Le Cinéma muet

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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bruce randylan
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Re: Le cinéma muet

Message par bruce randylan »

1kult a écrit :
Bon, sinon, j'ai vu The Spiders de Fritz Lang, il y a peu. Avis mitigé. Si le récit a plus ou moins consciemment inspiré Tintin (le premier et son Temple du soleil, le second et son Lotus bleu), la forme laisse quelque peu à désirer. Je veux dire qu'il y a quelques bizarreries narratives et formelles. Mais là où je suis mitigé, c'est que je crois savoir qu'il n'existe qu'une copie du film. de fait, on peut imaginer que ce que j'ai vu (une copie télé de 1 heure, puis une heure 20 pour ls deux épisodes) est dégradé, et que des collures ont donc été nécessaires. Il y a de très nombreux passages où on a l'impression que les cartons sont décalés (au lieu d'avoir un plan, puis un carton, puis un second plan, on a un plan, un carton, la fin très furtive de ce même plan, puis un second...).

Du coup, alors que j'étais plus habitué à une esthétique grandiose de Fritz Lang (Woman on the Moon, Metropolis, les 3 lumières, et les Nibelungen), là j'avais l'impression de voir un serial un peu trop classique et sage, alors que le matériau de base est très solide. Qu'en pensent les spécialistes ?
Je l'avais vu il y a 3 ans de la rétro Fritz Lang à la CF.
J'avais été aussi un peu déçu par sa mise en scène moins aboutie que d'habitude même si les autres films de cette période ne sont pas forcément mieux (l'image vagabonde, madame butterfly et 4 hommes pour une femme - c'est vraiment à partir des 3 lumières qu'il commence à trouver sa voie). Je n'ai plus trop de souvenir du film mais j'avais été assez surpris par sa dimension très sérial (et assez kitsch par moment), surtout sa deuxième partie qui vire dans le grand n'importe quoi. Mais au moins, il y a du rythme et une mise en scène maîtrisée (mais sans éclat) !

Par contre la cinémathèque a proposé le film en 2 parties. La première de 2h10 et la seconde 1h30 (mais je ne sais pas à quelle vitesse de projection)
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Geoffrey Carter
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Re: Le cinéma muet

Message par Geoffrey Carter »

Ce n'est effectivement pas un grand Lang. La mise en scène reste assez terne, le scénario part un peu dans tous les sens en particulier dans la deuxième partie. Même si l'esprit d'aventure est assez plaisant, Die Spinnen demeure selon moi un film très moyen. En même temps, ce n'est que le troisième film de Lang...
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Re: Le cinéma muet

Message par 1kult »

Ah mais attendez : moi la copie faisait moins de 2H30 les 2 parties... ceci expliquerait cela...
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Re: Le cinéma muet

Message par bruce randylan »

En partie seulement
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Alligator
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Message par Alligator »

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http://alligatographe.blogspot.fr/2014/ ... ixoto.html

Limite (Mario Peixoto, 1931)

Énorme déception : je m'attendais à un coup de cœur. Or, je ne suis jamais parvenu à me baigner dans ce poème d'images. Je me suis abondamment ennuyé. Comme devant le travail naïf et enthousiaste d'un enfant malhabile. J'ai beau me dire qu'à l'époque le cinéma n'a qu'une trentaine d'années, que Mario Peixoto tente d'exprimer quelque chose, qu'il expérimente un autre cinéma, peut-être de concilier sa littérature, sa poésie et le langage de l'image et du mouvement, que tout cela est louable, je n'arrive pas à accéder à sa proposition.

Je ne vois qu'un réalisateur qui s'amuse avec sa caméra sans vraiment considérer, justement, que l'image, le mouvement, le cadre sont assujettis à une grammaire qui n'a rien de littéraire et que si le fossé entre cinéma et littérature peut parfois être peu profond (certains cinéastes ont réussi cette gageure de relier ces modes d'expression), il peut également et très rapidement le creuser. Le cinéma se pense avant même de se ressentir sans doute. Ici, je n'ai jamais pu atteindre cette deuxième phase.

Les partis pris de la mise en scène de Peixoto m'ont paru tellement artificiels que je n'ai pas pu "entrer" dans son monde. Le pire est sans doute la répétition de certaines séquences. au niveau du montage, en effet, Peixoto s'essaie à la redite. Pas seulement sur un plan qu'on répète trois ou quatre fois d'affilée, comme ce zoom sur une fontaine, ou sept à huit fois ces vagues qui déferlent sur un rocher, mais également des plans qu'il remontre plusieurs minutes les avoir déjà passés. Chez les trois personnages principaux du film, c'est peut-être l'effet de lassitude que Peixoto cherche à à transcrire à l'écran. Si c'est le cas, c'est réussi. Trop. Je doute cependant sérieusement qu'il ait eu l'intention d'ennuyer son spectateur. Je le vois plutôt comme un poète essayant d'embarquer le public vers une odyssée, contemplative, mélancolique où les regrets, les désillusions, la tristesse, le désespoir sont les maîtres mots, et non pas la lassitude ou l'ennui.
Sur ce travail visuel je suis donc rétif. Largement. Mais je suis tout autant malmené par l'accompagnement musical. A part sur la toute fin où les gymnopédies de Satie me paraissent parfaitement en adéquation avec ce que l'on voit à l'écran, la musique est très souvent en complète contradiction avec les images. Parfois la musique ronfle, s'emballe, on s'attend presque à voir les indiens attaquer les cowboys, mais non, un homme regarde dans le vide, allume un cigare et marche dans la rue, s'arrête, regarde le ciel, et repart, et puis un plan sur une branche morte qui se découpe dans le ciel, une branche qu'on a déjà vue il y a trois minutes et puis toujours pas d'indiens.

Bref, ce film est sans doute un très grand film brésilien, un film expérimental (ne me parlez pas d'avant-garde, je vous en prie, je garde mon chien andalou, je vous laisse "limite"), un film-poème qui peut toucher, exprimer quelque chose que mon inculture et mon insensibilité m’empêchent d'entendre. Ce n'est pas grave. 1h55 quand même... piouuuuu.

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aelita
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Re: Le cinéma muet

Message par aelita »

Vu lors d'une diffusion TV (Arte ?). J'ai eu à peu près la même réaction : malgré la beauté de certaines images, je me suis très vite ennuyée, parce que jamais on ne saisit le but du cinéaste. Et pourtant, les films muets expérimentaux , avec travail sur l'image et le montage, parfois à la limite de l'abstraction, ça ne me rebute pas. C'est d'ailleurs peut-être ce qui manquait à ce film : de l'expérimentation au niveau de l'image.
L'accompagnement musical ? Je ne sais plus trop. J'ai dû couper le son parce qu'il me gonflait (raison, sans doute, pour laquelle je n'ai pas de souvenir des œuvres de Satie dans la bande-son).
Dernière modification par aelita le 22 mai 14, 11:51, modifié 4 fois.
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? (pensée shadok)
Alligator
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Re: Le cinéma muet

Message par Alligator »

Normal, c'est vraiment sur les derniers plans.
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Ann Harding
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Re: Le cinéma muet

Message par Ann Harding »

Une rareté vue récemment qui m'a intéressée.

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Flower of the Dusk (L'Héroïque mensonge, 1918) de John H. Collins avec Viola Dana, Howard Hall, Margaret McWade et Jack McGowan

La jeune Barbara (Viola Dana), qui est invalide, vit avec son père Ambrose (H. Hall) qui est aveugle. La tante de jeune femme (Margaret McWade) prend soin d'eux tout en ruminant sa vengeance. En effet, elle était amoureuse d'Ambrose et celui-ci lui a préféré sa soeur. Or cette dernière s'est suicidée pour un motif inconnu...

John H. Collins ne fait pas partie des pionniers du cinéma qui ont laissé un nom, malgré son talent. Il faut dire que sa carrière fut extrêmement courte. Il mourut à l'âge de 28 ans de la grippe espagnole. Un seul de ses films est maintenant disponible en DVD: Children of Eve (1915) que j'avais beaucoup apprécié. En 1918, il est sous contrat à la Metro Pictures Corporation avec son épouse l'actrice Viola Dana qui est souvent son interprète principale. Pour ce mélodrame qui semble accumuler les poncifs - père aveugle, fille invalide et mère suicidée - Collins montre l'étendu de son talent avec une direction d'acteurs tout en retenue et une lumière crépusculaire apportée par le talentueux John Arnold, le futur opérateur de The Big Parade (1925) de King Vidor et de The Wind (1928) de Victor Sjöström. Malheureusement, il ne reste que trois des cinq bobines que comptaient ce joli film. On ne verra donc pas le prologue avec Constance, la mère de Barbara (Viola Dana joue les deux rôles) qui s'est mariée trop jeune avec un homme assez âgé pour être son père. Or, elle rencontre Lawrence, un homme marié dont elle tombe amoureuse. Cet amour impossible la pousse au suicide. Vingt ans plus tard, Barbara et Ambrose ignorent les raisons de sa mort. Mais, Miriam - la soeur de Constance - qui les connait, ne songe qu'à se venger. Elle a vieilli en s'occupant de sa nièce et de l'homme qui l'avait rejetée au profit de sa soeur. Margaret McWade, la formidable interprète de The Blot (1921) suggère avec talent l'amertume de cette femme rongée par la jalousie. Le beau visage expressif Viola Dana est magnifiquement éclairé par John Arnold et apporte toute l'émotion nécessaire à son rôle. La fin du film, qui réservait une surprise, est également absente de cette copie. On ne verra donc pas comment Barbara, habillée en robe de mariée, ment une dernière fois à son père pour lui épargner la douleur de savoir que sa femme ne l'aimait pas. Même incomplet, ce film montre le talent de ce jeune réalisateur fauché dans sa prime jeunesse. Il ne fait aucun doute que s'il avait vécu plus longtemps, il aurait certainement continué à grimper les échelons du métier et serait devenu un réalisateur célèbre.
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Ann Harding
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Message par Ann Harding »

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A Night at the Cinema In 1914 (BFI, Londres)

La conservatrice du cinéma muet au BFI, Bryony Dixon, continue sa série de projection sur les films réalisés il y a cent ans. Lors des années précédentes, il n'y avait eu qu'une seule projection. Mais, pour 1914, l'ensemble a été enregistré à l'avance pour être projeté à travers tout la Grande-Bretagne, avec un accompagnement musical de Stephen Horne, ce qui suggère un possible DVD à venir.
Comme pour les éditions précédentes, le programme est composé de courts métrages et de bandes d'actualités essentiellement britanniques, avec en prime quelques unes américaines. Les actualités montrent un Empire Britannique à son apogée qui regarde avec une condescendance certaine les populations indigènes de ses colonies. La société très hiérarchisée de l'époque commence cependant à se fissurer. C'est ainsi qu'Emmeline Pankhurst mène une manifestation de suffragettes pour réclamer le droit civique pour les femmes, avant d'être arrêtée par la police et emmenée manu-militari. L'Empereur d'Autriche assiste au mariage de l'Archiduc Karl, son nouveau successeur suite à l'assassinat de l'Archiduc François-Ferdinand à Sarajevo. La guerre est déjà commencée et un opérateur filme les ruines de Louvain en Belgique, détruite par les bombardements allemands. Au milieu de cette actualité tragique, les spectateurs pouvaient se détendre avec quelques comédies. L'américaine Florence Turner, qui avait été la première star de la Vitagraph, avait alors élu domicile en Angleterre où elle avait sa propre société de production. Dans Daisy Doodad's Dial, elle montre son talent comique en exécutant une série de grimaces dignes des meilleurs clowns. Son visage semble être en caoutchouc tant il se déforme avec virtuosité. Si artistiquement parlant ce n'est certainement pas un des meilleurs films de 1914, il permet en tout cas de découvrir le talent de Florence Turner. L'autre grand comique de l'écran en Grande-Bretagne était Fred Evans alias Pimple. J'avais déjà vu sa parodie hilarante de la bataille de Waterloo l'année dernière qui m'avait beaucoup amusée. Cette fois-ci, dans Lieutenant Pimple and the Stolen Submarine, il nous entraîne dans une aventure d'espionnage maritime totalement improbable avec le plus petit budget du monde. Les gags proviennent surtout des moyens dérisoires utilisés : quelques planches pour figurer le sous-marin et des toiles peintes pour le fond de l'océan. C'est ainsi que Pimple, coincé au fond de l'eau dans le sous-marin, casse un hublot (!) pour attraper un poisson et lui mettre un message dans la bouche - comme on le ferait avec un pigeon-voyageur - pour appeler à l'aide. Un gag digne des Monty Python. Mais, en cette année 1914, les grands succès populaires sont les sérials américains comme The Perils of Pauline avec l'intrépide Pearl White qui est capable de descendre en rappel sur une corde depuis un ballon captif. Un fragment d'épisode avec une série de cascades spectaculaires montrent le travail de cette actrice-cascadeuse. Malheureusement, ce sérial ne nous est parvenu que de détestables copies contretypées et incomplètes. Et évidemment, il y a l'émergence d'un nouveau comique (né en Angleterre) qui vient d'être embauché par la Keystone Company: un certain Charlie Chaplin. C'est donc A Film Johnnie qui clotûrait ce très intéressant programme qui permettait de se replonger dans l'air du temps.
Cependant l'année 1914 fut aussi celle du long métrage et de l'émergence de films artistiquement supérieurs et novateurs qui ne sont pas couverts par ce programme. Il suffit de penser à The Bargain de R. Barker avec Wm S. Hart, à L'Enfant de la grande ville et à Témoins silencieux d'Evgueni Bauer, et à The Wishing Ring de Maurice Tourneur. C'est l'année d'un tournant décisif dans l'histoire du cinéma.
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Re: Le cinéma muet

Message par Ann Harding »

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Are Parents People? (1925) de Mal St. Clair avec Betty Bronson, Florence Vidor, Adolphe Menjou et Lawrence Gray

Lita (B. Bronson) découvre que ses parents (F. Vidor et A. Menjou) ne se supportent plus et souhaitent divorcer. Alors qu'ils se disputent pour savoir qui aura sa garde, Lita cherche un moyen pour les rapprocher...

Malcolm St.Clair était un ancien Keystone Cop devenu réalisateur de comédies sophistiquées dans le style d'Ernst Lubitsch. Dans Are Parents People? il a une distribution étincelante avec l'élégante Florence Vidor et le très chic Adolphe Menjou qui s'affrontent pour un rien au plus grand désespoir de leur fille adolescente jouée par une adorable Betty Bronson, qui vient tout juste d'être Peter Pan (1924) pour Herbert Brenon. Si l'intrigue est extrêmement ténue, la réalisation est brillante et sans défaut. La pétillante Lita (Betty Bronson) voudrait bien que ses parents enterrent la hache de guerre. Alors, quoi de mieux que de les inquiéter ? Ils seront tellement préoccupés qu'ils oublieront leurs différends. En essayant d'aider une de ses copines de pension, elle se retrouve expulsée de son école car on la suspecte d'une aventure avec un acteur de cinéma. L'acteur en question est joué avec brio par George (André) Beranger qui réalise une parodie hilarante de John Barrymore. La très maligne Lita arrivera finalement à ses fins et trouvera l'amour avec un très séduisant docteur (Lawrence Gray). Par petites touches, Mal St. Clair fait progresser l'intrigue comme lorsqu'il nous montre les pieds de Lita qui s'agitent en cadences jusqu'au moment où ils s'arrêtent: elle a trouvé la solution ! Un très joli film.

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Let Katie Do It (1915) de Sidney A. et Chester M. Franklin avec Jane Grey, Tully Marshall, Ralph Lewis, Luray Huntley et André Beranger

Katie (Jane Grey) s'occupe de toutes les taches ménagères dans la ferme de ses parents pendant que sa soeur Priscilla (L. Huntley) se prélasse. Oliver (T. Marshall) le soupirant de Katie, décide de partir prospecter l'or au Mexique, voyant qu'elle ne changera pas. Lorsque sa soeur se marie, Katie continue à trimer et à s'occuper de ses sept neveux et nièces jusqu'au jour où leurs parents décèdent dans un accident...

Cette production Fine Arts-Triangle a été supervisée par D. W. Griffith lui-même. Les deux frères Sidney et Chester Franklin dirigeaient alors leur premier long métrage au sein de la compagnie. Le début du film suggère une étude sociale sur la vie des fermiers du Middle-West où une fille est exploitée sans vergogne par toute la famille comme le sera plus tard Miss Lulu Bett (1920) de Wm C. de Mille. Elle doit cueillir, faire la cuisine, laver, etc. pendant que le reste de la famille ne faire pas grand'chose. Katie ne proteste pas et accepte cette état de chose comme allant de soi au point même de perdre son soupirant Oliver. Son "fiancé" est joué - oh surprise! - par un jeune Tully Marshall en jeune premier, légèrement incongru. Après cette première partie domestique, le film prend un tournant inattendu. Suite au décès de sa soeur et son beau-frère, Katie doit prendre en charge ses sept neveux et nièces, tous plus remuants les uns que les autres. Son oncle Dan (Ralph Lewis) lui demande de venir le rejoindre au Mexique et toute la petite troupe se retrouve dans une cabane isolée près d'une mine d'or convoitée par des bandits (évidemment) mexicains. Nous passons du drame social au western avec une attaque haute en couleurs où les "petits anges" montrent leur inventivité en utilisant les explosifs que leur oncle avait disposés stratégiquement. Pour un film de 1915, Let Katie Do It est incontestablement une belle réussite des frères Franklin qui réussissent à faire monter le suspense tout en obtenant des acteurs une incarnation subtile de leurs personnages.
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Re: Le cinéma muet

Message par bruce randylan »

Passionnant et très riche cycle en ce moment à la cinémathèque autour de la guerre 14-18. Beaucoup de raretés programmés, entourés de courts métrages (de propagande), de documentaire d'époques et de films d'actualités qui vont de la France, aux USA en passant par l'Italie, la scandinavie, la russie, l'Allemagne ou l'Angleterre. Entre Feuillade, Leonce Perret, Abel Gance ou Griffith, on pouvait voir aussi Maciste chasseur alpin (Luigi Romano Borgnetto et Luigi Maggi -1916).

Il s'agit de la deuxième aventure solo du héros après son apparition dans Cabiria. Maciste est ici un acteur qui tourne des films mais la guerre contre l'Autriche l'oblige malgré lui à s'engager dans le conflit. C'est une irrésistible comédie enlevée et plein de fougue avec un héros qui annonce littéralement le jeu d'un Schwarzenneger avec cette contraction malicieuse bon enfant qui utilise autant son humour que ses muscles pour venir à bout de ses ennemis. Ceux ci sont donc régulièrement ridiculisés en étant projetés commes des fétus de paille ou voyant leurs plans se retourner contre eux. Il faut qu'en face d'eux, Bartolomeo Pagano est impressionnant et d'une sacrée force, portant sans sourciller trois soldats sur son dos ou en faisant chanceler un cheval d'un coup d'épaule :lol: et toujours avec le sourire.
Le film s'egare un peu dans la deuxième partie qui est de la pure propagande pour les vaillants chasseurs alpins. Cela dit, la réalisation est excellente et les plans de l'escalades sont vraiment spectaculaires. Dans l'ensemble, le film est très bien mis en boîte avec une belle photo, des exterieurs bien exploités... Sans parler du rythme !
Segundo de Chomon a participé aux trucages, pas très nombreux mais toujours discrets pour ne pas dire invisibles.

Une géniale découverte qui m'a fait largement oublier le pitoyable souvenir de Maciste contre les monstres (1961) que j'avais decouvert quelques semaines avant.

Le film a été tout récemment restauré par la cinémathèque de Bologne. La copie etait donc magnifique.
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Re: Le cinéma muet

Message par bruce randylan »

Toujours dans ce cycle 14-18, un titre allemand cette fois.

L'ABC de l'amour / das liebes-ABC (Magnus Stifter - 1916)

Une jeune femme decide de rendre plus "masculin" le prétendant que lui presente son père.

Cette comédie est un pur véhicule pour la vedette Asta Nielsen qui tenait il me semble son premier rôle léger. Si elle reste un peu trop âgée pour le rôle, elle demeure tout à fait credible à dans ce personnage feminin indépendante, espiègle qui désire modeler le monde selon ses désirs. Un caractère plutôt moderne qui permet au film de ne pas subir le poids des âges.
La réalisation sans être innovante ou particulièrement sophistiquée demeure élégante et est entièrement dédiée à mettre en valeur ses vedettes et l'humour des situations qui reposent beaucoup sur les travestissements et l'ambiguïté sexuelle. Il n'est pas impossible que le film ai inspiré Victor Victoria (dont la première version cinématographique est allemande).
L'humour et les quiproquos fonctionnent suffisament bien pour qu'on oublie les incohérences du récit (par exemple, on ne sait pas trop pourquoi le père du fiancé décide de jouer un mauvais tour à sa future belle-fille). Peu importe, on s'y amuse et c'est le principal d'autant que le film évite habilement les gags potaches qui auraient pu facilement polluer les scènes.

Chose étonnante, le film a été tourné durant la première guerre mondiale mais l'intrigue se déroule en grande partie à Paris, toujours la capitale du raffinement et du bon goût et tourne le dos à tour esprit de propagande.

Un chouette moment d'autant que ça ne dure que 50 minutes.
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Re: Le cinéma muet

Message par Ann Harding »

Deux films américains de Léonce Perret sur la Grande Guerre vus respectivement à la Cinémathèque et à la Fondation Pathé.

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Lest We Forget (N'oublions jamais, 1918) avec Rita Jolivet, Hamilton Revelle et L. Rogers Lytton

A l'entrée en guerre, la cantatrice Rita Heriot (R. Jolivet) se retrouve prise dans l'avancée des troupes allemandes dans son village de la Meuse. Elle fait office de télégraphiste avant de se retrouver prisonnière des Allemands...

Cette production américaine de Léonce Perret est un objet cinématographique à la structure narrative étrange. Réalisé durant l'été 1917 après l'entrée en guerre des Etats-Unis, le film se veut une propagande pour resserrer les liens historiques unissant la France à l'Amérique. Malheureusement, il semble que le metteur en scène n'ait guère eu de contrôle sur le montage de son film qui était financé par le Comte Giuseppe de Cippico, l'époux de l'actrice Rita Jolivet qui tient le rôle principal. Au final, les critiques des journaux professionnels américains tirèrent à boulet rouge sur cette superproduction mal ficelée qui semble avoir été montée par un incompétent. Variety se montre particulièrement virulent en démolissant systématiquement un film qui a coûté une fortune pour l'époque: entre 175.000 et 200.000 dollars. Il faut dire que les producteurs n'ont pas lésiné sur les moyens: une énorme figuration, une reconstitution du torpillage du Lusitania et de plus, le décorateur Henri Ménessier a reconstitué en studio un village français entier pour ensuite le bombarder. Malheureusement, cette débauche de moyens ne produit qu'un film épisodique qui semble accumuler les évenements spectaculaires au détriment du développement des personnages. Par instants, on retrouve le talent de directeur d'acteurs de Perret, comme lorsque Rita se prépare à être fusillée, mais on retombe rapidement dans une abondance de clichés. L'ajout de nombreux extraits de bandes d'actualités n'arrangent rien car ils détournent l'attention de l'intrigue et sont de qualité bien médiocres cinématographiquement parlant. On peut imaginer la déception de Perret de voir son projet dénaturer de la sorte par un producteur. Cette déconvenue l'a certainement poussé a devenir son propre producteur pour pouvoir contrôler ses propres films de A à Z comme l'ont fait à la même époque ses compatriotes expatriés comme Albert Capellani et Maurice Tourneur. Cette citation de la critique de Variety donne bien le ton: "En tant que 'grand film', c'est l'un des plus mauvais jamais tournés ici, sous tous les angles. Les gens du cinéma riront bien de ses défaut." La cinémathèque nous a présenté une copie française reconstituée dont la qualité visuelle était très moyenne, ce qui n'arrange rien. Un Perret décevant.

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The Unknown Love (Les Etoiles de la gloire, 1919) Dolores Cassinelli, E.K. Lincoln, Warren Cook et Robert Elliott

Doris Parker (D. Cassinelli) accepte de devenir la marraine de guerre d'Harry Townsend (E. K. Lincoln) un soldat sans famille parti au front en France. De fil en aiguille, elle tombe amoureuse de cet homme qu'elle n'a jamais vu...

Après la grosse déception de Lest We Forget (1918), c'est un plaisir de retrouver un Perret américain qui montre à plein les immenses qualités de ce metteur en scène. Tout d'abord, il y a la sublime cinématographie qui est ici le travail d'Arthur Ortlieb, où l'on retrouve les contre-jours et la poésie des extérieurs de Perret. Le film a été mis en production sous le titre, The Stars of Glory, avant finalement d'être intitulé du plus neutre The Unknown Love. Il faut dire que ce film à message patriotique a été commencé avant la signature de l'armistice et terminé après celle-ci. Tout en conservant son message de propagande pour remercier les 'Sammies' de s'être mobilisés pour la France, le récit englobe aussi la fin du conflit et le retour à la paix. La film a survécu dans une superbe copie française teintée et virée, qui est cependant légèrement incomplète. Perret a concocté une histoire simple et légèrement naïve à son habitude, mais il réussit à la traiter avec un tel talent de conteur et de pictorialiste que l'on oublie bien vite les limitations de cette histoire sentimentale sur fond de guerre. Le personnage de la marraine de guerre a inspiré plus d'un film à Perret. Mais, pour celui-ci, il bénéficie de la splendeur des paysages de la Nouvelle-Angleterre qu'il magnifie avec bonheur. Son héroine nous apparaît encadrée d'immenses hortensias, toujours éclairée de côté par une fenêtre qui suggère les rayons du soleil. Une séquence reste particulièrement en mémoire alors qu'elle se rend au bord de mer pour y jeter un bouquet en hommage à un ami officier mort en service avec un contre-jour magique sur fond de soleil couchant teinté orangé. Si l'histoire est simple, Perret sait y ajouter les petits ingrédients qui lui donneront un élément de vérité. Ainsi, le soldat Harry Townsend se trouve trop laid pour envoyer sa photo à sa correspondante. Il choisit, tel Cyrano, d'en adjoindre une d'un de ses amis. Cette substitution n'aura finalement pas d'effet sur l'amour que lui portait Doris. The Unknown Love fait certainement partie des meilleurs films américains de Perret par sa beauté plastique et sa poésie.
bruce randylan
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Re: Le cinéma muet

Message par bruce randylan »

Ann Harding a écrit : Lest We Forget (N'oublions jamais, 1918) avec Rita Jolivet, Hamilton Revelle et L. Rogers Lytton

A l'entrée en guerre, la cantatrice Rita Heriot (R. Jolivet) se retrouve prise dans l'avancée des troupes allemandes dans son village de la Meuse. Elle fait office de télégraphiste avant de se retrouver prisonnière des Allemands...

Cette production américaine de Léonce Perret est un objet cinématographique à la structure narrative étrange. Réalisé durant l'été 1917 après l'entrée en guerre des Etats-Unis, le film se veut une propagande pour resserrer les liens historiques unissant la France à l'Amérique. Malheureusement, il semble que le metteur en scène n'ait guère eu de contrôle sur le montage de son film qui était financé par le Comte Giuseppe de Cippico, l'époux de l'actrice Rita Jolivet qui tient le rôle principal. Au final, les critiques des journaux professionnels américains tirèrent à boulet rouge sur cette superproduction mal ficelée qui semble avoir été montée par un incompétent. Variety se montre particulièrement virulent en démolissant systématiquement un film qui a coûté une fortune pour l'époque: entre 175.000 et 200.000 dollars. Il faut dire que les producteurs n'ont pas lésiné sur les moyens: une énorme figuration, une reconstitution du torpillage du Lusitania et de plus, le décorateur Henri Ménessier a reconstitué en studio un village français entier pour ensuite le bombarder. Malheureusement, cette débauche de moyens ne produit qu'un film épisodique qui semble accumuler les évenements spectaculaires au détriment du développement des personnages. Par instants, on retrouve le talent de directeur d'acteurs de Perret, comme lorsque Rita se prépare à être fusillée, mais on retombe rapidement dans une abondance de clichés. L'ajout de nombreux extraits de bandes d'actualités n'arrangent rien car ils détournent l'attention de l'intrigue et sont de qualité bien médiocres cinématographiquement parlant. On peut imaginer la déception de Perret de voir son projet dénaturer de la sorte par un producteur. Cette déconvenue l'a certainement poussé a devenir son propre producteur pour pouvoir contrôler ses propres films de A à Z comme l'ont fait à la même époque ses compatriotes expatriés comme Albert Capellani et Maurice Tourneur. Cette citation de la critique de Variety donne bien le ton: "En tant que 'grand film', c'est l'un des plus mauvais jamais tournés ici, sous tous les angles. Les gens du cinéma riront bien de ses défaut." La cinémathèque nous a présenté une copie française reconstituée dont la qualité visuelle était très moyenne, ce qui n'arrange rien. Un Perret décevant.
Oui, comme tu dis, ce n'était pas fameux. Le début fait illusion pendant 20-30 minutes avec une construction assez audacieuse mêlant flash-backs et spectaculaire prologue allégorique à la réalisation très soignée (ce plan avec le trou dans un mur qui dévoile une femme sur le point de franchir un porte donnant sur l'extérieur ; l'église où il ne reste plus que la grande façade).
Après, ça se gâte grandement avec l'histoire qui part dans tous les sens et multiplie les péripéties peu crédibles jusqu’à l’écœurement. Le montage comme la narration sont particulièrement brouillons. On dirait du travail de seconde équipe tant la réalisation enfonce dans un anonymat sans la moindre saveur qui privilégie le rythme aux personnages. Mais les figurants, les décors, les effets spéciaux ne suffisent pas à sauver cette oeuvre maladroite et mal écrite même si plusieurs séquences demeurent solidement mise en scène (comme le naufrage).


Toujours dans le cinéma allemand

Le journal du Dr Hart / das tagebuch des Dr. Hart (Paul Leni - 1916)

Au moment de la déclaration de guerre, un docteur allemand et un général russe sont envoyés sur le front de l'est.

Désormais connu pour son cinéma expressionniste (je n'ai vu cependant pour le moment que la volonté du mort), Paul Leni fit ses débuts de cinéaste avec un film très inspiré du documentaire. De ce point de vue là, le film est une vraie réussite. D'ailleurs, je ne sais pas si le tournage a été effectué en partie sur le front avec un vrai personnel militaire et médical ou s'il a été tourné avec des professionnels mais le résultat est très crédible. Tout semble toujours capté
et jamais mis en scène ou chorégraphié à commencer par le déplacement des personnages à l'écran qui se fait de manière désorganisé, multipliant les passages dans le champ. Même la photographie a quelque chose de "sale" avec des teintes grises et ternes (mais ça peut venir tout simplement des copies ayant survécues :mrgreen: ) Le film est d'ailleurs assez soigné plastiquement avec un belle utilisation de la profondeur de champs avec beaucoup de cadres dans le cadre (portes donnant sur l'extérieur ou couloir débouchant sur des pièces etc...) avec pas mal de contre-jours sophistiqués ou de contre-plongées.
En revanche, au niveau de l'histoire, j'ai eu beaucoup plus de mal à rentrer dans l'histoire et la première moitié m'a paru très nébuleuse (mais ça peut venir de la fatigue - le film commençait à 22h00).

Mais je regrette pas d'avoir fait le déplacement. :)
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Ann Harding
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Re: Le cinéma muet

Message par Ann Harding »

Un autre Perret américain absolument délectable. :)

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The A.B.C. of Love (1919, Léonce Perret) avec Mae Murray, Holmes E. Herbert, Dorothy Green et Arthur Donaldson

En séjournant à la campagne, le dramaturge Harry Bryant (H.E. Herbert) fait la connaissance de Kate (M. Murray) une orpheline qu'il fait engager dans une auberge voisine. Harry tombe amoureux de la jeune sauvageonne et l'épouse. Le retour en ville est difficile pour la jeune épouse illettrée qui, de plus, doit faire face à une rivale Diana Nelson (D. Green)...

En 1919, Léonce Perret produit ses propres films dont il écrit lui-même les scénarios. Celui de The A.B.C. of Love n'est certes pas très original, mais, comme toujours, ce qui fait le charme des films de Perret est présent dans cette délicieuse comédie matrimoniale. La direction d'acteurs est absolument remarquable tout autant que la composition de chaque séquence. Une toute jeune Mae Murray, cheveux blonds en bataille, nous rappelle exactement Mary Pickford dans son rôle de sauvageonne. Il est d'ailleurs évident qu'elle s'inpire de Mary. Il y a une grande fraîcheur dans son personnage de jeune fille bien loin de la vedette minaudante qu'elle deviendra plus tard. De même, Holmes E. Herbert est nettement plus spontané et naturel que dans ses futurs rôles de "père la morale" comme dans A Woman of the World (1925) de Mal St. Clair. On suit donc avec intérêt le bonheur suivi des déboires conjugaux de Harry et Kate, même si on devine rapidement le dénouement. La première partie champêtre est très enlevée et charmante avec un rythme soutenu et primesautier à l'image de la jolie Kate qui arrive tel un tourbillon dans la vie bien rangée d'Harry. Dans la deuxième, elle tente maladroitement de se faire accepter de la bonne société citadine. Sa rivale est rouée et cherche à utiliser son époux à des fins d'ambition personnelle. Perret amène le rapprochement des deux époux avec infiniment de délicatesse, sans forcer le trait. Le film contient nombre d'idées de mise en scène comme celle où les deux époux séparés par un mur se lamentent chacun de leur côté ou lorsque Kate rêve du livre qu'elle vient de lire et se revoit soudain aux beaux jours de sa romance avec Harry en vignette. La photo signée Alfred Ortlieb est absolument remarquable avec tous les atouts habituels de Perret: contre-jours, extérieurs éclairés par le soleil et mise en valeur du décor par des clair-obscurs. Une délicieuse comédie visible sur le site European Film Gateway dans une belle copie néerlandaise.
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