Les Rapaces (Erich Von Stroheim - 1924)
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je ressussite donc un vieux topic car j'ai enfin visionné mon enregistrement d'il y a queqlues mois et... je ne suis pas déçu...
certes, je trouve, comme Eusébio Cafarelli, l'histoire et les symboles un peu trop appuyé pour en faire un chef d'oeuvre du cinéma: le film en est par moment un peu lourd...
mais quelle invention visuelle... pour un film de 1924, quelle maitrise des ttravelling (la nuit de noces), des plans en contre-plongée et d'utilisation de la profondeur de champ...et une excellente utilisation des cartons, loin d'être purement fonctionelle... une mise en scène véritablement moderne et une interprétation assez naturelle pour l'époque... la dernière séquence, dans la Vallée de la Mort, en totale rupture avec le reste du film, véritable allégorie du dénuement des protagonistes (et de la nature humaine), même en possession d'une petite fortune, est impressionante de maîtrise du cadre et du tempo paroxytique...
de même, l'accompagnement musical de Carl Davis est ce qui a été fait de mieux, il me semble, dans le genre, avec ses accords à la Bernard Herrmann...
certes, je trouve, comme Eusébio Cafarelli, l'histoire et les symboles un peu trop appuyé pour en faire un chef d'oeuvre du cinéma: le film en est par moment un peu lourd...
mais quelle invention visuelle... pour un film de 1924, quelle maitrise des ttravelling (la nuit de noces), des plans en contre-plongée et d'utilisation de la profondeur de champ...et une excellente utilisation des cartons, loin d'être purement fonctionelle... une mise en scène véritablement moderne et une interprétation assez naturelle pour l'époque... la dernière séquence, dans la Vallée de la Mort, en totale rupture avec le reste du film, véritable allégorie du dénuement des protagonistes (et de la nature humaine), même en possession d'une petite fortune, est impressionante de maîtrise du cadre et du tempo paroxytique...
de même, l'accompagnement musical de Carl Davis est ce qui a été fait de mieux, il me semble, dans le genre, avec ses accords à la Bernard Herrmann...
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Il ne faut quand même pas oublier que c'est un film muet, et que par conséquent il faut parfois 'insister' sur certains éléments pour que ceux ci soient perçus par le public... de l'époque, qui n'est pas aussi habitué que nous à l'image et n'en maitrise donc pas toujours toute la finesse des codes. Ce que je veux dire assez maladroitement, c'est qu'au regard de toute l'invention et la créativité en matière de création filmique, dont fait preuve ce film, il y a quand même le soucis d'exposer l'histoire au public de l'époque et que ce qui peut parfois apparaitre comme des lourdeurs à un public d'aujourd'hui ne devait pas forcément l'être à l'époque. Et que ces lourdeurs (si lourdeur il y a) sont vraiment un point de détail face à la qualité de l'ensemble (mais çà tu le soulignais très bien dans le reste de ton texte).O'Malley a écrit : certes, je trouve, comme Eusébio Cafarelli, l'histoire et les symboles un peu trop appuyé pour en faire un chef d'oeuvre du cinéma: le film en est par moment un peu lourd...
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c'est vrai qu'il faut remettre le film dans son contexte il enr este pas moins que les idées metaphoriques en demeurent excellentes: le chat et les oiseaux, le parallèle entre le mariage et l'enterrement...Majordome a écrit :Il ne faut quand même pas oublier que c'est un film muet, et que par conséquent il faut parfois 'insister' sur certains éléments pour que ceux ci soient perçus par le public... de l'époque, qui n'est pas aussi habitué que nous à l'image et n'en maitrise donc pas toujours toute la finesse des codes. Ce que je veux dire assez maladroitement, c'est qu'au regard de toute l'invention et la créativité en matière de création filmique, dont fait preuve ce film, il y a quand même le soucis d'exposer l'histoire au public de l'époque et que ce qui peut parfois apparaitre comme des lourdeurs à un public d'aujourd'hui ne devait pas forcément l'être à l'époque. Et que ces lourdeurs (si lourdeur il y a) sont vraiment un point de détail face à la qualité de l'ensemble (mais çà tu le soulignais très bien dans le reste de ton texte).O'Malley a écrit : certes, je trouve, comme Eusébio Cafarelli, l'histoire et les symboles un peu trop appuyé pour en faire un chef d'oeuvre du cinéma: le film en est par moment un peu lourd...
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Personne ne cite Folie de Femmes?? Pour moi, c'est celui-ci son autre chef d'oeuvre, mutilé lui aussi. D'ailleurs, j'avoue préférer ce film aux Rapaces (pas de beaucoup mais quand même).
Je tiens par ailleurs à apporter une précision et briser un mythe. La version de 9H des Rapaces n'a jamais eu vocation à exister. Cette version n'est que le premier montage de Von Stroheim (comme la fameuse version de 6H d'Apocalypse Now), un bout à bout des rushes.
La "vrai" version de Greed voulu par l'auteur aurait dû durer plus ou moins 5H, pour une diffusion en 2 parties.
Je tiens par ailleurs à apporter une précision et briser un mythe. La version de 9H des Rapaces n'a jamais eu vocation à exister. Cette version n'est que le premier montage de Von Stroheim (comme la fameuse version de 6H d'Apocalypse Now), un bout à bout des rushes.
La "vrai" version de Greed voulu par l'auteur aurait dû durer plus ou moins 5H, pour une diffusion en 2 parties.
Elle était belle comme le jour, mais j'aimais les femmes belles comme la nuit.
Jean Eustache, La Maman et la Putain
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Je viens de voir cette version. Et au moment où Brion présente le film, on voit une image de Mac arrachant sauvagement une dent à un je-ne-sais-qui terrorisé, image que l'on ne retrouve pas dans le film, ni dans le jeu frcd . Cette image est-elle un idéogramme, ou bien une scène filmée récupérée dans une autre version? merci de vos lumières!Melmoth a écrit :Très pertinente intro de Mister Brion qui soulignait à mon avis à juste titre que c'est finalement bien cette version "tronquée" du film qu'on chérit tant et que dans sa version de 9h le film n'aurait probablement pas connut une telle destinée.
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Je ne peux pas ne pas réagir à la position de Majordome ci dessus.Majordome a écrit :Il ne faut quand même pas oublier que c'est un film muet, et que par conséquent il faut parfois 'insister' sur certains éléments pour que ceux ci soient perçus par le public... de l'époque, qui n'est pas aussi habitué que nous à l'image et n'en maitrise donc pas toujours toute la finesse des codes. Ce que je veux dire assez maladroitement, c'est qu'au regard de toute l'invention et la créativité en matière de création filmique, dont fait preuve ce film, il y a quand même le soucis d'exposer l'histoire au public de l'époque et que ce qui peut parfois apparaitre comme des lourdeurs à un public d'aujourd'hui ne devait pas forcément l'être à l'époque. Et que ces lourdeurs (si lourdeur il y a) sont vraiment un point de détail face à la qualité de l'ensemble (mais çà tu le soulignais très bien dans le reste de ton texte).O'Malley a écrit : certes, je trouve, comme Eusébio Cafarelli, l'histoire et les symboles un peu trop appuyé pour en faire un chef d'oeuvre du cinéma: le film en est par moment un peu lourd...
Le cinema de Von Stroheim ne brille ni pas sa finesse ni par son bon gout (opinion apres avoir vu Rapaces, La veuve joyeuse, folies de femmes et Merry go Round) et cela n'a pas à voir avec le fait qu'il s'agisse de films muets. Il suffit de voir les films muets de Sternberg (Docks of New York, Last command, Salvation hunter, ...) , ceux de Lubitsch (Le prince etudiant, Eternal Love sorti dernièrement en DVD, Commediennes, ...), ceux de Nurneau (l'aurore, faust, tabou, le dernier des hommes, ...), et combien d'autres chefs d'oeuvres pour constater que si le language du cinema muet est spécifique, nous sommes tous je pense d'accord sur ce point, celui-ci peut etre d'une grande subtilité et n'inpliquer aucunes lourdeurs ou "insistances".
D'autre part, je ne pense pas que le public des années 20 soit moins subtil que celui d'aujoud'hui (Cela pourrait donner lieu à un debat interessant quand on voit les entrées des films de Besson ou des blockbusters US...).
Von Stroheim est un cineaste excessif, voire outrancier, et souvent franchement vulgaire : ce sont ces qualités qui en font un cineaste majeur.
Personnellement je le trouve quelquefois franchement lourd mais ses fulgurances l'emportent. (finalement c'est comme pour David Lynch).
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Au delà du "cas" Von stroheim, et en complement à mon post ci dessus, Majodorme souleve plusieurs sujets interessants qui ont certainement étaient débatus par d'éminents critiques.
L'idée que le cinema muet s'adresse un public 'vierge' en terme de culture de l'image par exemple. Mais les réalisateurs l'étaient aussi en quelque sorte puisque tout etait à inventer. Cela fait'il du cinéma muet un art primitif ? Le public avait forcement une culture "graphique" au travers de la gravure et la bande déssinée (au moins au US : Little Nemo 1906 !), et une culture romanesque (en autre, romans populaires de toute nature et souvant illustrés d'ailleurs).
L'aspect populaire du cinéma de l'époque (le "cinéma d'auteur" et son "public", n'existent pas) passe t'il par une compromission du realisateur soucieux de toucher le plus grand nombre (je ne parle pas de plaire au plus grand nombre) ?
Excelentes questions.
Si un membre de dvdclassif peut me conseiller quelques lectures sur ces thèmes je suis preneur.
L'idée que le cinema muet s'adresse un public 'vierge' en terme de culture de l'image par exemple. Mais les réalisateurs l'étaient aussi en quelque sorte puisque tout etait à inventer. Cela fait'il du cinéma muet un art primitif ? Le public avait forcement une culture "graphique" au travers de la gravure et la bande déssinée (au moins au US : Little Nemo 1906 !), et une culture romanesque (en autre, romans populaires de toute nature et souvant illustrés d'ailleurs).
L'aspect populaire du cinéma de l'époque (le "cinéma d'auteur" et son "public", n'existent pas) passe t'il par une compromission du realisateur soucieux de toucher le plus grand nombre (je ne parle pas de plaire au plus grand nombre) ?
Excelentes questions.
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- Marcus
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J'ai vu la version longue reconstituée hier. Et on ne peut que pleurer devant l'étendue des mutilations subies par le film.
Elle apporte indéniablement de la profondeur et une richesse supplémentaire au métrage déjà existant. Le projet de Von Stroheim, dénoncer le pouvoir de l'argent et le mal de l'avarice, n'est plus seulement concentré sur un couple, McTeague et sa femme, mais se développe sur des intrigues parallèles impliquant 4 autres personnages. Ces couples sont totalement absents de la version "courte" et n'ont qu'un lointain rapport avec les 3 personnages principaux. Seul le couple de vieux semblent devoir échapper à la folie qui s'empare progressivement des autres.
Par ailleurs, ces 2h de photos et cartons supplémentaires permettent de combler des trous dans la narration actuelle.
Un p...ain de chef d'oeuvre sous cette forme, qui ne me donne pas vraiment envie de revoir un jour la version "courte", bien que celle-ci soit déjà une pièce maitresse.
Elle apporte indéniablement de la profondeur et une richesse supplémentaire au métrage déjà existant. Le projet de Von Stroheim, dénoncer le pouvoir de l'argent et le mal de l'avarice, n'est plus seulement concentré sur un couple, McTeague et sa femme, mais se développe sur des intrigues parallèles impliquant 4 autres personnages. Ces couples sont totalement absents de la version "courte" et n'ont qu'un lointain rapport avec les 3 personnages principaux. Seul le couple de vieux semblent devoir échapper à la folie qui s'empare progressivement des autres.
Par ailleurs, ces 2h de photos et cartons supplémentaires permettent de combler des trous dans la narration actuelle.
Un p...ain de chef d'oeuvre sous cette forme, qui ne me donne pas vraiment envie de revoir un jour la version "courte", bien que celle-ci soit déjà une pièce maitresse.
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marcusbabel,
Peux-tu nous éclairer sur le moyen de se procurer la-dite version ?
Merci d'avance
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"There is Paramount Paris and Metro Paris, and of course the real Paris. Paramount's is the most Parisian of all."
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1) Je rêve de voir cette version, que je n'ai toujours pas pu voir.marcusbabel a écrit :J'ai vu la version longue reconstituée hier. Et on ne peut que pleurer devant l'étendue des mutilations subies par le film.
Elle apporte indéniablement de la profondeur et une richesse supplémentaire au métrage déjà existant. Le projet de Von Stroheim, dénoncer le pouvoir de l'argent et le mal de l'avarice, n'est plus seulement concentré sur un couple, McTeague et sa femme, mais se développe sur des intrigues parallèles impliquant 4 autres personnages. Ces couples sont totalement absents de la version "courte" et n'ont qu'un lointain rapport avec les 3 personnages principaux. Seul le couple de vieux semblent devoir échapper à la folie qui s'empare progressivement des autres.
Par ailleurs, ces 2h de photos et cartons supplémentaires permettent de combler des trous dans la narration actuelle.
Un p...ain de chef d'oeuvre sous cette forme, qui ne me donne pas vraiment envie de revoir un jour la version "courte", bien que celle-ci soit déjà une pièce maitresse.
2) Je rêve de voir un jour la deuxième partie de "Wedding March" (déjà sublime en soi), dont la seule copie existante a brûlé dans les années 60 en France. Il ne reste que quelques photogrammes, le script et les souvenirs de ceux l'ayant vu.
Vous voulez maroufler ? Je suis votre homme...
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Comment prouver qu'un film est un grand film, une oeuvre majeure, une partie importante de l'histoire du cinéma, donc un pur chef-d'oeuvre.
Vous le montez pour une durée très très longue.
Mijotez au montage, et présentez-le à un producteur sans scrupules.
Ce dernier appelle les censeurs.
Il en profite pour vous licencier.
Ensuite, vous voyez votre film, coupé d'à peu près 8 heures.
Vous n'avez qu'un lambeau, qui ne connaîtra pas de succès.
Et pourtant, le film est apprécié de votre vivant, tout en sachant qu'il a été mutilé sauvagement (il n'y pas d'autres mots).
Pour Greed, ce fut le cas. Son film n'en est pas moins époustouflant de maîtrise et de beauté, d'une virtuosité à couper le souffle.
Malgré tout ce remue-ménages, le film est fort. Qu'est-ce que serait la version originelle ?!
Vous le montez pour une durée très très longue.
Mijotez au montage, et présentez-le à un producteur sans scrupules.
Ce dernier appelle les censeurs.
Il en profite pour vous licencier.
Ensuite, vous voyez votre film, coupé d'à peu près 8 heures.
Vous n'avez qu'un lambeau, qui ne connaîtra pas de succès.
Et pourtant, le film est apprécié de votre vivant, tout en sachant qu'il a été mutilé sauvagement (il n'y pas d'autres mots).
Pour Greed, ce fut le cas. Son film n'en est pas moins époustouflant de maîtrise et de beauté, d'une virtuosité à couper le souffle.
Malgré tout ce remue-ménages, le film est fort. Qu'est-ce que serait la version originelle ?!
Dernière modification par Watkinssien le 23 avr. 13, 13:36, modifié 1 fois.
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