Le Cinéma muet

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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bruce randylan
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Re: Le cinéma muet

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Sherlock Holmes (Arthur Berthelet - 1916)

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Sherlock Holmes est missionné pour récupérer des lettres compromettant un prince arabe qui a eu une liaison avec une jeune fille qui s'est suicidée. La soeur de celle-ci possède les fameux documents mais refuse de les donner. En parallèle, des malfrats cherchent eux aussi à mettre la main dessus.

Avec la venue de Francis Ford Coppola, c'était "LE" gros événement de cette troisième édition de Toute la mémoire du monde à la Cinémathèque. Et pour cause, le film était considéré comme perdu avant d'être retrouvé l'an dernier dans les archives de la CF sous un mauvais référencement et sa diffusion cet après-midi était la première projection mondiale de cette exhumation. :D

Tourné aux états-unis en 1916, le film fut légèrement remonté en France pour sortir en 1920 sous la forme d'un sérial de 4 épisodes.
Cette version de Sherlock Holmes est très réputé puisqu'il s'agissait de la seule version où apparaissait l'acteur William Gillette qui fut l'incarnation du célèbre détective durant près de 40 ans (il monta d'ailleurs avec Sir Arthur Conan Doyle la pièce de théâtre qui sert de base à ce film). Pour beaucoup (dont Orson Welles), son interprétation était la meilleure.

Après donc presque 100 ans, on peut désormais se faire une idée plus précise de ce film mythique (des anglais ont fait le déplacement juste pour venir voir ce film !). Bah, ça reste un film de 1916 tourné par un cinéaste qui n'aura pas laissé une grande trace dans les dictionnaires de cinéma (une vingtaine de réalisations de 1915 à 1925, seul Who Have Made Love to Me a fait parler de lui à cause de la présence de l'écrivaine à scandales Mary MacLane). Il ne fallait donc pas attendre grand chose d'un point de vue cinématographique.

Le scénario suit un découpage "une acte = un décor" (la maison de la sœur ; le bureau de Sherlock ; une maison piégée ; le cabinet de Watson) avec un découpage très théâtral qui possède une gestion de l'espace inexistante, ce qui rend la première partie brouillonne. On a beaucoup de mal à savoir se situer dans la maison comme on se sait pas toujours qui se situe où par rapport à qui. Ca s'arrange cependant avec la suite et le final chez Watson est bien maîtrisé avec même quelques changements d'axes intéressants (pour passer d'une pièce à l'autre ou pour se situer derrière le feu d'une cheminée). Quelques raccords dans l'axe (en fondue enchaînée) et mêmes 2 travellings viennent agrémenter le style qui tente aussi quelques effets concluants dans la photographie (notamment dans le bureau de Moriarty).
L'histoire n'est souvent pas très crédible dans ses péripéties (les méchants sont vraiment nuls quand il s'agit de trouver un plan pour se débarrasser de Sherlock Holmes) mais c'est vrai que William Gillette ne manque pas de saveur dans son rôle emblématique même si on regrette d'être privé de la parole qui aurait rendu les déductions plus savoureuses.
La narration fait craindre le pire dans les 30 premières minutes mais se révèlent plus prenante par la suite (surtout la troisième dans la maison aux gaz). Les seconds rôles sont en revanche trop peu traités, à commencer par Watson quasiment absent. L'histoire d'amour est assez surprenante cela dit.

Voilà, on va surtout dire qu'il s'agit évidement d'une curiosité historique. Mais n'étant absolument connaisseur de l'univers de Sherlock Holmes, je ne suis sans doute pas le meilleur placé pour en parler.
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Ann Harding
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J'y étais aussi.

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Dr Watson (E. Fielding) et Sherlock (W. Gillette)

Sherlock Holmes (1916, Arthur Berthelet) avec William Gillette, Edward Fielding, Ernest Maupain et Marjorie Kay

Sherlock Holmes (W. Gillette) est recruté pour retrouver des papiers compromettants détenus par Alice Falkner (M. Kay). Or, la jeune femme est retenue contre son gré par un couple d'escrocs, les Larrabee...

Cette production Essanay, longtemps considérée comme perdue, était recherchée par les fanatiques de Sir Arthur Conan Doyle car le personnage de Sherlock y est interprété par William Gillette. Cette acteur américain a fortement marqué de sa personnalité le personnage de Holmes qu'il interpréta sur scène dès 1899 dans une pièce qu'il écrivit lui-même. En 1916, la société Essanay le recruta pour porter à l'écran son Sherlock; il avait alors 63 ans et ce fut son seul et unique film. C'est donc un document unique sur Gillette et sa caractérisation d'Holmes. Il lui donna une pipe recourbée, un chapeau de chasseur caractéristique et des robes de chambre très chic, des attribus qui furent repris par tous les interprètes postérieurs d'Holmes. Par chance, une copie française de ce film a été retrouvée à la Cinémathèque française dans des boîtes d'autres adaptations d'Holmes. Cette copie a été numérisée et restaurée en 4K et l'image est d'une qualité remarquable pour une copie de 1920 (l'année de sortie en France du film). Le film repose sur les épaules de Gillette qui s'impose sans difficultés à l'écran avec sa haute silhouette longiligne et son allure ascétique et impertubable. Pour ce qui est de la trame narrative, c'est une autre histoire. Le film suit fidèlement une pièce de théâtre sans chercher à en faire un objet cinématographique. Les intertitres nous annoncent à l'avance ce qui va se passer et il y a une absence quasi totale de suspense. Le réalisateur Berthelet filme les événements sans montrer aucun sens visuel autre que de capturer Gillette en action. Si on compare cette production Essanay avec de nombreux films de 1916, c'est un film très moyen. Il n'y que fort peu d'extérieurs et d'action. Pratiquement tout se passe en studio et les rares scènes de rue n'exploitent guère les décors naturels. Le montage est tout aussi poussif et chaque passage du plan large en plan moyen est souligné par un fondu enchaîné bien inutile à une époque où on savait déjà pourtant depuis longtemps réaliser des séquences courtes, rapides et efficaces. Ce film reste donc essentiellement un document sur William Gillette qui est ici entouré d'acteurs non dépourvus de talent tel que le français Ernest Maupain, embauché par la Essanay en 1915, dans le rôle de Moriarty et la jolie et fine Marjorie Kay en jeune fille en détresse. La relation Holmes-Watson est relativement peu exploitée, sauf à la toute fin du film où Holmes devient presque un adolescent rougissant lorsque son ami lui fait remarquer qu'il est tombé amoureux d'Alice. Holmes tripote alors nerveusement le revers du costume de Watson ce qui provoqua un rire amusé dans la salle. La séance d'hier était accompagnée avec beaucoup de talent par Neil Brand au piano, Andrew Bridgemont au violon et Franck Brockius aux percussions qui donnèrent un vrai relief au film à défaut d'une action trépidante. Une curiosité à défaut d'un grand film. Il y a un petit extrait du film sur le site de la BBC.
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Une jolie rareté, The Night of Love (1927, G. Fitzmaurice) est chroniquée sur mon site.
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Via Wireless (Télégraphie sans fil, 1915) de George Fitzmaurice avec Gail Kane, Bruce McRae, Brandon Hurst, Harry Weaver et Paul McAllister

Pinckney (B. Hurst), un des contremaîtres de l'acierie de John Durant (H. Weaver), empoche indûment les royalties d'un canon dessiné par Marsh (P. McAllister). De plus, il convoite Frances Durant (G. Kane) la fille du patron qui est amoureuse du Lieutenant Sommers (B. McRae)...

En 1914, chez Pathé-Exchange, George Fitzmaurice passe du département du scénario à celui de la réalisation. La biographie de ce pionnier d'origine européenne demeure mystérieuse. On le dit né à Paris en 1885, pourtant il n'y a aucune trace de sa naissance dans les registres d'Etat-civil et sa tombe mentionne une naissance en 1887. Il serait issu d'une famille franco-irlandaise ou franco-hollandaise selon les sources. En tous cas, ce jeune homme inventif, intéressé par les arts, atterrit dans le monde du cinéma en 1914 dans la filiale américaine de Pathé. Son film Via Wireless est parfaitement ancré dans l'époque. Bien que l'Amérique soit neutre, le président Wilson a décidé d'augmenter les capacités de défense du pays. Le sujet du film se situe donc dans l'industrie de l'armement, une acierie qui fabrique des canons. Si ce fond contemporain se tisse également une histoire de rivalité amoureuse entre le traître de service joué par Brandon Hurst et l'héroique Bruce McRae, en bel officier de la marine américaine. Le scénario écrit par l'épouse de Fitzmaurice, Ouida Bergère (Ida Berger au civil), est plein de rebondissements dignes d'un sérial: yatch coulé par une mine, poursuite en voiture, sabotage de canon, etc. On ne perd pas de temps avec les personnages pour leur donner du relief, tout est concentré sur l'action et le mouvement. Ce mélodrame à rebondissements est heureusement émaillé de quelques moments comiques comme lorsque la secrétaire du roi de l'acier est approchée par un employé énamouré qui l'importune. Si le film n'est pas un chef d'oeuvre, il est cependant représentatif de cette école du cinéma américain qui avait assimilé rapidement les nouveaux codes de la grammaire cinématographiques contrairement aux films français qui restaient fidèles au plan-séquence comme dans Les Vampires (1915) de Louis Feuillade. Via Wireless est un film de divertissement parfaitement réussi avec une excellente cinématographie dont on ignore l'auteur. Le film est visible sur le site European Film Gateway dans une très belle copie teintée et virée avec des intertitres en néerlandais.
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The World and Its Woman (Une idylle dans la tourmente, 1919) de Frank Lloyd avec Geraldine Farrar, Lou Tellegen, Alec B. Francis, Rose Dione et W. Lawson Britt

En Russie, avant la révolution, Marcia Warren (G. Farrar) la fille d'un ingénieur américain est amoureuse du prince Orbelianov (L. Tellegen), le fils du patron de son père. Celui-ci l'ignore et la méprise jusqu'à ce qu'elle devienne une star de l'opéra...

En 1919, Samuel Goldwyn produit ses films sous l'étiquette Goldwyn Pictures (une société dont il perdra le contrôle en 1922). A cette époque-là, il voit déjà grand et il a recruté Geraldine Farrar qui est alors non seulement une star du Metropolitan Opera, mais aussi du grand écran grâce à ses films avec Cecil B. DeMille (Carmen et Joan The Woman). Cerise sur le gateau, c'est son mari d'alors, l'acteur Lou Tellegen qui est son partenaire à l'écran. Goldwyn a mobilisé des moyens considérables pour ce mélo sur fond de révolution russe avec d'énormes décors et une foule de figurants. Malheureusement, il n'a pas dû passer assez de temps à lire le scénario qui se révèle particulièrement insipide. Comme c'était souvent le cas à l'époque, la révolution russe est présentée d'une manière particulièrement caricaturale et souvent franchement hilarante. C'est cependant la meilleure partie du film qui jusqu'ici était plutôt languissant. Frank Lloyd est un réalisateur sans grande imagination qui avait tendance à faire du "théâtre filmé" sans rechercher des angles de prise de vue originaux. La première partie du film est franchement ennuyeuse avec les soupirs de Marcia à chaque fois qu'elle rencontre son prince charmant qui l'ignore. L'intrigue s'emballe un peu avec le déclanchement de la Révolution, tout en restant très attendue et pleine de clichés - même pour l'époque! La belle Geraldine se bat avec Rose Dione, sa rivale devenue bolchévique, ce qui nous vaut une scène de bagarre où l'héroine bat à plattes coutures la mauvaise femme. Evidemment, tout est bien qui fini bien et elle tombera dans les bras de son prince comme on s'en doutait dès le début. La débauche de moyens engendre ici un film de série, très stéréotypé, dépourvu de surprises avec des acteurs parfois en roue libre. Il est difficile de s'intéresser à ces personnages caricaturaux et sans saveur. The World and Its Woman est représentatif d'une certaine production commerciale qui exploite le mélodrame sans vergogne pour appâter le chaland. Un mélo poussif qui peut provoquer quelques rires. Le film est visible sur le site European Film Gateway.
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Dans les mailles du filet / Into the net (George B. Seitz - 1924)
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Des jeunes filles de la bourgeoisie sont kidnappées par une grande organisation criminelle. Le frère de l'une d'elle et un journaliste amoureux se lancent à sa rescousse, menant leur propre enquête.

Découvert cette petite rareté à la Fondation Pathé dans leur programmation sur thème du "crime à l'écran". La copie est issue de la Cinémathèque Française qui semble avoir conservée l'unique copie existante de ce sérial en 10 épisodes mais sous la forme d'un long-métrage en 5-6 parties.
Ca se ressent grandement pour certains cliffhangers typique du genre mais surtout pour des péripéties très, très répétitives qui sont enchaînées et condensées en moins de deux heures (combien de fois assiste-t-on à une poursuite où les méchants s'échappent in-extremis ?).
Il faut dire que George B. Seitz n'est pas un grand cinéaste et que son nom n'aura pas marqué les esprit, autant durant le cinéma muet que celui du parlant. Sa mise en scène est souvent plate, sans grande saveur, handicapé de gros problèmes de rythme et avec des acteurs dénué de charisme.
Cependant plusieurs séquences méritent qu'on s'y penche. Il y a plusieurs moments à la limite du documentaire qui s'avère en effet passionnant comme une scéne détaillant les méthodes de recherches de suspect grâce aux empruntes digitales. C'est bête mais je crois que c'est la première fois que je fois au cinéma ! :o
Et il y a avant tout une stupéfiante séquence de poursuite en voiture, filmée directement dans les rues déjà bien grouillantes de New York. C'est capté en un long plan-séquence de plusieurs minutes avec la caméra montée sur un voiture suivant les héros en pleine filature des méchants, tout ce beau monde zigzagant entre les différents véhicules et piétons qui ne devaient certainement pas faire partie de l'équipe du film. Ce n'est pas forcément nerveux et spectaculaire mais cette plongée au coeur du trafic de NYC au milieu des années 20 est un ballet totalement fascinant pour ne pas dire surréaliste. L'aspect clairement improvisée du tournage rajoute à la beauté du geste d'autant que la photo naturelle est très réussie pour le coup (amusant de découvrir ce style poursuite peu de temps après le collier de la danseuse

Même si le reste du film demeure routinier, un peu trop mécanique et sans surprise, cette séquence mérite à elle seule de découvrir ce petit policier pas désagréable non plus.

Il repasse à la Fondation Pathé le mois prochain (et tourne de temps en temps à la cinémathèque)
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Am Rande der Welt (Au bout du monde, 1927) de Karl Grune avec Albert Steinrück, Brigitte Helm, Wilhelm Dieterle et Max Schreck

Dans un moulin proche d'une frontière, un meunier (A. Steinrück) engage un étranger (Erwin Faber). Il s'installe avec la famille du meunier et tombe amoureux de sa fille Magda (B. Helm). C'est en fait un espion. La guerre éclate peu après...

Ce passionnant film pacifiste de Karl Grune est fort peu connu, mais heureusement, une récente restauration est maintenant disponible sur le site European Film Gateway. La distribution est impressionnante avec plusieurs grands noms du cinéma allemand: Brigitte Helm, Wilhelm Dieterle et Max Schreck. Grune nous raconte une histoire se déroulant dans un pays imaginaire où un meunier et sa famille se retrouve au centre d'un violent conflit à cause de leur position géographique proche d'une frontière. Un espion s'est infiltré à leur insu et leur moulin va devenir un point stratégique dans les plans de bataille des deux côtés. D'ailleurs, il ne semble pas qu'il existe réellement une armée "amie" pour les malheureux civils. Le moulin est investi par une colonne armée et le fils du meunier est emmené manu militari. Son sort repose entre les mains d'un capitaine brutal et cruel qui s'intéresse de près à sa soeur, la jolie Magda (Brigitte Helm en délicieuse ingénue). Il la met face à un dilemme épouvantable: accepeter de se donner à lui ou son frère mourra. Pourtant, parmi cette armée d'occupation, il y a un jeune lieutenant (Jean Bradin) qui va faire tout pour sauver le frère de Magda, par amour pour elle. Le film se termine par un sommet de violence avec l'incendie du moulin et l'exécution sommaire de l'espion. Bien que le film se déroule dans une contrée imaginaire, on ne peut s'empêcher de penser à la Grande Guerre en voyant les soldats dans des tranchées inondées avec un masque à gaz. D'ailleurs, la UFA voulut couper et remonter le film ce qui provoqua l'ire du réalisateur Karl Grune. C'est Brigitte Helm qui retient particulièrement notre attention en jeune ingénue, très éloignée de son rôle habituel de vamp. Wilhelm Dieterle joue le fils aîné du meunier avec talent; quant à Max Schreck, le terrifiant Nosferatu de Murnau, il est ici un colporteur inquiétant à la tête d'un réseau d'espions. Une très jolie surprise qu'on aimerait bien voir sur Arte avec une belle partition.
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The Exploits of Elaine (Les Mystères de New York, 1914) de Leopold Wharton (George B. Seitz et Louis J. Gasnier) avec Pearl White, Arnold Daly et Sheldon Lewis
Episode 1: The Clutching Hand (La Main qui étreint)

Un mystérieux assassin masqué surnommé "La main qui étreint" assassine le président d'une société d'assurances sur le point de l'identifier en l'électrocutant par l'intermédiaire d'une bouche d'aération. Le détective Craig Kennedy (Arnold Daly) est appelé à la rescousse...

Ce sérial produit par Pathé-Exchange, la filiale américaine de Pathé, faisait suite à l'énorme succès de The Perils of Pauline (1914) produit par la firme avec Pearl White en héroïne acrobate et téméraire. The Exploits of Elaine connut un immense succès dès sa sortie en décembre 1914. Malheureusement, comme c'est le cas pour d'autres sérials américains de même époque, il ne nous est parvenu qu'incomplètement et souvent dans des copies contretypées hideuses. Hier la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé a présenté une copie française en 16 mm un peu floue et sans contraste issue de la collection de Roland Lacourbe du premier épisode. Il est donc difficile dans ces circonstances d'apprécier totalement ce sérial et de comprendre ce qui impressionna tant les spectateurs de 1914-1915 lorsqu'ils découvrirent les 14 épisodes. On peut penser que le public apprécia exploits du criminel masqué qui a réussi non seulement à éliminer un ennemi à distance en l'électrocutant, mais aussi à placer les empreintes d'un détective sur une pièce à conviction avant que celui-ci ne soit appelé. Cela suffit certainement à créer le suspense et l'appétit des spectateurs dans ces deux bobines où les événements se succèdent rapidement. Pearl White est ici une simple comparse dans le rôle de la fille de la victime et il n'y a pas à douter qu'elle doit se déchaîner dans les épisodes suivants. Trois réalisateurs se sont succédés pour la réalisation de ce sérial. Le premier épisode a été réalisé par Leopold Wharton. A l'époque de la sortie du film, l'histoire était publiée simultanément dans la presse contrôlée par W.R. Hearst ce qui devait assurer une publicité sans égale pour le sérial. Espérons qu'un jour une belle restauration des épisodes qui ont survécus permettra d'apprécier ce sérial dans de meilleures conditions.
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Zur Chronik von Grieshuus (La Chronique de Grieshuus, 1925) d'Arthur von Gerlach avec Lil Dagover, Paul Hartmann, Rudolf Forster, Arthur Kraußneck et Gertrud Arnold

Au XVIIe siècle, le seigneur de Grieshuus (A. Kraußneck) souhaite faire de son fils Hinrich (P. Hartmann) son unique héritier. Mais, ce dernier tombe amoureux de Bärbe (L. Dagover) la fille d'un serf. Son père décide de le déshériter...

Cette magnifique production de la UFA est une oeuvre d'atmosphère pratiquement tournée entièrement en studios. Le producteur Carl Laemmle n'a pas lésiné sur les moyens avec la construction d'un village et d'un château avec étang et landes désolées. Evoquant les gravures de Dürer, la composition des plans est de toute beauté avec des effets de clair-obscur ou des brumes évocatrices. Le scénario de Thea von Harbou est une adaptation d'un nouvelle de Theodor Storm qui nous plonge dans l'univers poétique d'un XVIIe siècle de conte de fées. Les situations ne sont pas nécessairement originales, mais c'est leur mise en image qui fait le pris de ce magnifique film. On retrouve l'opposition entre un père noble et son fils qui à ses yeux le déshonore en épousant une serve. Puis, le conflit se déplace après la mort du père entre les deux fils qui tous deux convoitent la Seigneurie. Au milieu de ce conflit, il y a la belle Bärbe que joue Lil Dagover avec son talent habituel. Elle sera une des victimes expiatoires de la violence entre les frères. Pour un tel film, la musique est essentielle pour porter l'atmosphère lyrique et poétique du propos. J'avais eu la chance de voir ce film en 2012 à la Cinémathèque française avec l'accompagnement génial du pianiste Stephen Horne. Arte nous l'a présenté avec une reconstruction de la partition originale du compositeur Gottfried Huppertz qui a également composé des partitions pour plusieurs grands films de Fritz Lang. Le résultat est un véritable plaisir pour l'oreille après plusieurs partitions modernes affligeantes présentées récemment. Huppertz donne au film exactement le lyrisme et les couleurs chromatiques post-romantiques qui lui conviennent. C'est l'une des plus belles partitions reconstituées que j'ai entendue avec celle d'Eduard Künneke pour Das Weib des Pharao (1922, E. Lubitsch) et celle d'Henri Rabaud pour Le Joueur d'échecs (1927, R. Bernard). Une superbe restauration à tous les points de vue.
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Die Pest in Florenz (La Peste à Florence, 1919) d'Otto Rippert avec Marga Kierska, Anders Wikmann, Theodor Becker, Otto Manstaedt et Juliette Brandt

Au XVe siècle, la ville de Florence est dirigée d'une main de fer par le conseil des Anciens présidé par Cesare (O. Manstaedt). L'arrivée d'un courtisane vénitienne Julia (M. Kierska) provoque l'émoi parmi les Anciens. Cependant, Cesare s'éprend follement de la jeune femme de même que son fils Lorenzo (A. Wikmann)...

Otto Rippert est un cinéaste allemand oublié que l'on ne cite que pour un titre de sa filmographie le sérial Homunculus (1916). Die Pest in Florenz montre pourtant l'immense talent de ce réalisateur par ses qualités esthétiques, de direction d'acteur et de narration. Certains auraient tendance à ne parler que du scénariste du film, Fritz Lang, pourtant ce film est bien supérieur à certains Lang de la même période comme Harakiri (1919). Bien qu'il s'agisse d'une production aux moyens importants - avec d'immenses décors reconstituant le centre de Florence et des centaines de figurants - le metteur en scène ne perd pas de vue l'intime dans sa direction d'acteurs. Evitant, les effets exagérés de l'expressionnisme, Marga Kierska réussit à donner à son personnage de courtisane un mélange de sensualité et d'humanité bienvenues. Dans une Florence puritaine et pieuse, elle va enflammer les sens de tous en particulier du vieux Cesare, qui se révèle un bel hypocrite, de son fils Lorenzo qui va tuer son père pour la belle, et finalement, dans une transgression ultime, l'hermite Medardus jette sa robe de bure aux orties pour une vie de débauche avec Julia. Si le scénario s'inspire d'Edgar Allan Poe (Le Masque de la mort rouge), il semble aussi que Lang ait puisé dans Thaïs pour la relation Medardus-Julia et dans Le Festin de Balthazar avec l'inscription sur le mur. Malgré ces éléments épars, le film conserve une vraie cohésion dramatique grâce à la mise en scène de Rippert qui réussit à préserver le fil conducteur dramatique. Mêlant avec bonheur extérieurs dans le sud de l'Allemagne et reconstitution de Florence, l'oeuvre nous propulse dans l'univers de la Renaissance italienne sans faillir. Le final tragique avec l'arrivée de la peste sous les traits d'une femme est également une grande réussite. Un superbe film qui mérite d'être redécouvert.
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Supfiction
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Doomsday (Rien que l'amour, 1928) de Rowland V. Lee avec Florence Vidor, Gary Cooper et Lawrence Grant

Angleterre. Mary Viner (F. Vidor) vit avec son vieux père et s'épuise toute la journée aux tâches ménagères. Le hobereau Percival Tream (L. Grant) lui propose de l'épouser pour échapper à cette vie de labeur. Mais, elle est amoureuse du fermier Arnold Furze (G. Cooper)...

En 1928, Gary Cooper n'est pas encore une star. C'est Florence Vidor, qui fut la première épouse de King Vidor, qui tient le haut de l'affiche. Il est là pour lui servir de partenaire et de faire valoir. Le scénario de ce film tiré d'un roman de Warwick Deeping offre une image de la société particulièrement machiste. Florence Vidor ne semble vouer qu'à laver, frotter, décrasser ou faire la cuisine. Il est fort amusant de voir la belle Florence, vêtue de jolies robes légères, jouer à la parfaite femme au foyer telle qu'on l'imaginait au XIXème siècle alors qu'elle-même était une femme émancipée des années 20. Certes, de nombreuses femmes de fermiers devaient trimer comme le fait Florence Vidor. Mais, ce qui est frappant, c'est le message terriblement ringard que véhicule le film. Une femme ne peut être destinée qu'à être une bonne épouse, soumise à son époux. Florence choisit d'abord le luxe sans l'amour auprès de Lawrence Grant, qui n'inspire pas la moindre sympathie. Croulant sous les bijoux et les toilettes, elle s'ennuie ferme. Son époux ne la considère que comme un objet qu'il est fier d'exhiber en public. Quand elle retourne vers son fermier désargenté après cette expérience malheureuse, elle se soumet et accepte toutes les humiliations pour le reconquérir. Si l'intrigue me fait grincer des dents, le film est cependant bien réalisé par Rowland V. Lee. Il y a une très jolie scène où Florence Vidor et Gary Cooper flirtent et s'embrassent sur une meule de paille. Florence Vidor était une excellente actrice -alors déjà divorcée de King Vidor, et c'est toujours un plaisir de la voir à l'écran. Quant à Cooper, il ressemble à un grand echalat avec un visage d'enfant, presque féminin. Son jeu reste assez sommaire. C'est grâce à son pouvoir de séduction qu'il s'impose à l'écran. Il faudra encore plusieurs années avant qu'il devienne un véritable acteur. Rowland V. Lee a réalisé de meilleurs films que celui-ci. Je le classerais parmi les productions de série de la Paramount.
C'est dans La parade est passée que j'ai entendu parler pour la première fois de Rowland V. Lee. :wink:
Je ne connaissais pas non plus Florence Vidor. Ce n'est pas une très grande beauté mais j'ai trouvé son jeu très simple et assez moderne.
La scène dans le foin est très belle et suggestive. A elle seule, elle justifie la vision de ce petit film au message simple (mais finalement on peut certainement trouver des films modernes pas si éloignés dans leur propos).
En ce qui concerne l'image de la femme, je n'ai pas su immédiatement comment interpréter cet intertitre. Cette réplique m'a fait rire en tous cas. Sacré technique de drague, Coop ! :lol:
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Why be Good? (1929, William A. Seiter) avec Colleen Moore, Neil Hamilton et Edward Martindel

La jolie et vive Pert Kelly (C. Moore) est vendeuse dans un grand magasin. Le soir, elle fréquente assidument les dancings où elle gagne des compétitions de Charleston endiablées. C'est ainsi qu'elle fait la connaissance de Winthrop Peabody Jr. (N. Hamilton) et flirte longuement avec lui. Elle ignore qu'il est le fils de son patron...

Ce film présumé perdu depuis des décennies a été retrouvé et restauré en 2014. Il est sorti en DVD la même année chez Warner Archive. Cette sortie ultra-rapide pour un film muet était, il est vrai, facilitée par la redécouverte simultanée de la bande-son Vitaphone avec laquelle le film était sorti en 1929, à l'orée du parlant. Il s'agit bien d'une oeuvre muette, mais accompagnée d'une partition musicale qui mêle le jazz, le charleston et les chansons des années 1920. On est replongé immédiatement dans l'époque des "flappers", ces jeunes filles coiffées à la garçonne qui entendent mener une vie libre, cependant dans les limites de la bienséance bourgeoise. On a oublié aujourd'hui que Colleen Moore fut la première et la plus célèbre flapper des années 1920 grâce à son rôle dans Flaming Youth (1922) de J.F. Dillon, un film qui n'existe plus qu'à l'état de fragments. L'actrice avait totalement changé de look en coupant ses anglaises pour une coupe au carré inspirée par sa poupée japonaise. Avec son corps gracile et son allure androgyne, la petite Colleen Moore impose un nouveau style de femme qui n'hésite pas à flirter et qui danse jusqu'à trois heures du matin un charleston endiablé. Elle se veut libérée bien qu'en fait, elle n'aille jamais jusqu'à bout de ses pulsions. Elle évite habilement de boire pour savoir contrer des hommes trop entreprenants. Son image de 'bad girl' n'est en fait qu'une façade où elle cache une vie finalement très rangée chez ses parents. Mais, elle estime nécessaire que faire croire qu'elle est une fille légère dans le milieu où elle travaille en tant que vendeuse. L'intrigue n'est pas très originale car de nombreuses autres stars des années 20 ont également interprété une petite vendeuse qui tombe amoureuse de son patron, ou de son fils comme Mary Pickford dans My Best Girl (1927) ou Clara Bow dans It (1927). Ce qui différencie Why be Good de ces autres films, c'est la performance pleine d'entrain et de charme de Colleen Moore qui réussit à nous captiver par son humour pétillant. William A. Seiter est un bon artisan qui sait très bien maintenir le rythme de cette comédie très réussie. Un vrai bonheur de redécouvrir Colleen Moore dans ce très joli film!
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hansolo
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Re: Le cinéma muet

Message par hansolo »

Ann Harding a écrit :Une jolie rareté, The Night of Love (1927, G. Fitzmaurice) est chroniquée sur mon site.
Merci!
Comment as tu pu le découvrir?
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Re: Le cinéma muet

Message par Ann Harding »

Copie DVD.
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Re: Le cinéma muet

Message par Ann Harding »

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le très méconnu The Home Maker (1925) de King Baggot est chroniqué sur mon site.
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