Dans un parking souterrain, un homme, Frank, s’apprête à regagner son véhicule lorsqu’il est abattu par un inconnu. A l’agonie, le blessé se souvient des derniers mois de son existence et reconstitue le puzzle qui l’a mené à son triste destin.
Quelques mois plus tôt…Frank (Jean Sorel) est un architecte menant une existence oisive en compagnie de son épouse, la belle mais franchement stupide Lucia (Ewa Aulin). L’arrivée de la mère de Lucia, la toujours désirable Nora (Lucia Bosè) ravive le désir de Frank qui tombe rapidement amoureux de sa belle-mère. Ensuite, Eddie, un Américain, tendance communiste hippie, surgit de nulle part et vient encore compliquer la donne tant les deux femmes semblent sensibles à ses charmes…Obsédé par Nora, avec qui il a une intense relation sexuelle, Frank la suit jusque Rome où il découvre le cadavre d’Eddie. Persuadé que sa maîtresse et belle-sœur a tué le jeune homme, Frank décide de cacher le corps. Mais il apprend par la suite que Nora n’était pas présente lors du meurtre de l’Américain… alors qui l’a tué et pourquoi ?
Romolo Guerrieri est un des nombreux artisans méconnus du cinéma populaire à l’italienne qui, à l’instar de la plupart de ses collègues, suivit les modes, passant de la comédie (BEAUTY ON THE BEACH) au western (LES 7 COLTS DU TONNERRE, JOHNNY YUMA) et au polar (UN DETECTIVE). Il se devait, forcément, de toucher au giallo, ce qu’il fit avec L’ADORABLE CORPS DE DEBORAH, un précurseur du thriller sexy tourné en 1968. Avec LA CONTROFIGURA, le cinéaste nage dans les mêmes eaux (machination, érotisme soft,…) et rassemble un casting solide composé d’habitués du genre.
Le Marseillais Jean Sorel, tout d’abord, incarne un personnage comme il les aime, celui d’un séducteur bourgeois embarqué dans une intrigue complexe. Révélé par BELLE DE JOUR, Sorel joua dans une petite dizaine de giallo, comme PERVERSION STORY ou l’atypique JE SUIS VIVANT. Difficile d’ailleurs de ne pas évoquer les similitudes criantes entre ce-dernier et LA CONTROFIGURA puisque, dans les deux cas, Sorel est abattu au début du film et passe ses derniers instants (mais l’entièreté du temps de projection) à se souvenir des événements l’ayant conduit à sa fin tragique.
A ses côtés, LA CONTROFIGURA nous permet d’admirer la plastique d’Ewa Aulin et de Lucia Bosè. La première est apparue dans deux thrillers expérimentaux (LA MORT A PONDU UN ŒUF de Giulio Questi et EN CINQUIEME VITESSE de Tinto Brass) tandis que la seconde, ancienne Miss Italie à la quarantaine resplendissante, a été vue dans l’étrange giallo gothique SOMETHING IS CRAWLING IN THE DARK. Silvano Tranquilli (LA TARANTULE AU VENTRE NOIR) et Giacomo Rossi Stuart (L’APPEL DE LA CHAIR) complète cette intéressante distribution.
Hélas, en dépit de comédiens chevronnés et de prémices intrigantes, LA CONTROFIGURA s’avère incapable d’intéresser le spectateur. Son intrigue, bien trop légère et creuse, se limite à de timide coucheries, plus proches d’un soap-opéra de fin d’après-midi que d’un authentique giallo.
Une bonne moitié de LA CONTROFIGURA se déroule au Maroc et la chaleur exacerbe les désirs, ce qui nous vaut quelques scènes gentiment sexy comme un câlin aquatique entre Sorel et Aulin. Mais cela ne suffit pas à sauver une intrigue qui s’embourbe rapidement dans une lenteur rédhibitoire.
Durant les trois quarts du long-métrage, il ne se passe, en réalité, pratiquement rien et cette collection de vignettes érotico-exotiques, bien trop bavardes et languissantes, finit par endormir les plus indulgents. Etant donné le nombre très restreint de protagonistes (le héros, les deux femmes, l’Américain et le mystérieux inconnu), le spectateur n’éprouve aucune difficulté à dresser une très courte liste de suspects et les révélations finales ne sont guère surprenantes, du moins en ce qui concerne l’identité du coupable puisque son mobile est, pour sa part, plus original.
Peu soucieux de révolutionner les codes du sexy giallo, Romolo Guerrieri dépeint donc quelques personnages pas vraiment sympathiques. Le héros est ainsi un architecte raté qui dilapide la fortune familiale, trompe sa pourtant magnifique épouse dans les draps de sa belle-mère et développe une jalousie machiste quasi obsessionnelle. Début des années ’70 oblige, le cinéaste se permet les habituelles remarques concernant les hippies et la liberté sexuelle, un mode de vie qui parait à la fois fascinant et mal considéré. Le scénario mêle d’ailleurs, plutôt maladroitement, une pensée libertaire à des considérations réactionnaires sans jamais choisir son camp. Une démarche proche de celle d’Umberto Lenzi à la même époque.
Dénué de suspense et interminable, LA CONTROFIGURA s’appuie uniquement sur une interprétation solide et une agréable musique easy listening pour maintenir l’intérêt défaillant du spectateur, lequel risque cependant l’assoupissement devant ce pseudo sexy giallo soporifique. Peut-être un des titres les plus ennuyeux que le genre ait livré.