Frank Capra (1897-1991)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Arion
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Re: Frank Capra (1897-1991)

Message par Arion »

Très belle analyse, Profondo ! Ca m'a donné envie de le revoir, tiens. :wink:
L'ambivalence de Capra m'a toujours fasciné... Lui le Républicain qui prônait l'individualisme comme seul salut possible pour l'épanouissement personnel s'avérait être dans ses films un chantre de la collectivité. Lui qu'on voyait essentiellement comme un cinéaste populiste, son oeuvre donnait aussi à montrer tout un pan cynique et désespéré qui a été relativement peu analysé mais qui est globalement admis. Capra est un cinéaste bien plus complexe que ne le laissent entendre ses détracteurs et autres pourfendeurs du "Capra-corn".
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Re: Frank Capra (1897-1991)

Message par Federico »

Comme si cela ne suffisait pas pour aimer Capra, je découvre sur le tard (car il semble que l'anecdote soit très connue) qu'il se lia d'amitié avec le génial George Herriman, créateur de Krazy Kat à qui il posa un jour la question qui taraudait déjà il y a un siècle les lecteurs de ce comic strip dément : "Krazy est-il un chat ou une chatte ?". Ce à quoi le malicieux Herriman répondit qu'il se la posait lui-même, incapable de se décider.
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Re: Frank Capra (1897-1991)

Message par Profondo Rosso »

L'Extravagant Mr. Deeds (1936)

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1936, Deeds, simple provincial d'une commune du Vermont, hérite d'une fortune fabuleuse et doit se rendre à New York pour la gérer. Sur place, il a affaire à un avocat véreux qui cherche à administrer ses biens à sa place, et à une jeune femme dont il tombe amoureux, ignorant qu'elle est journaliste chargée de rédiger des articles caustiques à son propos.

L'Extravagant Mr. Deeds est un tournant dans la carrière de Frank Capra, le film qui lance la série de grandes œuvres à conscience sociale du réalisateur avec Vous ne l'emporterez pas avec vous (1938), Monsieur Smith au Sénat (1939) et L'Homme de la rue (1941), les deux derniers reprenant d'ailleurs la structure initiale de Mr. Deeds avec cette idée d'un naïf confronté à une institution qui va le broyer. Cette conscience sociale n'est pas neuve chez Capra et notamment dans un film comme La Ruée (1932) mais c'est le succès de Mr. Deeds qui lui fera réellement comprendre l'impact de cette veine humaniste auprès du public et le poussera à développer de manière plus complexe et fouillée dans ces œuvres suivantes. Au départ le réalisateur est captivé par la nouvelle Opera Hat de Clarence Budington Kelland parue en 1935 dans la revue The American Magazine et partira de la base du récit (un brave homme provincial hérite d'une fortune colossale et de biens immobiliers dans une grande ville) pour le faire sien à travers le scénario du fidèle Robert Riskin. Alors que l'emploi du temps surchargé de Ronald Colman l'empêche d'attaquer Horizons Perdus qui devait être son film suivant (et finalement tourné l'année d'après), Capra se lance donc dans ce film charnière, engageant la star Gary Cooper authenticité incarnée pour être Mr. Deeds ainsi que Jean Arthur dans son premier grand rôle qui fera d'elle une star.

L'histoire voit donc un grand candide et innocent confronté à l'hypocrisie et au cynisme lorsque Longfellow Deeds (Gary Cooper) est tirée de sa province paisible pour se rendre à New York toucher le colossal héritage de 20 millions de dollars que lui a légué un oncle qu'il n'a jamais vu. Gary Cooper avec son croisement d'allure imposante, de visage à l'expression sincère et de regard rêveur impose immédiatement à la singulière personnalité du héros. Détaché des préoccupations superficielles de son nouvel entourage (voir comme il encaisse sans ciller l'annonce de sa fortune), Deeds est une énigme pour les citadins cyniques. Il n'est pas le grand benêt qu'une inévitable horde vautour espère plumer, ni l'idiot dont on peut se moquer en douce, notre héros réglant leur compte aux escrocs et aux mesquins en tout genre d'un crochet bien senti. Pas assez malléable pour les avocats véreux souhaitant avoir procuration sur sa fortune et trop droit pour alimenter la presse à scandale curieuse de ce nouveau riche, Deeds sera finalement victime de sa pureté d'âme et de sa quête d'une oreille sincère. Il pense la trouver avec Louise Bennett (Jean Arthur) travailleuse sans le sous dont il va tomber amoureux mais cette dernière est en fait une journaliste qui profite de leurs rencontres pour alimenter ses articles où elle le ridiculise sous le sobriquet de "Cinderella Man". Gary Cooper est absolument formidable, entre lucidité et candeur enfantine, incarnant un Deeds qui est la spontanéité même : surexcité par la moindre sirène de pompier, empoignant son tuba dès qu'il a besoin de réfléchir, s'enfuyant et glissant comme un adolescent maladroit après avoir fait sa grande déclaration d'amour sous forme de poème. Cherchant le meilleur dans chacune de ses rencontres et des lieux parcouru (la tirade sur la tombe de Grant où il est le seul à ressentir l'émerveillement et le poids de l'histoire de ce cadre) Deeds verra son allant progressivement brisé par la fausseté et la froideur que représente cette vie citadine égoïste. Cette fortune non désirée va s'avérer un poids insurmontable qui va le pousser au désespoir il saura mettre cette déception au service des autres. Capra n'a pas encore atteint la finesse de traitement de L'Homme de la rue et amène sans doute un peu grossièrement cette prise de conscience lorsqu'un fermier dans la misère vient violemment afficher sa triste réalité à Deeds. L'émotion et la vérité qu'il confère à la scène fait pourtant tout, notamment à travers le regard compatissant de Gary Cooper qui voit enfin une utilité à cette richesse : aider les plus démunis.

C'est l'extravagance de trop pour les puissants qui vont chercher à stopper cette noble entreprise. Le film est vraiment une matrice moins conceptuelle et sombre de Meet John Doe avec des êtres dont la dévotion et le désintéressement est un mystère insondable, une folie pour les nantis. On a presque une sorte d'anticipation d'anticommunisme primaire dans le rejet de l'action de Deeds (ses ennemis voyant dans son action un danger pour le pays mais contrairement au méchant faustien incarné plus tard par Edward Arnold dans L'Homme de la rue on reste ici à un degré plus terre à terre volonté d'enrichissement personnel sur le dos de Deeds). Deeds est un miroir du sentiment qui anime son environnement et face à cette fausseté et cynisme ambiant, il abandonnera la partie par un dépit le plongeant dans le mutisme lors de la cruelle scène de tribunal en conclusion. Le regard de ceux chez qui il a éveillé l'espoir et l'amour sincère qu'il a cru voir lui échapper va pourtant le réveiller. La tirade finale de Gary Cooper (qu'il est d'ailleurs amusant de comparer dans une idée proche avec le discours solennel et grandiloquent du Rebelle (949) de King Vidor) est à l'image de ce héros espiègle, s'innocentant en confrontant chacun à ses petites tares. L'acteur fait totalement échapper le personnage à la figure d'archétype qui aurait pu le guetter, ce regard vers les autres, cet optimisme et naïveté étant ceux que tout un chacun espère éternellement conserver. Une foi contagieuse à l'image d'une Jean Arthur poignante dont les airs de calculs ne résisteront pas longtemps à l'extravagant Mr. Deeds. Capra émeut et tient en haleine jusqu'au bout avec cette œuvre chaleureuse. 5,5/6
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Supfiction
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Re: Frank Capra (1897-1991)

Message par Supfiction »

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Tavernier blog a écrit :Aux USA, j’ai pu revoir une magnifique copie 35 de PLATINUM BLONDE, un de mes Capra favoris, une des meilleures comédies de journaliste, écrite par le talentueux Jo Swerling avec la collaboration de Robert Riskin. On sent la patte de Capra dans le rythme, la manière de mettre en scène le dialogue, de lui donner une rapidité, une évidence, de faire en sorte qu’il propulse l’action. Une longue scène entre Robert Williams et Jean Harlow semble totalement improvisée. Il faut dire que Robert Williams qui, hélas, mourut quelques semaines après la sortie du film, était un acteur génial qui surclasse même Lee Tracy pourtant inoubliable dans ce genre de personnages. Loretta Young et Jean Harlow sont succulentes. Bref un régal.
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Bogus
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Re: Frank Capra (1897-1991)

Message par Bogus »

Frank Capra est un cinéaste que je connais très peu mais à chaque fois j'ai été ému par ses films dans lesquels j'ai toujours trouvé un moment de grâce, où je me dit simplement "c'est beau":

-New York-Miami avec la confidence sur l'oreiller de Clark Gable



-la déclaration de Gary Cooper à Jean Arthur dans L'Extravagant Mr. Deeds



- Pour La Vie est belle découvert récemment j'aurais pu mettre la sublime scène du téléphone débouchant sur le premier baiser de George et Mary mais j'ai un faible pour la scène de bal et le concours de charleston (en fait cette scène s'inscrit dans la partie du film que je préfère avec d'abord le diner entre George et son père, le bal et la balade romantique sous la lune).

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Jeremy Fox
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Re: Frank Capra (1897-1991)

Message par Jeremy Fox »

Geoffrey Carter
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Re: Frank Capra (1897-1991)

Message par Geoffrey Carter »

Superbe portrait, on ne pouvait pas mieux espérer pour le jour du réveillon ;)
Et content de voir un avis aussi positif sur La Ruée, un de mes Capra préférés. :)
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Re: Frank Capra (1897-1991)

Message par Federico »

"Frank Capra, un humaniste de droite", une analyse politique des films de Capra par Karim Emile Bitar.
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Message par Supfiction »

Ann Harding a écrit :Image

Forbidden (Amour défendu, 1932) avec Barbara Stanwyck, Adolphe Menjou et Ralph Bellamy

Lulu (B. Stanwyck) bibliothéquaire célibataire quitte brusquement sa petite ville pour vivre des vacances inoubliables. Sur le paquebot de croisière qui l'emmène à La Havane, elle rencontre Bob (A. Menjou). Ils ignorent tout l'un de l'autre et tombent amoureux...

Je termine mon exploration de la collaboration Stanwyck/Capra avec ce film rare qui n'est même pas commenté dans le Tavernier/Coursodon. Je suis une inconditionnelle des 4 films de Stanwyck pour Capra dans les années 30: The Miracle Woman, The Bitter Tea of General Yen et Lady of Leisure offrent tous un rôle en or à Barbara. Elle est tour à tour prêcheuse, missionnaire en Chine et fille du peuple. Forbidden a réussi à me surprendre avec une intrigue incroyable. Essayer d'imaginer un croisement entre Now Voyager (1942), Back Street (1932)et The Life of Vergie Winters (1934). :shock: :o Mais, il ne faut pas perdre de vue que le film de Capra est antérieur à tous les fims précités. Avec Jo Swerling, Capra concocte un mélodrame qui commence comme une comédie romantique. Barbara apparaît d'abord en vieille fille avec un pince-nez. Ellle se transforme en cygne à bord du paquebot espérant rencontrer l'amour. Elle s'ennuie d'abord copieusement avant de tomber par hasard sur Adolphe Menjou, légèrement éméché, qui est entré dans sa cabine par accident. Ils ébauchent un marivaudage délicieux en s'appelant par leur numéro de cabine: elle, le 66 et lui, le 99. Ce marivaudage se poursuit à leur retour à New York où ils se retrouvent avec des masques de carnaval pour un dîner. Capra réussit brillamment une scène légère et qui paraît improvisée entre les deux acteurs. Mais, le ton devient plus noir immédiatement après quand Barbara découvre qu'Adolphe est marié. Il se refuse à divorcer car son épouse est une invalide. Barbara désespérée, prend seule son avenir en main et accouche d'un enfant sous un faux nom. Quelques années plus tard, elle retrouve Adolphe et lui tombe dans les bras. Il y a à nouveau une scène superbe où ils se parlent assis dans un escalier, le tout filmé derrière la rembarde comme en cachette. Barbara devient rapidement la maîtresse qu'on cache. Elle doit aussi renoncer à sa fille, adoptée par Menjou et sa femme suite à un quiproquo. Ce thème de la fille-mère sacrificielle qui fera les beaux jours du mélo hollywoodien est déjà là présent avec en prime des rebondissements qui tiennent en haleine jusqu'à la dernière bobine. Ralph Bellamy est un directeur de journal qui enquête sur Menjou, en passe de devenir gouverneur. Il est également amoureux de Barbara. Elle sacrifiera tout pour l'homme qu'elle aime. Je pourrais même lui décerner le premier prix en tant que maîtresse/mère sacrificielle que j'ai jamais vue dans un mélo. :mrgreen: C'est vraiment elle qui va le plus loin. L'intrigue semble par moment totalement délirante s'il n'y avait le jeu aigu et émouvant de Barbara qui réussit à nous faire croire à cet amour totalement désintéressé. Il n'est pas étonnant que Barbara soit devenue une star après avoir fait 4 films de Capra qui lui permettent de jouer quatre rôles différents dans des univers également différents. Forbidden est un mélo d'anthologie. :)
J'ai pensé également à Back Street en regardant ce Forbidden. Barbara Stanwyck comme Irène Dunne plus tard se retrouve dans la position difficile d'aimer un homme marié qui ne peut pas divorcer. Et qui se sacrifie par amour. Sauf que chez Capra, l'optimisme l'emporte toujours. Stanwyck dans la même situation qu'Irène Dunne ne succombe jamais au misérabilisme.
Déjà Capra aimait placer son actrice dans le milieu (très à la mode à cette époque) du journalisme.
A signaler la présence du jeune Ralph Bellamy, acteur qui commencera sa carrière avec Jean Harlow et Barbara Stanwyck comme partenaires et la terminera face à Julia Roberts (Pretty Woman en 1990) en figure protectrice. Chapeau. Et physiquement il n'aura que très peu changé en 60 ans.
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Jeremy Fox
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Re: Frank Capra (1897-1991)

Message par Jeremy Fox »

Mr Smith au Sénat : Le Blu-ray français testé par Stéphane Beauchet.
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Jeremy Fox
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Re: Frank Capra (1897-1991)

Message par Jeremy Fox »

Test du Bluray Vous ne l'emporterez pas avec vous par Stéphane Beauchet.
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Re: Frank Capra (1897-1991)

Message par Sudena »

La Vie est Belle: un miracle. Mais pourquoi?..
Comment ne pas tomber littéralement sous le charme de cette merveille du maître Frank Capra?.. Le film de noël par-excellence, qui a traversé les années et qui continuera à les traverser, étalon et absolu de tout un genre dont la naïveté est un code à accepter (il est aussi respectable que le misérabilisme dans les films sociaux...), servi par une photographie sublime, un jeu d'acteurs impeccable (de James Stewart à Lionel Barrymore, en passant par la délicieuse Donna Reed et le maladroit et au-combien touchant Thomas Mitchell, sans parler du ventripotent et désopilant Henry Travers), une réalisation sans faille aucune, un rythme maitrisé à la perfection...

La féérie du début n'est néanmoins qu'apparente: dès la première scène nous savons que le personnage principal est sur le point de se suicider, et les deux tiers du film vont nous montrer comment cet homme si aimé, si gentil, va être amené à ce désir d'autodestruction. Ainsi l'équilibre est d'emblée l'une des caractéristiques de ce film: la comédie côtoie le drame en permanence, aucune scène optimiste ne l'est totalement, aucune scène tragique non-plus. Des exemples? la scène du bal de promo avec le plongeon collectif la piscine suivie d'un flirt à croquer entre les deux personnages principaux se termine brutalement par l'annonce du décès du père du héros... A-contrario, la scène des retrouvailles des deux tourtereaux, très dure et remplie de malaise sinon de violence, se termine en apothéose sur un baiser passionné et un mariage... Rien n'est totalement blanc ni totalement noir, le personnage principal, malgré sa gentillesse et sa bonté, se sent à l'étroit et prisonnier d'une vie médiocre à laquelle il rêverait d'échapper. Dans l'ombre, le maléfique Lionel Barrymore joue sur les doutes et les mesquineries pur assouvir son désir de pouvoir...
Ce film semble en fait sorti de l'imagination de Dickens, avec son ambiance à la fois féérique et noire, son propos qui flirte du côté du glauque, de plus en plus au fil du film...jusqu'à la fatidique journée...
A ce moment-là le film bascule totalement dans le pessimisme, enchaine les scènes dures et les voies sans issues, le personnage principal se perd corps, cœurs et biens, noël ne veut plus rien dire du tout: la vie "réelle" a gagné, James Stewart va se suicider...et c'est là qu'intervient Clarence, l'ange ventripotent porté sur la boisson qui va, par l'exemple, prouver au héros la valeur de sa vie et l'utilité de ses actions...

A-partir de là le film opère un changement que tout le monde connaît. Je ne spoilie pas beaucoup en disant qu'il bénéficie d'un happy-end: tout le monde sait ça, tout le monde l'a dit, et son efficacité est peut-être la plus connue au monde... Mais POURQUOI? La question qui m'a tarabiscoté depuis que je l'ai vu, puis revu, puis re-revu, était celle-ci: POURQUOI cette fin est-elle aussi puissante, aussi prenante, aussi euphorisante et ne perd-elle pas d'un iota sa magie après les multiples revoyures?.. Et à force d'y réfléchir, je pense que j'ai finalement compris...

Le secret de La Vie est Belle, c'est que la joie est distillée en deux temps: il y a d'abord la joie de George Bailey d'être en vie, d'exister malgré ses déboires, juste après la leçon de l'ange. Sa course enflammée à-travers la ville, ponctuée d'apostrophes joyeuses qu'il distille alentours comme autant de cris de joie, fait renaître le sourire chez le spectateur. Mais c'est un sourire empli d'amertume sinon de tristesse: le héros va être enfermé, son entreprise va couler, et le méchant aura sa victoire, acquise grâce à un vol; d'ailleurs les huissiers sont là, qui viennent le chercher devant sa femme et ses enfants: au moins a-t-il appris que sa vie n'a pas été vaine, et qu'elle était belle... Et c'est là, directement enchaîné, qu'intervient le deuxième temps: toutes les actions passées du héros, toute sa générosité, toute sa gentillesse, reviennent à lui et non-seulement le sauvent mais font de lui l'homme le plus riche de la ville, au milieu de la joie partagée par tous pour le plus merveilleux des noëls... Ce n'est pas un miracle "gratuit" venu d'une intervention divine, tout au-contraire: l'ange n'est intervenu que pour l'empêcher de commettre l'irréparable: c'est George Bailey lui-même qui a créé ce triomphe, qui a aidé des gens qui le méritaient et qui lui prouvent leur reconnaissance au moment où, précisément, il a besoin d'eux. C'est une formidable leçon d'humanisme que nous offre Frank Capra: croyez toujours en vous car quelqu'un sera toujours là pour vous aider quand vous en aurez le plus besoin. Fraternité, joie, amour et solidarité triompheront de la tristesse (bien réelle, jamais le réalisateur ne l'occulte...) de l'ordinaire et pourront soulever des montagnes et créer des miracles. Oui: LE VIE EST BELLE! Jamais film ne l'a mieux illustré, jamais l'esprit de noël ne fut mieux exalté, car c'est simple sans être niais, optimiste mais jamais béat, car c'est un chef d'oeuvre intemporel et immortel qui jamais ne pourra me lasser...
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Re: Frank Capra (1897-1991)

Message par Bogus »

Monsieur Smith au sénat (1939)

Découvert hier soir.
C'est beau, drôle, touchant et revigorant mais parfois un peu longuet.
Je retiens surtout des scène poignantes comme celle ou Saunders encourage Smith à ne pas abandonner et puis James Stewart quel acteur! Il est capable de vous submerger d'émotion avec un simple regard.
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Supfiction
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Re: Frank Capra (1897-1991)

Message par Supfiction »

Bogus a écrit :Monsieur Smith au sénat (1939)

Découvert hier soir.
C'est beau, drôle, touchant et revigorant mais parfois un peu longuet.
Je retiens surtout des scène poignantes comme celle ou Saunders encourage Smith à ne pas abandonner et puis James Stewart quel acteur! Il est capable de vous submerger d'émotion avec un simple regard.
A la révision hier, j'ai un peu tiqué lors de ces scènes avec Jean Arthur à l'intérieur du Senat qui font perdre un peu de crédibilité au film au profit d'une certaine naïveté. A contrario la scène durant laquelle elle vient rattraper in-extremis Smith devant la statue de Lincoln avant qu'il n'abandonne et reparte chez lui est magnifique. Il est assis, elle se tient debout devant lui telle une madone protectrice.
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Re: Frank Capra (1897-1991)

Message par Jack Carter »

Bogus a écrit :Monsieur Smith au sénat (1939)

Découvert hier soir.
C'est beau, drôle, touchant et revigorant mais parfois un peu longuet.
Je retiens surtout des scène poignantes comme celle ou Saunders encourage Smith à ne pas abandonner et puis James Stewart quel acteur! Il est capable de vous submerger d'émotion avec un simple regard.
Un James Stewart entouré de ces seconds roles du cinema americain que j'affectionne : Edward Arnold dont le role de pourri lui va comme un gant, Eugene Pallette, Harry Carey, Thomas Mitchell, que du bonheur !!!! (sans oublier l'excellent Claude Rains).
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The Life and Death of Colonel Blimp (Michael Powell & Emeric Pressburger, 1943)
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