Frank Capra (1897-1991)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Supfiction
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Re: Frank Capra (1897-1991)

Message par Supfiction »

bruce randylan a écrit :
Kevin95 a écrit :DIRIGIBLE - Frank Capra (1931) Dirigible vire au survival impressionnant puisque le plus con-con des deux se retrouve bloqué au Pôle Nord avec son équipage. Capra expérimente ce qui va faire le début de Lost Horizon, photographie superbe, dangers tous les trois secondes et un parfum de mort étonnant. Accroche toi Mimile, car le film vire au stressant et au palpitant. Bon succès à la clé mais ce ne sera pas assez pour un Capra capable, mais pas encore dans un style Capra-esque. T'inquiète Franky, ça arrive.
Faudrait que je me le refasse car j'ai plus beaucoup de souvenirs :?

Et je prends le relais avec ses deux réalisations pour Harry Langdon (la cinémathèque n'a pas jugé bon de diffuser Tramp, tramp, tramp)

L'athlète incomplet / The strong man (1926)
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Un soldat belge est devenu l'assistant d'un culturiste allemand qui l'avait fait prisonnier durant la première guerre mondiale. Une tournée aux USA est peut-être l'occasion pour le timide belge de rencontrer sa correspondante américaine.

Moyennement convaincu par cette comédie dont mes griefs reposent surtout sur la figure (sens propre comme figurée) de Harry Langdon, artiste qui me laisse pour le moins perplexe. Ici, il abuse lourdement de son air de pompon ahuri qui ne semble pas comprendre ce qui se passe autour de lui. Car ces moments d'hébétudes sont longs, terriblement longs et finissent par totalement casser le rythme du film d'autant que ses mimiques répétitives lassent tout autant rapidement.
Non seulement l'étirement des séquences n'apportent rien mais en plus elle desservent plusieurs gags ou comiques de situation qui sont pourtant bien là sur le papier. Capra et son comédien oublient que le principale dans une comédie (et à fortiori dans un burlesque) est le timing et le tempo. La redondance des actions-réactions des interlocuteurs face à Langdon (ou l'inverse) finit par tomber dans une routine bien plate. Par exemple la longue scène dans le bus où Langdon se tartine de fromage par mégarde pourrait être drôle mais la mise en place est tellement laborieuse qu'on est un peu gêné de voir le temps se figer aussi longtemps. Et je suis pas sûr que cette gêne était le ressort humoristique voulu.

Pourtant la réalisation de Capra a ses bons moments entre une criminelle qui cherche à tout prix à se faire porter dans sa chambre, la guerre de tranchée au début du film (avec l'oignon remplaçant le gaz moutarde :mrgreen: ) ou le final où Langdon doit faire face à une foule hargneuse (et qui possède quelques placements de caméra audacieux).
C'est peut-être dans le registre romantique que The strong man surprend le plus positivement avec la rencontre entre le héros et sa correspondante aveugle (ce que Langdon ignore) et qui possède un formidable découpage dont Chaplin s'est forcément rappelé pour les lumières de la ville.

Long Pants / sa dernière culotte (1927)
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Un garçon timide et romantique pense qu'un pantalon (à la place de ses culottes courtes) lui permettra de rencontrer l'amour. Il croise à ce moment une criminelle en fuite.


Autrement plus enthousiaste pour ce titre où justement Langdon ne fait pas du Langdon (du moins seulement durant le premier tiers). Son jeu est plus varié et l'absence de pause pour mettre en avant son regard perdu et perpétuellement surpris permet une cadence plus soutenu. Et comme le comédien sort d'un registre plus enfantin, l'humour peut aussi devenir plus grinçant comme lors de l'irrésistible et géniale séquence où il conduit sa fiancée dans la forêt avec le désir de l'abattre d'un coup de revolver. C'est clairement dans les séquences les plus longues que le film est le plus drôle, avec toute une mécanique parfaitement huilée pour faire durer la situation avec un certain bonheur et toujours un découpage très précis et rigoureux. Le deuxième morceau de bravoure est donc Langdon face à la fugitive enfermée dans une caisse en bois où de nombreux éléments extérieurs viennent ralentir leur fuite : circulation, ampoules en verre, marionnette d'un policier et même un alligator :mrgreen:
La conclusion est en revanche un brin laborieuse pour montrer que la femme que Langdon aime n'est celle qu'il imaginait. Mais le film évite malgré tout un discours moralisant (qui plombait aussi un peu the strong man).
Très étonnée aussi par la fluidité des mouvements de caméra entre l'ouverture dans la librairie avec les livres en gros plans, les longs mouvements de grue dans la fôret ou encore les plongées à la verticale sur Langdon cherchant à attirer l'attention d'une passagère à l'arrière voiture en panne.
On sent vraiment que Capra expérimente dans la réalisation avec un certain bonheur.

La séance était également accompagnée de la bande-annonce de Say it with sables (1928), seul élément survivant du film. Avec moins d'une minute, difficile de se faire une idée de cette comédie (dramatique ?) où l'on devine qu'une femme d'origine modeste vas venir semer la zizanie dans un environnement mondain et vraisemblablement hypocrite. Les quelques plans donnent le sentiment d'un film spirituel et sophistiquée. Mais c'est vraiment de la pure spéculation.
Alexandre Angel a écrit :
bruce randylan a écrit :L'athlète incomplet / The strong man (1926)
bruce randylan a écrit :Long Pants / sa dernière culotte (1927)
Est-ce que c'est dans un des deux que Langdon, attablé avec un mec qui le toise, ne sait plus où se mettre, tout intimidé, tout accablé, avant qu'il ne décoche un coup de poing fulgurant dans la gueule du facheux?
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Re: Frank Capra (1897-1991)

Message par Alexandre Angel »

Supfiction a écrit :
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hem..c'est pas ça du tout :mrgreen:
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
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Re: Frank Capra (1897-1991)

Message par bruce randylan »

L'épave vivante (Submarine - 1928)

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Travaillant dans le dynamitage d'épaves dangereuses, deux amis (un scaphandrier et un Don Juan) sont mutés dans des services différents. Le scaphandrier ne tarde pas à se marier mais son épouse s'ennuie rapidement. Lors d'une mission de son mari, elle croise la route du playboy sans savoir qu'ils ont une connaissance commune.


Sans être profondément original, voilà une comédie dramatique solide et parfois très prenante. Alors bien-sûr le canevas est assez conventionnel (comme A girl in every port de Hawks et surtout le séminal What price glory de Raoul Walsh) d'autant qu'il fut suivi par de nombreux titres du même genre dont Men Without women de John Ford où l'ont retrouve aussi un sous-marin en détresse. De plus, le personnage féminin est bâclée, la gestion du temps est assez hasardeuse et on n'échappe pas à plusieurs péripéties prévisibles
Mais Capra sait indéniablement raconter une histoire, rendre vivant des personnages, les nourrir de dilemmes et créer une dramaturgie qui ne manque pas de suspens dans sa seconde partie. Cette dernière suit donc un équipage prisonnier au fond des océans, trop profond pour qu'on puisse les rapprovisionner aisément en air. Une partie sombre et pessimiste qui vient une nouvelle fois torde le coup à la candeur optimiste indécrottable du cinéaste. Certains moments sont glaçants et la folie étouffante se fait de plus en plus tenace avec une fatalité et une résignation plus que palpable, servie par une photographie suintante et transpirante à souhait.
Avec sa courte durée et sa narration tenue, on n'a vraiment pas le temps de s'ennuyer et la réalisation de Capra est décidément fluide et toujours dans el bon tempo que ce soit dans les moments légers dédiés à l'amitié franche et virile, les passages plus psychologiques (sobre et aux acteurs très justes), la tension et l'utilisation de stock-shots très habiles (qui annoncent ainsi le gros travail de montage de la série des Why we fight),

Il faut croire que Capra trouvait du potentiel dans ce registre car il reprendra son duo masculin (Jack Holt et Ralph Graves) dans Dirigible à la structure assez proche.
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Re: Frank Capra (1897-1991)

Message par bruce randylan »

The way of the strong
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Un contrebandier, au physique disgracieux et dont le surnom est "Handsome", s'attire les foudres des rivaux dont il vole les cargaisons d'alcool. Excédés, ceux-ci essayent de l'assassiner en pleine rue alors que Handsome écoute une musicienne de rue aveugle. Sous le choc des coups de feux, elle est recueillie par le criminel qui l'emmène dans son bar clandestin.

Capra n'avait pas une grande estime pour ce titre, un passage obligatoire et nécessaire dans le registre du mélodrame pour lui. C'est pourtant un film très plaisant qui ne peut certes pas rivaliser avec ses réussites de la même époque (et encore plus sur les chefs d'oeuvres à venir) mais il serait dommage de le négliger.
Comme à son habitude, Capra soigné l'écriture, les personnages et la direction d'acteurs. Ce n'est donc pas un simple mélodrame édifiant mais une comédie dramatique qui parvient à émouvoir grâce à la justesse de ses comédiens et la concision de sa narration qui tient en moins de 70 minutes.
Handsome est bien incarné par Mitchell Lewis qui possède à la fois une force, un dynamisme et une fragilité palpable qui rend son personnage crédible, bien que totalement pétris de clichés. Il est parfaitement épaulé par Theodore von Eltz qui joue son meilleur ami, un musicien contraint de jouer dans les troquets. Il y a peu d'informations délivrés sur son passé mais la réalisation et son interprétation parviennent à l'enrichir avec une formidable économie de moyen. L'occasion de prouver que Capra n'a pas bâclé la mise en scène car, bien que muet, le découpage repose beaucoup sur la musique diégétique comme le coup de foudre qui se fait à distance quand Dan entend le violon de l'aveugle et accompagne naturellement la mélodie sans rien en connaître.
Et on sent bien qu'il lutte pour ne pas trahir son ami malgré le destin qui le rapproche miraculeusement de celle qu'il aime. C'est là où le scénario m'a plus qu'agréablement surpris. Tous les événements ne semblent jamais forcés ou prémédités et répondent à une logique naturelle. Les personnages se comportent d'une manière "réalistes" (dans les limites d'un film hollywoodien) et ce sont leurs actes qui conduisent la progression du récit.

De plus, Capra n'oublie de glisser quelques gags savoureux dont il a le secret comme le canon d'un pistolet servant de référence pour le diamètre d'une bague. Des petites touches d'humour toujours bien intégré au récit et qui prouve que le film est plus personnel que son cinéaste voulait bien le croire même si la fin n'évite pas quelques facilités prévisibles (et que Capra est moins à l'aise dans les séquences d'actions qui ont l'air d'être un passage oblige). On devine en tout des cas des germes qui serviront à Grande Dame d'un jour.

Voilà bien un film qui mériterait d'être redécouvert et réévalué.


The Donovan affair (1929)

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Un maître-chanteur flambeur accumule les ennemis par ses activités (et ses dettes). Alors que sa venue à une repas mondain stigmatise les tensions entre les membres d'une famille, les faveurs d'une obscurité imprévue provoque son assassinat. Mais qui est pourrait bien être le coupable.

Pour le coup, le film n'est pas loin de l'échec. Il s'agit du premier film complétement parlant de Capra (The younger Generation était plus sonore que parlant) et on devine que ça handicape sa réalisation d'autant plus figée qu'on voit très rapidement l'origine théâtrale du matériel. A part le plan d'ouverture, un fulgurant travelling arrière, la réalisation sera donc tristement statique et empesée, loin de la fluidité et de l'acuité de sa caméra des films précédents. Les plans sont de plus souvent frontaux, ce qui n'arrange rien pour se défaire de l'idée d'assister à une pièce de théâtre. Le scénario est lui-même décevant avec son étalage de suspects potentiels et ses fausses pistes pas loin de l'arnaque (non, mais la bague quoi !). Bref, même pour un whodunit, c'est décevant.
C'est assez paresseux à tout point de vue malgré quelques touches d'humour bien timides via quelques personnages secondaires (le couple parents de jumeaux ; l'assistant du policier).
Après, il est difficile de juger du film dans son intégralité car il n'existe plus qu'une seule copie du film et sa bande-son a disparu. Les sous-titres ont pu être reconstitués (d'après le scénario ? La pièce ?) et les dialogues n'avaient pas l'air sensationnels mais il y a avait idées dans la gestion du son assez originales pour un premier film parlant (qui provenait sans doute de la pièce d'original cela dit) avec plusieurs scènes se déroulant dans l'obscurité totale avec des bruitages importants. Est-ce que Capra avait aussi prévu de jouer sur la juxtaposition des conversations à l'image ou des sons/dialogues hors-champs ? Bonne question !

En l'état, c'est un titre vraiment faible et dispensable qui vaut désormais pour sa rareté et sa curiosité.
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Re: Frank Capra (1897-1991)

Message par Supfiction »

bruce randylan a écrit :The way of the strong
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Un contrebandier, au physique disgracieux et dont le surnom est "Handsome", s'attire les foudres des rivaux dont il vole les cargaisons d'alcool. Excédés, ceux-ci essayent de l'assassiner en pleine rue alors que Handsome écoute une musicienne de rue aveugle. Sous le choc des coups de feux, elle est recueillie par le criminel qui l'emmène dans son bar clandestin.

Capra n'avait pas une grande estime pour ce titre, un passage obligatoire et nécessaire dans le registre du mélodrame pour lui. C'est pourtant un film très plaisant qui ne peut certes pas rivaliser avec ses réussites de la même époque (et encore plus sur les chefs d'oeuvres à venir) mais il serait dommage de le négliger.
Comme à son habitude, Capra soigné l'écriture, les personnages et la direction d'acteurs. Ce n'est donc pas un simple mélodrame édifiant mais une comédie dramatique qui parvient à émouvoir grâce à la justesse de ses comédiens et la concision de sa narration qui tient en moins de 70 minutes.
Handsome est bien incarné par Mitchell Lewis qui possède à la fois une force, un dynamisme et une fragilité palpable qui rend son personnage crédible, bien que totalement pétris de clichés. Il est parfaitement épaulé par Theodore von Eltz qui joue son meilleur ami, un musicien contraint de jouer dans les troquets. Il y a peu d'informations délivrés sur son passé mais la réalisation et son interprétation parviennent à l'enrichir avec une formidable économie de moyen. L'occasion de prouver que Capra n'a pas bâclé la mise en scène car, bien que muet, le découpage repose beaucoup sur la musique diégétique comme le coup de foudre qui se fait à distance quand Dan entend le violon de l'aveugle et accompagne naturellement la mélodie sans rien en connaître.
Et on sent bien qu'il lutte pour ne pas trahir son ami malgré le destin qui le rapproche miraculeusement de celle qu'il aime. C'est là où le scénario m'a plus qu'agréablement surpris. Tous les événements ne semblent jamais forcés ou prémédités et répondent à une logique naturelle. Les personnages se comportent d'une manière "réalistes" (dans les limites d'un film hollywoodien) et ce sont leurs actes qui conduisent la progression du récit.

De plus, Capra n'oublie de glisser quelques gags savoureux dont il a le secret comme le canon d'un pistolet servant de référence pour le diamètre d'une bague. Des petites touches d'humour toujours bien intégré au récit et qui prouve que le film est plus personnel que son cinéaste voulait bien le croire même si la fin n'évite pas quelques facilités prévisibles (et que Capra est moins à l'aise dans les séquences d'actions qui ont l'air d'être un passage oblige). On devine en tout des cas des germes qui serviront à Grande Dame d'un jour.

Voilà bien un film qui mériterait d'être redécouvert et réévalué.

Merci. Ma curiosité est bien aiguisée!
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Re: Frank Capra (1897-1991)

Message par Kevin95 »

IT'S A WONDERFUL LIFE - Frank Capra (1946) découverte

Classique des classiques, objet incontournable de la pop culture mainte fois hommagé, piqué, parodié, analysé dans tous les sens... Oui mais tu l'as vu ? Heuuu oui oui. Non mais, l'as-tu vraiment vu ? En quelque-sorte. Ce n'est pas une réponse, va le voir sur grand écran dans une copie impeccable. OK... Chose faite et effectivement, je l'avais jamais vu de cette œil neuf. It's a Wonderful Life n'est pas une œuvre objectivement parfaite, mais une œuvre qu'on ressent comme parfait. Impossible de tacler le film même contraint et forcé tant on est bercé par le conte de Frank Capra, tant on donnerait sa chemise pour le voir continuer, tant on ne cesse de prendre plaisir à chialer comme une madeleine. Il y a des films qu'on traite comme des adultes (il est mauvais, grand, noble, amicale etc...) et d'autres qu'on traite comme des enfants pour le pire (infantile, crétin, maladroit...) et le meilleur. It's a Wonderful Life est un métrage qu'on protège, qu'on console, qu'on choie parce qu'il fait du bien, à l'œil (le film est superbement mis en scène), au ventre (la première partie est hilarante), à la tête (le film est bien plus complexe qu’on ne le croit) et surtout (sonnez les trompettes) au cœur. Pompeux ? Oui je sais. Mais lorsqu'on sort d'un film avec l'envie de se réconcilier avec le monde, difficile de jouer les blasés.
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Re: Frank Capra (1897-1991)

Message par Watkinssien »

Kevin95 a écrit :IT'S A WONDERFUL LIFE - Frank Capra (1946) découverte

(la première partie est hilarante)
Elle contient quand même l'un des moments les plus dramatiquement forts de tout le film, voire de toute l'oeuvre de Capra:
Spoiler (cliquez pour afficher)
quand l'employeur pharmaceutique de notre héros (ici enfant) a failli empoisonner un client, lui met une claque qui le fait saigner son oreille sensible et, réalisant son erreur et le geste de sauvetage du petit, ils se serrent dans les bras, dans un mélange de douleur (la perte d'un enfant est la chose la plus horrible qui soit) et d'amour. C'est bouleversant.
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Re: Frank Capra (1897-1991)

Message par Kevin95 »

En effet, je pensais plus à la longue séquence de drague si délicieuse et plus généralement le ton guilleret de la première heure qu'on imagine pas trois secondes la déprimante deuxième partie.
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Re: Frank Capra (1897-1991)

Message par Kevin95 »

IT HAPPENED ONE NIGHT - Frank Capra (1934) révision

83 ans les enfants, It Happened One Night a 83 ans et galope toujours comme un gamin. Faut dire que Frank Capra en voulait, déterminé à se faire un nom, il met du tigre dans son moteur et entend bien mettre une tête à ses concurrentes en rendant sa rom-com ultra dynamique jusqu'à interdire d'accès n'importe-quel temps mort (Howard Hawks aura par la suite la même politique). Road trip se muant rapidement en romance, le film propose du style, de la vitalité par tous les pores, un couple mythique, des punch-lines à gogo et un foutu sens du timing comique. Clark Gable joue les kékés en faisant de l'auto-stop, Claudette Colbert se décoiffe en jouant les pimbêches et le tout se termine sur un son de trompette. Si le cœur de Capra est un poil en retrait (pas le temps, faut que Franky s'impose) et laisse la mécanique fait seule le boulot, It Happened One Night reste - oh surprise - l'un des faits de gloire les plus jouissifs de son auteur.
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Re: Frank Capra (1897-1991)

Message par Jeremy Fox »

Kevin95 a écrit : It Happened One Night reste - oh surprise - l'un des faits de gloire les plus jouissifs de son auteur.

Yep : le Capra qui me touche le plus.
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Re: Frank Capra (1897-1991)

Message par Supfiction »

Kevin95 a écrit :IT'S A WONDERFUL LIFE - Frank Capra (1946) découverte

le film est bien plus complexe qu’on ne le croit
C'est à dire ? :D
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Re: Frank Capra (1897-1991)

Message par Kevin95 »

Supfiction a écrit :
Kevin95 a écrit :IT'S A WONDERFUL LIFE - Frank Capra (1946) découverte

le film est bien plus complexe qu’on ne le croit
C'est à dire ? :D
Je vais sans doute enfoncer des portes ouvertes mais le film traite, au-delà du merveilleux, la question de la dépression, de l'impuissance (à partir, à évoluer, à vivre avec soi-même) et combien le monde autour de soi peut autant vous surélever que vous enfoncer. On peut très bien lire le film de Capra comme un cauchemar juste en bougeant légèrement certains pions. Certains ne se sont pas privé d'ailleurs pour prendre la deuxième partie pour le fantasme d'un homme sur le point de mourir ou carrément déjà mort.

Ça fait beaucoup de niveaux pour un "simple" film de Noël. :wink:
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Re: Frank Capra (1897-1991)

Message par Supfiction »

Kevin95 a écrit :
Supfiction a écrit :
C'est à dire ? :D
Je vais sans doute enfoncer des portes ouvertes mais le film traite, au-delà du merveilleux, la question de la dépression, de l'impuissance (à partir, à évoluer, à vivre avec soi-même) et combien le monde autour de soi peut autant vous surélever que vous enfoncer. On peut très bien lire le film de Capra comme un cauchemar juste en bougeant légèrement certains pions. Certains ne se sont pas privé d'ailleurs pour prendre la deuxième partie pour le fantasme d'un homme sur le point de mourir ou carrément déjà mort.

Ça fait beaucoup de niveaux pour un "simple" film de Noël. :wink:
Le film est effectivement très riche et semble contenir un nombre indéfini de surcouches thématiques. Ne serait-ce que du point de vue de la comédie romantique, on est tellement au-dessus de la majorité des films du genre quand on regarde de près les relations entre George Bailey et Mary. Par moments on se demande même s'il en est vraiment amoureux ou si c'est pour lui uniquement le choix de la raison (c'est la future épouse idéale, le choix de l'évidence, que semble lui imposer sa famille, etc) contre lequel il veut lutter pour garder son libre-arbitre et un avenir non tracé d'avance.
Donna Reed est parfaite pour incarner ce dilemme. Elle est belle sans être désirable et tellement parfaite qu'elle en devient "repoussante", sans jamais pourtant tomber dans l’excès de mielleux. Je ne sais pas si je me fais comprendre ou d'ailleurs si ce sentiment est partagé.
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Re: Frank Capra (1897-1991)

Message par Kevin95 »

Supfiction a écrit :Donna Reed est parfaite pour incarner ce dilemme. Elle est belle sans être désirable et tellement parfaite qu'elle en devient "repoussante", sans jamais pourtant tomber dans l’excès de mielleux. Je ne sais pas si je me fais comprendre ou d'ailleurs si ce sentiment est partagé.
Si on voit le mal partout, on peut même la voir comme une manipulatrice, jetant son dévolu sur Stewart jusqu'à le piéger dans une vie de famille (qu'il ne souhaitait pas). Il y a d'ailleurs un plan ambigu sur Reed lorsque Stewart pète son câble le soir de Noël, un plan rapproché sur son regard froid, presque cassant. L'idée était sans doute de signifier le calme du personnage mais on imagine aussi une forme de colère, comme si quelque chose ne rentrait pas dans ses plans de femme au foyer.

Bon, perso je vois le verre à moitié plein (elle l'aime, il l'aime, weeeee are the world), mais c'est bon de le noter. :mrgreen:
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Re: Frank Capra (1897-1991)

Message par bruce randylan »

Les mousquetaires de l'air / Flight (1929)

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Un footballer américain, un peu tête en l'air, a la mauvaise idée de marquer sans le vouloir contre camp. Devenu la risée de la ville, il est réconforté par un pilote de l'armée. Le sportif disgracié décide alors de s'engager mais il manque toujours de confiance en lui.

La renommé de Charles Lindbergh et de sa traversée de l'Atlantique a dû passionner l'Amérique et les producteurs de cinéma au point d'avoir conçu quantité de films autour de l'aviation de la fin des années 20 au début des années 30. En même temps que Ford, Wellman, Hawks, Garnett (et sans beaucoup d'autres), Capra a donc lui aussi pris la piste d'envol avec Flight, son deuxième parlant qui semble justement un parfait prétexte pour s'échapper des studios qui avaient fortement plombé L'affaire Donovan. Ce nouveau film se déroule donc en majeure partie en extérieur avec plusieurs mouvements de caméra encore un peu hésitant et timide mais qui permettent de prendre un bol d'air revigorant. Capra semble même en faire un réel parti pris puisque que pour une grande majorité des plans aérien, les acteurs se trouvaient bel et bien dans les avions, captés par des caméra embarquées. Si on oublie quelques transparences qui se devinent (notamment au début), on est parfois impressionné par les plans à l'intérieur des avions qui offre un sentiment de vitesse assez impressionnant, surtout lors du raid lors des plongées sur la plaine grouillante de révolutionnaires mexicains. De plus, les comédiens n'ont pas été doublés, ce qui augmente la réussite de ses séquences aériennes.

Pour le reste, rien de nouveau, Capra réunit pour la seconde fois (sur trois) Jack Holt et Ralph Graves (qui est à l'original du scénario) via une intrigue qui décline un peu trop facilement celle de Submarine (et Way of the strong) : l'amitié entre deux hommes aux métiers dangereux avec l'intrusion d'une femme comme objet de la discorde. Les acteurs reprennent ainsi exactement les mêmes rôles (Holt en officier dépité qui refuse de secourir son copain suite à la "trahison" de ce dernier qui lui a piqué la fille de ses rêves).
Capra sauve un peu les meubles grâce à l'humanité de ses personnages dont la psychologie évite le pré-fabriqué mais peine tout de même à se renouveler.
L'intérêt n'est donc qu'épisodique, quelques scènes sortant du lot et on sent les acteurs un peu guindés par la prise de son qui semble contraindre leur dynamisme.

C'est surtout lorsque que Holt demande à Graves d'intervenir en sa faveur auprès de la belle que le film décolle véritablement, enchaînant rapidement avec la grosse scènes d'attaque assez réussi pour le coup. Pas de quoi rivaliser en tout cas avec Submarine et Dirigible qui encadre cet opus mineur.


Dans le genre raretés, la cinémathèque a aussi diffusé ses deux premiers courts-métrages
The italian warship Lybia (1921) est un documentaire sur la venue d'un navire de guerre italien qui fait la joie des compatriotes exilés aux USA.
Si les 32 minutes sont bien longues pour un tel évènement (au final bien maigre), on peut s'amuser de constater que l'apprenti cinéaste préfère déjà filmer des gens simples plutôt que les officieux et les responsables politiques qui sont à peine survoler. Capra s'attarde donc plus longtemps sur les marins, les habitants mais aussi sur les cuisiniers, serveurs et convives qui s'attablent avec joie à un repas copieux, arrosé et festif.
Passé ce regard (à valeur rétroactive), force est de constater que ça reste un documentaire plutôt médiocre et bien trop étiré.

Fultah Fisher's boarding house (1922) est un court métrage de fiction de 17 minutes plus proche du pessimisme naturaliste du Fièvre de Delluc (dont l'intrigue et le climat sont très proches) que de ses futures comédies. C'est là encore avant tout une curiosité puisqu'on est clairement devant un premier film amateur (tant devant que derrière la caméra) assez maladroit et dont la trop courte durée empêche au drame de fonctionner. Cependant on devine que le cinéaste croit en son histoire dont les derniers plans possèdent malgré tout une force indéniable.
Le film appartient à Lobster donc possible qu'on voit ça un jour en France même s'il se trouve déjà en bonus de l'édition criterion de New-York - Miami
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
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