Le Cinéma muet

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Ann Harding
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Re: Le cinéma muet

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J'ai vu quelques muets de Lloyd, mais à part The Sea Hawk, j'ai trouvé qu'il manquait singulièrement d'imagination. On a l'impression d'assister à du théâtre filmé (muet) avec de longues scènes de dialogue (muet). Within the Law en est un exemple frappant. Dommage que Kino n'ait pas sorti The Lady de Borzage au lieu du film de Lloyd...
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allen john
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Re: Le cinéma muet

Message par allen john »

Ann Harding a écrit :J'ai vu quelques muets de Lloyd, mais à part The Sea Hawk, j'ai trouvé qu'il manquait singulièrement d'imagination. On a l'impression d'assister à du théâtre filmé (muet) avec de longues scènes de dialogue (muet). Within the Law en est un exemple frappant. Dommage que Kino n'est pas sorti The Lady de Borzage au lieu du film de Lloyd...
Oui, bien sur, j'y ai d'ailleurs pensé. Si j'étais naïf, je te répondrais qu'il y aura un volume trois consacré à Norma et borzage :mrgreen: . Révons un instant :D . Non, arrêtons de réver :( .
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Ann Harding
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Re: Le cinéma muet

Message par Ann Harding »

Die Liebe der Jeanne Ney (L'amour de Jeanne Ney, 1927) de GW Pabst avec Edith Jéhanne et Uno Henning

Raymond Ney, un immigré français en Crimée est tué durant la Révolution. Sa fille Jeanne (E. Jéhanne) fuit en France aidée par un bolchévique (W. Sokoloff). Elle laisse derrière elle, Andréas (U. Henning) dont elle est amoureuse, bien qu'il ait tué son père. A Paris, elle trouve refuge chez son oncle, un détective privé qui vit avec Gabrielle, sa fille aveugle (Brigitte Helm)...

Ce film de Pabst a une distribution assez internationale avec la française Edith Jéhanne dans le rôle principal. Cette jeune ingénue qui fut à l'affiche de trois films muets de Raymond Bernard (Triplepatte, Le Joueur d'Echec et Tarakanova) a fait une carrière éclair dans le cinéma français des années 20. Elle représentait la jeune fille innocente (comme Annabella) avec beaucoup de talent face à de nombreuses actrices plus mûres. Ici, elle est à nouveau victime des hommes qui l'entourent: son oncle libidineux et le sinistre Khalibiev. J'ai énormément aimé les scènes tournées dans Paris au Buttes-Chaumont et dans les Halles. Son partenaire est le suédois Uno Henning qui tient aussi le rôle principal dans A Cottage on Dartmoor d'Asquith. On retrouve les obsessions de Pabst qui aime fouiller dans les recoins les plus sombres de l'âme humaine avec le personnage de Khalibiev (F. Rasp) qui veut épouser Gabrielle pour son argent bien que son handicap lui fasse horreur. On retrouve les très gros-plans claustophobiques habituels pour les scènes les plus tendues. Mais, le film conserve une couleur assez claire dans l'ensemble si on le compare à La Rue sans joie ou à Loulou. Je dois signaler que la musique de Thimothy Brock sur le DVD Kino est excellente: une suite de chambre avec une tonalité qui rappelle le Herrmann de Vertigo.
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JUSTE UNE PETITE FILLE DANS LE MONDE (Csak egy kislány van a világon) de Bela GAAL - HONGRIE -1929

Avec Martha EGGERTH et Pal JAVOR

De retour de guerre, deux hommes rentrent au village. Ils sont épris tous les deux de la même jolie paysanne. Celle-ci préfère le plus jeune, qui se révèle rapidement infidèle.
Dernier film muet hongrois, sonorisé, ce film n’a rien d’autre qu’un intérêt historique. Il semble manquer des passages car la fin de ce chassé croisé sentimental est bien abrupte. Amusant de constater que la piscine à vagues de l’hôtel Gellert à Budapest n’a pas beaucoup changé, 80 ans après.
Pal Javor, l’acteur principal dans son premier rôle allait devenir la star principale de son pays et la nubile Martha Eggerth, une star de l’opérette filmée internationale.
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Message par bruce randylan »

En rade ( Alberto Cavalcanti - 1928 )

Un joli drame bien dépressif sur une poignée de personnages qui rêveraient bien de connaître une meilleur vie mais qui rester coincés dans une ville portuaire plutôt que de s'échapper par la mer. On trouve une serveuse d'un bar, un adolescent et un jeune homme un peu attardé.

Cavalcanti traduit leurs enfermements avec une idée simple, celle de ne jamais montrer l'océan. On parle ainsi toujours de la mer mais on la verra jamais. On la devinera juste derrière de déprimants blocks de bétons ( digues et immeubles ). Le film entier repose d'ailleurs sur la claustrophobie avec des décors très restreints qui ne cesse d'étouffer les personnages : la maison de l'adolescent surchargés des vêtements que sa mère lave et suspend, le bar confiné de la serveuse, les ruelles étroites et sinueuses que parcourt sans but le 3ème personnage. La fin très cruelle et douloureuse achève de faire d'en rade une belle réussite avec sa mise en scène reposant uniquement sur le cadre et qui n'a besoin de mouvement de caméra pour exprimer l'ambiance du film. Les plans demeurent en plus très variés, riches et toujours placés où il faut sans jamais tomber dans un académisme facile.

La qualité de la mise en scène, la sobriété des acteurs, la mélancolie qui émane de cette histoire font un film très bien rythmé et construit qui ne fait pas du tout son âge avec une photographie également très soignée. Pour peu, on oublierait presque l'absence d'accompagnement musical alors que le générique de début crédite un compositeur ( ah, cette sale manie de la cinémathèque de diffusé TOUS les muets sans musique ).

Décidément le peu que je connais de ce Cavalcanti n'en finit plus de me ravir. Sa carrière atypique l'a mené en France, en Angleterre ou au Brésil signant autant des fictions que des documentaires. J'avais déjà pu voir de lui Capitaine Fracasse un film d'aventures/cape et d'épée muet français et 3 merveilles très variées pour le studio anglais Ealing : Went the Day well ( un drame ), Champagne Charlie ( une comédie musicale ) et au coeur de la nuit ( un film à sketch fantastique ).

J'ai encore They made me a fugitive acheté en DVD uk sur les bons conseils du commissaire Juve.
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Message par julien »

bruce randylan a écrit :Pour peu, on oublierait presque l'absence d'accompagnement musical alors que le générique de début crédite un compositeur ( ah, cette sale manie de la cinémathèque de diffusé TOUS les muets sans musique ).
A mon avis ils doivent pas avoir le choix. Si la musique n'a pas été enregistrée sur le support film, ça peut-être difficile de la retrouver. C'est d'ailleurs le cas par exemple de la partition originale d'Aelita qui semble être définitivement perdue.
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Message par bruce randylan »

Ils font le coup à chaque fois.

Sur je sais plus sur quel Duvivier muet, le film commence par un beau carton qui met en avant la nouvel partition d'accompagnement enregistré pour la restauration du film et puis rien, nada.
De toute façon quand tu entends les vieux grincheux ( qui généralement sentent assez fort :? ), tu devines que si la cinémathèque aurait l'idée d'en diffuser avec de la musique, les mecs bruleraient les lieux...
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Message par Ann Harding »

bruce randylan a écrit :Ils font le coup à chaque fois.

Sur je sais plus sur quel Duvivier muet, le film commence par un beau carton qui met en avant la nouvel partition d'accompagnement enregistré pour la restauration du film et puis rien, nada.
De toute façon quand tu entends les vieux grincheux ( qui généralement sentent assez fort :? ), tu devines que si la cinémathèque aurait l'idée d'en diffuser avec de la musique, les mecs bruleraient les lieux...
Je suis bien de ton avis Bruce que la projection des films muets en silence est un non-sens total. Toutes les cinémathèques du monde ont des musiciens à demeure pour accompagner les films. Ils font généralement un travail remarquable. A Paris, nous n'avons aucune tradition d'accompagnement de films. Il serait temps que cela change. Il y a beaucoup de jeunes musiciens qui pourraient ainsi faire leurs gammes. Et en plus, le public y gagnerait. Mais, comme tu dis, avec les vieux grognards, ce n'est pas demain la veille.... :(
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Re: Le cinéma muet

Message par Ann Harding »

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Die wunderbare Lüge der Nina Petrowna (Le mensonge de Nina Petrovna, 1929) de Hanns Schwarz avec Brigitte Helm, Franz Lederer et Warwick Ward

Je viens de découvrir ce superbe film d'Hanns Schwarz qui démarque l'histoire de la Dame aux Camélias. Nous sommes à St Peterbourg, avant la Révolution, Nina Petrovna (Brigitte Helm) est la maîtresse d'un colonel (W. Ward). Mais, elle tombe follement amoureuse d'un sous-officier Petroff (F. Lederer). Elle quitte son amant fortuné pour aller vivre avec Petroff dans la pauvreté...
La restauration de ce film est une pure merveille; il faut dire que le tirage a été réalisé à partir du négatif original. La beauté des images est à couper le souffle avec une finesse des détails et une palette de gris incroyables. Brigitte Helm n'a jamais été aussi humaine et émouvante. Par moment, elle ressemble à la jeune Garbo. Franz Lederer (qui fera carrière à Hollywood sous le nom de Francis Lederer) est également excellent en jeune homme naïf qui va la mener à sa perte. Et le film est accompagné par une partition d'origine de Maurice Jaubert (qui a fait, entre autres, la musique de Quai des Brumes et Le Jour se Lève) absolument merveilleuse. Il donne au film une mélancolie douce-amère typique de ses compositions des années 30. Une pure merveille! :D Pourquoi ce film n'est-il pas en DVD??? (Il a été diffusé sur Arte en 2000 et j'ai vu la même copie qui est visible au Forum des Images.)
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Message par bruce randylan »

Ah tu me fais plaisir là !
Celui là est vraiment l'un de mes muets préférés ! Je garde précieusement mon enregistrement Arté.
La mise en scène est très inspirée et fluide. Brigitte Helm est magnifique et l'émotion offre vraiment de très beaux passages ( cette fin :( )
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Message par Ann Harding »

Harakiri (1919, F. Lang) avec Lil Dagover

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Cette version de Madame Butterfly réalisée en Allemagne par un jeune Fritz Lang est un film décevant. Ayant vu maintenant, un bon nombre de films des années 10, celui-ci ne brille pas par son originalité en terme de narration visuelle, ni par son montage, ni par sa direction d'acteurs. Nous avons droit à un long prologue sur le père de Butterfly, ici nommée O-Take-San (L. Dagover). Et son mari n'est pas américain, mais scandinave, probablement pour ne pas froisser les USA. On peut retenir le travail de décoration et des costumes qui sont très réussis. Le film manque singulièrement de poésie. Là où un Léonce Perret ou un Maurice Tourneur (pour parler du cinéma contemporain) aurait réussi à injecter un souffle et un respiration à ce mélo. Nous n'avons ici qu'une succession de scènes filmées en plan moyen ou large avec des cartons extrêmement verbeux. J'avoue n'avoir ressenti aucune émotion en regardant ce mélo où le jeu des acteurs est plutôt rudimentaire. Pourtant Lil Dagover pouvait être émouvante ; elle était formidable dans Le Tourbillon de Paris de J. Duvivier. Et il y a aussi le problème qu'aucun des acteurs ne soit japonais et ne comporte comme un japonais. En 1919, Sessue Hayakawa travaillait aux USA où il tournait en Californie un Dragon Painter - basé sur une légende japonaise - bien plus convaincant et intéressant que ce Harakiri.
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Ingeborg Holm (1913, Victor Sjöström) avec Hilda Borgström

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Suite à la mort de son époux, Ingeborg Holm (H. Borgström) se retrouve dans le dénuement le plus total. Elle fait appel aux services sociaux qui décident de placer ses trois jeunes enfants dans des familles d'accueil. Elle se retouve à l'asile pour les pauvres...

C'est le film de Victor Sjöström le plus ancien qui soit disponible en DVD. Ce grand cinéaste et acteur suédois a réalisé des films dès 1912. Il est sans conteste avec Mauritz Stiller l'un des plus grands réalisateurs des années 10. Ils réalisent tous les deux des films qui sont techniquement incroyablement avancés et le choix de leurs sujets sont également peu communs dans le cinéma mondial. Avec Ingeborg Holm, il montre sans ambages comment la société suédoise des années 10 traitent ses pauvres. Si vous pensiez que la Suède a toujours été un pays social-démocrate et riche, il n'en est rien. Au début du XXème siècle, il règne une misère certaine et l'Etat loin d'appaiser les tourments, ajoute encore aux souffrances des malheureux en en faisant des assistés à vie. Pire, on leur enlève leurs enfants pour les placer. Sjöström non seulement dénonce un état de fait, mais, il réalise également un mélodrame poignant superbement interprété par Hilda Borgström. Dans ses films, le jeu des acteurs est toujours mesuré et juste. Il était lui-même un merveilleux acteur de théâtre et de cinéma. Ce film est tourné principalement en décors de studio contrairement à ses films plus tardifs qui exploiteront les paysages sauvages de la Scandinavie. Si les gros plans sont rares, la composition des plans moyens et larges est bien définie avec parfois une grande profondeur de champ. La copie Kino est moyenne est un peu de décomposition ici et là. Mais, quel plaisir de pouvoir découvrir ce merveilleux film!

Terje Vigen (1917, Victor Sjöström) avec Victor Sjöström et Edith Erastoff

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Au debut du XIXème siècle, le pauvre pêcheur Terje Vigen (V. Sjöström) se retrouve prisonnier des Anglais en essayant de braver leur blocus pour nourrir sa famille. Après 5 ans de captivité, il retourne dans son village. Sa femme et son enfant sont morts...

Ce film est certainement un de mes préférés toutes catégories confondues. Il réussit à combiner le lyrisme des paysages avec celui des vers d'Ibsen et la composante visuelle en fait un chef d'oeuvre. Sjöström dans le rôle principal est tout simplement génial. En plus de la beauté de la cinématographie de Julius Jaenzon (qui fut le mentor de Sven Nykvist), Sjöström donne à son personnage une profondeur psychologique inattendue pour un film de 1917. Cet homme qui a perdu sa famille est hanté par un violent désir de vengeance et lorsqu'il retrouve son ancien tortionnaire, il songe immédiatement à le faire partir par le fond avec sa femme et sa fille. Mais, il réussit à surmonter ce sentiment en découvrant le visage de l'enfant qui lui rappelle celui qu'il a perdu. Au lieu de nous présenter des personnages en noir et blanc, comme le fait un Griffith, Sjöström s'attache aux zones d'ombres qu'il y a en chacun de nous. La copie teintée chez Kino est identique à celle publiée par le Svenk Filminstitut à part les cartons traduits en anglais. L'accompagnement au piano de Donald Sosin est excellent sur Kino. La copie suédoise propose une partition orchestrale de Matti Bye également à recommander. A voir absolument! :D
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Roses Blanches (Die Weissen Rosen, 1914) de Urban Gad avec Asta Nielsen

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Thilda Wardier (A. Nielsen), une actrice, part pour Ostende avec son jeune amant Adam. Il lui a prêté une broche couverte de diamants appartenant à sa grand-mère. Elle attire les regards de deux escrocs dans le grand hôtel où ils descendent...

Asta Nielsen était une grande star du cinéma danois et allemand des années 10-20. Je ne l'ai vu jusque là que dans trois films: Hamlet (1920) où elle est une version féminine étonnante du prince du Danemark, La Rue Sans Joie (1925) et un fragment de Die Geliebte Roswolskys (1921). Elle avait un physique androgyne et longiligne qui tranche avec la silhouette des actrices de l'époque. Elle avait en plus un charisme indéniable avec son sourire ravageur et sa haute taille. Roses Blanches est une comédie policière très bien menée où elle se retrouve au centre du manège de deux malfrats qui lui dérobent un bijou de grande valeur pour en extraire les pierres et les remplacer par des fausses. Le suspense s'accroît alors qu'elle est revenue dans sa chambre d'hôtel et que le bijou n'a toujours pas été retourné. Le metteur en scène réussit à nous tenir en haleine jusqu'à la dernière minute. Certes les personnages restent schématiques, mais, pas plus que dans un sérial de Feuillade contemporain. Au total, une bonne surprise. Il va falloir que je vois les autres films de Nielsen publiés par la Cinémathèque Danoise.
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MADEMOISELLE ELSE (fraulein Else) de Paul CZINNER - Allemagne -1929
Avec Elizabeth BERGNER, Paul BESSERMANN

La jeune fille d’un avocat viennois, Else, est confrontée à un terrible choix : elle peut sauver son père de la ruine à condition de se montrer nue au riche marchand d’art von Dorsay.

Intrigué et très heureusement surpris par l’âpreté du Dernier tango (1929) de Paul Czinner, j’ai voulu découvrir d’autres œuvres de ce cinéaste hongrois qui a beaucoup tourné en Allemagne puis en Angleterre après l’avènement du nazisme.
Adapté d’un roman d'Arthur Schnitzler, qui révolutionna la littérature contemporaine en imposant un nouveau style « le discours intérieur » qui fut repris par James Joyce et Albert Cohen (belle du seigneur), Mlle Else est un film très réussi. Paul Czinner confirme ses qualités de metteur en scène en apportant un infini réalisme à chaque scène (le désespoir du père, criblé de dettes et tenté par le suicide ; le jeu du chat et de la souris entre le marchand d’art et la jeune Else). Les mouvements de caméra d’une grande liberté (scènes de plein air dans la station de ski), une impeccable direction d’acteurs (quelle sobriété et quelle justesse dans le jeu de chaque comédien et notamment d’Elizabeth Bergner , parfaite en adolescente insouciante dont la vie bascule dans le drame) sont autant de qualités d’un film dont le thème a pourtant vieilli.
Dernière modification par Music Man le 20 mai 10, 10:44, modifié 1 fois.
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Re: Le cinéma muet

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Je viens de découvrir trois films russes des années pre-révolutionnaires absolument sensationnels du réalisateur Evgenii Bauer grâce au DVD publié par le British Film Institute.
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Sumerki zhenskoi dushi (Le crépuscule de l'âme d'une femme, 1913) avec Vera Chernova et A. Ugriumov
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Vera (V. Chernova) est malheureuse et solitaire dans sa famille issue de la haute société. Un jour, elle accompagne sa mère dans sa visite chez les pauvres. Elle rencontre Maxim un étudiant. Décidée à l'aider, elle retourne le voir. Mais, Maxim, se méprenant sur ses intentions, la viole. Elle le tue...

Avec les films de Sjöström et de Perret, c'est l'un des films les plus incroyables que j'ai pu voir du début des années 10. Bauer a une science de l'éclairage renversante et une composition picturale qui suit intimement les sentiments des personnages. C'est le plus beau film de 1913 que j'ai jamais vu avec L'enfant de Paris et Ingeborg Holm. J'ai d'ailleurs au du mal à croire qu'un film aussi raffiné et sophistiqué ait pu être réalisé en Russie dès 1913. On y sent l'influence du cinéma scandinave et danois. Mais, au delà, Bauer réussit à capturer l'âme russe telle qu'on la rencontre chez Tchékhov, Pouchkine ou Tourguéniev. L'histoire de Vera est celle d'une fille incomprise par sa mère qui est violée par un étudiant misérable et alcoolique. Elle réussit à surmonter ce traumatisme. Et lorsqu'elle rencontre le prince Dolski, elle lui avoue le crime qu'elle a commis. Il ne peut accepter ce qui lui est arrivé et Vera part. Elle devient actrice. En plus de son intrigue étonnante, le film offre une cinématographie d'une beauté inouïe. Il utilise la profondeur de champ et contraste les premiers plans dans la pénombre avec les arrière-plans lumineux. Il choisit aussi de nous montrer une vision subjective de Vera vue de haut par Maxim qui s'apprête à sauter sur sa proie. En plus, le jeu des acteurs est absolument remarquable loin de tout excès théâtral. Il est retenu et nous transmet leurs sentiments intimes par des mouvements naturels. Les acteurs sont totalement modernes.

Posle smerti (Après la mort, 1915) avec Vera Karalli et Vitold Polonskii
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Andréi vit comme un hermite avec sa tante. Il ne sort jamais, vivant dans le souvenir de sa mère morte. Un jour, il accepte d'accompagner un ami dans une soirée. Il y rencontre Zoya Kadmina (V. Karalli). Elle a le coup de foudre pour lui. Mais, il la repousse. Elle se suicide. Andréi est alors hanté par l'image de Zoya...

Avec cette adaptation d'une nouvelle de Tourguéniev, Bauer réussit encore un miracle de beauté et de poésie. Le film contient également un plan-séquence de trois minutes réalisé avec une caméra mobile qui suit Andréi au sein de la soirée mondaine. La caméra -montée sur roulettes- recule, fait un panoramique, repart et le suit. Absolument incroyable pour 1915 ! :shock: Mais, cet effet technique n'est pas là simplement pour faire de l'esbrouffe. Il tente de nous faire comprendre la gène d'Andréi et son malaise au sein de cette société qui lui fait peur. Vera Karalli, qui avait été une danseuse classique, est une héroine toute droite sortie des pages d'un roman russe avec son long cou de cygne et ses mouvements gracieux. Ses apparitions lors des rêves d'Andréi semble issues des portraits des pré-raphaélites. Une pure merveille.

Umirayushchii lebed (La Mort du Cygne, 1917) avec Vera Karalli et Vitold Polonskii
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Gizella (V. Karalli) est née muette. Elle tombe amoureuse d'un jeune homme, mais se rend compte qu'il lui ment. Elle décide de se consacrer entièrement à la danse. Lors d'une représentation de 'La Mort du Cygne', un peintre, obsédé par la mort, la découvre et lui demande de poser pour lui...

Encore un très beau film avec Vera Karalli qui nous montre son talent de danseuse en interprétant La Mort du Cygne (créée par Pavlova quelques années plus tôt). L'idée centrale du film est à nouveau la mort. L'artiste peintre qui tente désespérement de peindre cette mort inaccessible semble l'avoir trouvée dans le visage triste de Gizella dans son costume du Cygne. Il ne surportera pas de la voir redevenue gaie après avoir retrouvé son amour de jeunesse. Le film est admirablement construit avec des cadrages picturaux, des ombres et des lumières remarquables. Une séquence onirique effrayante vient hanter Gizella, une scène qui va se révéler prémonitoire. Bauer est un esthète du cinéma qui sait admirablement raconter des histoires complexes. Sa carrière s'est malheureusement arrêtée nette en 1917 où il mourut d'une pneumonie. Si il n'a fait des films que durant 4 ans, il a néanmoins laissé une empreinte indélibile dans l'histoire du cinéma. A découvrir d'urgence.
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