penser qu'ils auraient fait cramer l'église un peu plus tard.
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Phnom&Penh
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Re: Le Vieux Fusil (Robert Enrico - 1975)

Message par Phnom&Penh »

Major Tom a écrit :Je ne suis pas fan de la vision cavalière de ces fameux SS, de voir cette bande paumée d'une division allemande (Das Reich ou pas, imaginaire ou non) mélanger tout le monde, femmes, hommes, vieux, enfants, dans une seule église, qu'ils ne brûlent même pas (et sans le lance-flammes qu'ils n'utilisaient pas en France), alors qu'on sait très bien qu'en réalité ils procédaient méthodiquement - méthodes très bien décrites d'ailleurs dans le Requiem pour un massacre de Klimov. Leur présentation est simpliste, ça sent trop le pur prétexte scénaristique à un dégommage par le personnage de Noiret, je dirais même. Même si l'évènement décrit dans le film se déroule dans un village imaginaire, je suis déçu de ne pas y avoir vu des faits plus crédibles, alors que les auteurs ne reculaient manifestement pas devant la mise en scène d'atrocités.
C'est un mélange d'un peu tout ce qui s'est passé dans le sud-ouest et le Massif central. En fait, les massacres ont commencés avant la remontée vers la Normandie (et Oradour-sur-Glane) une fois la division reformée, alors qu'on les employait pour terroriser les zones de résistance. Ils agissaient par petits groupes et les ordres étaient, disons, assez précis dans leur imprécision:
"Pour le rétablissement de l’ordre et de la sécurité, les mesures les plus énergiques devront être prises afin d’effrayer les habitants de cette région infestée, à qui il faudra faire passer le goût d’accueillir les groupes de résistance et de se laisser gouverner par eux. Cela servira en outre d’avertissement à toute la population" (Von Rundsedt).

Je n'ai pas le temps de verifier dans le détail mais il y a eu plusieurs villes et villages ou, indiféremment, hommes, femmes et enfants ont été tués par groupes de dix à cinquante en mai et juin 44, un peu comme dans le film. Le lance-flamme, il y a un cas connu d'une famille tuée ainsi parmi tout ça, mais je ne pourrai pas te dire si la division avait rapporté son matériel ou si un incendie est devenu lance-flamme dans les mémoires. En revanche, il est probable qu'il se soit inspiré de cet épisode connu, réel ou non.

De toute façon, c'est sûr que ce n'est pas une reconstitution historique. Si je m'insurgeais en parlant des faits historiques, c'est parce que ces allemands étaient un peu comparés à une bande de jeunes qui font les cons dans un revenge movie. Le réalisateur s'est quand même inspiré de faits réels.
Après, il y a un traitement style western (voulu aussi par Enrico) qui peut paraître de mauvais goût pour un film qui, justement, prétend évoquer des faits historiques.
J'avais vérifié dans le Mémoire cavalière de Noiret et il ne regrettait pas ce rôle. Il regrette un peu que ce soit un de ses deux rôles les plus populaires parce que, sans renier le personnage, il trouve que le film n'est pas des plus finauds à cause de ce traitement western. Et il le replace aussi dans son époque, 1975, où les faits dataient de seulement trente ans.

J'édite: en ce qui concerne le lance-flammes, tu m'as intrigué (je croyais qu'américains comme allemands l'avaient employé en 44/45), mais, ayant googlelisé le modèle utilisé (Flammenwerfer 41), je suis tombé surtout sur des pages de dingues qui se vantaient d'en posséder ou d'en fabriquer, je m'arrête là, je ne veux pas être fiché comme dangereux terroriste :mrgreen:
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Re: Le Vieux Fusil (Robert Enrico - 1975)

Message par Major Tom »

Phnom&Penh a écrit :J'édite: en ce qui concerne le lance-flammes, tu m'as intrigué (je croyais qu'américains comme allemands l'avaient employé en 44/45), mais, ayant googlelisé le modèle utilisé (Flammenwerfer 41), je suis tombé surtout sur des pages de dingues qui se vantaient d'en posséder ou d'en fabriquer, je m'arrête là, je ne veux pas être fiché comme dangereux terroriste :mrgreen:
J'étais aussi tombé sur un forum bizarre, tenu par des férus de la période 39/45 dont je me représente bien les forumeurs dans la vie en train de s'échanger des cartes téléphoniques à l'effigie de tanks Sherman contre des B-17 Fortress, ou en MP les dernières reprises de marches militaires en mp3... :mrgreen: Au départ, je pensais qu'il s'agissait d'un forum d'historiens, intéressant sur quelques sujets (même si intriguant dans certaines discussions, effectivement: "Ouah, j'ai exactement le même costume que ce colonel allemand chez moi"), et je me suis inquiété en voyant dans leurs avatars des images de gradés, toutes armées confondues, us, nazie, etc. :shock: Je n'y suis jamais retourné...

Sinon, oui, en 44/45, il y avait des lance-flammes, mais bon, on part effectivement du principe que le film se déroule dans un village imaginaire (cela dit en France) - d'ailleurs, je ne m'en souviens pas mais je suppose qu'il y en a un dans Requiem pour un massacre (les faits de villages martyrs réduits en cendres au lance-flamme vient plutôt de Biélorussie). Pour les Américains, on en voit dans Saving Private Ryan. M'enfin bon c'est un détail. ;)
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Re: Le Vieux Fusil (Robert Enrico - 1975)

Message par blaisdell »

Commissaire Juve a écrit :Pour l'époque, fallait peut-être que ça reste relativement "grand public". Plutôt que de cramer une église avec plein de gens dedans, les scénaristes se sont dit que la carbonisation de Romy Schneider -- qui avait beaucoup frappé les esprits... je me souviens des commentaires des adultes -- ferait bien l'affaire.
En revoyant le film hier soir je me suis aperçu qu'Il y a un plan-séquence relativement bref qui montre que tous les occupants de l'église du village ont été assassinés et Dandieu-Noiret vomit derrière sa bagnole ; la séquence de carbonisation a tellement marqué les esprits qu'elle a occulté les autres moments d'horreur du film.

Dès la génèse du film, Enrico et Pascal Jardin ont mélangé la grande Histoire avec l'idée d'évoquer Oradour sur Glane et le fait divers: dans le livret écrit par le critique Bernard Genin,qui accompagne la nouvelle édition du film, on apprend ceci: "au départ du Vieux Fusil", il y a une idée de Pascal Jardin(..) se souvenant un jour d'un fait divers qu'un ami lui avait rapporté: un paysan avait trouvé dans sa cave un soldat allemand ivre qui venait de violer et tuer sa femme;" comment réagit-on quand on vit un tel drame ?" s'était demandé l'écrivain. Son ami Robert Enrico décida d'en tirer un film".

Je pense qu'il sera intéressant de se replonger dans la carrière erratique, rarement saluée par la critique, mais toujours passionnante de Robert Enrico.
Le traitement western est déjà dans "les grandes gueules". Dans "Au nom de tous les miens" (1983) où il adapte le best-seller de Martin Gray, il n'y aura pas de tabou non plus à traiter frontalement la violence des camps et des nazis.

Ceci dit "le vieux fusil" est un film de vengeance mais aussi une rêverie sur un bonheur perdu, celui d'une grande histoire d'amour foudroyée par le destin et la barbarie.
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Commissaire Juve
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Re: Le Vieux Fusil (Robert Enrico - 1975)

Message par Commissaire Juve »

blaisdell a écrit :
Commissaire Juve a écrit :Pour l'époque, fallait peut-être que ça reste relativement "grand public". Plutôt que de cramer une église avec plein de gens dedans, les scénaristes se sont dit que la carbonisation de Romy Schneider -- qui avait beaucoup frappé les esprits... je me souviens des commentaires des adultes -- ferait bien l'affaire.
En revoyant le film hier soir je me suis aperçu qu'Il y a un plan-séquence relativement bref qui montre que tous les occupants de l'église du village ont été assassinés et Dandieu-Noiret vomit derrière sa bagnole ; la séquence de carbonisation a tellement marqué les esprits qu'elle a occulté les autres moments d'horreur du film...
Je me souviens bien de ce passage. Je répondais au Major qui disait que l'église n'avait pas été brûlée.

Dans le film de Jean-Loup Hubert, Bohringer découvre également des gens massacrés dans une église...

Rien à voir, mais : en 1981, au cours d'un voyage, j'ai fait une halte à Oradour-sur-Glane. Ambiance très particulière. Surtout l'entrée du village où -- si je ne m'abuse -- on voyait les restes d'un tramway (les rails, la caténaire, tout ça... les carcasses de voitures jetaient également un froid).
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Re: Le Vieux Fusil (Robert Enrico - 1975)

Message par Profondo Rosso »

Je voulais le voir depuis un bon moment celui là, le "César des césar" et la déception est un peu à la hauteur de l'attente. Le film s'inspire sans l'évoquer directement du terrible massacre d'Oradour tout mais également pour la thématique au coeur du récit d'une anecdote racontée au scénariste Pascal Jardin sur un paysan qui avait trouvé un allemand ivre dans sa cave après qu'il ait violé et tué sa femme. C'est donc précisément l'idée de faire ressentir ce qui se passe dans l'esprit d'un homme face à une perte si violente, injuste et barbare qui intéressera Robert Enrico.

Le cadre du récit avec cette armée allemande en déroute et aux abois donnent le ton dès les premières images où on aperçoit une rangée de milicien pendus le long d'une route. Un peu plus tard, ce sentiment de danger omniprésent se reproduira lors de la violente arrestation d'un résistant dans l'hôpital où officie Philippe Noiret effectué par des français. Le seul refuge dans ce monde sombrant dans le chaos est pour Noiret sa famille avec une Romy Schneider qui n'a jamais été plus belle et sa fille. En quelques courtes scène, l'amour unissant ce couple, cette famille offre un contrepoint saisissant à l'enfer de l'extérieur qui pour un temps n'existe plus. Et c'est en voulant préserver ce cocon que Noiret le perdra à jamais.

C'est un peu là la grande qualité mais aussi le plus gros défaut du film, tout miser sur l'émotion. La séquence où Noiret découvre le sort réservé à sa famille par les SS est absolument insoutenable et la douleur ressentie par Noiret dans son hurlement muet est réellement poignante. Arrive donc l'heure de la vengeance et le film perd progressivement de son intérêt... L'idée est d'apporter un contrepoint à la violence implacable déployé par Noiret avec des flashbacks reproduisant ce bonheur serein aperçu au début, mais dans un passé idéalisé et figé désormais disparu à jamais. La prestation habitée de Philippe Noiret est le principal point d'ancrage de Enrico dans cette approche. Le regard perdu lorsque les allemands regarde le film de ces vacances ou encore la rencontre en forme de coup de foudre avec Romy Schneider sont de vrais beaux moment mais ces retours en arrière se répète trop sans égaler ces deux moments et donnant finalement l'impression qu'on joue avec nos sentiment pour justifier les actions de Noiret. La manière caricaturale dont sont présenté les nazis assassins (si on sait la violence avérée par les faits historiques et leur monstruosité pourquoi cette interprétation grotesque), la façon limite "ludique" dont il les piège (on serait presque tenté d'y voir un Piège de Cristal sur le mode drame intimiste) et les explosions de violence vraiment plus extravagantes (le lance flamme final) que cathartique finissent par faire décrocher du film. Le problème est que Enrico n'a que cette émotion crue et ces flashbacks à proposer en réponse, jamais l'escalade de cet homme calme et réfléchi en vengeur impitoyable n'est questionnée le souvenir du regard bleu de Romy Schneider doit balayer tout cela.

Ca marche en partie et c'est ce qui a fait le succès et la renommée du film, ce qui le rend sans doute de plus en plus difficilement attaquable avec le temps. Pourtant le film paraît bizarrement soit trop court ou trop long pour ce qu'il cherche à raconter par la redondance et la simplicité de sa structure, soit trop simple ou trop complexe pour les réflexions qu'il peut être amené à susciter. Les Chiens de paille de Sam peckinpah est autrement plus complexe et intéressant sur un sujet similaire. Cependant on est en droit d'en ressortir insatisfait même si les motifs qui ont justifié le film sont finalement atteint, en témoigne la déchirante scène finale ou Noiret réalise soudainement que plus rien ne sera comme avant et fige une dernière fois le souvenir d'une paisible ballade à vélo. 3/6
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Re: Le Vieux Fusil (Robert Enrico - 1975)

Message par Jericho »

Excellent film, avec un Philippe Noiret au sommet, que dis-je, au firmament.

Ce qu'arrive à faire Robert Enrico avec les flashbacks c'est assez fort. Ces derniers sont nombreux, mais ils sont toujours utiles et touchants.
Puis la fin est bouleversante: les dernières répliques du personnage principal et ce moment d'égarement, suivit dans la foulée d'un éclair de lucidité. Comme si cette obsession de vengeance lui avait fait oublier le moteur de cette motivation belliqueuse. Ou alors c'était un simple réflexe conditionné, dû à la présence de son ami, je ne sais pas...
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villag
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Re: Le Vieux Fusil (Robert Enrico - 1975)

Message par villag »

Commissaire Juve a écrit :
blaisdell a écrit :

Un petit apparté; un film anglais realisé par Geoffrey Reeve , SOUVENIR ,( 1989 ) raconte ce drame; il a eté tourné à Rochechouart ( haute vienne ) avec, entre autres, Michael Lonsdale, Christopher plummer...j'ai assisté au tournage, et vu une cassette de ce film proprieté d'un copain d'enfance, figurant dans ce dernier ou il faisait le chauffeur d'un colonel SS .on ne verra jamais ce film en france, les habitants d'Oradour s'y etant opposés....pour info, je suis né à 15 kms à vol d'oiseaux d' Oradour, et je me souviens encore de cette apres midi ou, vers l'est le ciel etait tout noir de fumée pour la raison que vous pouvez imaginer; j'avais 3 ans et 6 mois....!
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Re: Le Vieux Fusil (Robert Enrico - 1975)

Message par riqueuniee »

Pour continuer dans le HS, une fiction de 1971 montre (de manière allusive, pas d'images-choc) un massacre qui peut évoquer celui d'Oradour-sur-Glane (on y montre les villageois conduits vers l'église pour y être enfermés) : c'est Le Sauveur (Michel Mardore).
Dernière modification par riqueuniee le 29 mars 13, 11:58, modifié 1 fois.
riqueuniee
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Re: Le Vieux Fusil (Robert Enrico - 1975)

Message par riqueuniee »

Je viens de découvrir le film d'Enrico. Je l'ai trouvé absolument bouleversant. Sûr, la façon dont il mélange l'histoire et drame personnel peut déranger, mais ce n'est pas le premier à faire ça. Et le film n'a rien d'un rape et revenge. Comme il a été dit plus haut, le personnage de Noiret ne se substitue pas à une justice jugée défaillante (il n'y a pas de justice -au sens de tribunal, juridiction... - du tout). Le contexte historique est très bien décrit (notamment dans les premières scènes avec les miliciens dans l'hôpital, après c'est mis un peu de côté). C'est l'évocation des souvenirs heureux de Noiret, alternée avec le drame, qui bouleverse (voir notamment la scène où Noiret voit les SS visionner son film de vacances).
La violence ? Je m'attendais à bien plus, je trouve que Enrico a trouvé un juste dosage (et effectivement, la scène du meurtre de sa femme et de sa fille est montrée non comme un flashback, mais par ce que le personnage de Noiret "reconstitue" -et sans doute correspondant à la réalité).
Interprétation remarquable de Noiret (qui obtint le premier César du meilleur acteur pour ce rôle).
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