Budd Boetticher (1916-2001)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Alphonse Tram
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Message par Alphonse Tram »

Jeremy Fox a écrit :Ride lonesome : 10/10
Comanche station : 9/10
Je souscris entièrement 8)
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- « Il y aura toujours de la souffrance humaine… mais pour moi, il est impossible de continuer avec cette richesse et cette pauvreté ». - Louis ‘Studs’ Terkel (1912-2008) -
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Re: Budd Boetticher

Message par someone1600 »

Jeremy donne vraiment envie de découvrir ces films... je regarderai Commanche station que j'ai enregistré a TCM et vais espéré que Ride lonesome passe aussi. :wink:
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Jeremy Fox
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Re: Budd Boetticher

Message par Jeremy Fox »

Attendre énormément de quelque chose (en l'occurrence le fameux coffret Budd Boetticher) et en retirer encore bien plus de plaisir que dans nos prévisions les plus optimistes nous arrive tellement rarement que je tenais ici à continuer à en vanter les mérites.
Après les trois films critiqués un peu plus haut (qui sont déjà tous trois entrés dans mon top 100), voici qu'avec Decision at Sundown, je viens encore de tomber sur un nouveau chef-d'oeuvre ; j'y reviendrais plus tard mais le cinéaste (que j'estimais déjà très fort) vient de faire un sacré bond en avant dans mon panthéon personnel.

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Jeremy Fox
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Re: Budd Boetticher

Message par Jeremy Fox »

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Le Vengeur agit au crépuscule (Decision at Sundown - 1957) de Budd Boetticher
COLUMBIA


Avec Randolph Scott, John Carroll, John Archer, Karen Steele, Valerie French, Noah Beery Jr
Scénario : Charles Lang d’après une histoire de Vernon L. Fluharty
Musique : Heinz Roemheld
Photographie : Burnett Guffey (Technicolor 1.85)
Un film produit par Harry Joe Brown pour la Columbia


Sortie USA : 17 novembre 1957


Aux États-Unis, les amateurs de westerns auront été gâtés en cette fin d’année 1957 avec les sorties consécutives d’excellents films signés Anthony Mann (The Tin Star – Du sang dans le désert), Richard Bartlett (Joe Dakota) puis enfin, celui qui nous intéresse ici, l’encore trop méconnu Decision at Sundown, la troisième collaboration entre Budd Boetticher et son acteur de prédilection, Randolph Scott. Au sein de ce fabuleux cycle de sept westerns, il s’agit malheureusement de celui globalement le moins apprécié, toujours laissé à la traîne en compagnie du vilain petit canard du lot, le seul produit par la Warner, Westbound (Le Courrier de l’or), qui ne mérite d’ailleurs pas plus l’opprobre, mais sur lequel nous aurons l'occasion de revenir plus tard. Pourquoi une telle injuste désaffection pour ce Decision at Sundown par rapport aux autres oeuvres du cycle ? Par le fait d’être le seul western urbain du lot, les fans du cinéaste préférant voir les personnages de ses films évoluer au sein de Lone Pine ou autres paysages désertiques ? Car non seulement il diverge de ses petits camarades par le fait de faire se retrouver le spectateur cloitré en ville, mais également par celui de proposer la description d’un panel de personnages assez large alors que les autres westerns du corpus se concentrent sur à peine une dizaine à chaque fois. Mais quelles qu'en soient les raisons (qui me semblent sincèrement assez inexplicables), devant la perfection de ce western, il est difficile pour moi de ne pas être dithyrambique à son égard, le considérant dans le domaine du western ‘urbain’ peut-être encore plus beau que ces autres chefs-d’œuvre plus célébrés que sont les superbes Rio Bravo de Howard Hawks et Silver Lode (Quatre étranges cavaliers) d'Allan Dwan, et même, pour sa remarquable étude de caractères, pour sa complexité et son humanité, un cran au-dessus des précédents Scott/Boetticher, à savoir Sept hommes à abattre (Seven Men from Now) ainsi que L’Homme de l’Arizona (The Tall T).

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Bart Allison (Randolph Scott) arrive à Sundown avec une seule idée en tête, abattre Tate Kimbrough (John Carroll), l'homme qui dirige la petite ville d’une main de fer et qu’il recherche depuis maintenant trois ans. Au risque de se faire trouer la peau à chaque minute, et de mettre ainsi également en danger la vie de son ami Sam (Noah Beery Jr.), il met tout en œuvre pour y arriver et ne veut pas entendre raison. Mais pourquoi un tel acharnement ? Quelles en sont les raisons et ces dernières sont-elles justifiées au point de mettre ainsi la ville sens dessus dessous ? Surtout qu’il retrouve son ennemi juré (qu’il n’a pourtant jamais croisé de sa vie) alors que celui-ci est sur le point de se marier avec Lucy (Karen Steele), la fille d’un des notables de la ville, Charles Summerton (John Litel). Avant de se rendre à la cérémonie, Kimbrough fait ses adieux à sa maîtresse toujours folle amoureuse de lui, la courtisane Ruby James (Valerie French). Après être entré dans l’église pour perturber le mariage en annonçant à Lucy que si elle passait la bague au doigt, elle serait veuve le soir même, Bart sort en courant se réfugier avec Sam dans une écurie ; c’est à leur tour d’être piégés, cernés par tous les hommes de loi qui ne comptent pas les laisser ressortir vivants, d’autant que le shérif Swede Hansen (Andrew Duggan) fait partie des hommes à la botte de Kimbrough. Parmi les habitants, seuls le barman (James Westerfield) et le docteur (John Archer) haïssent sans le cacher ‘le maître de ces lieux’. Profitant de l’instabilité créée par l’arrivée en ville de Bart, le médecin va tenter de faire changer les mentalités de ses concitoyens en leur faisant comprendre que la faute leur incombe à tous si la situation en est arrivée à s’envenimer à tel point, en laissant au départ (sans lever le petit doigt) un homme avoir la mainmise sur leur ville…

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- Bart Allison (Randolph Scott) : "Is Tate Kimbrough a big man in Sundown?"
- Sam (Noah Beery jr), son meilleur ami : "The biggest! He's got that town in his fist and he's squeezin' it hard. Ain't heard folks complain much. Guess they're all scared."
- Bart Allison : "I'm glad to hear he's doing so well. When a man's riding high, the ground comes up and hits him a lot harder when he falls."

Le postulat de départ de Decision at Sundown pourrait presque être résumé par cet échange entre les deux amis venus à Sundown dans le but de faire tomber le potentat local. Mais rien ne se déroulera comme on aurait pu le croire, l’intrigue et les motivations de chacun nous amenant de surprises en surprises jusqu’à ce final totalement inhabituel et surtout grandement imprévisible ; dans le même temps le manichéisme sera totalement absent, ceci étant valable pour l’ensemble des personnages qui, quel que soit leur temps de présence à l’écran, seront tous d'une exceptionnelle richesse dans l’écriture, tous plus complexes les uns que les autres. Bref, Decision at Sundown est très certainement le plus intriguant quoique le moins connu du cycle Scott/Boetticher. On quitte les paysages secs et désertiques de Lone Pine pour aller se confiner en ville car, comme Rio Bravo, il s’agit d’un western urbain, peut-être l’un des plus originaux qu’il m’ait été donné de voir avec entre autres Le Cavalier traqué (Riding Shotgun) d’André de Toth datant de 1954 et déjà avec Randolph Scott. Ici, Bart Allison arrive à Sundown avec une seule idée en tête : abattre Tate Kimbrough, l'homme qui dirige la ville d’une main de fer et qu’il recherche depuis maintenant trois ans. Au risque de se faire trouer la peau à chaque minute et de mettre aussi en danger la vie de son meilleur ami, il met tout en œuvre pour y arriver et ne veut pas entendre raison. A priori rien que de très banal. Même lorsque nous apprenons que la cause en est une femme, sa femme qui l’aurait trompée avec Tate Kimbrough avant de se suicider. Seulement voilà : même si Tate Kimbrough se trouve avoir été le dernier à l’avoir côtoyée, il est loin d’être le seul homme avec qui elle semble avoir frayé alors qu’elle était encore l’épouse de Bart. Le personnage de Randolph Scott a été sans le savoir cocufié à de très nombreuses reprises ; il n’a donc aucune raison de vouloir aveuglément se venger sur l’homme qu’il a choisi d’abattre d’autant plus que c’est son ex-femme, nymphomane, qui s’est jeté à son cou. Ceci, il n’en a jamais rien su mais ça n’excuse en rien son comportement presque dément. Son grain de folie, on s’en rend compte dès la première séquence au cours de laquelle il braque les conducteurs de la diligence à bord de laquelle il a pris place dans le seul but de la faire s’arrêter afin qu’il en descende ; il y avait moyen plus cordial de pouvoir le dire mais Bart semble préférer la manière forte.

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D’emblée, à partir des peu d’éléments que j’ai déjà essayé de résumer, il paraitra très certainement évident au plus grand nombre que le scénario est loin de se présenter comme aussi conventionnel qu’on l’imaginait à la seule lecture du pitch. Burt Kennedy n'était donc pas le seul garant de la perfection des autres films du duo Scott-Boetticher puisque cette fois il n'est pas l’auteur de ce chef-d'œuvre. Decision at Sundown a été écrit par Charles Lang, scénariste très peu prolifique, responsable d’à peine une dizaine de scripts dont trois pour Budd Boetticher. Au vu de son remarquable travail d’écriture, on ne peut que regretter qu’il se soit arrêté aussi vite ; on se consolera en sachant que sa troisième collaboration avec Boetticher sera encore bougrement réjouissante puisqu’il s’agira de l’iconoclaste Buchanan Rides Alone (L’Aventurier du Texas). Malgré ce changement de scénariste, comme dit déjà plus haut, tous les personnages s'avèreront donc une fois encore bien plus riches qu'ils ne semblaient devoir l’être de prime abord, la différence avec les autres westerns de la série étant que le panel décrit est ici bien plus important, le film ne comptant pas moins d’une vingtaine de protagonistes d’une rare consistance, intelligemment fouillés, même parmi les nombreux seconds rôles. Aidés en cela par une irréprochable direction d’acteur, impossible du coup d’oublier les comédiens Richard Deacon, le pasteur cachant sa fiole de whisky sous sa soutane, John Litel, le père de la mariée ayant perdu l’estime de soi lors de cette impitoyable journée ("Perhaps you haven't noticed it, but I've lost more than anyone else. I lost my self-respect"), Ray Teal, le rancher qui va se rebeller contre les hommes du shérif, Andrew Duggan, l’homme de loi justement, obéissant au doigt et à l’œil au 'dictateur' local, James Westerfield, le barman pessimiste sur la nature humaine ("Doc, when you have been tending bars as long as I have, you wouldn't expect so much out of the human race."), Vaugh Taylor, le barbier couard et mauvaise langue, et quelques autres…

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Si l’on en vient maintenant à parler des protagonistes de plus grande importance, à tout seigneur tout honneur, Randolph Scott interprète donc un homme obnubilé par la vengeance au point de frôler la folie paranoïaque. Le comédien est tout simplement grandiose et parvient même à nous fait venir les larmes aux yeux lors de la séquence suivant celle au cours de laquelle son ami se fait tirer dans le dos. Mais on aurait tout aussi bien pu le dire de Karen Steele, Valerie French, John Archer et surtout John Carroll. Ce dernier, acteur chevronné de la Republic Pictures, compose un ‘gentleman despote’ vraiment charismatique et pas spécialement antipathique : un rôle qui aurait été comme un gant à Clark Gable vingt ans plus tôt. Malgré ses innombrables défauts, le principal ‘Bad Guy’ se révèle vraiment attachant, probablement l’un des plus inoubliables ‘méchants’ de western, pas seulement mégalomane mais dans le même temps posé, courageux et extrêmement intelligent. Enfin, la réputation de machisme du cinéaste est encore mise à mal car ses deux personnages féminins sont richement décrits et ô combien importants pour le déroulement de l'histoire, en plus d'être l’un comme l’autre grandement touchants. L’une des femmes, interprétée par Karen Steele (Mme Boetticher à l’époque), est la mariée à qui Bart annonce qu’elle sera veuve le soir même et qui, suite à celà, va se mettre à réfléchir à sa situation et enfin s’affranchir des décisions de son père ; la seconde (encore plus attachante) est une prostituée qui a toujours été amoureuse du futur marié, ce dernier semblant en retour éprouver pour elle une grande estime et une amitié indéfectible sans que sa future épouse en soit outrée. A la dernière minute du film, le dernier geste de la courtisane aura fait bifurquer à nouveau l'intrigue vers une direction totalement innatendue pour le plus grand bonheur des romantiques purs et durs : magnifique ! On aura une fois encore compris à quel point les relations entre les personnages ainsi que leur psychologie respective sont d’une modernité étonnante au sein d’un genre parfois déprécié pour sa misogynie, sa simplicité et son conservatisme.

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Par l’intermédiaire du personnage du médecin, une grande humanité et un profond sens de l'éthique se dégagent également du scénario de Charles Lang lorsqu’il aborde le problème de la lâcheté collective des citoyens ayant laissé un homme et ses sbires avoir la mainmise sur leur ville et de ce fait sur leurs vies. Le discours que le personnage interprété par John Archer tient aux habitants réunis dans le saloon, en présence de Kimbrough lui-même, est un modèle du genre et démontre si besoin était de l'immense qualité des dialogues de ce film finalement assez théâtral (sans que ce ne soit aucunement péjoratif) : unité de lieu (Randolph Scott ne sort pas d'une pièce unique pendant quasiment trois-quarts d'heure), unité de temps (l'histoire se déroule en moins d'une journée), resserrement maximal du scénario, dépouillement de la mise en scène (sans pour autant oublier un côté spectaculaire bien présent dans les scènes d'action, toutes parfaitement maîtrisées et d’une redoutable efficacité) ; le tout au service d'une thématique passionnante, la vengeance étant le révélateur de la prise de conscience collective de tous les habitants de la ville face à la violence du conflit qui se déroule sous leurs yeux ; la mauvaise conscience et la honte finiront par céder la place à la rébellion envers l’homme et ses sbires qui tenaient la ville sous leur coupe… Techniquement parfait, avec une gestion rigoureuse de l'espace (après la splendide première séquence au sein de beaux paysages verdoyants voyant la diligence en fond d’écran dévaler une colline à contre-jour, nous avons rapidement l'impression de bien connaître la topographie de la ville), un beau travail du chef opérateur Burnett Guffey avec des cadrages toujours aussi étonnants et précurseurs des westerns des années 1960 (Sergio Leone entre autres), un score encore superbe et entêtant du décidément excellent Heinz Roemheld, des éclairs de violence parfois fulgurants pour un western qui n'en oublie à aucun moment d'être captivant et intelligent, et même parfois drôle grâce à un Noah Beery Jr qui aura rarement été aussi sobre. Un mélange tout ce qu'il y a de plus harmonieux !

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Un chef-d'œuvre dont le final, débordant d’amertume et sans équivalent dans le western américain jusqu’à cette date, n'a pas fini de nous hanter tellement il va à l'encontre de celui d'un western conventionnel ou, plus globalement, traditionnel : les détracteurs de Randolph Scott devraient pouvoir lui reconnaitre à ce moment là un sacré talent, ou tout du moins un certain courage pour avoir été autant à l’encontre de ses personnages habituels, ‘lonesome cow-boy’ ambigu, au bord de la folie et repartant de Sundown, imbibé d’alcool, violent et totalement dépressif ! Véritable catalyseur malgré lui des peurs de chacun, s’il aura permis de réveiller les consciences et faire retrouver le respect aux habitants de la ville, lui, quittera cette dernière complètement lessivé. Le docteur aura cette phrase pour conclure le film : : “Yes, he changed things for everybody in town. But, unfortunately, there's nothing we can do for him. I'll tell you one thing, none of us will ever forget the day that Bart Allison spent in Sundown.” Une ‘fable’ atypique, constamment tendue et autrement plus passionnante et implacable que Le Train sifflera trois fois (High Noon) sur un thème dans le fond assez similaire. Une merveille !

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Re: Budd Boetticher

Message par someone1600 »

Un peu plus et tu me convainc d'aller dépenser les derniers dollars qui me restent pour acheter ce coffret, heureusement que certains des films, dont celui-la ont passé a TCM, je vais regarder ca bientot. :wink:

J'en déduis que ce sera surement ton coup de coeur dvd de l'année 2008. :D
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Jeremy Fox
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Re: Budd Boetticher

Message par Jeremy Fox »

someone1600 a écrit :
J'en déduis que ce sera surement ton coup de coeur dvd de l'année 2008. :D
Absolument et même plus : le coup de coeur de toute ma DVDthèque, le coffret à garder s'il ne devait m'en rester qu'un :wink:

Il me reste néanmoins à voir Buchanan rides alone
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Re: Budd Boetticher

Message par someone1600 »

C'est gros. :wink:

Ceci dit pour ma part, cette honneur revient a Hitchcock Masterpiece collection.
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Re: Budd Boetticher

Message par L'étranger... »

ca fait plaisir de lire ce que tu as écrit Jeremy vu que je pense plus ou moins la même chose (j'aime toujours autant les westerns de Mann, mais je n'arrive pas à le mettre dans la même catégorie que ceux de Boetticher), pour la peine je reposte mon classement Boetticher/Scott :

Le must :
Comanche Station
Ride Lonesome (La chevauchée de la vengeance)

Les excellents :
Seven men from now (Sept hommes à abattre)
Buchanan rides alone (L'aventurier du Texas)
Westbound (Le courrier de l'or)
Decision at sundown (Le vengeur agit au crépuscule)

Le sympathique :
The Tall T (L'homme de l'Arizona)

Après, j'aime énormément aussi : A feu et a sang et Le deserteur de Fort Alamo, j'aime beaucoup Le traître du Texas, j'aime bien L'expédition de Fort King (vu dans une mauvaise copie, j'attends de me trouver à pas cher le Sidonis) et j'espère découvrir un de ces jours Wings of hawk/Révolte au Mexique et A time to dying/Qui tire le premier et j'aurais vu tous ces westerns. :D
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Re: Budd Boetticher

Message par Jeremy Fox »

L'étranger... a écrit :, j'aime bien L'expédition de Fort King (vu dans une mauvaise copie, j'attends de me trouver à pas cher le Sidonis)
Attention, la copie Sidonis est exécrable, le plus mauvais DVD de l'éditeur.

Et oui je rêve aussi de découvrir Wings of Hawk mais par dessus tout son dernier western avec Audie Murphy qui possède une réputation plus que flatteuse mais qui, vu son échec, est devenu une vraie rareté.
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Re: Budd Boetticher

Message par L'étranger... »

Jeremy Fox a écrit :
L'étranger... a écrit :, j'aime bien L'expédition de Fort King (vu dans une mauvaise copie, j'attends de me trouver à pas cher le Sidonis)
Attention, la copie Sidonis est exécrable, le plus mauvais DVD de l'éditeur.
C'est pour ça que je le cherhce à pas cher, en tout cas, il sera toujours mieux que la vhs toute pourrite que j'ai.
Jeremy Fox a écrit :...par dessus tout son dernier western avec Audie Murphy qui possède une réputation plus que flatteuse mais qui, vu son échec, est devenu une vraie rareté.
Je suis sur le coup pour celui-ci, puisque je risque de me dénicher dans quelques semaines une copie en vost :wink: . :P
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Re: Budd Boetticher

Message par Jeremy Fox »

L'étranger... a écrit :
Je suis sur le coup pour celui-ci, puisque je risque de me dénicher dans quelques semaines une copie en vost :wink: . :P
Impatient de connaitre ton avis :)
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Re: Budd Boetticher

Message par Jeremy Fox »

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L'Aventurier du Texas (Buchanan Rides Alone) 1958

Un aventurier ayant participé à la révolution mexicaine décide maintenant de retourner dans son Texas natal pour s'y fixer. A la frontière, il s'arrête dans une petite ville dont le juge, le barman et le shérif sont de la même famille. Pour avoir pris la défense d'un mexicain venant de commettre un meurtre sur la personne du fils du juge, il se trouve malgré lui emporté dans un tourbillon de jeu de dupes entre les trois frères qui espèrent chacun récupérer la rançon que le riche père du criminel doit apporter en échange de la vie de son fils...

J'ai parlé à plusieurs reprises ces derniers jours d'une certaine filiation entre les westerns de Boetticher et ceux de Leone. Alors que dans les autres films, elle se situerait au niveau plastique, elle est encore plus flagrante ici mais cette fois plus dans le fond que dans la forme. Charles Lang a écrit un scénario à l'ironie constante et qui, avant Yojimbo, aurait très bien pu inspirer le réalisateur italien pour l'intrigue de Pour une poignée de dollars. En effet, le Buchanan de Randolph Scott, comme l'homme sans nom de Leone, se trouve coincé entre deux camps qu'il va petit à petit se faire entretuer. L'humour est sans cesse présent sans jamais faire sombrer le film dans la lourdeur ou le burlesque comme je l'ai lu ici et là ; c'est l'ironie constante et la répétition des situations qui est à son origine (le barman bedonnant et couard courant sans cesse d'un de ses frères à l'autre suivant 'le vent'). A côté de ça, le scénario, rocambolesque à souhait, est parfaitement bien mené, les scènes d'action ne manquent pas de punch et l'interprétation est globalement excellente que ce soit les premiers ou seconds rôles ; il s'agit vraiment d'une constante du cinéaste que de faire vivre autant de personnages sans en sacrifier un plus que l'autre.

Certainement pas aussi parfait que la plupart des autres films du cycle 'Ranown' mais déconcertant, extrêmement jouissif et fichtrement original par son ton. Surement une réévaluation à la revision. Finalement, ce "septet" est bien plus éclectique qu'on a l'habitude de le présenter par le fait que Burt Kennedy n'ait pas officié seul aux scénarios ; car si les 4 qu'il a signé se ressemblent beaucoup, il reste les trois autres films pour finir de rendre ce cycle d'une richesse inouïe au sein de l'histoire du genre, au moins aussi important que les séries Anthony Mann / James Stewart ou John Wayne/John Ford. Ce ne sont pas uniquement les sommets de la série B westernienne mais des chefs-d'oeuvre à l'égal des titres plus réputés de la série A : en ce qui me concerne, le must absolu de ce qui a pu se faire dans le genre. Il va falloir que j'approfondisse ça maintenant car le sujet me tient bigrement à coeur. Je suis reparti pour la revision des 11 westerns en ma possession dans leur ordre chronologique (avec chronique à la clé très certainement)


Mon ordre du cycle Randolph Scott :

1- Ride Lonesome : 10/10
2- Decision at Sundown : 9.5/10
3- 7 Men from Now : 9.5/10
4- Comanche Station : 9/10
5- The Tall T : 8/10
6- Buchanan Rides Again : 7.5/10
7- Westbound : 7.5/10 (ce dernier à revoir cependant à l'aune des 6 autres précédents)
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Re: Budd Boetticher

Message par Jeremy Fox »

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Le Courrier de l'or (Westbound - 1959) de Budd Boetticher
WARNER



Avec Randolph Scott, Virginia Mayo, Karen Steele, Michael Dante, Andrew Duggan
Scénario : Berne Giler
Musique : David Buttolph
Photographie : J. Peverell Marley (Warnercolor 1.85)
Un film produit par Henry Blanke pour la Warner


Sortie USA : 25 avril 1959


1864, en pleine Guerre de Sécession. Le Capitaine John Hayes (Randolph Scott), officier nordiste, se voit détaché de l'armée avec pour mission de reprendre son poste en tant que patron d'un réseau de diligence dans le Colorado, état non encore engagé dans le conflit mais acquis à la cause sudiste. Il devra s'assurer de la bonne marche des relais puisque les 'voitures' seront chargées d'or devant être acheminé jusque dans le camp de l'Union. Comprenant qu’il est le seul capable de mettre sur pied une telle organisation, il se rend dans sa petite ville de Julesburg où il compte établir son quartier général. Seulement, il ne reste rien de la compagnie Overland qu’il avait mis sur pied avant la Guerre Civile, son associé Clay Putnam (Andrew Duggan) ayant tout revendu. Confédéré dans l’âme, ce dernier ne compte surtout pas aider Hayes dans sa nouvelle mission pour renflouer les caisses de l’ennemi. Il a d’ailleurs désormais un autre motif de conflit avec son ex-collaborateur puisqu’il a épousé Norma (Virginia Mayo), anciennement fiancée à John avant que ce dernier ne devienne soldat. Quoiqu’il en soit, John ne pense désormais qu’à relancer le réseau de diligence et construit des relais un peu partout. Il fait diriger l’un d’entre eux par Rod Miller (Michael Dante), un soldat manchot qu’il a rencontré durant son voyage de retour et duquel il s’est pris d’amitié. Rod, ne pouvant plus s'occuper de tout avec un seul bras, sera secondé par sa jeune épouse, Jeannie (Karen Steele). Toute cette organisation ne se fera pas sans mal, les confédérés, avec à leur tête Clay Putnam (Andrew Duggan) et son inquiétant tueur à gages Mace (Michael Pate), faisant tout pour leur mettre des bâtons dans les roues...

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"In 1864 the War Between the States was at a stalemate. Gold, the lifeblood of both armies was running dangerously low: gold to buy guns, ammunition and equipment. For the North it meant increasing the flow of bullion from California, across three thousand miles of hazardous country . . . . For the South it meant stopping these gold shipments at all costs. Victory hung in the balance" voit-on défiler au générique de ce sixième western de l’association entre Randolph Scott et Budd Boeticher. Le postulat historique de départ est donc assez intéressant : alors que le Nord a besoin d’or pour continuer à se fournir en armes, munitions et équipements divers, le Sud doit au contraire empêcher les cargaisons d’arriver à destination afin que le camp ennemi ne soit pas suréquipé face aux Confédérés qui commencent à être sacrément démunis. L’or provenant de Californie, son parcours pour arriver jusqu’aux Yankees devant passer à travers des états du Sud, son acheminement et son convoyage jusqu’à destination vont s’avérer plein de dangers ; en effet les Sudistes vont mettre tout en œuvre pour saboter la compagnie de diligence mise en place à cet effet ; ils vont incendier les différents relais, voler les chevaux, attaquer les voitures… Tout celà s'annonçait sacrément trépidant et effectivement le spectateur en aura eu pour son argent niveau action. Ceci étant, Sudistes contre Nordistes dans un État pas encore engagé dans la Guerre Civile, mise en place d’une ligne de diligence… rien de très novateur ni de très original mais, contrairement à ce qu’on a souvent dit, un scénario parfaitement bien agencé et efficacement écrit, réussissant en seulement 66 minutes à faire vivre tout un panel de personnages assez denses.

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Car Le Courrier de l’or est loin d’être un mauvais film même si Budd Boetticher lui-même n’en était pas très satisfait, loin de là même, parlant à son propos de désastre ! "As far as my films with Randolph Scott are concerned, I have never included Westbound, which in my opinion could have continued right on into the Pacific Ocean. Westbound was a mission of rescue, nothing more. It wasn't until after the third picture with Randy that I was told he had one more contractual obligation at Warner Brothers, and I considered that a disaster” écrira t’il. Effectivement Le Courrier de l'or ne fait pas partie du cycle Ranow financé par Harry Joe Brown pour la Columbia mais a été produit pour la Warner qui, comme je l’ai déjà répété à maintes reprises, aussi génial le studio fût, aura néanmoins été le vilain petit canard dans le domaine du western (à quelques exceptions près bien évidemment, à commencer par les célébrissimes The Searchers – La Prisonnière du désert de John Ford ou Rio Bravo de Howard Hawks). "Vous n'aimez pas Westbound à cause du script" disait le cinéaste à Bertrand Tavernier (entretien repris dans le superbe pavé de ce dernier, le passionnant ‘Amis américains’) ? "Moi non plus. Ce n'était pas un bon scénario, un des rares qui n'ait pas été écrit par Burt Kennedy. Mais j'avais un contrat avec la Warner et je devais faire ce film pour pouvoir faire Legs Diamond. Michael Pate était bien, mais il ne pouvait être comparé à Lee Marvin, Richard Boone ou Claude Akins". Burt Kennedy fût certes le complice idéal de Boetticher, mais il ne faudrait pas non plus oublier aussi vite que Charles Lang ou Louis Stevens lui écrivirent des scénarios tout aussi aboutis, celui absolument génial de Decision at Sundown (Le vengeur agit au crépuscule) pour le premier ainsi que du Traitre du Texas (Horizons West) pour le second.

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Ce n'est donc pas l'absence de Burt Kennedy qui devrait pousser le travail de Berne Giler à être voué aux gémonies. Il avait déjà quelques années auparavant écrit celui de l’intéressant Showdown at Abilene (Les Dernières heures d’un bandit) de Charles Haas avec Jock Mahoney, avant de faire se dérouler le reste de sa carrière quasi-exclusivement pour la petite lucarne. Le fait d’arriver à nous tenir en haleine sans aucun coups de mou et de réussir à brosser le portrait de plus de cinq personnages intéressants en moins de 70 minutes me prouve que le script qu’il écrivit pour Westbound est loin d’être médiocre. Randolph Scott, avec sa classe habituelle et son charisme coutumier, incarne un officier de cavalerie à qui l’on demande de reprendre son métier civil afin de remettre en route une ligne de diligence destinée à acheminer de l’or aux troupes Nordistes. D’abord réticent, il s’acquitte de sa mission, comprenant qu’il aiderait mieux son camp de la sorte qu’en se trouvant au milieu des combats. Homme droit, loyal et profondément humain, John Hayes est un personnage bien plus monolithique et donc bien moins ambigu que les autres protagonistes interprétés par le comédien pour le cinéaste au sein des cinq westerns ayant précédés ; c’est une des probables raisons pour laquelle le scénario a été critiqué en comparaison de ceux de Charles Lang ou Burt Kennedy. Ce n’est franchement pas vraiment dérangeant ici, n’étant pas désagréable de temps en temps de tomber sur un héros pur et dur, d’autant que Randolph Scott est toujours très à l'aise dans la peau de personnages de ce style. Laconique, peu avare de punchlines bien senties, habile au maniement des armes (sa façon de recharger un fusil d’une main est jubilatoire), mais également capable d’affection et de sourires, John Hayes est typique du genre d’homme courageux et intrépide pour lequel les aficionados du genre dès leur plus jeune âge ont dû avoir un jour ou l'autre envie de ressembler. Son amitié pour le manchot et son épouse, ses relations avec son ex-fiancée sont assez touchantes et parfaitement bien décrites, avec toujours des dialogues et réparties qui font mouche par leur concision.

Norma Putnam (Virginia Mayo) : “Why didn't you write to me?”
Capt. John Hayes (Randolph Scott) : “Would it have made any difference?”
Norma Putnam : “Might have”
Capt. John Hayes : “My bad luck”

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Le soldat revenu du front avec un seul bras, c’est Michael Dante, comédien un peu fade mais néanmoins ici assez convaincant. Répétant à maintes reprises qu’il n’est plus qu’un demi-homme, il sera soutenu par son aimante compagne interprétée par la femme du réalisateur à l’époque, déjà à l’affiche du sublime Ride Lonesome (La Chevauchée de la vengeance), la blonde Karen Steele dont la première apparition au milieu de ses champs, labourant la terre et voyant revenir son mari du front est inoubliable. Un couple très attachant en tout cas comme celui constitué par Virginia Mayo et l’excellent Andrew Duggan, comédien déjà à l’affiche de Decision at Sundown. Clay Putnam est le principal ennemi de Hayes ; ancien associé, il ne souhaite plus désormais travailler à ses côtés. Ses sincères penchants politiques l'ayant porté à soutenir la cause des Sudistes, il est non seulement opposé à son ancien 'collègue' du fait de se trouver dans le camp adverse au sein du conflit meurtrier qui se déroule, mais également par le fait d’avoir épousé la femme que Hayes aimait avant de s’enrôler dans l’armée. Putnam est très certainement le personnage le plus riche du film. Non seulement en conflit avec son ex-associé, il s'oppose également à son homme de main à propos des méthodes à employer pour réussir à déstabiliser les transports d’or destinés à l’Union. Il aura d'intenses problèmes de conscience en apprenant qu’il y a eu des morts pour se faire, y compris une mère et sa petite fille, s’enivrera de dépit pour avoir perdu toute dignité, obsédé par le mal qu’il a causé malgré lui, et tentera vainement de s’en expliquer à son épouse qui continue à l’aimer malgré le fait qu’elle soit elle aussi en total désaccord avec la tournure que prennent les choses. Cela donnera lieu à une séquence vraiment très puissante et poignante entre les deux époux qui aura pour conclusion une envie très forte de repentance, à tel point que Clay pourrait y sacrifier sa vie : le fera t’il ou non ? Je ne vais quand même pas éventer toutes les surprises du scénario !

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Virginia Mayo n’a qu’un temps de présence limité à l’écran mais toutes ses séquences sont formidablement réussies. Les deux personnages féminins auront d'ailleurs tous deux été extrêmement intéressants et attachants au sein de ce film d’hommes. Reste Michael Pate qui, à l’instar de Randolph Scott mais dans le camp opposé, se sera vu attribuer un rôle très basique sur le papier mais sacrément réjouissant, celui de Mace, un de ses ‘Bad Guy’ que l’on se plait à haïr. Il tenait déjà un rôle tout à fait similaire, toujours face à Randolph Scott, dans la bon western urbain réalisé par Joseph H. Lewis, Ville sans loi (A Lawless Street). Tout de noir et de cuir vêtu, il est ici aussi inoubliable qu’impitoyable, se fichant comme d’une guigne de la cause défendue par son patron, l’argent étant sa seule motivation au point de n’avoir aucun scrupules à tuer tout ceux qui l'empêcheront d’en amasser encore plus.

Clay Putnam (choqué que ses hommes aient tué une petite fille et sa mère) : “And to think this happened in the name of the Confederacy!”

Mace : “Whether the South wins or loses means nothing to me - never has!”

A part ça concernant le casting, assez peu de seconds rôles à se mettre sous la dent (à l'exception du tenancier du relais anti-unioniste et du pittoresque conducteur de diligence), le réalisateur, comme à son habitude, se contentant de s'appesantir que sur une petite poignée de personnages.

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Sur la forme, le film est tout aussi (voire même bien plus) réjouissant. L’habituellement médiocre David Buttolph signe peut-être son thème le plus entêtant, celui qui revient très régulièrement à chaque fois que l’on assiste à une séquence d'une diligence caracolant et qui rappelle par certains côtés la mélodie guillerette devenue très célèbre de Stagecoach (La Chevauchée fantastique) ; un ton très folâtre qui contraste avec la noirceur de l’ensemble qui arrive surtout à mi-parcours à partir du moment où l’un des personnages principaux se fait tuer (son agonie se déroulant intégralement en hors-champ, ce qui n’est pas banal). J.Peverell Marley nous délivre une photographie magnifique, témoin cette longue séquence au cours de laquelle Randolph Scott et Michael Dante, sous une pluie battante, partent délivrer des chevaux. Quant à la mise en scène de Budd Boetticher, rien à en redire une fois de plus, mais au contraire de multiples raisons de s'extasier devant sa perfection et son évidence ; c’est carré, simple et efficace à l’exemple de la scène de l’attaque de la diligence qui se terminera tragiquement pour ses occupants et qui débutait par un plan de la voiture reprenant la route alors qu’un groupe de cavaliers se détachait d'une façon très menaçante en haut de la colline. Ce qui est encore plus étonnant, c'est que malgré la très courte durée de son western, le réalisateur prend malgré tout son temps pour laisser durer certains plans sans que ça ne casse jamais le rythme de son film, lui donnant au contraire une respiration très agréable : comme pour tous ses films, il n'hésite pas à intégrer des plans assez longs sur des cavaliers chevauchant au sein des magnifiques paysages qu'il a à sa disposition ; et ceci est très plaisant d'autant que sa science du cadrage n'est plus un secret pour personne.

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Pour résumer, même s’il est évident que son scénario est bien plus conventionnel et moins original que ceux que Burt Kennedy et Charles Lang ont écrit à la Columbia, Westbound est pourtant donc très loin d'être un film médiocre comme on l'a souvent qualifié. Au contraire ! Boetticher, en à peine 66 minutes, nous prouve qu'il est toujours au top avec seulement 20 jours de tournage et un ridicule budget d’un demi million de dollars. Ca file à 100 à l'heure sans pourtant oublier la romance, l'humour et la réflexion sur l'éthique et l'honneur. Les personnages sont tous plus ou moins intéressants, que ce soient les protagonistes féminins (Virginia Mayo et surtout Karen Steele, épouse du cinéaste à l'époque, et formidable actrice) ou masculins (notamment Andrew Duggan) et Randolph Scott possède toujours autant de classe. Pas une seconde de répit, des séquences mouvementées particulièrement spectaculaires qui devraient faire rougir beaucoup de cinéastes cantonnés dans le film d'action, d'abruptes éclairs de violence, des décors naturels toujours aussi bien mis en valeur par les cadrages et la photographie, cette attention toute particulière aux chevaux et toujours aussi ce lot de petits détails inhabituels qui renforcent la richesse et le statut unique des westerns de Budd Boetticher. Effectivement mineur au sein de son exceptionnelle filmographie mais un autre exemple de sa redoutable efficacité, de son génie de la concision et, n'ayons pas peur d'être dithyrambique, de son génie tout court. Pour l’anecdote, c’est dans une salle de cinéma diffusant ce western que Jean-Paul Belmondo se rend dans A bout de souffle de Jean-Luc Godard. Il s'agit certes du moins bon Scott/Boetticher ; mais vu les sommets qu'a atteint ce corpus, est-ce que ça veut dire grand chose ?!

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Re: Budd Boetticher

Message par Boubakar »

Jeremy Fox a écrit :Le Courrier de l'or (Westbound) 1959 WARNER
Il existe en dvd ? (je ne l'ai pas vu en Z1)
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Re: Budd Boetticher

Message par Jeremy Fox »

Boubakar a écrit :
Jeremy Fox a écrit :Le Courrier de l'or (Westbound) 1959 WARNER
Il existe en dvd ? (je ne l'ai pas vu en Z1)
Non mais il passe très souvent sur TCM
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