Raoul Walsh (1887-1980)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Filiba
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Filiba »

Jeremy Fox a écrit :
TheDeerHunter a écrit :Je suis triste. A force de découvrir des réalisateurs, je me rend compte que Walsh baisse dans
mon estime.

Non là, je crois que c'est grave :( . Je fais appel à un fan absolu de Walsh pour me requinquer :D

J'aurais du mal à te requinquer car Walsh a aussi beaucoup baissé dans mon estime ces dernières années ; cependant, parmi les 10 chefs-d'oeuvre que je lui attribue (ce qui est quand même sacrément bien).........
Ben oui, reprenez vos esprits : il a beaucoup tourné mais il nous laisse plus de chefs d'oeuvres que ...... ou bien ....... pourtant adorés par la critique bien pensante (remplissez les vides à votre convenance)
pour ma part
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AtCloseRange
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par AtCloseRange »

Filiba a écrit :
Jeremy Fox a écrit :

J'aurais du mal à te requinquer car Walsh a aussi beaucoup baissé dans mon estime ces dernières années ; cependant, parmi les 10 chefs-d'oeuvre que je lui attribue (ce qui est quand même sacrément bien).........
Ben oui, reprenez vos esprits : il a beaucoup tourné mais il nous laisse plus de chefs d'oeuvres que ...... ou bien ....... pourtant adorés par la critique bien pensante (remplissez les vides à votre convenance)
pour ma part
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T'as bien raison. Surtout pour .......
jacques 2
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par jacques 2 »

AtCloseRange a écrit :
Filiba a écrit :
Ben oui, reprenez vos esprits : il a beaucoup tourné mais il nous laisse plus de chefs d'oeuvres que ...... ou bien ....... pourtant adorés par la critique bien pensante (remplissez les vides à votre convenance)
pour ma part
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T'as bien raison. Surtout pour .......
Certes, mais faudrait quand même pas oublier non plus .......
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allen john
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par allen john »

Sadie Thompson (Raoul Walsh, 1927)

Adapter la pièce Rain, elle même dérivée d'une nouvelle de W. Somerset Maugham, était un défi à la censure: en 1926, Lillian Gish avait réussi à faire en sorte que la MGM, sous la houlette d'Irving Thalberg, se lance dans une version d'un roman pourtant classique, The scarlet letter, de Nathaniel Hawthorne. Il avait fallu batailler, et c'est avec toute la ténacité qui la caractérisait que l'actrice avait finalement obtenu gain de cause: The scarlet letter parlait d'un adultère, vécu et assumé comme un amour. Sadie Thompson de son coté allait irriter les ligues de décence en présentant le couple habituel de la jeune femme "perdue" et du réformateur religieux, mais en donnant un point de vue inédit.

Le film a pu se faire, sans doute d'une part parce que par rapport à la pièce initiale, des modifications ont été acceptées... ensuite parce que le système de censure des studios Américains, chapeauté par un fantôche, n'était peut-être pas si drastique. Sadie Thompson est une jeune femme qui vient de San Francisco pour travailler dans une île des mers du Sud; elle est assez clairement venue des bas-quartiers, porte des tenues vulgaires, et semble éprise de sa propre liberté. Elle débarque pour une escale sur une autre île en même temps que deux couples, les Horn, de paisibles touristes tolérants et compréhensifs, et les Davidson, un pasteur rigoureux et sa femme, tous deux obsédés par le péché au point d'en faire de salaces cauchemars. Bien sur, Sadie est empêchée de se rendre à sa destination, le bateau devant l'emporter étant mis en quarantaine. Elle doit donc attendre son départ en cohabitant avec le pasteur qui ne tarde pas à l'accabler de tous les maux du monde. Elle trouve un certain réconfort auprès des soldats de la base Américaine proche, en particulier le sergent O'Hara, en qui elle trouve vite l'âme soeur, au point que celui-ci lui propose vite le mariage, afin qu'elle puisse refaire sa vie. Mais c'est compter sans le pasteur Davidson, qui a décidé d'empoisonner la vie de la jeune femme...

Sadie Thompson est-elle une prostituée? Peu importe, mais pour Davidson, c'est une évidence: elle fume, boit, se complait dans la promiscuité masculine... Gloria Swanson incarne avec génie un personnage défini à travers un cocktail de comportements aujourd'hui plus pittoresques que scandaleux, mais l'intérêt, c'est que pour Sadie comme pour O'Hara, il semble qu'il n'y ta là rien de foncièrement immoral. Sadie provient de quartiers de San Francisco ou elle a subi la tyrannie des hommes, qui l'ont prostituée, ou associée malgré elle à des manigances criminelles. Cela importe pu, donc, car ce qui est important, c'est que pour Davidson, incarné par un Lionel Barrymore génial, elle porte sur elle tous les stigmates de la "femme perdue". Le film est de fait une attaque en rêgle de ces hypocrites et réformateurs de tout poil, et se sert de cette image de femme transcendée par un père-la-pudeur en réalité obsédé par sa propre concupiscence...

Walsh, qui interprète le sergent O'Hara, nous donne ainsi plusieurs points de vue croisés, au lieu de se contenter du point de vue moraliste du mélodrame à la Griffith. Et de fait, entre O'Hara, qui comprend instictivement que Sadie et lui viennent du même type d'environnement, et Horn qui apprécie peu l'aveuglement de Davidson, ou Sadie elle-même qui fait comprendre au public qu'elle a subi beaucoup de la part des hommes, c'est le procès des idées reçues qui est fait ici. Les "filles perdues" ne le sont pas de leur propre fait, et ce prédicateur aveugle qui voue Sadie à l'enfer fait fausse route. Plus grave, il rejoindra à la fin du film la liste des hommes qui ont fait du mal à Sadie, après avoir réussi à l'embrigader dans sa croisade... Barrymore joue le rôle tout entier, en prêtant son physique qui était encore modulable à cet inquiétant personnage. Walsh joue sur sa stature, en le présentant de dos, face à un O'Hara de face: le message est clair, le loup avance masqué... Et il prolonge ce type de plan qui joue sur l'anatomie en montrant Sadie aux pieds du prédicateur, peu de temps avant ce qui est bien un viol; elle est soumie, mais il va aller trop loin. Le titre de la pièce a donc changé, afin d'éviter les foudres de la censure, mais le territoire ou se situe l'action est balayé du début à la fin du film par une pluie battante, qui s'insinue en permanence dans les vêtements des personnages, qui dicte aussi les comportements, comme cette jolie scène ou O'Hara et Sadie se découvrent, elle juchée sur les épaules du gaillard pour éviter les flaques d'eau... La pluie devient une métaphore de l'inéluctabilité sensuelle des sentiments, ceux des deux amoureux, mais aussi hélas, ceux plus troubles de l'homme qui est censé incarner une certaine moralité.

Le film est l'un des chefs d'oeuvre de Walsh, au même titre que Regeneration, The roaring twenties ou White heat. Il est le portrait d'une femme mise en marge, qui demande la reconnaissance mais n'aime pas qu'on la contraingne à la mendier; elle est vue ici en être humain, par un réalisateur qui a non seulement décidé de ne pas la juger, mais qui va jusqu'à interprétéer un homme qui tombe fou amoureux d'elle, sans aucune condition, et qui va l'assumer la tête haute. Un geste symbolique de la part d'un des réalisateurs les plus attachants et les plus humains d'Holywood, pour un film qui présente Gloria Swanson dans son plus beau rôle muet, c'est dire... Hélas, le film est partiellement perdu, la dernière bobine n'ayant pas été retrouvée. La reconstitution qui en est disponible permet au moins de se faire une idée pertinente du film, mais on enrage de ne pas en avoir l'intégralité.

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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par feb »

Merci pour cette critique allen john :wink:
allen john a écrit :...pour un film qui présente Gloria Swanson dans son plus beau rôle muet, c'est dire...
Je crois que tu n'es pas loin de la vérité avec l'excellent Manhandled :wink:
Hélas, le film est partiellement perdu, la dernière bobine n'ayant pas été retrouvée. La reconstitution qui en est disponible permet au moins de se faire une idée pertinente du film, mais on enrage de ne pas en avoir l'intégralité.
Le syndrome Queen Kelly. Rageant surtout que la miss Swanson n'a jamais aussi belle que dans ce rôle, et ce, quelque soit le personnage...
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...Joan Crawford ne peut pas rivaliser avec elle surtout sur le personnage de la Sadie "vulgaire".
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Ann Harding »

Tommy Udo a écrit :
Ann Harding a écrit :Le Cohen Group a racheté il y a peu la Collection Rohauer qui contient pas mal de grands muets. Et j'ai trouvé l'info de la sortie DVD sur Nitrateville:
Il y a moyen de trouver quelque part la liste de cette collection Rohauer pour voir quels films seraient susceptibles de voir le jour en BR ?
Le Cohen Media Group vient de mettre en ligne son catalogue en pdf. Il y a beaucoup de choses. :shock:
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Jeremy Fox
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Jeremy Fox »

Le voleur de Bagdad s'invite sur le site
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par feb »

:shock: allen john s'est fait plaisir, merci à lui :wink:
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par allen john »

feb a écrit ::shock: allen john s'est fait plaisir,


Oui :D

feb a écrit :merci à lui :wink:
C'est tout naturel, voyons. :mrgreen:
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Abronsius »

On ne l'arrête plus !!!
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par allen john »

Abronsius a écrit :On ne l'arrête plus !!!
Oui, à moi aussi, il me fait peur...
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Profondo Rosso »

Une femme dangereuse (1940)

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Joe Fabrini (George Raft) et Paul Fabrini (Humphrey Bogart) sont deux frères routiers qui travaillent dans la région de San Francisco. Endettés, ils ont du mal à s'en sortir et finir de payer leur camion, et de nombreuses contrariétés ne les y aident pas. Un jour cependant, Joe trouve du travail dans l'entreprise d'Ed Carlsen (Alan Hale). Tout semble aller mieux pour lui, le travail lui plaît, tout comme la jolie Cassie (Ann Sheridan) dont il devient vite très épris. Mais, Lana (Ida Lupino), la femme de son patron, tombe amoureuse de Joe.

They Drive By Night est un film important concernant l'étape qu'il marque pour son casting. George Raft en campant un travailleur ordinaire se détache enfin de son image de dur à cuir issue de ses nombreux films de gangsters des années 30. Humphrey Bogart malgré un rôle secondaire impose déjà son charisme et rencontre là le réalisateur et la partenaire féminine (Ida Lupino) qui sauront le mettre en valeur dans son film suivant La Grande évasion (1941) qui fera enfin décoller sa carrière après des années de vaches maigres. Enfin et surtout Ida Lupino crève l'écran en femme fatale rongée par la folie, l'actrice anglaise étant enfin reconnue par Hollywood où elle s'est exilée depuis 1935.

Le film est un curieux mélange de film noir et de social, une assez rigoureuse description du milieu routier laissant place à une pure intrigue criminelle dans sa seconde partie. Ce croisement inattendu vient en fait de la Warner à la production qui mêle là le cadre ouvrier du roman de A. I. Bezzerides The Long Haul paru en 1938 ici adapté avec un l'argument policier de Ville frontière (1935) de Archie Mayo et qui marquait l'ascension de Betty Davis à la Warner. Assez ironiquement, Ida Lupino reprend le rôle tenu par Betty Davis, elle qui fut engagé par le studio pour constituer une alternative à une Davis jugée trop capricieuse. Le talent et l'efficacité légendaire de Raoul Walsh fait idéalement le lien entre ces deux sources pour nous offrir un film limpide et sans temps mort. La première partie nous dépeint la rude vie de routier et la quête de réussite acharnée des frères Joe (George Raft) et Paul (Humphrey Bogart) Fabrini, bien décidé à monter leur affaire de transports malgré tous les obstacles qui se placent sur leur route. Entre autre les patrons véreux peu pressés de régler leur dettes, un usurier acharné cherchant à leur retirer leur camion et bien sûr l'épuisement qui n'est jamais loin face aux cadences insensées à tenir. Tout cela est bien mené et truffé de moments qui rendent immédiatement le duo attachant (la façon dont ils récupèrent leur dû, la rencontre avec Ann Sheridan) tandis qu'une brève rencontre avec une vénéneuse Ida Lupino annonce la rupture de ton du deuxième acte.

Un accident met hors-circuit pour un temps l'affaire des héros et Joe doit faire face aux assauts de la femme du patron incarnée par Ida Lupino. Celle-ci s'empare totalement du film par sa prestation hallucinée. Littéralement dévorée par son désir ardent pour George Raft, l'actrice semble constamment sous tension par ses postures et regard provocant, ses tenues extravagantes. Un désir inassouvi qui confine à la folie pure dans un final marquant notamment cette scène de tribunal où le visage de Lupino n'est plus qu'un masque déformé de pure démence. Même s'il y avait un vrai grand film à tirer de l'option "tranche de vie du monde des routiers" amorcé en premier lieu le mélange détone et permet de savourer la grande interprétation d’Ida Lupino, bon film ! 4,5/6
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par someone1600 »

Jeremy Fox a écrit :Le voleur de Bagdad s'invite sur le site
tres tres interessant ! comme d habitude . ;-)
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Strum »

Découverte il y a quelques jours de La Fille du Désert (Colorado Territory - 1949) de Walsh - c'est un très grand western, le meilleur de son auteur sans doute avec La Charge Fantastique. Rapidité de la mise en place, rigueur des cadrages, personnages qui se laissent débordés par leurs passions ou leurs desseins, puissance émotionnelle de la fin où l'accélération du montage concorde avec le déroulement inéluctable du drame qui tient en deux ou trois plans : Le meilleur de Walsh est là.

Les années 40 furent décidément la décade prodigieuse de Walsh, durant laquelle il réalisa tous ses meilleurs films : Gentleman Jim, La Charge Fantastique, Aventures en Birmanie, La Vallée de la Peur, Colorado Territory et bien sûr L'Enfer est à lui.
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par AtCloseRange »

Strum a écrit :Découverte il y a quelques jours de La Fille du Désert (Colorado Territory - 1949) de Walsh - c'est un très grand western, le meilleur de son auteur sans doute avec La Charge Fantastique. Rapidité de la mise en place, rigueur des cadrages, personnages qui se laissent débordés par leurs passions ou leurs desseins, puissance émotionnelle de la fin où l'accélération du montage concorde avec le déroulement inéluctable du drame qui tient en deux ou trois plans : Le meilleur de Walsh est là.

Les années 40 furent décidément la décade prodigieuse de Walsh, durant laquelle il réalisa tous ses meilleurs films : Gentleman Jim, La Charge Fantastique, Aventures en Birmanie, La Vallée de la Peur, Colorado Territory et bien sûr L'Enfer est à lui.
Je suis d'accord avec ton constat sur Walsh même s'il faut que je revoie cette Fille du Désert (pas revu depuis le Ciné-Club il y a 25 ans).
Pour l'avoir revu récemment, j'ai juste toujours un peu de mal avec la Vallée de La Peur dont l'aspect psychologisant/psychanalytique me semble avoir plus mal vieilli.
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