Robert Bresson (1901-1999)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Strum
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Re: Robert Bresson (1901-1999)

Message par Strum »

Pour ma part, je n'ai vu que quatre films de Bresson. Dans l'ordre : Pickpocket, Les Dames du Bois de Boulogne, Au Hasard Balthazar et tout récemment Un Condamné à mort s'est échappé (Le vent souffle où il veut).

J'ai détesté Au Hasard Balthazar, dont j'ai parlé plus haut dans ce topic ; un film sec et muet comme un désert, le film d'un pays de souffrances où nul vent ne souffle.

Pickpocket et Un Condamné à mort s'est échappé sont de très bons films. Dans sa description des préparatifs d'une évasion, le second est il est vrai souvent passionnant. Un peu de vent souffle cette fois sur les terres arides de ces deux films (pour continuer de filer l'image du vent soufflant utilisée par Bresson et tirée de l'Evangile de Jean). Mais que d'épreuves et de sécheresses il faut endurer pour l'entendre et le sentir ce vent de la liberté humaine, et encore seulement en de rares moments !

Par rapport à ces deux derniers films, Les Dames du Bois de Boulogne est sans aucun doute un film moins maitrisé, mais j'y trouve peut-être plus de vie - ce que Bresson désigne comme de "l'ornement", je le perçois comme la vie et la beauté au cinéma.

Au final, et pour ce que j'en ai vu, je n'aime pas beaucoup le cinéma de Bresson, sans doute parce que ma sensibilité ne s'y accorde pas.
homerwell
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Re: Robert Bresson (1901-1999)

Message par homerwell »

Voici la filmographie de Bresson retranscrite à partir de Wikipédia :

* 1934 : Les Affaires publiques (court métrage aujourd'hui invisible selon le vœu du cinéaste. Une copie est néanmoins conservée par la Cinémathèque française.)
* 1943 : Les Anges du péché
* 1945 : Les Dames du Bois de Boulogne
* 1951 : Journal d'un curé de campagne
* 1956 : Un condamné à mort s'est échappé (ou Le vent souffle où il veut)
* 1959 : Pickpocket
* 1962 : Procès de Jeanne d'Arc
* 1966 : Au hasard Balthazar
* 1967 : Mouchette
* 1969 : Une femme douce
* 1971 : Quatre nuits d'un rêveur
* 1974 : Lancelot du Lac
* 1977 : Le Diable probablement
* 1983 : L'Argent


Je viens de découvrir "Les dames du bois de Boulogne"; juste après avoir vu "Le diable probablement". Presque un grand écart ! Et je finis ainsi un cycle comprenant tout ce que l'on peut trouver en dvd sur ce réalisateur. Finalement, la carrière de Bresson réalisateur donne l'impression d'un long combat pour obtenir un idéal de sécheresse, tendre vers l'essentiel en adoptant un langage propre au cinéma et qui le distinguerait de tous les autre arts. Peut-être est-ce un peu vain ?

En tout cas, mon intérêt et mes appréciations sur ses films (pour ce que j'en ai vu), sont d'abord très élevés et s'écroulent à partir de la fin des années 60.

"Les dames du bois de Boulogne" m'a beaucoup plu par son aspect littéraire, par les dialogues très écrits et par la justesse de chaque mot. Et la caméra suggère déjà beaucoup de sous-entendus, soulignant sans ostentation tandis qu'on imagine déjà Bresson luttant contre les tics de jeu de ses acteurs professionnels.
Strum a écrit :J'ai détesté Au Hasard Balthazar, dont j'ai parlé plus haut dans ce topic ; un film sec et muet comme un désert, le film d'un pays de souffrances où nul vent ne souffle.
Pessimiste et désespérant, il y souffle pourtant un vent de poésie visuelle rarement atteint. Et aussi le vent d'une certaine clairvoyance, les ânes sont toujours aussi mal traités. Je ne pense pas avoir compris tous les sous-entendus du film mais peut être des lectures et une re-vision parachèveront ma grande opinion pour "Au hasard Balthazar".
Joe Wilson
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Re: Robert Bresson (1901-1999)

Message par Joe Wilson »

Une femme douce

Le lien entre l'épure, la rigueur du cinéma de Bresson et le bouillonnement intérieur de Dostoïevski semble d'abord fragile. Le jeu un peu forcé du personnage masculin, la pâleur des décors, une certaine pesanteur dans le récit provoquent un sentiment de malaise, une frustration. L'étouffement d'une certaine rigidité.
Mais au fur et à mesure que la tension se noue (un homme perdu, puits de contradiction entre une froideur intéressée et un dévouement amoureux maladroit...confronté au suicide de sa femme), Bresson libère davantage sa mise en scène, qui se confronte avec rage à la concision de la nouvelle. Par le poids des regards, le drame d'une absence à soi-même, l'impuissance à saisir le vertige de l'être aimé...des instants restent en mémoire : l'expression d'une détresse mêlée à une soif de vie fébrile et sans ressources.
C'est avant tout le film de Dominique Sanda, saisissante pour ses débuts : la pureté de son visage, sa démarche presque irréelle fascinent dans leur angoisse poignante. La beauté de ses traits devient le masque d'une sensibilité asséchée. Pour qu'au final reste la sensation d'une incompréhension et d'une révolte.
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Anorya
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Re: Robert Bresson (1901-1999)

Message par Anorya »

Comment tu as pu le voir ? :o
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Joe Wilson
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Re: Robert Bresson (1901-1999)

Message par Joe Wilson »

Téléchargement (puisqu'en effet, il n'est pas accessible en dvd). :wink:
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Rupert Pupkin
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Re: Robert Bresson (1901-1999)

Message par Rupert Pupkin »

cette copie qui "circule" est plutôt pas mal et me fait regretter d'autant plus qu'aucun éditeur (même Criterion qui apparemment n'en a pas les droits :cry: ) ne va sortir ce film en DVD.
Dominique Sanda est effectivement superbe dans ce film.
La circulation de l'argent, ou plutôt sa transformation est terrible et implacable- peut-être encore plus terrible que dans l'Argent (car tout se convertit en argent dans le film; en témoignent les illustrations du livre de squelettes d'animaux que feuillette "Elle" (D.Sanda) au début du film et sa remarque sidérante. Il me semble que c'était le premier film en couleur de Bresson ( :?: ) En tout cas c'est le premier que j'ai vu en couleur.
Je donnerais cher pour le revoir dans de bonnes qualités. Je l'avais vu au ciné et ce fut pendant longtemps mon film préféré de Bresson tout juste derrière Pickpocket. Je me rappelle avoir pensé à pas mal de films en le voyant : le Bonheur d'Agnès Varda (pendant tout le début du film), La dentellière, et bien d'autres...
Comprends pas qu'Mk2 ne l'ait pas encore sorti; menfin ça doit être encore une histoire de droits...
Joe Wilson
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Re: Robert Bresson (1901-1999)

Message par Joe Wilson »

C'est bien le premier film en couleurs de Bresson, ce qui lui offre l'occasion de scruter encore davantage la pâleur des visages, la fragilité des traits. La couleur renforce dans Une femme douce une dimension mortifère, implacable sans doute...même si dans le vertige du regard, il reste la trace d'un défi.
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Boubakar
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Re: Robert Bresson (1901-1999)

Message par Boubakar »

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Lancelot du Lac (1974)

Même si je suis un peu moins séduit que lors de la vision de Procès de Jeanne d'Arc, ça reste un très beau film.
Ici, on découvre un Robert Bresson qui se situe dans l'action, avec les duels de joutes, et la romance interdite entre Lancelot et Guenièvre, et le complot de Mordred pour le faire destituer auprès de la cour. Plus que la mise en scène, c'est surtout le traitement du son que je trouve impressionnant, où chaque bruit semble avoir son importance, avec la présence constante des hommes en armure, et le hennissement des chevaux. D'ailleurs, les personnes ne parlent pas très fort, et, signe de pureté (?), Guenièvre parle encore plus faiblement.
D'ailleurs, la relation entre le couple adultère est peut-être ce qu'il y a de plus beau dans le film, avec le fait que l'homme et la femme se regardent très peu dans les yeux, ayant un regard fuyant, comme si ils n'assumaient pas leur relation (d'ailleurs, Guenièvre ira jusqu'à se refuser à lui quand il commence à la déshabiller).

Ici, le rythme est (un peu) plus soutenu que d'habitude fait que c'est très agréable à suivre, avec une fin assez surprenante (aucun générique de fin, ça coupe direct pour revenir au menu du dvd), mais il y a une atmosphère (et le fait que je sois intéressé depuis que je suis petit à tout ce qui entoure le Graal) et un traitement des personnages rendant le tout très intéressant. Mais, bien que ce soit un film de Major (c'est produit par Gaumont et Jean Yanne :shock: ), on retrouve le style de Bresson ; aucun acteur connu, pas de musique "extérieure", des plans parfois lancinants (voire très beaux sur la chute d'un cheval), mais ça reste accessible.
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Re: Robert Bresson (1901-1999)

Message par Alisou Two »

il est fort regrettable que 2 films de Bresson ne soient jamais diffusés
UNE FEMME DOUCE LES 4 NUITS D'UN REVEUR (malgré l'intégrale il y a quelques années qur cinéclassics)
un coffret dvd serait le bienvenu
Federico
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Re: Robert Bresson (1901-1999)

Message par Federico »

Alisou Two a écrit :il est fort regrettable que 2 films de Bresson ne soient jamais diffusés
UNE FEMME DOUCE LES 4 NUITS D'UN REVEUR (malgré l'intégrale il y a quelques années qur cinéclassics)
un coffret dvd serait le bienvenu
Je ne sais pas ce qu'il en est des chaînes payantes, mais en règle générale, les télédiffusions de films de Bresson sont une peau de chagrin et les rares qui passent (et encore...) sur les chaînes classiques sont à peu près toujours les mêmes (Pickpocket, Un condamné à mort s'est échappé, Journal d'un curé de campagne et Les dames du bois de Boulogne).
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Boubakar
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Re: Robert Bresson (1901-1999)

Message par Boubakar »

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Un condamné à mort s'est échappé (1956)

Troisième film de Bresson que je vois et, pour le moment, c'est le plus accompli. C'est simple ; ça doit être le meilleur film de prison que j'ai jamais vu. En plus de 90 minutes, il y a une telle tension dans une toute petite pièce que l'on se surprend, malgré qu'on connaisse le titre, à craindre que le jeune prisonnier se fasse prendre. Outre la sublime musique de Mozart, je suis très impressionné par l'utilisation du son dans le film ; le personnage incarné par François Leterrier doit "démonter" la porte à l'aide d'une cuillère à soupe, mais le moindre craquement du bois risque de la trahir auprès des Allemands.
Bref, je suis vraiment sidéré par ce que peut faire Robert Bresson avec si peu de choses qu'il en fait un film immense, et avec plusieurs niveaux de lecture (le jeune homme est quasiment "vierge", on ne le connait uniquement que quand il discute avec le garçon).
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Père Jules
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Re: Robert Bresson (1901-1999)

Message par Père Jules »

Sur ce film également:

C’est une œuvre parfaitement enthousiasmante. Unité de lieu (hormis la première et la dernière scène), mise en scène épurée, travail incroyable sur le son, cri pour la liberté… La mise en scène d’abord : elle est admirable en ceci qu’elle privilégie (comme cela est annoncé Bresson au début de son film) le rendu visuel du strict nécessaire. Ce rendu possède toutes les qualités que l’on connait chez le réalisateur, il n’y a pas un cadrage ou une inclinaison de caméra qui ne soit justifié(e). C’est précis et savant. C’est l’œuvre d’un maître, c’est incontestable. Le son ensuite : il a une importance considérable dans Un condamné à mort s’est échappé. C’est lui qui donne vie aux personnages, c’est lui qui traduit l’espoir de Fontaine d’une évasion, les angoisses aussi (les coups de mitraille, le bruit de la porte qu’il tente de faire céder avec sa cuiller, le « toc toc » contre le mur pour communiquer avec son voisin, le bruit de l’eau synonyme de douche – sommaire – libératrice etc…). La narration (une voix-off austère du personnage principal) tient elle aussi de cette rigoureuse linéarité que l’on aurait tort de considérer comme ennuyeuse car elle est le gage de la véracité de l’œuvre. Un condamné est un film authentiquement artistique ce qui ne l’empêche pas de conserver une grande force dans son propos. C’est l’histoire d’une quête obstinée d’un homme pour ce qu’il a de plus cher : sa liberté. A méditer et à revoir.

En y repensant je me dis que qu'à côté, Le trou est un navet alors que c'est un excellent film.
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Re: Robert Bresson (1901-1999)

Message par Federico »

Z de Co a écrit :
En y repensant je me dis que qu'à côté, Le trou est un navet alors que c'est un excellent film.
:shock: :shock: :shock:
The difference between life and the movies is that a script has to make sense, and life doesn't.
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Re: Robert Bresson (1901-1999)

Message par Amarcord »

Strum a écrit : J'ai détesté Au Hasard Balthazar, dont j'ai parlé plus haut dans ce topic ; un film sec et muet comme un désert, le film d'un pays de souffrances où nul vent ne souffle.
Quelqu'un d'autre l'a déjà certainement signalé ici (pas eu le courage ni le temps de parcourir les pages), mais la lecture du livre de Anne Wiazemsky sur le tournage d' Au hasard Balthazar (Jeune fille) est très instructive pour cerner un peu plus Bresson (pas évident, le bonhomme !!!) : la lecture du livre m'a donné envie de voir le film ensuite (un des Bresson que je n'avais pas encore vus). La sécheresse du film (mais chez Bresson, c'est souvent sec, c'est même sa marque de fabrique, jusque dans la "blancheur" du jeu de ses acteurs) m'a aussi un peu rebuté au final : je l'ai trouvée trop érigée en système, ici, et du coup, tout ça m'a paru un peu vain... Mais pas au point de détester le film tout de même. Le livre de Wiazemsky rend bien compte de cela, je trouve.
Sinon, je ne suis pas un inconditionnel de Bresson, mais L'Argent et Procès de Jeanne d'Arc sont des films qui m'ont marqué.
[Dick Laurent is dead.]
Nomorereasons
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Re: Robert Bresson (1901-1999)

Message par Nomorereasons »

Quelques décennies après avoir pris la clé des champs, François Leterrier réalisa lui-même un grand film sur l'évasion, dont le titre même est un pur hommage bressonien de l'élève au maître, métaphorique en diable: "Quand tu seras débloqué fais-moi signe".
Comme quoi ce qui compte, ce n'est pas la liberté mais ce qu'on en fait! (je précise que j'aime Bresson et Leterrier)
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