Audie Murphy (1924-1971)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Major Dundee
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Message par Major Dundee »

Type même de l'acteur de série B sans grand talent malheureusement.
Heureusement qu'il a rencontré Huston et Mankiewicz (mais même dans le Mankiewicz, je ne le trouve pas très bon). :oops:
Par contre j'aime bien la série B et il y a un bon paquet de westerns où il a joué qui font partie des films que j'aime, mais je pense sincèrement qu'ils auraient pu être meilleurs avec un autre acteur (je vois très bien Glenn Ford à sa place dans pas mal de films par exemple).
Lylah Clare
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Message par Lylah Clare »

Très bon dans The red badge of courage, un très bon Huston, malgré les coupes.

Antipathique à souhait dans Le vent de la plaine, du meme (ce qui prouve qu'il n'était pas si mauvais acteur que ça).
Dans le Mankiewicz, son rôle n'est que celui d'un faire-valoir, alors, c'est normal qu'il soit un peu pâlichon...

En même temps, je ne crois pas avoir vu d'autres films avec lui... :|
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Rick Blaine
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Re: Notez les films naphtas : Septembre 2010

Message par Rick Blaine »

Ride Clear of Diablo (La Chevauchée avec le Diable - Jesse Hibbs, 1954)

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Jesse Hibbs n'est certainement pas l'un des plus grands auteurs d'Hollywood, mais c'est un très bon artisan qui déçoit finalement rarement. Preuve en est de nouveau avec ce film, belle surprise de la nouvelle fournée de western Sidonis. On doit notamment cette réussite au brillant scénario de George Zuckerman (qui a entre autre écrit Written on the Wind et The Tarnished Angels pour Douglas Sirk) ainsi qu'à un dialogue savoureux.
Une histoire classique, mais très bien menée, de vengeance, où Audie Murphy cherche les assassins de son père et de son frère. Le héros de la seconde guerre mondiale est une nouvelle fois impeccable. Certes, il ne pouvait certainement pas tous jouer, mais on ne soulignera jamais assez qu'il est toujours juste et souvent très touchant. Ces productions Universal lui vont comme un gant. A côté de celà, l'histoire du personnage de Dan Duryea est celle qui fascine le plus. Criminel sur la voie de la rédemption, très loin des stéréotype du genre, il nous fait tantôt peur, tantôt rire et on finit par nourrir pour lui une véritable empathie. Duryea, un des meilleurs acteurs de sa génération, brille de mille feux. C'est le joyaux de ce film.

Une belle surprise, 6,5/10.

A noter, comme le disait Jeremy Fox dans le topic DVD consacré, que le format du film est bien respecté, la mention d'un format 2.35 sur la jaquette est une erreur.
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Jeremy Fox
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Re: Audie Murphy (1924-1971)

Message par Jeremy Fox »

Donc, dans les bonus de Les Sept chemins du couchant, Bertrand Tavernier revient très brièvement sur Audie Murphy mais pour en dire du bien, ce qui me fait d'ailleurs très plaisir. En substance, il dit que dans ce film, "il n'est pas mal du tout et très crédible". Pour le reste, "Il était de bon ton de s'en moquer à une certain époque mais il était finalement très plausible". Bref, c'est loin d'être un Mea Culpa comme lors de la revision de Tomahawk de George Sherman mais c'est tout de même agréable de l'entendre dire.


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Le Kid du Texas (The Kid from Texas - 1950) de Kurt Neumann
UNIVERSAL


Avec Audie Murphy, Gale Storm, Albert Dekker, Shepperd Strudwick, Will Geer
Scénario : Robert Hardy Andrews & Karl Kamb
Musique : Milton Schwarzwald
Photographie : Charles Van Enger (Technicolor 1.37)
Un film produit par Paul Short pour la Universal


Sortie USA : 01 mars 1950


Comme son nom l’indique, Kurt Neumann est un réalisateur d'origine allemande. Né à Nuremberg, il vient à Hollywood diriger les versions allemandes et espagnoles de films américains avant de tourner ses propres œuvres. Tom Mix ayant été l’un des premiers comédiens qu’il eut à diriger, il va de soi que quant il mit en scène The Kid from Texas, le western lui était déjà familier. Mais il restera avant tout réputé pour avoir réalisé quatre films de la série RKO des Tarzan avec Johnny Weissmuller, et surtout, son titre de gloire, un classique du cinéma fantastique datant de 1958, La Mouche Noire (The Fly). Le Kid du Texas a été tourné par Kurt Neumann en 1950, la même année que Rocketship X-M (24 heures chez les Martiens), agréable film de Science Fiction. Peu connu de nos jours (et pour cause : il s’agit d’un tout petit film de série sans grand intérêt), The Kid from Texas marque néanmoins une date pour avoir été le premier western avec Audie Murphy en tête d’affiche ; le premier d’une quarantaine, quasiment tous tournés sous l’égide de la Universal pour qui le comédien fut une immédiate et formidable manne financière, l’une de ses stars les plus rentables, et ce, dès le film qui nous intéresse ici, immense succès à l’époque. Si dans ces débuts son jeu dramatique ne nous convainc guère, sa souplesse, ses gestes, sa démarche et sa vitesse d’exécution lors des séquences d’action nous le font trouver immédiatement très à l’aise dans le domaine du western ; un genre qui lui irait comme un gant et qu’il ne quitterait désormais plus jamais.

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1879 ; Lincoln County (Nouveau Mexique). Un groupe d’hommes vient arrêter pour meurtre l’avocat Alexander Kain (Albert Dekker) et son associé dans l’exploitation d’un ranch, Roger Jameson (Shepperd Strudwick). Ces derniers se défendent en expliquant que les hommes tués l’ont été alors qu’ils étaient en train de leur voler du bétail. Dans la région, deux gros domaines se livrent en effet une lutte sans merci depuis quelque temps. Le Major Harper, le rival de Kain et Jameson, a même pour l’occasion embauché de fines gâchettes et s’est mis un shérif de la région dans la poche. Se trouvant sur les lieux, le jeune William Bonney, nommé aussi Billy The Kid (Audie Murphy), tue en état de légitime défense deux des hommes venus arrêter son nouveau patron ; Jameson venait en effet de lui proposer un travail d’homme de main dans son ranch. Après ce drame, Jameson demande à Billy de ne jamais plus utiliser son arme, sachant également que le jeune garçon a commis un meurtre dès l’âge de 12 ans en voulant défendre sa mère. Kain, en visite au ranch avec sa jeune épouse (Gail Storm), apprend à Jameson qu’ils sont attendus avec Harper chez le nouveau gouverneur de la région, le Général Lew Wallace. Celui-ci leur demande de cesser instamment leur conflit qui ensanglante la contrée. Pendant ce temps, quatre hommes d’Harper sous l’emprise de l’alcool, venus venger la mort de leurs ‘collègues’, attaquent le ranch de Jameson, ce dernier étant tué lors de la fusillade. Billy est effondré ; il vient de perdre le seul homme à qui il portait une forte estime, le seul à lui avoir offert une chance de recommencer sa vie à l’écart de la violence. Il jure alors de venger la mort de son bienfaiteur et devient vite un hors-la-loi…

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Fils d'un modeste cultivateur de coton, on sait qu’Audie Murphy fut le soldat le plus décoré de la Seconde Guerre mondiale. Malgré sa très petite morphologie et son visage poupin, il portera les tenues du Far-West (et notamment sa veste de cuir noir) avec une grande classe ; son jeu intériorisé et son regard bleu-acier arriveront à lui procurer une maturité qu’on aurait eu du mal à déceler de prime abord, arrivant même à être inquiétant quand le personnage l’exigeait. Audie Murphy est loin d'être un grand acteur (au sens propre comme au sens figuré), mais dans son style de rôle, ses prestations se révèleront toujours tout à fait honnêtes. Ici, même s’il est légitime de le trouver un peu limité dans son jeu et même s’il manque singulièrement de charisme, son inexpérience et sa maladresse servent finalement assez bien son personnage, celui du fameux Billy The Kid considéré ici par la voix off comme n’étant qu’un pion au milieu de la Lincoln County War. Les auteurs, s’inspirant d’un roman de Robert Hardy Andrews (qui participe aussi au synopsis aux côtés du scénariste du superbe Whispering Smith de Leslie Fenton), ont souhaité se rapprocher de la réalité et, même si on en reste très éloigné contrairement à ce que nous laisse sous-entendre le commentateur en tout début de film, ont voulu faire de Billy le Kid non un bandit romanesque et romantique comme c’était le cas du personnage interprété par Robert Taylor dans Le Réfractaire (Billy The Kid) de David Miller (pas mauvais d’ailleurs) mais un jeune homme taciturne pris dans la tourmente d'une guerre entre deux grands propriétaires terriens. L’inexpérience du comédien arrive donc à ne pas trop se voir puisque son personnage tel que décrit par les scénaristes est loin d’être flamboyant. Il demeure néanmoins un peu trop terne pour qu’on arrive à se soucier de ce qui arrive à son personnage et semble parfois hésitant ou pétrifié par la caméra. Il sera déjà plus à l’aise les années suivantes dans des westerns de série B bien plus convaincants tels Kansas en Feu (Kansas Raiders) de Ray Enright et surtout le pétaradant A Feu et à Sang (The Cimarron Kid) de Budd Boetticher. Il est cocasse d’ailleurs de constater qu’il se mit au départ dans la peau de presque tous les bandits célèbres car après Billy the Kid, il tiendra respectivement dans les deux films cités ci-avant les rôles de Jesse James et de Bill Doolin.

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Peut-être par le fait de connaître l’histoire par cœur mais le film de Kurt Neumann, sans être honteux, m’a paru dans l’ensemble bien ennuyeux. Les auteurs et le réalisateurs peinent à donner du rythme à leur western pourtant peu avare en fusillades, galopades et chevauchées en tout genre. Il faut dire que les scénaristes semblent plus s’être contentés d’aligner une succession de séquences sans progression dramatique ni grand liant entre elles que d’écrire une histoire rigoureuse et bien charpentée qui aurait dû en principe nous captiver. Beaucoup de scènes dialoguées s’avèrent bien trop longues et parfois dans le même temps totalement inintéressantes comme la première conversation entre Gale Storm (très mauvaise comédienne) et Audie Murphy à propos de chèvrefeuilles, d’orangers et de citronniers ! Juste avant, nous aurons déjà dû écouter jusqu’au bout la même comédienne jouer un morceau de piano sans que la longueur de la séquence soit vraiment justifiée ; d’ailleurs, le personnage féminin n’a quasiment aucun intérêt non plus si ce n’est dans ses relations tendues envers son mari plus âgé d'une vingtaine d'années joué par le très bon Albert Dekker qui pourtant nous délivre en toute fin de film une prestation assez calamiteuse, comme s’il déclamait une tirade sur une scène de théâtre. C’est donc aussi probablement la direction d’acteur qui laisse à désirer car les seconds rôles (pas mauvais pour autant) ne font guère d’étincelles eux non plus.

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Sinon, nous trouvons quelques très belles séquences comme la rencontre entre le Général Lew Wallace (futur écrivain de Ben-Hur) et Billy The Kid dans les montagnes ainsi que des séquences mouvementées qui, à défaut d’être inoubliables, s’avèrent assez efficaces par le fait aussi de se dérouler sans aucune transparences au sein de superbes paysages ou, comme le dernier quart d’heure nocturne, en pleine ville où Billy et ses hommes se retrouvent cloitrés dans une bâtisse à laquelle les assaillants vont bientôt mettre le feu après avoir essayés par tous les autres moyens de déloger ses habitants. Kurt Neumann nous délivre aussi quelques séquences assez violentes pour l’époque comme un pugilat rapide et nerveux qui voit Billy The Kid mettre KO son adversaire en quatre coups de poings bien assénés ou encore cette autre mettant en scène l’évasion de prison de Billy The Kid obligé de tuer un homme en lui tirant une balle dans le visage ; un plan presque subliminal d’à peine une demi-seconde d’un visage totalement ensanglanté fait son effet. Dommage alors que le final relatant le fameux duel Billy The Kid / Pat Garrett soit si rapidement évacué et privé d’émotions. Mais les scénaristes n’ont pas voulu donner une grande place au fameux shérif, préférant s’appesantir, à juste titre d’ailleurs, sur la sanglante guerre de Lincoln Country que le Général Wallace a réussi à faire cesser. Il y avait donc un bon postulat historique de départ, de très bonnes intentions mais le tout s'avère un peu gâché par la fadeur de l’ensemble que ce soit dans l’exécution, l’interprétation ou l’écriture.

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The Kid from Texas marque donc les débuts dans le western d’un de ses acteurs les plus emblématiques, tout au moins dans la série B. Il s’avère néanmoins être l’un des westerns Universal les plus faibles de l’époque bénie du studio dans ce domaine (s’étendant de 1948 à 1952), Neumann et ses scénaristes insufflant de plus à travers les deux personnages des complices d’Audie Murphy un humour assez déplacé et bien lourdaud. A signaler aussi une musique du générique provenant (y compris dans son orchestration) d’un western plus ancien que je n’ai pas réussi à identifier. Avec cette histoire d’un homme devenu hors-la-loi pour venger son patron qu’il estimait plus que quiconque, on pouvait s’attendre à un western touchant ou attachant mais finalement nous nous retrouvons devant une série B très moyenne, qui reste cependant honorable mais qui ne pourra ne plaire qu’aux amateurs purs et durs du genre.

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Le Survivant des monts lointains (Night Passage - 1957) de James Neilson
UNIVERSAL


Avec James Stewart, Audie Murphy, Dan Duryea, Dianne Foster, Elaine Stewart, Brandon de Wilde, Paul Fix, Jack Elam
Scénario : Borden Chase d'après un roman de Norman A. Fox
Musique : Dimitri Tiomkin
Photographie : William H. Daniels (Technicolor 2.35)
Un film produit par Aaron Rosenberg pour la Universal


Sortie USA : 24 juillet 1957


Night Passage est un des rares westerns de série A de la Universal, studio surtout réputé à l’époque pour ses séries B, parmi les meilleures du genre tout du moins durant la première moitié de la décennie ; le film avait très bien marché en salles à l’époque et notamment en France. Aujourd’hui, il est plus ou moins retombé dans l’oubli. S’il ne s’agit certes pas d’un grand film, de là à le trouver mauvais, il y a une sacré marge que je ne franchirais pas. Mais les raisons de cet ostracisme sont finalement assez simples : ce western aurait du être la sixième collaboration westernienne entre Anthony Mann et James Stewart, sauf que le cinéaste a quitté le plateau en début de tournage pour cause de scénario trop incohérent à son goût. Du coup, en total désaccord avec James Stewart, il s’est définitivement brouillé avec son acteur de prédilection et c’est un réalisateur de télévision habitué aux tournages rapides et au respect des budgets alloués qui a pris sa succession, signant ainsi son premier long métrage de cinéma avant de tourner ensuite principalement pour les productions Disney. Ceux qui au vu des noms prestigieux au générique (à savoir Borden Chase au scénario, Aaron Rosenberg à la production, William H. Daniels à la photo et Dimitri Tiomkin à la musique) s’attendaient à voir un film du niveau de ceux de la prestigieuse collaboration Mann/Stewart auront été automatiquement déçus car James Neilson a beau avoir accompli ici un honnête travail, il ne possède évidemment pas le génie de son prédécesseur sur le tournage. Il est donc certain que si on aborde ce western en ayant en tête ceux de Mann, Le Survivant des monts lointains n’a aucune chance de gagner en comparaison à quelque niveau que ce soit. Mais franchement, existe-t-il beaucoup de westerns, aussi prestigieux soient-ils, qui arrivent à rivaliser avec ceux de cette inégalable série ? Ceci étant dit, essayons de juger ce western sans penser aux sublimes Winchester 73, Les Affameurs, L’Appât, Je suis un aventurier ou L’Homme de la plaine. Vous verrez, ça passera probablement beaucoup mieux !

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Grant McLaine (James Stewart) travaillait autrefois pour une grande compagnie ferroviaire ; sa mission était en quelque sorte celle d’un protecteur chargé d’empêcher les gêneurs de venir semer le trouble sur le chantier et ainsi ralentir l’avancée de la pose des rails. Il s’était fait licencier voilà cinq ans pour avoir aidé à s’échapper le brigand Utica Kid (Audie Murphy) plutôt que de l’appréhender comme on le lui avait demandé ; du coup il avait été soupçonné de complicité avec les voleurs de train. Depuis, Grant gagne de l’argent en jouant de l’accordéon de place en place. Son passé le rattrape lorsque son ex-patron, Ben Kimball (Jay C. Flippen), le sachant dans la région du Colorado, le fait demander à Junction City d'où il dirige la construction du nouveau tronçon du chemin de fer. En effet, la paie des ouvriers vient de se faire dérober trois fois de suite par les hommes de la bande de Whitey Harbin (Dan Duryea) et les travailleurs, excédés, menacent de quitter leur emploi s’ils ne sont pas rétribués rapidement. Ben décide donc d’accorder de nouveau sa confiance à Grant qu’il estime être le seul à pouvoir mettre fin aux exactions des bandits, et donc de réutiliser ses services. Il lui demande de prendre incognito le train transportant la nouvelle paie ; c’est en fait lui qui aura les 10.000 dollars réservés aux ouvriers du chemin de fer cachés sur sa personne. Le plan est assez astucieux puisque qui pourrait soupçonner qu’un homme autrefois congédié par la compagnie puisse se voir offrir une telle mission de confiance ? Grant refuse tout d’abord avant d’apprendre par la fiancée d’Utica Kid (Dianne Foster) que ce dernier fait désormais partie de la bande de Whitey et qu’il en est la plus fine gâchette. Il part donc à ‘la fin de la ligne’ accompagné de Joey Adams (Brandon De Wilde), un jeune garçon qu’il vient de sauver des griffes de l’impitoyable Concho (Robert J. Wilke), l’un des hommes de Whitey. Ce que Grant n’a dit à personne c’est le secret qui le lie à Utica Kid ; ses motivations à le retrouver ne seront révélées qu'au 2/3 du film…

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Un homme au passé trouble à qui on offre néanmoins une mission de confiance ; ses relations mystérieuses avec un bandit et le fait qu’il semble avoir eu autrefois une aventure avec celle qui est devenue entre temps la femme de son patron. On reconnait bien là la patte torturée de Borden Chase et on se dit d'emblée que le personnage de Grant devrait aller comme un gant à James Stewart qui, dans les cinq westerns d’Anthony Mann, se révélait déjà parfait dans la peau de protagonistes jamais tout blancs, psychologiquement fragiles et parfois au bord de l’implosion, capables de brutaux accès de violence. Grant McLaine est bien dans la continuation de cette lignée de personnages ‘manniens’. Mais la raison principale qu’a eu le grand comédien de vouloir l’interpréter est que Grant était un joueur d’accordéon ; lui-même étant accordéoniste à ses heures, c’était une aubaine que de pouvoir ainsi dévoiler aux spectateurs cette corde à son arc inconnue du grand public. Ce sera néanmoins un professionnel de l’instrument qui le doublera lors de la postsynchronisation. En revanche, c’est bien l’acteur que nous entendons chanter les très belles mélodies écrites par Ned Washington et Dimitri Tiomkin, 'Follow the River' et 'You Can't Get Far Without a Railroad', ce dernier compositeur, de plus en plus inspiré au fil des années, nous délivrant à cette occasion une superbe partition peu avare de souffle et de lyrisme. L’histoire est tirée d’un roman de Norman A. Fox, déjà auteur de quelques unes ayant données lieu à de très divertissantes séries B réalisées avec une certaine efficacité par Nathan Juran (Le Tueur du Montana – Gunsmoke), Lesley Selander (La Furieuse chevauchée – Tall Man Riding) ou encore Rudolph Maté (Les Années sauvages – The Rawhide Years). Le film de James Neilson navigue d’ailleurs dans les mêmes eaux qualitatives mais sans l’humour et le pittoresque du film de Maté par exemple. Un western beaucoup plus sérieux à l’image de ses trois protagonistes principaux interprétés par James Stewart, Audie Murphy et Dan Duryea.

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Le Grant McLaine de James Stewart est un homme qui, licencié de son travail de ‘protecteur’ des travailleurs du rail pour avoir été soupçonné de complicité avec des voleurs de train, vit désormais de son instrument de musique : il se déplace ainsi de camp en camp pour faire danser au son de son accordéon les ouvriers, afin de leur faire oublier leurs difficiles conditions de travail devenues d’autant plus laborieuses depuis qu’ils ne touchent plus leur salaires, ceux-ci étant systématiquement dévalisés par un gang qui ne cesse de les harceler. S’il semble de prime abord tout à fait charmant et sans histoires, on comprend par la suite que Grant connait très bien le bandit Utica Kid puisqu’il en parle comme d’une connaissance intime avec la fiancée de ce dernier ; mais on ne sait pas encore pourquoi il l’a autrefois aidé à fuir au lieu de l’arrêter et ce n’est pas moi qui vous dévoilerais le fin mot de l’histoire ; on comprend ensuite qu’il a eu des relations avec celle qui est devenue la femme de son patron, et que s’il s’occupe avec autant de sérieux du jeune garçon à qui il vient de sauver la vie, c’est peut-être avant tout pour retrouver Utica Kid puisqu’il a appris que Joey s’était enfui alors qu’il était prisonnier de la bande dont il sait qu’Utica fait partie. Bref, des motivations à ses actes qui tendent toutes vers les retrouvailles avec ce brigand tout de noir vêtu à la réputation de tireur d’élite : la première apparition de ce dernier en contre plongée est d’ailleurs magnifique, pleine de panache et de classe. Utica Kid, c’est Audie Murphy qui l’interprète, excellent dans le rôle du personnage probablement le plus ambigu du film : avec son visage poupin et son sourire enjôleur, il se révèle finalement assez suicidaire, lui qui n’arrête pas de titiller son inquiétant patron sans avoir l’air de le craindre le moins du monde. On sait également qu’il s’est amouraché d’une fille douce et aimante qui en est follement éprise en retour. On ne cesse ainsi de se demander de quel côté de la barrière il se situe, et lorsque nous apprendrons les liens qui l'attachent à Grant, leurs relations deviendront quasiment la thématique principale du film ; les séquences qui réuniront les deux comédiens, tous deux emportant l’adhésion du spectateur, seront toutes bien écrites et plutôt émouvantes même si on aurait souhaité qu’elles le soient bien plus.

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Le troisième larron est donc le chef de la bande interprété par un Dan Duryea qui avait déjà croisé James Stewart dans Winchester 73 puis Audie Murphy dans Ride Clear at Diablo (Chevauchée avec le diable) de Jesse Hibbs. S’il fut l’un des comédiens qui nous offrit les bad guys les plus réjouissants car parmi les plus sadiques (il était également inoubliable dans Silver Lode (4 étranges cavaliers) d’Allan Dwan), il cabotine peut-être un peu de trop dans le film de James Neilson, le cinéaste n’ayant peut-être pas eu le caractère suffisamment trempé pour le tempérer dans son jeu quelquefois outré. Quant à tous les seconds rôles, ils s’en sortent plutôt bien même si l’on aurait préféré que celui dévolu à l’excellent Jay C. Flippen soit de plus grande importance. Le Joey de Shane (L'Homme des vallées perdues) a bien grandi, Dianne Foster est charmante et l’on peut croiser Jack Elam et Olive Carey au détour d’une séquence. Seule Elaine Stewart semble un peu perdue au milieu de tous ces comédiens chevronnés, ces vétérans habitués du genre. Malgré un casting intéressant, la psychologie des personnages est malheureusement tracée à gros traits ou mal exploitée, et les zones d’ombre demeurent quand même trop restreintes, ce qui fait aussi que ce film de prestige financièrement parlant, n’est pas entièrement satisfaisant et même assez décevant surtout avec Borden Chase à l’écriture. Quoiqu’il en soit et malgré le fait que le cinéaste n'arrive pas lui non plus à insuffler assez de souffle et d'ampleur à cette histoire, l'intrigue fonctionne plutôt bien même si sans réelles surprises ou alors ces dernières délivrées sans efficacité ni suffisante puissance dramatique.

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Reste que l’ensemble se suit avec plaisir grâce au métier et au talent des comédiens, au score enlevé de Dimitri Tiomkin, à la vigueur des séquences d’action (notamment l’attaque du train et surtout les dix dernières minutes de fusillade dans la mine à ciel ouvert avec ces wagonnets sur crémaillère), à quelques autres trouvailles assez originales comme ce tunnel de mine qui traverse la montagne, et à la belle mise en valeur des superbes paysages du Colorado au sein desquels le film se déroule. De plus le cinéaste filme à merveille l’avancée du train sillonnant les canyons ; sur le thème principal de ‘Follow the River’, ces images devraient agréablement et durablement vous marquer l’esprit d’autant que sur un écran de télévision, le Technirama a un rendu assez grandiose. Il s’agissait d’ailleurs du premier film exploité dans ce format créé par Technicolor comme alternative au Cinémascope, mais très rapidement abandonné, moins de 10 ans après son apparition. Bref pour résumer : assez prévisible, manquant de vigueur, d’intensité et d’inventivité, pas assez chargé en émotion et parfois trop bavard, mais au final néanmoins assez attachant car bien joué, superbement photographié et mis en musique, et tout à fait correctement réalisé. Le film sera paradoxalement moins captivant lors des séquences à priori les plus tendues, celles se déroulant de nuit dans le repaire des bandits, mais il repartira de plus belle une fois sorti de ces lieux. Pourra alors fortement divertir l’amateur en manque de grands espaces. Loin d’être génial mais néanmoins fort divertissant !

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daniel gregg
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Re: Audie Murphy (1924-1971)

Message par daniel gregg »

Jeremy Fox a écrit :Donc, dans les bonus de Les Sept chemins du couchant, Bertrand Tavernier revient très brièvement sur Audie Murphy mais pour en dire du bien, ce qui me fait d'ailleurs très plaisir. En substance, il dit que dans ce film, "il n'est pas mal du tout et très crédible". Pour le reste, "Il était de bon ton de s'en moquer à une certain époque mais il était finalement très plausible". Bref, c'est loin d'être un Mea Culpa comme lors de la revision de Tomahawk de George Sherman mais c'est tout de même agréable de l'entendre dire.
J'espère qu'à son age, si toutefois j'y arrive, je serai aussi honnête que lui et toujours aussi curieux de réviser certains de mes jugements à l'emporte-pièce. :)
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Jeremy Fox
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Re: Audie Murphy (1924-1971)

Message par Jeremy Fox »

Brion proposait, dans un supplément d'un DVD Sidonis, à celui qui en aurait le courage, de recenser "le très intéressant corpus westernien" de l'acteur. Voici le début !


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Kansas en feu (Kansas Raiders, 1950) de Ray Enright
UNIVERSAL


Avec Audie Murphy, Brian Donlevy, James Best, Tony Curtis, Marguerite Chapman, Scott Brady, Richard Arlen, Richard Long, Dewey Martin
Scénario : Robert L. Richards
Musique : Milton Rosen
Photographie : Irving Glassberg
Une production Ted Richmond pour la Universal


Sortie USA : 15 novembre 1950

"And so into the pages of crime history rode five young men : Kit Dalton, Cole and Jim Younger, Frank and Jesse James, five whose warped lives were to be an heritage from their teacher, William Clarke Quantrill". Ainsi la voix du narrateur faisait s’achever ce western de Ray Enright qui allait nous replonger une fois encore au sein de cette meurtrière Guerre Civile qui eut ses profiteurs et non seulement à l'époque de son déroulement (ce fameux Quantrill par exemple) et au moment de la "reconstruction" (les Carpetbaggers) mais aussi [et là sur le ton de la plaisanterie bien évidemment] jusqu'au siècle suivant puisqu'au vu de ce parcours, on constate aisément à quel point ces cinq années de conflits furent du véritable pain béni pour tous les artisans du western hollywoodien ! Ray Enright, en ce début des années 50, remettait dans le même temps au gout du jour la réunion de hors-la-loi célèbres alors bien en vogue la décennie précédente et à laquelle le cinéaste avait déjà contribué avec Bad Men of Missouri. Mais, contrairement à ce dernier, Kansas Raiders peut être considéré comme un de ses meilleurs westerns, à placer aux côtés de Les Ecumeurs (The Spoilers) et Ton Heure a Sonné (Coroner Creek), le reste de sa filmographie, notamment dans le domaine qui nous concerne, s'étant avérée bien médiocre. L'avant dernier western qu'il met en scène ici fait partie de cette vague de séries B produites à tour de bras dans les années 50 par le studio Universal et qui compte son lot de bonnes surprises violentes et remuantes, rehaussées par l'utilisation toujours chatoyante du Technicolor. Un bon cru Enright !

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La Guerre Civile fait rage. Jesse James (Audie Murphy) et son frère Frank (Richard Long), James Younger (Dewey Martin) et son frère Cole (James Best) ainsi que Kit Dalton (Tony Curtis) décident de rejoindre les rangs des Raiders du fameux colonel Quantrill (Brian Donlevy) que l'on a communément baptisé 'la brigade du massacre'. En effet, ayant tous eu à faire avec les soldats de l'Union, ils pensent qu'il s'agit de la meilleure manière de pouvoir venger les membres de leurs familles tombés violemment sous leurs balles. En arrivant dans la ville de Lawrence au Kansas, ils sont pris à partie par des 'Redlegs' qui sont prêt à les lyncher, les prenant pour des espions à la solde de Quantrill. Ils sont in-extremis sauvés de la potence par un capitaine nordiste qui leur déconseille néanmoins, s'ils leurs en prenaient l'envie, de rejoindre les troupes de ce sanguinaire colonel. Malgré tout, refusant de croire à la folie meurtrière de ce dernier, ils finissent par arriver dans son camp et s'engagent à se battre à ses côtés. Convaincu de la loyauté de Jesse, Quantrill en fait même très vite son bras droit. Mais le jeune futur hors-la-loi constate rapidement de visu que la barbarie de son commandant n'était pas une légende ; son sentiment est encore raffermi quand la propre maîtresse de Quantrill, Kate (Marguerite Chapman), lui confie la peur qu'elle éprouve à constater chez son homme une soif de sang et de destruction de plus en plus pressante. Malgré tout, fermant les yeux sur les massacres et autres vilenies, Jesse continue à penser qu'il se bat pour faire vaincre ses idées, celles du Sud. Puis, c'est le raid brutal sur la ville de Lawrence et la preuve que malgré ses promesses Quantrill reste plus que jamais un criminel de guerre ; néanmoins, il lui restera loyal jusqu'à la mort ...

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Quantrill avait été déjà personnifié par Walter Pidgeon dans un honnête western de Raoul Walsh du début des années 40, L'escadron Noir (Dark Command). C'est Brian Donlevy qui, après avoir été le second rôle westernien le plus présent voici dix ans en arrière mais que l'on avait perdu de vue depuis le sublime Canyon Passage de Jacques Tourneur, reprend le flambeau avec une belle prestance, brossant un intrigant portrait de ce mythomane sanguinaire et illuminé. Petit rappel historique concernant les dernières années (celles narrées dans le film) de ce personnage peu recommandable qui utilisa l'uniforme Sudiste pour mieux pouvoir commettre ses méfaits sanglants, tuer et piller à son gré. Souhaitant faire cesse les raids de Quantrill dans l'état du Kansas, un commandant des forces de l'Union fait arrêter les femmes et sœurs de plusieurs hommes du gang mais le bâtiment où elles sont retenues prisonnières s'écroule causant cinq décès. Pour se venger, Quantrill rassemble 450 hommes et s'abat sur la ville de Lawrence la nuit du 20 août 1963 ; résultat, près de 150 hommes, femmes et enfants tués de sang froid et le même nombre d'édifices détruits. Traquée, la bande se réfugie au Texas et se délite peu à peu, les hommes n'arrivant pas à assumer une telle folie meurtrière ; ils se retrouvent à peine une douzaine avec dans l'idée d'assassiner Abraham Lincoln. Le 10 mai 1865, la petite troupe est surprise et si la plupart arrivent à s'échapper, leur chef, blessé d'une balle à la colonne vertébrale, est arrêté. Paralysé, il meurt peu après dans des conditions bien moins héroïques que lors du final de Kansas Raiders où il tombe courageusement et seul sous les balles ennemies.

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Car, comme souvent à Hollywood, le scénariste Robert L. Richards (co-auteur avec Borden Chase du script de Winchester 73) s'est permis de très nombreuses libertés par rapport à la vérité historique à commencer par l'âge des protagonistes ; que ce soient Jesse James ou Quantrill, ils étaient bien plus jeunes à l'époque des évènements, 16 ans pour le premier (contre presque la trentaine pour Audie Murphy) et 25 pour le second alors que Brian Donlevy n’était pas loin de la cinquantaine ! Jesse n'a rejoint son frère qu'à la fin des combats et n'a jamais été spécialement proche de son commandant. Quant à Kate, la maîtresse de Quantrill, encore adolescente à l'époque, il est assez cocasse de savoir qu'elle profitera de l'argent ensanglanté de son amant pour ouvrir une des maisons closes les plus célèbres de Saint Louis. Quoiqu'il en soit, on ne s' offusquera pas de toutes ces fantaisies historiques et multiples invraisemblances scénaristiques d'autant que le film s'avère, sinon passionnant, tout du moins bougrement efficace et plutôt captivant. Les problèmes de conscience de Jesse James face aux boucheries accomplies par le gang dont il fait partie, ses relations ambigües avec la maîtresse de son commandant, le charisme qu'il montre face aux quatre autres futurs hors-la-loi, l'intéressante description des personnages de Quantrill et de Kate font de ce western avant tout destiné aux amateurs d'action un film tout à fait intéressant brossant par ailleurs dans le même temps un tableau d'une grande brutalité et d'une rare noirceur [à l'époque où nous en sommes arrivés] concernant ce conflit. Une des premières séquences nous montre un peloton d'exécution improvisé décimant des dizaines de prisonniers à qui on venait de donner la parole de ne pas leur faire de mal. Et aviez vous déjà vu un ‘héros’ qui, après un combat au couteau avec un homme l'ayant provoqué, au lieu de laisser la vie sauve à son adversaire vaincu, l'achève avec force cruauté ?

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Quant on sait que ce héros a le visage poupin d'Audie Murphy, on est encore plus interloqué. Fils d'un modeste cultivateur de coton, ce fut le soldat le plus décoré de la Seconde Guerre Mondiale. Il commença sa carrière cinématographique en 1948 et tournera des dizaines de westerns de séries B pour la Universal durant les années 50. C'est la première fois que nous le rencontrons dans un western qui sera son genre de prédilection. Il avait été quelques semaines plus tôt Billy the Kid dans The Kid from Texas, western signé de Kurt Neumann (malheureusement pas vu pour cause de copie trop dégueulasse) ; Kansas Raiders est sa deuxième incursion dans le western et il s'y avère immédiatement très à l'aise sans avoir besoin d'en faire trop, son jeu s’avérant d’une grande sobriété (certains parleront sans doute de fadeur). Malgré sa très petite morphologie, il porte le costume de l’Ouest avec une grande classe et son regard acier n'est pas sans efficacité. Loin d'être un grand acteur mais dans son style de rôle, il se révèle tout à fait honnête. En tout cas son personnage est assez ambigu (à cause de sa naÏveté surtout) pour retenir l’attention ; son mélange d’admiration/répulsion pour son chef, l’incompréhensible loyauté qui le liera à ce "père adoptif" sanguinaire, ses états d’âme incessants le rendent assez intéressant. Ce n’est d’ailleurs pas un héros pur et dur puisque, s’il ne participe pas aux massacres, il ne fait rien pour les empêcher, s’il se rend compte que l’armée de Quantrill commet des actes au moins aussi répréhensible que les Redlegs (sorte de milice pro-union) de qui il veut se venger, il n’en continue pas moins de se battre à ses côtés. Ses compagnons affirment même qu’ils se trouvent être dans une situation plutôt enviable ce qui pourra choquer mais ce qui me parait au contraire assez réaliste ; il y a de fortes chances pour que les Raiders de Quantrill n’aient pas été des idéalistes forcenés mais tout simplement des bêtes de guerre adeptes des méthodes expéditives comme décrits ici. Point de moralisme ni de politiquement correct comme nous le dirions aujourd’hui : les protagonistes principaux ne sont en fait que des psychotiques et de ce point de vue, le script est plutôt réussi et ne cherche pas à nous donner bonne conscience.

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Outre Jesse, pour incarner les autres futurs outlaws, une belle kyrielle de petites stars en devenir à commencer par Tony Curtis dans une de ses premières apparitions mais aussi Dewey Martin, le futur interprète d’Howard Hawks notamment dans La Chose d’un autre Monde (The Thing) et surtout La Captive aux Yeux Clairs (The Big Sky), James Best, plus tard aux côtés de Paul Newman dans Le Gaucher (The Left-Handed Gun) d’Arthur Penn et enfin Richard Long, futur héros de la série télévisée La Grande Vallée. Scott Brady interprète un beau salaud et Marguerite Chapman, actrice déjà croisée sous la caméra de Ray Enright dans Coroner Creek, s’avère plutôt douée et charmante, à l’origine d’une romance plutôt attachante. Aucun comédien ne sort vraiment du lot ni ne fait vraiment d’étincelles mais, tout comme le scénario et la mise en scène, l’interprétation d’ensemble reste solide à défaut d’être inoubliable. Les éléments ambigus et les relations intéressantes entre certains personnages qui parsèment le script de Robert L. Richards sont superficiellement survolées et n’empêchent pas l’écriture d’être sans réelles surprises mais ils auront eu au moins le mérite d’exister et de faire dépasser à Kansas en Feu le stade du western trop routinier qu’il aurait été sans ça. Le film s’avère aussi d’une violence assez inaccoutumée lors des séquences de tueries ou de batailles et nous propose des combats assez innovants pour l’époque comme celui qui oppose Audie Murphy et l’espion nordiste : ils se battent au couteau avec chacun un coin du même mouchoir qu’ils ne doivent pas lâcher coincé entre les dents. La conclusion de cette bagarre est, comme nous l’avons déjà dit plus haut, d’une férocité assez surprenante.

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Un plaisant petit western sans prétentions mais aussi sans temps morts qui file à 100 à l’heure, le rythme et l’action étant très soutenus, les pétarades prenant souvent le pas sur les dialogues pour le plus grand plaisir des amoureux de séries B nerveuses et mouvementées. Alors il est vrai que les invraisemblances pullulent, que l’Histoire est déformée sans complexe et que le faible budget alloué fait que certaines images comme celle de l’incendie de La ville de Lawrence en plan d’ensemble font assez cheap. Mais nous n’allons pas faire la fine bouche quand le très moyen Ray Enright arrive à nous délivrer un aussi sombre tableau d’un des chapitres les plus sordides de l’histoire américaine.
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La Guerre de Sécession d’ailleurs assez bien résumée dans le prologue et qui nous donne un assez juste aperçu du ton du film : "For more than four long, bitter years this nation was torn by civil war, the bloodiest and most destructive in our history for it was a war of neighbor against neighbor, family against family, brother against brother, flag against flag. Nor was the slaughter confined to the armies of the North and South alone. This was a war that bred an outlaw army of guerrillas masquerading under the flags of both sides, pillaging, burning and killing for private gain. The most savage and merciless among the lawless tribes whose organized violence terrorized the county were the men who marched, raided, and killed under the ominous black flag of William Clark Quantrill."


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La Charge Victorieuse (The Red Badge of Courage, 1951) de John Huston
MGM


Avec Audie Murphy, Andy Devine, Bill Mauldin, Royal Dano, Arthur Hunnicutt
Scénario : John Huston & Albert Band d'après le roman de Stephen Crane
Musique : Bronislau Kaper
Photographie : Harold Rosson
Une production de Gottfried Reinhardt & Dore Schary pour la MGM


Sortie USA : 16 mars 1951


Nous en avions déjà touché un mot mais c’est encore tellement flagrant en ce début d’année 1951 que j’en remets une couche pour éviter les généralisations trop rapides. Paradoxalement, au vu de leurs réputations respectives, alors que la Warner utilise les clichés les plus éculés pour produire les westerns les plus conventionnels et les moins enthousiasmants de l’époque, la MGM, contrairement à son image de studio aseptisé et familial, nous offre en ce début de décennie les westerns les plus intéressants, les plus adultes et les plus courageux qui soient. Après le splendide et puissant La Porte du Diable (Devil’s Doorway) d’Anthony Mann sur la condition indienne, voici que John Huston nous emmène pour la première fois sur les champs de bataille de la guerre de Sécession, nous plongeant au cœur de l’action (ou de l’inaction) en compagnie des simples soldats qu’il suit de très près, fouillant leur intimité jusque qu’à aller sonder leurs rêves, tout en restant -second paradoxe- à la limite du documentaire. La Guerre de Sécession a bien évidemment été abordée à maintes reprises au sein du western (c’est même le fait historique qui est probablement revenu le plus souvent jusqu’ici), quelques batailles nous ont été montrées mais rapidement et superficiellement dans le but d’assurer le spectacle, jamais de cette manière rugueuse et réaliste. A travers cette évocation d’une page peu glorieuse de l’histoire américaine, John Huston parle d’ailleurs de toutes les guerres et notamment de celle de Corée qui avait lieu à ce moment, de leurs bêtises, de leurs violences et de leurs inutilités.

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Charcuté comme presque jamais film hollywoodien parlant ne le fut encore (à l’exception peut-être de La Splendeur des Amberson – The Magnificent Amberson d’Orson Welles), il n’en demeure pas moins en l’état une très belle œuvre, d’une formidable puissance et d’une étonnante modernité ; preuve du talent de son metteur en scène dont le film reste d'une force peu commune même après être passé entre les mains de producteurs peu scrupuleux de l’intégrité d’une œuvre en rapport aux idées de son metteur en scène (mais nous sommes encore à l’époque des Majors au sein desquelles le réalisateur n’était pas forcément plus important que le scénariste ou le producteur). Malheureusement, comme Louis B. Mayer l’avait pressenti, ce fut non seulement un échec critique mais un four commercial que John Huston tenta d’expliquer à Jacques Doniol-Valcroze pour Positif en juillet 1952 : "les gens ne veulent pas admettre que la guerre c'est comme ça ; de la monotonie, du danger, des rescapés et des morts". Des films de guerre récents, il y en avait déjà eu quelques-uns visant cette optique réaliste (le fabuleux Bastogne – Battleground de William Wellman par exemple) mais jamais encore qui avaient abordés la Guerre de Sécession. C’est la raison pour laquelle il peut se voir classer indifféremment dans l’un et l’autre genre, le film de guerre et le western.

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Au printemps 1862, alors que la Guerre Civile fait rage, le 304ème régiment de l’armée de l’union se morfond ; multipliant les exercices inutiles, rendus inquiets par le manque d’informations sur les évènements et s’ennuyant à mourir à force de ne pas avoir à se battre, les jeunes volontaires n’ont qu’une hâte, partir au front. Pour certains comme Henry Fleming (Audie Murphy), ce sera le baptême du feu ; tout en étant impatient d’en découdre en livrant sa première bataille, lorsque le moment fatidique arrive, la peur s’empare de lui. Lors du second assaut des confédérées dévalant d’une colline avec force cris, le soldat prend ses jambes à son cou et, tournant le dos à l’ennemi, s’enfuit à perdre haleine. Il se cache dans des fourrés et tarde un peu à reprendre ses esprits ; il croise d’interminables colonnes de blessés qui s’éloignent du front et, parmi eux, l’un de ses camarades qui meurt dans ses bras. Il ne s’en met pas moins à envier ses derniers qui ne retourneront pas combattre. Alors que sa conscience lui fait honte d’avoir trahi ses compagnons d’armes, il s’en retourne mais se fait assommer par la crosse de fusil d’un soldat qui détalait à son tour devant les Sudistes. Trouvé puis aidé par un jovial homme de troupe (Andy Devine) qui lui explique comment vaincre sa peur,Henry finit par retrouver son bataillon à la nuit tombée. Il invente une rocambolesque histoire pour ne pas qu’on le croie déserteur ; après une nuit passée à réfléchir sur sa condition, sur l’héroïsme et la lâcheté, il retourne se battre le lendemain matin avec un courage décuplé…

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Le scénario est l’adaptation assez fidèle d’un classique controversé de la littérature américaine écrit à 24 ans par l’auteur Stephen Crane, l'un des livres favoris d'Hemingway et l'un des grands best-sellers américains du 19ème siècle qui évoque dans son titre une blessure (" La marque rouge du courage") qui signifie par extension l'épreuve du feu. Seulement dix ans après sa venue dans le monde du cinéma en tant que metteur en scène, John Huston s’y illustre une nouvelle fois en tant que champion des transpositions cinématographiques de romans jugés inadaptables. Du Faucon Maltais (The Maltese Falcon) aux Gens de Dublin (The Dead), il s’en fera une spécialité tout au long d'une carrière qui comptera un nombre incalculable de réussites dans cet exercice très difficile. C’est la première fois que nous rencontrons Huston au sein de ce parcours et il faut en profiter car il n’y reviendra malheureusement pas très souvent. La gestation et surtout la postproduction de son huitième long métrage furent en tout cas sacrément chaotiques et à postériori captivantes. Lillian Ross qui a suivi à la trace l’histoire rocambolesque du film du printemps 1950 à mai 1952, en a tiré une série d’articles publiés dans le New Yorker qu’elle a ensuite rassemblés pour éditer un livre intitulé ‘Picture’ qui sera traduit en France par un spécialiste du western, Jean-Louis Rieupeyrout et qu’elle avait sous titrée ‘le massacre de la production 1512’, ce dernier chiffre devant sans aucun doute correspondre au 1512ème film produit par la compagnie.

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Le producteur Gottfried Reinhardt ayant proposé l’adaptation du roman de Stephen Crane à John Huston, ils obtiennent le soutien enthousiaste de Dore Schary, vice-président chargé de la production à la MGM, déjà à l’origine de Devil’s Doorway d’Anthony Mann. Le réalisateur qui venait de tourner Quand La Ville Dort (Asphalt Jungle) se lance donc à corps perdu dans cette description de l'itinéraire psychologique d'un soldat nordiste (qui fait d’ailleurs beaucoup penser à celui de Fabrice Del Dongo sur les champs de bataille de Waterloo dans ‘La Chartreuse de Parme’ de Stendhal) pensant confier le scénario à Norman Mailer afin qu’il colle au plus près au ton du livre. Il souhaite dans le même temps que son futur film ressemble aux clichés pris par un photographe de la Guerre de Sécession, Matthew Brady. Louis B Mayer, patron de la toute puissante MGM, est d'emblée hostile au projet : l’histoire est exempte de tension dramatique, ne comporte ni intrigue amoureuse, pas même un seul visage féminin et, s’il s’amusait à acquiescer aux idées de Huston, il n’y aurait aucune vedette au générique. Il n’y met cependant pas son veto, poussant au contraire le réalisateur à se battre pour son projet s’il estime qu’il lui tient autant à cœur. Mais les relations entre Mayer et Schary qui étaient déjà tendues depuis 1948 s’enveniment de jour en jour. Dore Schary pense confier le rôle principal à Montgomery Clift ou Van Johnson, ce dernier venant de faire forte impression dans Battleground de William Wellman.

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John Huston en revanche souhaite le rôle pour Audie Murphy, le soldat américain le plus décoré de la Seconde Guerre Mondiale. Tous deux avaient été aussi affectés par leur expérience durant la guerre et savaient de quoi il en retournait. Mais c’est l’éditorialiste Hedda Hopper qui réussit à convaincre Dore Schary en lui disant que ce serait bien de voir un véritable soldat en tête d’affiche d’un film de guerre, ce qui aiderait à remonter le moral à tous les GI’s se battant actuellement en Corée. Huston recrute les seconds rôles et figurants dans des bars et autres lieux populaires pour un rendu plus réaliste et pur avoir à disposition une belle brochette de trognes inoubliables. Le tournage se déroule assez bien mais la Preview qui a lieu en février 1951 est désastreuse ; les gens ne comprennent pas les motivations du personnage joué par Audie Murphy, se désintéressent du film et quittent même la salle dès la première heure de projection. Une autre présentation se déroule en parallèle avec comme invités des gens du milieu du cinéma qui trouvent au contraire le film excellent, William Wyler, réputé pour sa sévérité, avouant même avoir vu l’un des meilleurs films de sa vie. Mais Louis B. Mayer qui ne supportait pas qu’on donne une image aussi négative de la guerre et du comédien principal souhaite ne pas sortir le film ; Dore Schary qui y tient préfère s’accorder le droit de remonter et d’amputer le film à sa guise d’autant qu’il savait ne pas avoir le cinéaste sur le dos à ce moment là, ce dernier ayant alors d’autres chats à fouetter ; il venait d’enterrer son père, de se marier et d’avoir un enfant (Anjelica) avant de s’occuper de la pré-production et du tournage loin d’Hollywood de son 9ème film, African Queen. Les deux pontes de la MGM ne peuvent plus se sentir et, quand le patron de la Loew Inc se met à soutenir Dore Schary, Louis B. Mayer claque la porte laissant à ce dernier prendre les rênes du studio.

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The Red Badge of Courage version Dore Schary, ce sera donc un film initial amputé d’environ 25 minutes, l’ajout d’un prologue rappelant l’origine littéraire de l’histoire, le remontage des séquences de batailles afin qu’elles soient plus lisibles alors que Huston voulait au contraire les rendre expressément "brouillonnes et enchevêtrées" dans le but d’accroître "l’impression de désarroi devant le sanglant mystère de la guerre". ‘L’apport’ de Gottfried Reinhardt qui supervisera l’ensemble de cette ‘nouvelle version’ sera celui de l’intégration d’une voix off (celle de James Withmore) expliquant la situation et les états d’âme des soldats par la lecture de passages du roman. Alors que Huston avait préféré la suggestion, les regards et les non dits pour brosser le portrait psychologique de son ‘anti-héros’, Reinhardt soutient la nécessité d’ajouter ces commentaires en voix-off. Résultat, le film sort à la sauvette, est relégué en seconde partie de séance et fait un fiasco. Malgré le fait qu’il se soit désintéressé de son sort, malgré le remontage et l’échec de son film, Huston l’a toujours considéré comme étant l’un de ses meilleurs film même si, selon ses dires, il ne peut en aucune manière aujourd'hui donner un aperçu du réalisme de la version initiale. Le producteur Gottfried Reinhardt entreprit, après la sortie du film, de récupérer les séquences coupées afin de rétablir le montage original. Il apprit que celles-ci avaient été détruites par les patrons de la Metro-Goldwyn-Mayer. Depuis ce jour, John Huston stipula dans ses contrats que, qu’il y ait traficotage ou pas pour ses futurs films, il lui faudrait toujours une copie de la version initiale.

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Mais venons-en au film que, vous l’avez déjà compris, j’aime beaucoup mais qui pourra en ennuyer certains par sa volonté anti-spectaculaire et son absence de solide épine dorsale concernant l’intrigue quasiment inexistante ! Aucune montée dramatique dans le scénario basé uniquement sur une succession d'attente et de combat filmés de très près, à hauteur d'hommes (les gros plans typiquement ‘hustonien’ sur les visages abondent). On vit avec les soldats ; on ressent viscéralement la peur, l'angoisse, la tension, la cruauté, l'anonymat et l'inutilité des combats ; on comprend les 'lâches' et les 'déserteurs' et l'on voit aussi certains actes héroïques naître justement de la peur et d'une certaine 'folie'. Rien de grandiose cependant même dans l’héroïsme, de simples escarmouches et échauffourées se déroulant sur des champs de batailles baignés de fumée : il semble que nous soyons très proche de la réalité de la guerre comme l’avait souhaité Huston. Certaines visions nous restent longtemps en tête comme celle presque surréaliste de la colonne d’estropiés qui n’en finit pas de descendre d’une lointaine colline, l’enjambement des morts qui jonchent le sol, les visages expressifs de ces soldats rongés par l’angoisse alors qu’ils s’avancent vers le front (Spielberg s’en rappellera lors des séquences tendues qui précèdent le débarquement dans Il faut sauver le soldat Ryan - Saving private Ryan), le regard apeuré d’Audie Murphy quand, à plat ventre, il voit les ennemis débouler en cris de la colline ou encore la séquence au cours de laquelle il se retrouve avec les drapeaux des deux belligérants en main, le porte-drapeau tombé mort sous ses yeux. A côté de cette vision réaliste assez inhabituelle pour l’époque, il règne dans le film un formidable humaniste. On peut s’en rendre compte assez vite par diverses superbes scènes : Audie Murphy en pleur écrivant à ses parents une lettre qu’il croit être la dernière ; le même alors qu’il assure une garde nocturne d’un côté d’une rivière et qui se fait interpeller de l’autre rive par un ennemi qui lui conseille de se cacher du rayon de lune auquel cas contraire il se verrait dans l’obligation de lui tirer dessus ; l’imminence d’un violent assaut avec le passage en revue des troupes par un général à cheval qui tente des encouragements en demandant à chaque soldat le menu du soir pour mieux leur dire de lui garder une part pour l’après-bataille ; l’après bataille justement qui voit unionistes et confédérés faire connaissance, se prendre presque d’amitié et repartir sur les routes au milieu d’une nature exubérante et allègre…

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Réaliste et humain mais dans le même temps d’une grande intelligence dans le traitement de la psychologie du personnage principal et assez courageux dans la vision des conflits armés. Ce qui ne veut pas dire que Huston soit antimilitariste dans ce film : il est surtout observateur lucide et presque neutre, un peu critique mais pas totalement rebelle. Il nous montre bien des officiers va-t-en-guerre comme le commandant de la troupe que l’on surprend, alors que la bataille va commencer, à enfourner sa main sous sa vareuse à la manière de Napoléon, que l’on voit essayer de retenir les déserteurs ; il nous montre bien une boucherie absurde, d’autant plus ‘déraisonnable’ que la nature qui en est le témoin rayonne au contraire de beauté sous un soleil resplendissant (« les paysages seraient magnifiques si on ne s’y battait pas »). Vu à travers les yeux d’un jeune homme qui se cherche, qui a presque perdu le sens des réalités, la confusion est telle dans sa tête et sur les champs de batailles que nous ne savons pas plus que lui quoi penser de toute cette folie meurtrière, ce conflit fratricide. La lâcheté et l’héroïsme se côtoient sans que la première soit honteuse (mais tout ce qu’elle a de plus humaine), sans que le second soit motivé par des idées patriotiques mais par une exaltation proche de la folie car, comme le lui fait comprendre le jovial Andy Devine, pour vaincre sa peur il faut braver la mort. "Tu y vas, tu fonces sans penser à rien !" Son courage survolté, sa façon de tromper la mort ne sont en rien de l’héroïsme mais plutôt de l’inconscience, une fuite en avant pour échapper à sa peur et à ses remords. Mais le résultat est le même, bénéfique à la fois pour son camp qu’il emmène à la victoire et pour lui-même puisque après son coup d’éclat, réhabilité à ses propres yeux, il n’aura plus honte d’avouer sa désertion. Tous pourront ensuite repartir sur des bases saines. Et le film de se conclure dans une sorte d’allégresse dont on ne saura jamais si elle a été voulu par Huston ou si elle a été imposé par Schary.

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Un film néanmoins austère par son sujet (on s’appesantit plus longuement sur les périodes creuses que sur les séquences agitées) et son traitement mais, pour en remontrer à ceux qui affirment sans vergogne que Huston n’a jamais été un formaliste, peu avare de prouesses cinématographiques, plastiquement superbe et souvent virtuose. Le noir et blanc de Harold Rosson, hyper contrasté, est somptueux nous offrant des images de nature absolument resplendissantes (les sous-bois semblent presque sortis d’un conte de fée), des gros plans hyper réalistes très expressifs, des jeux de lumière quasi fantomatiques notamment sur les champs de batailles. La caméra de Huston vole littéralement sur les pas d’Audie Murphy alors qu’il s’enfuit du champ de bataille dans une course effrénée ; le travelling est impressionnant tout comme un autre absolument magnifique qui, la nuit tombée sur le camp endormi éclairé par le feu, survole en plongée à faible hauteur les corps des soldats harassés, pour finir sa course sur le visage d’Audie Murphy, les yeux grands ouverts, ressassant ses problèmes de conscience et pensant au combat du lendemain où il se rêve en héros. Et comment ne pas être admiratif devant ces gros plans en coins de cadre d’une grande modernité et d’une rare puissance, les contre plongées ‘malickienne’ sur d’immenses arbres traversées par d’innombrables raies de lumières provenant d’un soleil radieux ? La musique de Bronislau Kaper, assez avant-gardiste, préfigure les futures partitions de De Vol pour Robert Aldrich et le cinéaste a eu la bonne idée de ne pas faire accompagner les scènes de batailles d’une autre musique que celle des roulements de tambours.

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Pour traiter cette histoire qui décrit la bravoure comme une impulsion aussi irraisonnée que la lâcheté, John Huston a choisi pour interprète principal Audie Murphy, qui fut le soldat le plus décoré de la seconde guerre mondiale (24 décorations). Interrogé sur les raisons qui ont motivé ce choix, le cinéaste rétorqua: " Je l'ai choisi pour lui-même, pas pour ce qu'il représentait. On s'est rencontré en Italie durant la guerre. Et après la guerre, j'ai appris à le connaître et on est devenus de très bons amis... " (déclarations publiées dans " Positif" n° 116/mai 1970). L’Enfer des Hommes (1955) de Jesse Hibbs retracera d’ailleurs les étapes essentielles du destin guerrier d'Audie Murphy qui disparut dans l'accident d'un avion de tourisme en 1971. Avec un certain culot, il se met donc dans la peau de ce Yankee mort de peur au point de pleurer à de nombreuses reprises. L’acteur n’était pas spécialement amateur des films de guerre qu’il avait vu jusqu’à présent qu’il trouvait trop ‘glamour’. En revanche, il adorait le roman de Stephen Crane à cause de la vérité qu’il arrivait à faire ressortir ; il voulait que le film de Huston respire l’authenticité. Le cinéaste ayant puisé aux sources même de cette authenticité à travers les photos de guerre Matthew Brady, le résultat a du réjouir le comédien car une chose est sûre, malgré une voix off redondante et inutile en raison de la force des images, le film en l’état est une sacrée belle réussite. Avec sobriété, dépouillement et sans pittoresque, Huston nous embarque aux côtés de combattants anonymes avec un souci presque documentaire dans sa description de la pitoyable réalité de la guerre, nous quitte sans heureusement nous avoir donné l’envie d’en découdre et terminant même son film par une conclusion d’une profonde humanité montrant la fraternité des hommes par delà les conflits qui peuvent les faire se battre. Superbe !

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A feu et à sang (The Cimarron Kid, 1952) de Budd Boetticher
UNIVERSAL


Avec Audie Murphy, Beverly Tyler, James Best, Yvette Duguay, Hugh O’Brian, Leif Erickson, Noah Beery Jr, John Hudson
Scénario : Louis Stevens
Musique : Joseph Gershenson
Photographie : Charles P. Boyle
Une production Ted Richmond pour la Universal


Sortie USA : 13 janvier 1952


1952. En voici une année westernienne qui démarre sur les chapeaux de roue avec l’arrivée d’un nouveau venu, Budd Boetticher ! En effet, qu’on se le dise d’emblée (mais pour ceux qui me connaissent, ce ne sera guère une surprise), il sera au final l’un de ceux qui feront partie de mon trio de tête des plus grands réalisateurs du genre toutes époques confondues ! Il avait bien signé en 1949 dans le domaine qui nous concerne, The Wolf Hunters, mais à priori le film semble ne pas être très intéressant ; et puis c’était encore l’époque où le cinéaste ‘paraphait’ ses œuvres du nom d’Oscar Boetticher. Ce dernier est né le 29 juillet 1916 à Chicago (Illinois). Après des études dans l’Ohio, il commence une carrière de boxeur, puis devient une star du football avant de s’envoler pour le Mexique où il finit par se retrouver matador professionnel à seulement 20 ans. Sa connaissance de la tauromachie lui donne l’occasion d’être engagé en 1941 comme conseiller technique de Rouben Mamoulian sur Arènes sanglantes (Blood and Sand), film ayant pour vedettes Tyrone Power et Rita Hayworth. Il demeure alors à Hollywood comme assistant réalisateur : il le sera sur cinq films jusqu’en 1944, année au cours de laquelle il dirige son premier long métrage. « J’ai commencé par travailler comme assistant réalisateur sur de nombreux films... J’ai vite abandonné ce poste qui n’avait rien à voir avec la mise en scène. Un assistant, aux États-Unis, dépend plus du producteur que du metteur en scène. C’est la plupart du temps un jeune homme qui fait plus ou moins office d’espion pour le producteur. Il doit lui rapporter les erreurs du metteur en scène, les retards qu’il prend sur le plan de travail. J’étais un très mauvais assistant car je prenais toujours le parti du réalisateur… Le dernier cinéaste que j’ai assisté fut Charles Vidor pour Cover Girl (La Reine de Broadway). »

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Il réalise alors onze films à petits budgets sous son vrai nom pour les compagnies Monogram ou Columbia, des films noirs et des thrillers pour la grande majorité. Ils n’ont jamais été distribués en France (jusqu’à ce que Bach Films édite en DVD le plutôt bon Behind Locked Doors), mais voici ce que le principal intéressé écrivait sur eux avec son laconisme habituel : « Moins j’en parlerai, mieux ça vaudra ! » Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Coursodon, dans leur 50 ans de cinéma américain, en sauvent néanmoins quelques-uns dont celui que j’ai cité ci-avant. C’est seulement en 1951, après avoir opté pour le prénom de Budd, qu’une de ses réalisations, The Bullfighter and the Lady (La Dame et le toréador), film partiellement autobiographique, fait se braquer les projecteurs sur sa personne. D’abord bloqué par les producteurs, qui le trouvaient trop long et qui n’y croyaient pas une seconde, il est entièrement remonté par John Ford qui était tombé amoureux de la première version rejetée (les grands esprits se rencontrent). Grâce à lui, il peut enfin être projeté. Les deux cinéastes garderont toujours de cette expérience une estime réciproque. The Cimarron Kid est le film qui suit immédiatement ainsi que le premier western de Boetticher pour Universal, le studio roi de la série B. C’est aussi le quatrième film d’Audie Murphy qui reprenait pour l’occasion le personnage de Bill Doolin, précédemment interprété par Randolph Scott dans The Doolins of Oklahoma de Gordon Douglas.

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Bill Doolin (Audie Murphy), un hors-la-loi, est relâché pour bonne conduite et décide de se ranger dans la région de Cimarron en Oklahoma. Pris au milieu d'un hold-up ferroviaire et reconnu par l'un des bandits, il est pris pour un de leurs complices. Il est désormais à nouveau poursuivi par les autorités et notamment par Sam Swanson (David Wolfe), malfaisant détective du rail qui n'a pas digéré que Bill ait retrouvé sa liberté aussi vite. Bill doit se réfugier dans le gang des Dalton où il replonge malgré lui dans le banditisme sous le nom du Cimarron Kid. La bande, dirigée par Bob Dalton (Noah Beery Jr), est constituée outre ses trois autres frères par Red Buck (Hugh O’Brian), Bitter Creek (James Best) et son amante Cimarron Rose Adams (Yvette Duguay) ainsi que Dynamite Dick (John Hudson). Ils planifient un double hold-up à Coffeyville qui se termine par une mortelle fusillade et la mort de trois des Dalton dont Bob. Les rescapés se retrouvent au ranch de Pat Roberts, ancien membre du gang qui s’est retiré du brigandage. Lui et sa fille Carrie (Beverly Tyler) les accueillent néanmoins avec chaleur et n’hésitent pas à les cacher lorsque le Marshall John Sutton (Leif Erickson) vient fouiller la propriété. Carrie tombe sous le charme de Bill et tente de le convaincre de déposer les armes. Mais Bill est désormais à la tête du gang et lui promet d’arrêter ses larcins une fois qu’il aura acquis assez d’argent pour partir refaire sa vie avec elle en Argentine. Swanson, toujours aussi violement acharné, met la tête de Bill à un prix relativement élevé, ce qui attire les mouchards. L’étau se resserre d’autant qu’un traître a l’air de s’être faufilé au sein même du gang…

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La lecture du pitch et l’ossature du film paraissent certes conventionnelles (ce qui est le cas, sachant désormais bien que les histoires de bandits célèbres ont fourni jusqu’à présent le thème le plus usité au sein du western de série depuis le début des années 40) mais Boetticher insuffle à son premier véritable western une sensibilité et une solidité qui le font se hisser un peu au-dessus des déjà nombreuses plaisantes séries B sorties chez Universal. Un Kansas Raiders (déjà avec Audie Murphy) encore meilleur en quelque sorte ! A sa vision et le recul que l’on a sur les années qui ont suivi, on peut deviner à postériori l’éclosion d’un futur génie du genre. En effet, ce petit western nerveux et efficace annonce en mineur toutes les qualités, imagerie et thèmes à venir du cinéaste : concision, personnages plus complexes qu'ils n'y paraissent, volonté des 'bad guy' de se ranger sans pouvoir y parvenir, rattrapé par leurs funestes destins, empathie du spectateur à leur égard grâce à 'l'humanité' que leur accorde le cinéaste (les plus ‘pourris’ dans ce western n'étant justement pas les hors-la-loi), scènes d'actions plus que rondement menées, attention particulière accordée aux séquences à cheval du fait de l'amour que Boetticher portait à ces animaux, paysages parfaitement mis en valeur, détails et images inhabituels (ici la rotonde ferroviaire ou le parc à bois par exemple), superbes et plantureuses actrices (ici deux pour le prix d’une avec Beverly Tyler et Yvette Duguay qui, c’est le moins qu’on puisse dire, ne font pas tapisserie). Le scénario ne possède rien d'original mais est parfaitement bien construit permettant de ne pas nous ennuyer une seconde. On sent déjà que Boetticher aime tous les personnages qu'il fait vivre et l'on y trouve déjà des acteurs qui seront à nouveau à l'affiche des ses westerns les plus célèbres : James Best (Ride Lonesome) ou Noah Berry Jr (Decision at Sundown). Audie Murphy et son visage poupin s'en sort très bien et nous offre un portrait extrêmement sympathique (à défaut d'être charismatique) de ce bandit qui n'arrive pas à se dépêtrer de son statut de hors-la-loi. Nous sommes encore loin des sommets atteints par la série des 'Ranown' mais c'est déjà vraiment très agréable.

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Mais n’anticipons pas tant et revenons sur ce que les spectateurs de l’époque, découvrant seulement le cinéaste œuvrant pour le genre, ont pu constater à propos des éléments qui font que The Cimarron Kid dépassait d’une courte tête la plupart des séries B déjà sorties les années précédentes à l’exception notable de films tels que l’ultra sensible Whispering Smith de Leslie Fenton, le baroque Quand les tambours s’arrêteront (Apache Drums) de Hugo Fregonese ou Tomahawk de George Sherman, non seulement superbement réalisé (comme l’est le Boetticher) mais surtout remarquable dans sa manière d’appréhender et de décrire le problème indien. De par son postulat de départ et les inévitables clichés qui en découlent, A Feu et à sang ne peut guère prétendre rivaliser avec ces trois films ; il n’en est pas moins une très belle réussite qui vieillit remarquablement bien et qui se bonifie même à chaque vision. Tout d’abord, à tout seigneur tout honneur, Budd Boetticher himself, l’homme qui va à l’essentiel sans pour autant bâcler son travail. On sent qu’il possède déjà un solide métier grâce à la dizaine de petits films qu’il réalisa durant la seconde moitié des années 40 : sa mise en scène est d’une redoutable efficacité sans qu’il ait besoin de jouer au ‘m’as-tu-vu’.

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Elle s’avère constamment robuste et inventive durant les très nombreuses séquences d’action : Boetticher utilise les objets qu’il met en premier plan pour des histoires de perspective et de distance, joue avec la profondeur de champs, les angles, met sa caméra à la place des tireurs mais surtout découpe ses scènes avec une formidable précision. La mise en place des séquences d’action est méticuleuse ; il n’y a qu’à voir celle au cours de laquelle le gang est attiré dans un piège en plein centre ville et qu’il se voit d’un coup encerclé de part et d’autre, obligé de tenter une fuite par une rotonde après une fusillade fournie. Méticulosité du montage, du découpage, des choix de décors et vigueur du rythme, tout y est sans oublier une violence assez bien rendue et une savante utilisation de la vapeur dégagée par la locomotive qui finit de rendre la scène plastiquement très belle. On pourrait aussi évoquer le fameux double hold-up simultané de Coffeyville (au cours duquel les Dalton se firent tuer) qui montre la parfaite gestion topographique des lieux (et dont certaines images font à postériori déjà beaucoup penser à du Leone) ou encore la très longue séquence qui termine le film au niveau de l’action, celle du vol des lingots dans le train, et s’émerveiller tout autant de leur génie du rythme et du découpage. Je préfère vous les laisser savourer car cette science de la mise en scène qui lui semble innée n’est pas forcément évidente à faire comprendre à l’écrit. Pour faire court, c’est carré, énergique et bougrement efficace. Et l’on peut dire que le réalisateur sait filmer et ‘faire vivre’ des paysages variés avec l’intelligence de ne quasiment jamais utiliser de transparences ou de stock-shots ; mais ça se pourrait aussi que ce soit une volonté du studio Universal ! En tout cas, seule l’intérieur de la grotte sent le tournage en studio, le reste respire les grands espaces et le bon air frais. Enfin, le cinéaste sait dénicher une iconographie inédite comme cette gare de triage ou ce parc à bois au travers duquel sinue la voie ferrée.

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En plus de ça, Boetticher bénéficie d’un scénario de Louis Stevens certes assez classique dans son intrigue mais rempli de personnages tous aussi bien croqués les uns que les autres, plus riches que dans la plupart des westerns de série B qui ont précédé avec surtout deux beaux portraits de femmes qui lui permettent d’insuffler en plus un souffle romanesque assez touchant à son histoire. La première, l’amoureuse mexicaine de l’acteur James Best, jouée par Yvette Duguay, n’apprécie guère le genre de vie que mène son homme mais par amour le suit sur cette mauvaise pente, participant même aux larcins par le glanage d’informations sur les futurs convois d’argent qui pourraient intéresser les bandits ; une espionne par amour en quelque sorte et au final un personnage loyal et sacrément attachant. La seconde, Carrie Roberts (autre superbe visage que celui de Beverly Tyler), une femme forte qui ne cache pas qu’elle ne souhaite pas épouser un hors-la-loi, essayant du coup de faire cesser les activités illicites de l’homme sur lequel elle a jeté son dévolu. Suite à un de ses actions, le final s’avèrera d’ailleurs assez inattendu mais dans la logique des choses ; un ultime coup de théâtre somme toute très moral (voire très certainement moralisateur pour certains) que je m’abstiendrais de vous dévoiler. Pour ceux que ça ne gêne pas,
Spoiler (cliquez pour afficher)
plutôt que de fuir avec lui, elle livrera son amant à la justice pour pouvoir l’aimer correctement une fois qu’il aura expié ses fautes et retrouvé une certaine dignité ; mais si ça se trouve, c’était aussi pour le protéger, pour ne pas qu’il risque de tomber sous les balles du vil détective ? D’ailleurs il était prévu que Bill Doolin meure, ce qui ne s’est finalement pas fait suite aux pressantes requêtes des fans de l’acteur.[FIN DU SPOILER] L’homme aimé par la belle aux yeux bleus, c’est Bill Doolin interprété par Audie Murphy, ici en début de carrière. Un homme sur qui pèse la fatalité d’un passé difficile à assumer, refusant de tuer sans nécessité, obligé de replonger sur la mauvaise pente à cause de la persécution d’un homme qui le hait et qui n’accepte pas de le voir libre. Sans en faire des tonnes (beaucoup le lui reprocheront), donnant parfois l’impression d’être plus un témoin qu’un acteur de l’action, Audie Murphy arrive lui aussi à nous rendre son personnage très attachant…

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… Tout comme la galerie d’autres personnages qui évoluent autour de lui. Stacey qui abandonne le banditisme en cours de film mais qui reste profondément attaché aux membres du groupe, les invitant même à manger avec son épouse et ses trois jeunes enfants ; le Marshall témoignant d’une forte estime pour le hors-la-loi qu’il poursuit donc malgré lui ; l’ex-membre du gang, père de Carrie, qui ne participe plus aux coups mais qui accueille et cache sans problèmes ses ex-complices ; Bob Dalton, chef de gang débonnaire… Excepté Red, la brebis galeuse dont on ne comprendra d’ailleurs pas tous les gestes et motivations (une petite faille du scénario), un gang fortement lié par l’amitié, la tendresse et le respect de l’autre. Leur but est d’être libre et d’avoir assez d’argent pour pouvoir se retirer et vivre tranquille ; aucun n’est attiré uniquement par l’appât du gain. Pour incarner tous ses personnages richement portraiturés, avec une belle sensibilité, des comédiens qui jouent le jeu sans trop en faire, la tripotée de seconds rôles s'avérant également parfaite et jamais délaissée par le scénariste ni le metteur en scène.

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Une série B trépidante et enlevée qui démarre rapidement et qui ne s’attarde jamais en chemin, filant droit à l’essentiel sans longueurs inutiles et sans temps morts, nerveusement rythmée sans jamais qu'elle n'oublie pour autant de nous faire vivre des personnages de chair et d’os tous très attachants. Un western classique et remarquablement soigné aux innombrables péripéties (attaques de banques ou de trains, fusillades, chevauchées, poursuites, trahisons…) qui devrait réjouir les aficionados qui ne doivent cependant pas s'attendre un chef-d’œuvre mais à un divertissement de haute volée.

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Jeremy Fox
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Re: Audie Murphy (1924-1971)

Message par Jeremy Fox »

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Duel sans merci (Duel at Silver Creek , 1952) de Don Siegel
UNIVERSAL


Avec Stephen McNally, Audie Murphy, Faith Domergue, Susan Cabot, Lee Marvin, Gerald Moh,
Scénario : Gerald Drayson Adams et Joseph Hoffman
Musique : Hans J. Salter
Photographie : Irving Glassberg
Un film Leonard Goldstein pour Universal


Sortie USA : 01 aout 1952


Après le petit coup de mou dû au film de Hugo Fregonese, Untamed Frontier, voici la compagnie Universal repartie sur les chapeaux de roue, nous délivrant une série B comme on les aime d'autant qu'elle utilise de beaux extérieurs photographiés en Technicolor, qu'elle ne triche pas avec les transparences et qu'elle en donne pour son argent niveau action ; et on peut dire qu'elle a mis les bouchées double pour nous sortir de la semi-torpeur qui nous avait envahie depuis quelques films. Efficacité, efficacité et efficacité, voici les maîtres mots de cette série B remuante et violente. Même si le scénario de Gérald Drayson Adams ne s'avère pas bien fameux, lorgnant avant tout sur le Serial, la mise en scène d'un nouveau venu dans le genre, Don Siegel, s'avère d'une rare vigueur.

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De dangereux bandits menés par Rod Lacy (Gerald Mohr) sévissent dans la région. Sous la menace, ils forcent les mineurs sans défense à céder leur concession avant de les tuer pour ne pas laisser de témoins de leurs exactions. Le père du jeune Luke Cromwell (Audie Murphy) meurt ainsi alors que son fils allait justement porter à la ville les fruits de leur découverte. De son côté, à Silver City, ayant trouvé une piste, le Marshall 'Lightning' Tyrone (Stephen McNally) part à la poursuite du même gang. Mais, alors qu’il va les appréhender, il se fait blesser à la main et est rapatrié dans un fort afin d’y être soigné. Il se trouve qu’on y amène aussi un autre blessé témoin des agissements des tueurs et ayant pu voir leurs visages. Avant qu’il ne puisse parler, une jeune et jolie femme, Opale (Faith Domergue), se faisant passer pour une infirmière, l’étrangle. De retour dans sa ville, le Marshall apprend que son vieil adjoint et ami a été tué d’une balle dans le dos. Après avoir soupçonné un nouvel arrivant se faisant appeler 'Silver Kid', il comprend son erreur après que ce dernier lui ait expliqué qu’il n’est autre que Luke Cromwell, à la recherche lui aussi des assassins de son père. Ne pouvant plus se servir de sa main blessée et connaissant de réputation la grande habileté au tir de ‘Silver Kid’, il fait de lui son nouvel adjoint. Pas besoin de chercher le gang bien loin car, sous couvert d’honorabilité, il se cache au sein même de la ville : Rod Lacy et sa 'sœur' Opale y tiennent une échoppe. Opale (en fait la petite amie et associée de Rod) use de ses pouvoirs de séduction à l’encontre du Marshall afin de mieux le faire tomber dans des guet-apens mais le Kid veille. Après d’innombrables péripéties et morts violentes, nos deux valeureux héros finiront par mettre fin aux agissements des voleurs de concessions au cours d’un ‘Gunfight’ au milieu des rochers de Silver Creek.

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S’il n’est aucunement gênant de connaître l’intrigue au complet avant de visionner ce film, c’est parce qu’il s’agit d’un western de série avec tout ce que cela implique comme conventions. Conventions que les 'aficionados' du western sont pourtant ravis de retrouver de film en film ; conventions qui participent aussi au charme des films dit "de genre". Pas besoin d’être devin pour immédiatement comprendre que Faith Domergue est vile (elle étrangle un moribond dès sa première apparition !), que Audie Murphy et Susan Cabot finiront dans les bras l’un de l’autre et que les bandits seront mis hors d’état de nuire au final. Mais les amateurs de série B le savent et pour eux, ces 'clichés' ne rentrent pas en ligne de compte dans leur appréciation d’une œuvre. Il faut juste le savoir avant d’entamer la vision de The Duel at Silver Creek mais cela peut aussi s’appliquer à une quantité impressionnante de westerns tournés uniquement dans l’intention de divertir un public avide de spectacle. Nous le savions déjà mais il n'est parfois pas inutile de le répéter : le divertissement comme seul but pour un film n'est pas une chose déshonorante. DVDtalk parle même à propos de ce western de "film too silly to be any good and too unpretentious to dislike" ! Définition un peu dure mais assez explicite pour ce film somme toute très sympathique, pas plus idiot que beaucoup d’autres et que le manque de prétention rend justement plutôt très agréable à regarder.

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Chez Universal, il y eut déjà deux des trois westerns réalisés par Anthony Mann avec James Stewart (Winchester 73 et Les Affameurs) et bien d'autres tout à fait honorables avec des comédiens chevronnés ; mais la véritable star cow-boy du studio à l’époque était bel et bien Audie Murphy, par ailleurs le héros de guerre le plus décoré des Etats-Unis. Après Le Kid du Texas, Kansas en feu (Kansas Raiders) et surtout A Feu et à sang (The Cimarron Kid) de Budd Boetticher, Duel sans merci est avant tout un autre véhicule pour l’acteur au visage poupin même si ce dernier a moins de temps de présence que Stephen McNally, l'acteur principal du mémorable Quand les Tambours s'arrêteront (Apache Drums) de Fregonese sorti l'année précédente. Souvent programmés en double programme avec une comédie de la série Francis ou avec une fantaisie orientale, les westerns avec Audie Murphy faisaient se déplacer les foules qui n’attendaient rien d’autre que de 'l’entertainment', des coups de feu et de l’action. Belle gueule mais au physique trop enfantin, "il souffrit des limites sévères que lui imposèrent son apparence et son image militaire" (Christian Viviani in Le western), en le redécouvrant aujourd'hui, force est de constater que, même limité, son jeu est somme toute plaisant et que beaucoup de ses westerns tiennent assez bien la distance (notamment déjà les films de Kurt Neumann et Budd Boetticher cités ci avant sans oublier le superbe The Red Badge of Courage de John Huston). Dans Duel sans merci, un dialogue entre le Marshall et le barman résume assez bien le 'style' de l’acteur et de son personnage :

- "Tu as entendu parler d’un étranger nommé ‘Silver Kid’, demande le Marshall ?"
- "Oui et je n’aimerais pas me frotter à lui même s’il a l’air d’avoir encore du lait qui lui coule du nez"


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'Silver Kid' se définit lui-même ainsi : "Manier un flingue et jouer au poker, c’est tout ce que je sais faire". Audie Murphy, vêtu de noir des pieds à la tête, possède une certaine classe et les dialogues vifs et incisifs qu’on lui attribue dans le film finissent par nous rendre ce personnage bien attachant. A ses côtés, Stephen McNally s’en tire plutôt pas mal non plus et prouve, après quelques rôles qu’il pouvait être aussi convaincant d’un côté comme de l’autre de la loi. D’ailleurs, fait assez amusant, comme dans Winchester 73, Stephen McNally se retrouvera pour un duel final au sommet de parois rocheuses, mais cette fois, du côté des 'bons', il ne commettra pas la même erreur que face à James Stewart et en sortira vainqueur. La touche féminine est amenée par l'infâme séductrice et meurtrière Faith Domergue (ses moues, haussements de sourcils, de paupières, sa manière de s’exprimer et sa voix langoureuse font parfois étrangement penser à Marilyn) et par la jeune, frêle mais vive Susan Cabot, future égérie de Roger Corman, auparavant spécialisée dans le western pour ses rôles d'indienne, notamment dans deux beaux films de George Sherman (Tomahawk et Au mépris des lois). Dans les seconds rôles nous trouvons entre autres, dans une de ses premières apparitions, l’immense Lee Marvin. Déjà ici, c’est peut-être lui qui laisse l’impression la plus forte et il n’était alors pas difficile de deviner qu’il sortirait du lot tellement son physique et sa présence sont impressionnants. Avec son cigare à la bouche, sa moustache, son chapeau penché et son rictus démoniaque, il est difficile à oublier et la séquence de poker où il se trouve opposé à Audie Murphy est certainement la meilleure du western de Siegel. Le réalisateur lui donnera par la suite un rôle marquant dans The Killers (A bout portant), remake du film de Robert Siodmak dans lequel l’acteur sera terrifiant.

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Après avoir travaillé à la Warner dès 1933 et s’être fait remarquer en tant que monteur de talent, Don Siegel s’est révélé, dès les années 40/50, un spécialiste de la série B par l’efficacité de ses mises en scène, sa direction d’acteur irréprochable et la bonne gestion de ses modestes budgets qu’il ne dépassait que rarement. Après s’être distingué par un court métrage très intéressant, Hitler Lives en 1945 (diffusé par Patrick Brion au Cinéma de minuit) et avoir tourné le sympathique et réjouissant Ca commence à Vera Cruz (The Big Steal), le cinéaste met en scène avec Duel sans merci son 5ème long métrage et son premier western. Duel sans merci se distingue des autres westerns de série Universal sortis jusqu'ici par une escalade de quelques degrés dans la violence aussi bien dans l’action que dans les dialogues. Il n’est dès lors pas étonnant que 20 ans plus tard, ce soit le même cinéaste qui réalise Dirty Harry. Dès les premières images, nous voyons des gros plans d’armes à feu tirant à bout portant sur des victimes sans défense, la fumée sortant du canon après de fulgurantes et sèches détonations. Les hommes, bandits ou prospecteurs, tombent comme des mouches et les cadavres s’amoncellent à une vitesse hallucinante. Siegel est à son affaire quand il s’agit de filmer des chevauchées (à l'aide de superbes et amples mouvements de caméra), des duels, des scènes d’action mais il aurait pu se passer de quelques afféteries qui détonnent par ailleurs comme ce plan de Faith Domergue et Stephen McNally vu de l’intérieur d’une cheminée, derrière le feu crépitant. Comme par hasard, Hugo Fregonese avait déjà eu cette idée quelques semaines auparavant dans Untamed Frontier.

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Ne chipotons pas trop et apprécions comme il se doit ce film bien rythmé, soutenu par une musique bien enlevée de Hans J. Slater (décidément, il faudrait de toute urgence réévaluer ce compositeur), une belle photographie du chef opérateur de Bend of the River, relativement bien interprété et se concluant par un magnifique duel à trois (et non pas un triel mais je vous laisse découvrir pourquoi) suivi par le 'Gunfight' final, le 'duel à Silver Creek' du titre qui est en fait, plutôt qu’un duel, un règlement de comptes entre une horde de hors la loi et le groupe des hommes du shérif dans un cadre rocheux et aride. 'Silver Kid', 'Johnny Sombrero', ‘Brown Eyes', 'Rat Face' et 'Lightning' sont les personnages, aux surnoms aussi conventionnels que l’intrigue, qui vous feront peut-être passer un agréable moment à condition de ne pas trop faire la fine bouche devant une intrigue inutilement compliquée et somme toute banale. En revanche, divertissement assuré pour les fanatiques du genre ; sa rapidité d'exécution, son rythme et sa pêche d'enfer devrait en laisser pantois quelques uns malgré le coup de mou au 2/3 du film !


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Le Tueur du Montana (Gunsmoke, 1953) de Nathan Juran
UNIVERSAL


Avec Audie Murphy, Susan Cabot, Paul Kelly, Charles Drake, Mary Castle, Donald Randolph, Jack Kelly
Scénario : D.D. Beauchamp
Musique : Herman Stein
Photographie : Charles P. Boyle (Technicolor)
Un film produit par Aaron Rosenberg pour la Universal


Sortie USA : 11 février 1953

Et Universal de nous proposer une fois encore un de ces films de série dont elle a le secret, certes conventionnel et sans réelles surprises mais dans le même temps constamment plaisant et jamais ennuyeux : du pain béni pour les amoureux de série B ! Il s’agit à nouveau d’un véhicule pour la star montante du studio, Audie Murphy, qui, pour l’instant dans le domaine qui nous concerne, mène un parcours sacrément agréable à visionner. Un nouveau venu fait par la même occasion son apparition sur la scène westernienne : Nathan Juran ! Non pas qu’il pourra être considéré comme un spécialiste du genre mais son modeste corpus aura eu le mérite d’être extrêmement sympathique, contenant même un titre peu connu mais diablement réussi, que nous n’aborderons en revanche que bien plus tard car datant de 1959.

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Né en Autriche, Nathan Juran fut directeur artistique à Hollywood dès 1937. Alors qu’il opère dans les services de contre-espionnage américain pendant la Seconde Guerre mondiale, il gagne un Oscar pour son magnifique travail en tant que directeur artistique pour Qu’elle était verte ma vallée (How Green was my Valley) de John Ford. Il vient à la mise en scène une dizaine d’années plus tard, en 1952, avec The Black Castle, transposition des célèbre Chasses du Comte Zaroff. Il se consacre ensuite surtout au western, à la science-fiction et au film d’aventure (The Golden Blade avec Rock Hudson et Piper Laurie) ; il tourne même un film de sous-marins dans lequel nous trouvons réunis Ronald et Nancy Reagan, Hellcats of the Navy. Sous le pseudonyme de Nathan Hertz, il réalisera également à la fin des années 60 des séries Z aux titres ne manquant pas de piquant tel The Brain from Planet Arous ou Attack of the 50 Foot Woman. Mais il est aujourd’hui surtout réputé pour avoir tourné des films cultes avec le procédé d’effets spéciaux ‘Dynamation’ (avec entre autre Ray Harryhausen aux manettes), les indémodables Septième voyage de Sinbad (1958) et Jack, le tueur de géants (1962). Mais revenons-en à son deuxième film, celui qui nous intéresse d’ailleurs ici, Gunsmoke.

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Les deux tueurs à gages Reb Kittredge (Audie Murphy) et Johnny Lake (Charles Drake), après qu’ils aient participé au bain de sang que fut la Johnson County War, viennent d’échapper aux tuniques bleues à la frontière du Wyoming. Reb souhaiterait désormais se poser ; il se sépare de son compagnon pour se rendre à Billings (Montana) où il pense avoir trouvé un travail plus tranquille. Sur le chemin, un étranger lui tire dessus mais ne réussit à abattre que son cheval. Reb prend la diligence où il fait la connaissance de Rita Saxon (Susan Cabot), fille de Dan (Paul Kelly), le seul rancher qui résiste encore à Matt Telford (Donald Randolph), puissant Cattle Baron ayant quasiment accaparé tous les terrains de la région. Malheureusement, Rita revient chez elle avec une mauvaise nouvelle : les banquiers refusent le prêt qui ferait que sa famille puisse rester sur ses terres ; Telford est sur le point de pouvoir les racheter, aidé en cela par les talents de Gunfighter de Reb qu’il compte engager. Mais ce dernier a des principes et refuse ce coup ci de louer ses services de tueur d’autant que son ‘employeur’ et le ‘contrat’ ne lui plaisent guère. Ayant gagné la propriété de Dan Saxon aux cartes, il en devient propriétaire ; ce qui arrange bien l’honnête rancher qui compte sur ce jeune homme fougueux pour rétablir la situation en sa faveur. Pour cela, ils doivent conduire et vendre le plus vite possible leur cheptel afin d’amasser une somme assez considérable qui servirait à contrer Telford. On imagine bien que ce dernier fera tout pour leur mettre des bâtons dans les roues avec l’aide de Johnny Lake, l’ex-ami de Reb, passé dans le camp adverse et de la Saloon Gal Cora Dufrayne (Mary Castle)

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La lutte sans merci que se livrent un petit rancher et un gros propriétaire (bref, David contre Goliath), une histoire bien connue des amateurs du genre. Peu de motifs d’étonnement donc à priori au sein de cet agréable divertissement ; et pourtant il nous réserve néanmoins quelques petites surprises scénaristiques : l’homme qui va apporter son aide au modeste éleveur n’est autre qu’un tueur à gage ayant refusé de travailler pour son rival ; l’ex-compagnon d’armes du Gunman va se retrouver dans le camp adverse mais l’amitié triomphera pour une fois de la violence et de la cupidité ; le contremaitre du ranch va se retrouver avec un nouveau patron qui est dans le même temps son rival en amour ; l’ex-amante des deux tueurs à gage, la saloon Gal Cora, s’avère un personnage encore plus avide et ambitieuse que le ‘Bad Guy’ officiel: "je prend ce que je veux de toutes les manières possibles" ; le rancher va se lier d’amitié avec celui qui lui a gagné sa propriété aux cartes, se révélant très tolérant et compréhensif à propos de son ancien ‘métier’ : lui-même ayant dans sa jeunesse écumé les USA au sein de la tristement célèbre Horde sauvage (The Wild Bunch), il croit à la possibilité pour un homme de changer du tout au tout, à la faculté de rédemption ("il est fonceur mais pas mauvais" dira t’il à ceux qui le mettent en garde au vu de sa réputation). Encore un détail qui a du sembler ‘amusant’ à l’époque pour ceux qui allaient voir tous les westerns en salle dans l’ordre de leurs sorties : le précédent western Universal, The Redhead from Wyoming, racontait une histoire qui rappelait le fameux conflit sanglant nommé 'The Johnson County War'. Au début du film de Nathan Juran, le personnage joué par Audie Murphy vient juste de quitter ce ‘champ de bataille’ comme si Gunsmoke prenait la suite du film de Lee Sholem.

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Audie Murphy justement qui doit en être à son septième western et dont le jeu s’affirme de film en film ; on ne peut certes pas dire que ce soit un grand acteur n’ayant, loin s’en faut, ni la classe de Randolph Scott ni le charisme d’un John Wayne ou d’un Gary Cooper. Mais ça n’en fait pas pour autant un mauvais comédien. Dans les suppléments d’un western d’Harry Keller sorti récemment chez Sidonis (Les sept chemins du couchant), Bertrand Tavernier fait d’ailleurs une sorte de Mea Culpa à son sujet ("Il était de bon ton de s'en moquer à une certain époque mais il était finalement très plausible"). En tout cas, jusqu’à présent et plus encore dans Gunsmoke, Audie Murphy fait preuve d’une belle vitalité et s’avère tout à fait juste et crédible ; il avait même demandé à ce que le look de son personnage soit plus réaliste qu’à l’accoutumée ; on le voit donc pas toujours très bien rasé, ses vêtements loin d’être très propres, son Stetson maculé de sueur et la chemise souvent sortie de son pantalon. D.D. Beauchamp lui a concocté un personnage plutôt intéressant et lui a servi sur un plateau quelques punchlines bien senties ; d’ailleurs les dialogues dans leur ensemble sont excellents, plein de sous entendus sexuels lorsque Mary Castle ou la superbe Susan Cabot sont en jeu. Rappelez-vous de cette dernière comédienne et sa chevelure noir ébène, spécialisée en début de décennie dans les rôles d’indienne (Tomahawk, Au Mépris des lois) ; au cours de la séquence où on la voit proposer ses charmes à Audie Murphy, elle s’avère vraiment convaincante. Quand à Mary Castle, la Saloon Gal qui n’a pas froid aux yeux, elle nous délivre une chanson que vous connaissez surement, la même que Marlène Dietrich interprétait dans Destry Rides Again (Femme ou démon), "See What the Boys in the Back Room Will Have"

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Si la mise en scène de Nathan Juran ne fait pas d’éclats particuliers, elle demeure néanmoins fonctionnelle et s’avère même parfois assez efficace notamment lors des scènes d’action (‘stampede’, fusillades, descente vertigineuse d’une montagne par un chariot, la difficile progression du convoi à travers les reliefs tourmentés…) ; l’image du ‘duel’ entre Audie Murphy et Paul Kelly en tout début de film est mémorable dans la façon qu’à le personnage du tueur à gage de dégainer son revolver de la main droite tout en tenant son fusil de la main gauche. Une histoire qui se tient bien avec le mélange idéal de romance, d’humour (dans les dialogues surtout) et d’action se terminant par un traditionnel happy end, un bon score de Herman Stein qui décidément semble se complaire dans le genre ainsi qu’un casting une fois encore parfaitement bien choisi (on retrouve d’ailleurs à chaque fois quasiment les mêmes acteurs) pour au final un honnête divertissement, certes routinier mais sacrément plaisant.

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L’héroïque Lieutenant (Column South, 1953) de Frederick de Cordova
UNIVERSAL


Avec Audie Murphy, Joan Evans, Robert Sterling, Dennis Weaver, Jack Kelly, Bob Steele, Ralph Moody, Rico Alaniz, Russell Johnson, James Best
Scénario : William Sackheim
Musique : Joseph Gershenson
Photographie : Charles P. Boyle (Technicolor)
Un film produit par Ted Richmond pour la Universal


Sortie USA : 20 mai 1953

Très prolifique en ce premier semestre de l'année 1953, la Universal propose cette fois un western militaire pro-indien réalisé par un cinéaste maison que nous ne reverrons plus par la suite au sein de ce parcours, Frederick de Cordova. Après avoir été metteur en scène de théâtre, en 1945 il tourne le premier film d'une filmographie qui en comptera vingt-trois, la plupart pour la compagnie Universal dans laquelle il était connu pour tourner vite et pour très bien s'accommoder de minuscules budgets. La preuve, il fit par exemple au début des années 50 deux petits films de pirates qui s'avérèrent bien plus plaisants que certains grands classiques du genre, La Fille des boucaniers (Buccaneer's Girl) avec la belle Yvonne De Carlo ainsi que Les Boucaniers de la Jamaïque (Yankee Buccaneer) avec Jeff Chandler. Mais son titre le plus connu (pour de mauvaises raisons ?) est certainement Bedtime for Bonzo avec en vedettes Ronald Reagan et ... un chimpanzé ! Il eut aussi devant sa caméra non moins que Rock Hudson, Errol Flynn, Tony Curtis, Bob Hope et Humphrey Bogart. Après Column South, le seul western de sa carrière, il ne tournera plus que deux films (dont un avec Elvis Presley), se consacrant ensuite presque exclusivement à la télévision.

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Janvier 1861 dans un fort du Nouveau Mexique. Le lieutenant Jed Sayre (Audie Murphy) qui commandait la garnison doit laisser sa place au Capitaine Lee Whitlock (Robert Sterling) qui arrive tout juste du Mississippi accompagné de sa soeur Marcy (Joan Evans). La première chose que demande le nouveau commandant à Jed est que ce dernier cesse ses relations amicales avec la tribu Navajo et notamment avec son chef Menguito (Dennis Weaver) alors pourtant que la paix règne entre blancs et indiens. Peu de temps après, un prospecteur est retrouvé scalpé dans les environs. Malgré le fait que Jed lui apprenne que les Navajos ne pratiquent pas ce genre de sauvagerie, Whitlock ne veut rien entendre et ordonne à Menguito de lui livrer les meurtriers le plus vite possible. De son côté, Jed découvre le véritable assassin, un autre chercheur d'or ayant dérobé à sa victime son butin. Mais le mal est fait et même si une bataille est arrêtée à temps, les Navajos se sont sentis insultés d'être accusés à tort et d'avoir été traités avec autant de condescendance ; la paix est dangereusement remise en cause. Sur ce fait, la scission entre Nord et Sud se profile ; certains militaires et politiciens sudistes vont utiliser les Indiens, attiser leur haine envers l'homme blanc, pour détourner l'attention des soldats qui ainsi ne pourront pas se battre sur plusieurs fronts. Le Général Stone (Ray Collins) de la cavalerie américaine, traître à l'Union, tente de persuader Whitlock, sympathisant du Sud, d'emmener toute sa garnison rejoindre les troupes des Confédérés ; pour se faire, ce dernier fait croire à ses soldats qu'il les emmène combattre les Navajos qui auraient pris le sentier de la guerre après avoir dérobé des fusils à l'armée...

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Le principal intérêt de ce western militaire (qui ne se démarque par ailleurs pas vraiment de tout ceux que l'on a pu voir jusqu'à présent) est dans son scénario et son contexte historique. C'est quasiment le premier western qui fait s'imbriquer Guerres Indiennes et Guerre de Sécession ; il nous est donné de voir comment les premières ont dans certaines régions pu découler de la seconde. En effet, les politiciens acquis à la cause du Sud ont parfois fomentés les conflits contre les Indiens pour qu'un maximum de Tuniques Bleues n'aient pas l'occasion ni le temps de prendre part à la Guerre Civile aux côtés de l'Union et ainsi laisser les Confédérés conquérir les places libres. Où l'on s'aperçoit une fois de plus que les tribus indiennes ont donc parfois été utilisées comme de simples marionnettes entre les mains du gouvernement qui leur faisait porter le chapeau d’exactions diverses afin que les soldats aillent les combattre. Ce n'est pas nouveau mais ça ne fait pas de mal de le répéter et c'est tout à l'honneur de ces petits films de série que de ne pas être que de simples divertissements sans conséquences mais de mettre parfois le doigt là où ça fait mal pour toucher aussi dans leurs consciences, mine de rien, les spectateurs du samedi soir. Beaucoup de conversations sur ces complots politiciens et conspirations militaires parsèment ce western qui prend une nouvelle fois fait et cause pour les Indiens contre les officiers bornés et va-t-en guerre. On y trouve aussi une intéressante description des tensions naissantes et des rivalités qui commencent à gangréner l'armée à cause de la guerre civile annoncée, les actuels camarades de chambrée profitant de la première occasion pour se battre afin de défendre leurs convictions et leurs camps respectifs : 'Battle Hymn of the Republic' contre 'Dixie' !

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Audie Murphy interprète un officier, ami des Navajos, essayant d'apaiser les conflits sur le point d'éclater de toutes parts ; il a assisté étant jeune au massacre de cette même tribu par son psychopathe de père qui l'emmenait avec lui lors de ses séances de tueries pour lui forger son caractère. Ce traumatisme raconté par le soldat à la jeune sœur de son impitoyable commandant rappelle une scène similaire dans Tomahawk de George Sherman au cours de laquelle Van Heflin narrait à Yvonne de Carlo un massacre indien auquel il avait assisté et au cours duquel sa famille avait été anéantie. Ces louables intentions sont les mêmes sauf que la puissance d'évocation de chacune des deux scènes est loin d'être identique, à l'image des deux films. Si Tomahawk est un très beau film méconnu, au moins aussi réussi que le plus célèbre Broken Arrow (La Flèche brisée) de Delmer Daves, L'Héroïque Lieutenant n'est qu'un petit western de routine un peu trop bavard et guère captivant sur l'ensemble.

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Rien de honteux non plus : Column South ne s'avère pas ennuyeux et il n'est pas désagréable à regarder jusqu'au bout. Car comme nous le faisions remarquer juste avant, c'est le scénario qui est l'élément le plus réussi du film de Frederick De Cordova, la mise en scène de ce dernier se révélant sans grand intérêt ni vigueur ; ce sont d'ailleurs les scènes d'action qui empêchent le film de décoller, trop plates et moyennement bien rythmées. Dommage car une séquence d'assaut d'un fort par les soldats eux-mêmes, les indiens étant à l'intérieur après s'en être emparés, ce n'était pas très courant ! Le casting n'est pas non plus très heureux : à part un Audie Murphy que l'on a connu pourtant plus inspiré, peu d'autres comédiens sortent du lot (ou alors n'ont pas vraiment le temps ni l'occasion de pleinement s'exprimer) et surtout pas la très mauvaise actrice qu'est Joan Evans. Rien à voir avec son personnage au départ antipathique car même lorsqu'elle prend conscience de ses erreurs, elle ne s'avère guère plus convaincante. Quant à Dennis Weaver (que l'on voyait de plus en plus souvent), ici en chef indien, il peut paraitre crédible même si son personnage n'est pas plus développé que la plupart des autres.

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Encore un western routinier mettant en scène des tribus indiennes injustement poussées à entrer en guerre pour satisfaire les ambitions et la gloriole de certains mais l'angle d'attaque du sujet, les conspirations confédérés, est plutôt original. Les lieux de tournage sont aussi plutôt inédits puisque Apple Valley en Californie n'avait encore quasiment jamais eu les honneurs d'être filmée au sein d'un western. Sinon, un ensemble bien moyen quoique jamais vraiment désagréable.

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A SUIVRE ......
Chip
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Re: Audie Murphy (1924-1971)

Message par Chip »

Sur Audie, existent 3 livres :
- the films and carreer of Audie Murphy- an american hero- de Sue Gossett
édition : empire publishing , 1996

- Audie Murphy, NOW SHOWING de Sue Gossett
édition : empire publishing ,2002. Livre richement illustré: photos, affiches, lobby cards

- the films of Audie Murphy de Bob Larkins et Boyd Magers
édition : McF , 2004. Le livre comporte photos, génériques détaillés et analyses de chaque films et de nombreuses anecdotes sur l'intéressé. Passionnant.
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Supfiction
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Re: Audie Murphy (1924-1971)

Message par Supfiction »

Coffret Audie Murphy actuellement à 28 euros sur Amazon.fr

Contient :
- "La Chevauchée avec le diable"
- "À feu et à sang"

déjà chroniqués dans ce topic, en revanche pourriez-vous me donner votre avis sur les 3 autres ?

- "Les Cavaliers de l'enfer"
- "L'Étoile brisée"
- "Le Diable dans la peau"


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Jeremy Fox
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Re: Audie Murphy (1924-1971)

Message par Jeremy Fox »

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L’Homme de San Carlos (Walk the Proud Land - 1956) de Jesse Hibbs
UNIVERSAL


Avec Audie Murphy, Anne Bancroft, Jay Silverheels, Pat Crowley, Charles Drake
Scénario : Gil Doud & Jack Sher
Musique : Hans J. Salter & William Lava sous la direction de Joseph Gersenshon
Photographie : Harold Lipstein (Technicolor 2.35)
Un film produit par Aaron Rosenberg pour la Universal


Sortie USA : Septembre 1956

Au sein de la courte filmographie de Jesse Hibbs (seulement 11 films), Walk the Proud Land arrive en neuvième position. Le cinéaste mettra un terme à sa carrière cinématographique deux ans plus tard, toujours avec son acteur de prédilection en tête d'affiche, Audie Murphy. C'était déjà Hibbs qui, l’année précédente, avait mis en scène le comédien alors qu’il interprétait son propre rôle dans un film basé sur sa vie de soldat et de héros de la Seconde Guerre mondiale, L'Enfer des hommes (To Hell and Back). Avant de passer derrière la caméra, Jesse Hibbs aura été footballeur avant de devenir assistant réalisateur auprès, entre autres, de John Ford et Anthony Mann. Dans le domaine du western, il avait débuté par le très plaisant Chevauchée avec le diable (Ride Clear at Diablo) voyant la rencontre jubilatoire entre Audie Murphy et Dan Duryea. Puis ce fut, encore avec Audie Murphy, Seul contre tous (Rails into Laramie), avant qu'il ne tourne Les Forbans (The Spoilers), une cinquième adaptation du célèbre roman de Rex Beach avec le duo Rory Calhoun/Jeff Chandler, version assez terne surtout si on la comparait avec celle de Ray Enright qui mettait en scène un duo de stars bien plus prestigieuses, John Wayne et Randolph Scott. Si la critique a toujours fait la fine bouche à propos du réalisateur, Walk of the Proud Land fut au contraire généralement plutôt bien accueilli par le fait qu’il s’agisse d'un western pro-indien assez inhabituel par sa quasi absence d'action et la non violence de son héros principal.

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1874. John Philip Clum (Audie Murphy) arrive à Tucson où il est attendu par le gouverneur Saffords. Il est mandaté par le Président Ulysses S. Grant pour prendre la direction de la réserve de San Carlos où sont confinés des Apaches. Clum espère mener à bien sa mission sans avoir recours à la violence, souhaitant faire des Indiens des citoyens américains comme les autres en leur octroyant la pleine autonomie, leur faisant créer leur propre police et leur propre justice. Il va sans dire que ces idées progressistes font bien rire les généraux de l'armée américaine qui pensent que l'extermination des Apaches résoudraient plus vite les problèmes qui existent encore à cause principalement du rebelle Geronimo (Jay Silverheels) qui pousse à la révolte et aux tueries. Mais en arrivant à son poste, Clum va immédiatement mettre en place ce qu'il avait en tête en commençant par faire partir l'armée. Haï aussi bien par certains indiens au sang chaud que par la cavalerie et la majorité des blancs de la région, Clum va avoir fort à faire pour maintenir la paix entre les peuples. Il sera néanmoins aidé dans sa tâche par l'ex-Sergent Tom Sweeney (Charles Drake), la jolie veuve Apache Tianay (Anne Bancroft) et le chef de la tribu, le sage Eskiminzin (Robert Warwick). Il va très vite être grandement respecté par la plupart des indiens ; il va même devenir frère de sang avec Taglito (Tommy Rall) qui, par amitié pour lui, a été obligé d'abattre son frère Disalin (Anthony Caruso) qui poussait les hommes à la rébellion et qui avait tenté de tuer Clum. Outre les problèmes qu'il va avoir à gérer pour la bonne marche de la réserve, Clum va être tiraillé entre la pressante Tianay et sa fiancée (Pat Crowley) qui vient d'arriver à Tucson pour l'épouser...

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John Philip Clum a réellement existé ; sa vie de ‘missionnaire laïc’ a été racontée dans un livre sorti en 1936 et écrit par son propre fils, celui-même que l'on entend en voix off lors du prologue. Le très intéressant scénario des duettistes Gil Doud (La Brigade héroïque - Saskatchewan de Raoul Walsh) et Jack Sher (Shane) est principalement basé sur cette biographie. Si ce personnage passionnant n’est jamais apparu dans aucun autre film, c’est probablement pour la simple raison qu’il n’a jamais accompli d’actes héroïques autres que par la parole ou par l’écrit, jamais par les plus ‘glorieuses’ armes. Et c’est bien dommage qu’il ait été autant laissé de côté car au vu de sa personnalité un peu 'hors du commun', il y avait de quoi faire. Heureusement, les auteurs lui ont rendu un bel hommage au travers de cet Homme de San Carlos. Venant de l’Est, ce pied-tendre, membre d’une communauté ecclésiastique, fut mandaté par le Président Ulysses S. Grant pour prendre la direction d’une réserve Apache, lui qui n’avait encore jamais vu d’indiens de sa vie mais qui les considérait tout de même comme des citoyens à part entière. Pour qu’ils soient enfin reconnus comme tels, il souhaita en toute confiance leur laisser la plus grande autonomie possible en s'auto-gouvernant, pensant ainsi leur faire retrouver leur dignité. Ces idées humanistes furent évidemment vues d’un sale œil par l’armée américaine qui fut évincée de la réserve sans plus attendre, par la plupart des civils qui avaient peur pour leur sécurité ainsi que par quelques indiens bellicistes qui ne supportaient toujours pas cette ‘soumission’ aux hommes blancs. Malgré tous ces obstacles, il réussit à mener à bien son projet et, plus fort encore, à arrêter Geronimo sans effusion de sang. L’armée ayant repris les rênes, relançant par là-même les guerres indiennes durant une bonne dizaine d’années, Clum se lança dans le journalisme, s’installant à Tombstone pour créer le ‘Tombstone Epitatph’ au sein duquel il ne cessa de prendre la défense des Indiens. Il fut le premier maire de la ville, se prenant d’amitié pour le shérif qui n’était autre que Wyatt Earp. Non seulement il le soutin au sein de son journal contre les Clanton mais c’est également lui qui narra le fameux règlement de comptes à OK Corral en 1881.

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Au vu de cette courte biographie, on se rend compte de l’importance qu’eut John Philip Clum dans l’histoire de l’Ouest : un homme intègre et honnête, se battant contre la politique d’extermination des indiens prônée par l’armée, qui essaya de faire admettre le statut d'autonomie pour les Apaches et qui parvint à faire signer à Geronimo un acte de reddition, le tout sans violence. Ce dernier succès fut d’autant plus retentissant que ni l’armée ni la justice n’avaient réussi à le remporter malgré les millions de dollars dépensés chaque année pour y arriver. Un succès qui fera des jaloux et qui poussera John Clum à ‘démissionner’. Tout ceci est parfaitement narré au sein du film de Jesse Hibbs qui n’est d'ailleurs pas sans une certaine virulence envers l’armée américaine représentée ici par un Morris Ankrum qui campe un Général va-t-en-guerre assez haïssable. Loin de ses personnages de fines gâchettes ou de hors-la-loi, Audie Murphy interprète avec honnêteté et sobriété cet agent aux affaires indiennes. Après son rôle de lâche dans le superbe film de John Huston, The Red Badge of Courage (La Charge victorieuse), le comédien prouvait une nouvelle fois que, malgré les nombreuses critiques négatives à son encontre (notamment concernant ses talents d'acteur dramatique), non seulement il s’est souvent révélé convaincant mais qu’il fit également des choix de carrière assez courageux en acceptant d’endosser cette fois-ci la défroque de ce ‘tendeerfoot’ qui n’a jamais tenu une arme et qui ne savait même pas se battre. Dans le premier combat à poings nus qu’il l’oppose à l’indien interprété par Anthony Caruso, il se serait fait étrangler sans l’intervention du chef de la tribu ; lors du deuxième pugilat se déroulant au sein d'un saloon contre des chasseurs de scalps, il est assommé au premier coup de poing reçu. Ce seront quasiment d’ailleurs les seules scènes ‘d’action’ du film, les deux autres étant la tentative de rebellion par Anthony Caruso et l’attaque d'un convoi de colons par Geronimo, toutes deux très vite expédiées et filmées d’assez loin. Les amateurs de westerns mouvementés devront s’abstenir car toutes ces séquences mises bout à bout ne doivent pas dépasser une durée de deux minutes montre en main. Mais c’est aussi ce qui fait la principale originalité de ce western qui nous décrit la lutte d’un médiateur pour faire imposer une certaine forme de paix sans jamais devoir en passer par la violence (ou tout du moins le moins possible), le combat d’un homme pour faire en sorte que les Apaches puissent se gouverner par eux-mêmes, pour les encourager à relever la tête après tant de brimades, de soumissions et de privations.

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Un western pro indien parfois un peu paternaliste (lorsque Clum parle par exemple de ‘ses indiens’) mais qui n’en décrit pas pour autant avec une grande dignité les Indiens Apaches et qui s’avère finalement assez virulent envers les américains ayant continué à vouloir perpétrer le massacre ("On ne met pas des gens en prison pour avoir tué des Apaches. On leur donne une médaille" dira l’un des chasseurs de scalps ne comprenant pas pourquoi Clum souhaite le faire juger). Comme le répète souvent Patrick Brion à juste titre, il n’était pas inintéressant de trouver de tels messages de paix et de tolérance au sein des petits films de série B destinés avant tout au divertissement, projetés en double-programme, et qui pouvaient donc pour cette raison toucher d'autres franges de la population que les traditionnels cinéphiles, faire prendre conscience au spectateur lambda de la minable condition des Indiens au siècle dernier. Pas mal d’authenticité dans la description de cette réserve (notamment les ‘quartiers’ de John Clum) malgré un budget apparemment très restreint qui a obligé le réalisateur à tourner de nombreuses scènes d’extérieur en studio et certains plans devant des transparences plutôt ratées : l'aspect plastique du film est ainsi souvent assez ‘cheap’ et moyennement enthousiasmant. Dommage car en revanche les paysages naturels sont bien choisis et plutôt correctement filmés sans cependant aucun génie dans l’appréhension de l’espace (le scope n’est pas utilisée avec une grande efficacité). Jesse Hibbs était un bon professionnel mais il ne fallait pas lui en demander plus. Mais nous n’allons pas nous en plaindre d’autant que son film est non seulement très intéressant mais aussi très agréable à suivre : malgré le peu d’action, on ne s’y ennuie presque jamais. Et si beaucoup ont critiqué le fait que les scénaristes ne se soient pas cantonnés à ne décrire que les relations entre Clum et les indiens, regrettant toute la partie concernnant les problèmes domestiques qui accaparent notre héros (avec entre autres le ‘triangle amoureux'), cette dernière s’avère au contraire toute aussi captivante, rendant le personnage principal encore plus humain.

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En arrivant à San Carlos, Clum fait la connaissance d’une jeune veuve indienne ayant perdue son mari lors de combats contre les Tuniques Bleues : il s’agit de la fille du chef, ce dernier l’ayant envoyée au nouvel agent afin de le servir (ce qui sous entend aussi de se glisser dans son lit). Elle tombe très vite sous son charme. Clum lui explique qu’il a déjà une fiancée et que ses coutumes lui interdisent d’avoir deux femmes ; ce que Tianay a du mal à comprendre, la bigamie étant tout à fait normale chez les Apaches. Anne Bancroft (qui aurait dû se voir octroyer le rôle finalement obtenue par Debra Paget dans le superbe La Dernière chasse de Richard Brooks) est non seulement très belle avec ses cheveux courts mais aussi plutôt convaincante dans la peau de cette indienne qui ne manque pas de bon sens : à l’Apache à qui elle était promise suite à la mort de son premier mari et qui la relance en lui disant de partir avec lui ne pouvant pas supporter d’être soumis aux blancs, elle lui rétorque qu’elle aurait préféré avoir un premier mari soumis que mort. Clum est ainsi sans cesse tiraillé entre Tianay et sa fiancée qui finit par le rejoindre et l’épouser. Quoique plutôt banal, encore un personnage bien écrit que celui de Mary, la femme tendre et aimante qui dans un premier temps a du mal à intégrer les coutumes des indiens, jalouse d’apprendre que Tianay ait eu le culot de demander à son mari d’être sa seconde épouse, avant de changer son fusil d’épaules et d’accepter les différences entre leurs conceptions de la vie. Superbe séquence entre les deux femmes lorsque la fiancée s’écroule dans les bras de l’indienne lorsque son mari part pour la très dangereuse mission qui consiste à appréhender le redoutable Geronimo. Superbe final qui voit toujours cette même femme annoncer à son mari qu’elle reste auprès de lui, souhaitant désormais vivre dans une parfaite entente avec les indiens. Vraiment, deux très beaux personnages que ces deux femmes contrairement à ce que j’ai pu lire à droite et à gauche, rendant les relations entre les différents protagonistes encore plus riches. Et ici, Pat Crowley est loin d’être ridicule, et encore plus loin de manquer de charme contrairement à ce que Bertrand Tavernier sous-entend dans son pourtant passionnant bonus, faisant état du manque de crédibilité dans le fait fait qu'Audie Murphy préfère cette dernière à Anne Bancroft.

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Pour compléter cette solide distribution, nous trouvons encore beaucoup d’autres acteurs tous très bons comme Jay Silverheels dans le rôle de Geronimo (personnage qu’il avait déjà tenu dans La Flèche brisée de Delmer Daves), Robert Warwick dans celui du chef de la tribu, Charles Drake dans celui du rigolard et loyal ami, Morris Ankrum dans la peau du Général raciste (alors qu’il fut très souvent dans l’autre camp, ayant interprété des dizaines de chefs indiens auparavant) ou encore Anthony Caruso et même Tommy Rall (inoubliable dans deux chefs-d’œuvre de la comédie musicale : Kiss me Kate de George Sidney et My Sister Eileen de Richard Quine). Étonnant de voir cet immense danseur au sein du casting d'un western on a profité pour lui demander de régler la chorégraphie de la séquence de danse tribale. Pour résumer rapidement, bonne interprétation d’ensemble, scénario solide et constamment intéressant pour un film de série qui ne décolle jamais vraiment haut mais qui reste digne et honnête tout du long. Sans atteindre des sommets et flirtant même parfois avec la mièvrerie (la séquence de la fugue des deus enfants), une honorable réussite (une de plus de la part du producteur Aaron Rosenberg) qui prouve une nouvelle fois le talent de comédien d'Audie Murphy.

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Le Fort de la dernière chance (The Guns of Fort Petticoat - 1957) de George Marshall
COLUMBIA


Avec Audie Murphy, Hope Emerson, Kathryn Grant, Jeanette Nolan, Ray Teal
Scénario : Walter Doniger
Musique : supervisée par Mischa Bakaleinikoff
Photographie : Ray Rennahan (Technicolor 1.85)
Un film produit par Harry Joe Brown pour la Columbia


Sortie USA : Avril 1957


Le prolifique George Marshall eut un genre de prédilection tout au long de son imposante carrière : la comédie. Quand il aborda le western, il insuffla souvent beaucoup d’humour à la plupart de ses films, le plus célèbre et le plus réussi étant Destry Rides Again (Femme ou démon) avec James Stewart et Marlene Dietrich, symbiose quasi-parfaite entre drame et comédie. Il réalisa aussi une amusante parodie de western par l’intermédiaire de Red Garters (Les Jarretières rouges), une curieuse comédie musicale expressément tournée à l’intérieur de décors stylisés à l’extrême. Il réalisa ensuite un propre remake de son Destry Rides Again avec Destry (Le Nettoyeur) dont l’acteur principal était Audie Murphy, à nouveau en haut de l’affiche de ce Guns of Fort Petticoat qui, au vu de son titre et de son argument principal (un homme et une vingtaine de femmes réunis dans une mission abandonnée), aurait pu nous faire penser qu’il s’agirait à nouveau d’un western à forte dose humoristique, voire d’une comédie. Il n’en est cependant rien, le ton de ce western étant on ne peut plus sérieux, tout comme l’était quelques mois plus tôt le singulier Les Piliers du ciel (Pillars of the Sky), l’un des rares westerns ouvertement ‘chrétiens’. Surprenant, Le Fort de la dernière chance l’est lui aussi, mais, faute à une mise en scène sans génie et à un scénario à semi-bâclé, s’il s’avère à nouveau plaisant à regarder, tout comme pour son prédécesseur, on reste sur sa faim surtout au regard des immenses possibilités qui s’offraient ici et là au cinéaste. Le Fort de la dernière chance mérite pourtant également que l’on s’y arrête surtout pour les pistes thématiques abordées ainsi que pour le portrait de quelques personnages dont celui joué par Audie Murphy ; après déjà une dizaine de westerns à son actif, le comédien peut se targuer d’une filmographie dans le genre qui lui aura octroyé une belle brochette de protagonistes très intéressants, le dernier en date ayant été celui du pacifiste commissaire aux affaires indiennes dans l'atypique L’Homme de San Carlos (Walk the Proud Land) de Jesse Hibbs, western sans quasiment aucune action. Un acteur qui fut longtemps sous-estimé et que l’on commence à grandement réhabiliter, même Bertrand Tavernier lui reconnaissant désormais de grandes qualités.

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La Guerre de Sécession bat son plein. Le Lieutenant Frank Hewitt (Audie Murphy), à la tête d’un détachement de la cavalerie américaine, croise une petite troupe d’Indiens Cheyennes qui a quitté illégalement sa réserve pour aller commercer. Leur accordant sa confiance en voyant les membres de la tribu désarmés, il leur demande juste de réintégrer leur réserve de Sand Creek. Suite à son rapport au colonel Chivington, ce dernier décide d’aller donner une leçon aux indiens désobéissants. Violemment contre cette expédition punitive, Frank décide de donner sa démission mais assiste néanmoins, écœuré, au massacre de la tribu par les Tuniques bleues. Persuadé que de ce carnage vont résulter des représailles de la part des indiens, Frank se dépêche de rentrer dans son Texas natal, prévenir ses concitoyens de l’imminence du danger. Mais quasiment tous les hommes sont partis se battre sur le front de la Guerre Civile ; seuls demeurent pour s’occuper des ranchs et fermes, les femmes et les enfants. Il fait le tour des différentes propriétés pour essayer de convaincre leurs habitants de venir se réfugier dans la mission la plus proche afin d’organiser la résistance. Même s'il est au départ rejeté d’un peu partout par le fait de porter l’uniforme nordiste et être ainsi considéré comme traître à son Etat, il finit par y arriver ; et tous de se retrouver dans le bâtiment abandonné rapidement transformé en bastion. La forte en gueule Hannah Lacey (Hope Emerson) est nommée Sergent et, sous ses ordres, les femmes reçoivent un entrainement intensif pour apprendre à se battre et à se défendre. Quant à Hewitt, il est pris en tenaille entre Stella (Patricia Tiernan), son ex-fiancée, mariée entre temps mais toujours amoureuse de lui, et Anne (Kathryn Grant), la fille d’un de ses ex-amis qui tout d’abord, en voyant son uniforme, avait tenté de lui trouer la peau…

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Ici, Audie Murphy interprète un Texan parti s’enrôler par conviction anti-esclavagiste dans l’armée Yankee. Il est donc déjà considéré comme un traître par ses concitoyens. Puis, en totale opposition avec son supérieur quant à ses velléités meurtrières envers les indiens, il n’hésite pas à le contrer oralement en lui disant son fait bien en face, et surtout à donner sa démission d’une armée qui le dégoute désormais. Il y a de quoi : Chivington (personnage ayant réellement existé, dans la mouvance de Custer) lui fait comprendre qu’il décide de massacrer une tribu innocente pour lui apprendre l’obéissance, même si cet acte risque de déclencher une nouvelle guerre indienne. La reprise du conflit l’arrangerait même au contraire ; en effet, si les indiens du Texas repartent sur le sentier de la guerre, ça fera des Sudistes en moins à combattre puisqu’ils auront été anéantis à leur tour !!! Constat sacrément courageux de la part des auteurs d’autant qu’ils nous font assister au tristement fameux massacre de Sand Creek, celui-là même que narrait Van Heflin avec une formidable puissance d’évocation dans le chef-d’œuvre de George Sherman, Tomahawk. La seule erreur historique est que cette boucherie n’a pas été initiée dans la réalité par L’US Cavalry mais par une milice que commandait le même Chivington : le 29 novembre1864, à la tête de 700 cavaliers, il attaqua un camp indien où l’on trouvait surtout femmes, enfants et vieillards avec pour résultat quelques 300 morts du côté des Cheyennes. Après avoir donc assisté en tant que témoin impuissant à ce carnage, Hewitt rentre au Texas prévenir ses anciens voisins que les Indiens risquent de vouloir se venger. Il est très mal accueilli par la plupart pour avoir choisi le camp adverse surtout qu’il n’a pas jugé utile de quitter son uniforme Nordiste. Quoiqu’il en soit, il ne pense qu’à la sauvegarde de ses concitoyens, préférant oublier le conflit civil qui les sépare, et prend des risques en essayant de leur expliquer le danger imminent qui les menace. Il ne trouve quasiment que des femmes et des enfants, les hommes étant tous occupés à faire la guerre.

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En à peine un quart d’heure assez remarquable (au cours duquel nous aurons eu l'occasion de voir aussi des décors d’habitations assez inédits dans le genre), nous aurons pu constater à quel point le postulat de départ était passionnant et le personnage de Frank Hewitt superbement écrit : un symbole de probité, de courage, d’antiracisme, de tolérance et de pacifisme ; rien que ça ! Dans ce beau rôle, le comédien est égal à lui-même, d’une grande sobriété, ce qui ne l’empêche pas d’être constamment convaincant. Après cette excellente entrée en matière, prenez Convoi de femmes (Westward the Women) de William Wellman et Quand les tambours s’arrêteront (Apache Drums) de Hugo Fregonese, mélangez le tout, et vous aurez ainsi un petit aperçu de la suite du film. Frank sera arrivé à convaincre toutes les femmes des environs de se réunir au sein d’une mission abandonnée afin de pouvoir contrer les attaques indiennes qui ne devraient plus tarder ; pour se faire, elles devront apprendre à attaquer et à se défendre. Quasiment seul entouré d’une vingtaine de femmes, comme l’était Robert Taylor dans le chef d’œuvre de Wellman, se retrouvant avec elles bloqué au sein d’une bâtisse religieuse comme dans le très beau film de Fregonese, la situation semblait devoir être des plus captivantes. Malheureusement, à partir de là, même si le film continue de se suivre sans déplaisir, on a l’impression d’un certain bâclage, le scénariste et le réalisateur ne semblant pas avoir exploité toutes les possibilités qu’ils avaient à leur disposition, n'ayant pas tiré partie de toutes leurs bonnes idées, n'ayant jamais approfondi les thématiques intéressantes qu’ils avaient initié, le final entérinant ce fait, un happy-end totalement ridicule qui n’aurait pas dépareillé une pure comédie mais qui va ici à l’encontre du ton général du film. Ajoutons à ça de grosses ficelles scénaristiques totalement dispensables comme celle de l'arrivée impromptue des trois bandits : Bertrand Tavernier défend l’idée en supputant que le scénariste les a introduit dans l’histoire pour ne pas que le spectateur sente venir de la monotonie à rester constamment en compagnie des seules femmes ! Quoiqu’il en soit et même si Ray Teal et James Griffith semblent de délecter d’interpréter de tels salauds (alors que Nestor Paiva est assez insupportable), leur apparition au sein de l’intrigue arrive vraiment comme un cheveu sur la soupe.

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Venons en maintenant aux personnages féminins qui sont ici fortement majoritaires, tous fortement caractérisés, et par le fait plus ou moins caricaturaux sans que ce ne soit forcément incommodant : on aura donc droit à la forte-tête, à la courtisane au grand cœur, à la dangereuse bigote, à l’aristocrate et sa servante noire, à la peureuse, à l’amoureuse... Si les archétypes ne sont dans l'absolu pas gênants en soi, encore faut-il qu’ils soient interprétés par des comédiennes chevronnées ou qui s’en donnent à cœur joie : ici Hope Emerson, s’en sort comme d’habitude avec les honneurs, n’ayant pas son pareil pour endosser les rôles de femme "as good and as strong as any three men" comme elle aime se définir elle-même dans le film et qui se verra nommer sergent par l’homme de la situation ; Kathryn Grant (futur épouse de monsieur Bing Crosby) est aussi convaincante que mignonne alors que Jeanette Nolan tient une fois de plus le rôle de la religieuse fanatique de service, odieuse au possible lorsqu’elle vient à se réjouir de la mort d’une de ses compagnes qui était, comble de l’horreur, une célibataire enceinte ("Elle portait la marque du pêché"). Malheureusement, toutes les autres actrices s’avèrent bien médiocres, voire pour certaines plutôt agaçantes. Tout comme le seul homme accompagnant Audie Murphy jusqu’à la mission et qui se révèlera un type très peu recommandable, interprété par le très mauvais Sean McClory. La séquence de sa mort met néanmoins le spectateur assez mal à l'aise et nous donne encore un aperçu de ce que le film aurait pu être sous la direction d'un cinéaste ayant un univers plus personnel.

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Dommage qu’un script proposant d’aussi nombreuses intéressantes pistes manque à ce point de la plus élémentaire des rigueurs sinon, entre d’autres mains, le film aurait pu facilement être bien plus qu’une plaisante curiosité. Malgré tout, même si les décors en intérieurs font bien trop factices, même si la mise en scène de George Marshall s’avère moyennement inspirée, grâce à son solide métier, à son efficacité à monter et filmer ses scènes d’action, à son sens de l’espace ici plus aiguisé qu’à l’accoutumé, à son choix de superbes paysages, mais également grâce aux messages visant à critiquer tous les excès et intolérances, à une sympathique galerie de personnages, le spectacle demeure bien sympathique, encore plus pour les admirateurs d’Audie Murphy pour qui il s’agissait du premier film qu’il produisait pour sa compagnie indépendante gérée en collaboration avec Harry Joe Brown. Un western moyen qui a néanmoins le mérite d’être assez bien mené et jamais ennuyeux. A signaler une bande originale faite de morceaux piqués ici et là dans d’autres productions Columbia, y compris le thème martial du générique. Petite série B à ne conseiller qu'aux seuls aficionados, ces derniers pouvant trouver matière à passer un agréable moment.

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Lord Henry
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Re: Audie Murphy (1924-1971)

Message par Lord Henry »

supfiction a écrit : pourriez-vous me donner votre avis sur
- "Le Diable dans la peau"
Je remets ici mon commentaire:

Hell bent for leather 1960

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A la suite d'un concours de circonstances, les habitants de Sutterville prennent Clay Santell (Audie Murphy) pour Travers (Jan Merlin) , un criminel qui a sévi récemment dans la région. Cette confusion satisfait pleinement le marshall Deckett (Stephen McNally), fatigué de courir après Travers, et qui pense ramener le cadavre de Santell afin de toucher la prime promise. Ce dernier parvient à s'enfuir et emmène en otage l'institutrice locale (Felicia Farr).


On est toujours soulagé d'avoir quelque chose à dire à propos d'un western d'Audie Murphy, sa filmographie dans le genre promettant plus la routine qu'elle ne laisse espérer d'heureuses surprises.
Certes en 1960, Hell-Bent for Leather semble déjà appartenir par sa facture au passé d'une production près de succomber sous les assauts répétés de la télévision, et destinée aux ultimes convulsions stylistiques que lui imposeront l'incertitude morale des années soixante mêlée à la concurrence transalpine.
La respiration naturelle du récit s'ajoute à un usage fructueux du format scope permettant au paysage d'exister comme un personnage à part entière. Le récit est enserré entre deux scènes que l'on croirait tirées d'un petit théâtre de l'absurde aux couleurs du far-west. A l'entrée de Clay Santell dans Sutterville désertée par sa population, ville fantôme sans fantômes, répond son arrivée à Paradise, quelques bâtiments jetés dans un décors aride tels les dés qu'aurait lancés la main du joueur céleste. Des dialogues tissés d'un quiproquos fatidique avec les habitants de la première bourgade aux échanges laconiques et ambigus dans l'austérité d'un saloon quasi-brechtien, un sentiment de décalage prévaut. Perception que renforce l'image de ce couple errant figé sur l'arrière-fond d'un nomansland, dans l'attente indéfinie d'un troisième personnage.
Dans l'ensemble, le scénario ploie sous le fardeau de sa propre banalité. Le film se ménage un moment de liberté presque incongrue avec l'irruption de Robert Middleton par une nuit d'orage dans le refuge des deux fuyards. Mais cette liberté reste lettre morte, et la tension s'est-elle à peine installée que la situation se résolve par une échappatoire qui relève de la démission scénaristique. Il en va de même de la conclusion, expédiée sans autre forme de procès parce qu'il faut bien conclure.
La distribution tient la route, à l'exception de Felicia Farr, qui, en revanche, tient bien à cheval.
Dernière modification par Lord Henry le 23 mars 12, 11:53, modifié 4 fois.
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Jeremy Fox
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Re: Audie Murphy (1924-1971)

Message par Jeremy Fox »

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Le Diable dans la peau (Hell Bent for Leather - 1960) de George Sherman
UNIVERSAL



Avec Audie Murphy, Stephen McNally, Felicia Farr, Robert Middleton
Scénario : Christopher Knopf
Musique : William Lava & Irving Gertz sous la direction de Joseph Gershenson
Photographie : Clifford Stine (Eastmancolor 2.35)
Un film produit Gordon Kay pour la Universal


Sortie USA : 01 février 1960


Le maquignon Clay Santell (Audie Murphy) se rend à Sutterville pour y acheter des chevaux. Ayant fait une halte avant d’atteindre la ville, il voit arriver un homme blessé à qui il propose de partager son repas ; faisant semblant d’accepter, le ‘faux’ blessé frappe son hôte, lui vole sa monture et s’enfuit à vive allure. Clay a néanmoins eu le temps de lui tirer dessus, le touchant à l’épaule, et de récupérer le fusil de son agresseur. Arrivé en ville à pied, il constate qu’on le regarde d’une drôle de façon ; en effet, à la vue du fusil qu’il s’est procuré, les habitants le prennent pour le meurtrier de deux de leurs concitoyens qu’on est justement en train de mettre en terre. C’est ainsi que, malgré ses dénégations, on pense qu’il s’agit de Travers (Jan Merlin), criminel recherché et poursuivi depuis un certain temps par le Marshall Deckett (Stephen McNally). Ce dernier arrive justement et, seul à connaître le visage du hors-la-loi, profite de la confusion pour confirmer les soupçons des villageois. Las de poursuivre Travers et avide de toucher la prime promise, il ne fait effectivement rien pour les détromper ; il compte même le ramener dans sa ville de Denver et l’y faire pendre à la place du véritable assassin, en retirant ainsi une gloire plus rapide que s’il avait dû poursuivre son épuisante chasse à l’homme. Mais en cours de route Clay réussit à fausser compagnie à l’opportuniste homme de loi. Pour sauver sa peau, il prend en otage Janet (Felicia Farr), l’institutrice locale qui, convaincue de son innocence, va tout faire pour le tirer de ce guêpier…

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Après avoir pris le contrepied des critiques français de l’époque (et de celles d'il y a encore peu de temps) qui traitaient pour la plupart George Sherman avec mépris, le considérant comme un simple tâcheron, et après avoir à plusieurs reprises reporté avec insistance toute votre attention sur le réalisateur américain, voici qu’à mon tour je me mets à douter de ses réelles capacités. Car il faut bien l’avouer, depuis 1952 et le très bon The Battle at Apache Pass (Au mépris des lois), le cinéaste n’a plus arrêté de me décevoir. Le Diable dans la peau n’échappe pas à la règle : même si le postulat de départ pouvait sembler captivant, la désillusion est de nouveau au rendez-vous. Force est donc de constater qu’après 1952, la plupart de ses westerns furent bien moins enthousiasmants que les précédents. Après Les Rebelles (Border River) et Le Trésor de Pancho Villa, on aurait pu se dire que le Mexique ne semblait pas avoir grandement inspiré le réalisateur ; mais ses derniers westerns pro-indiens, Le Grand chef (Chief Crazy Horse) et Comanche n’étaient guère meilleurs, voire même pires. Au vu de Duel dans la Sierra, et même si ce dernier était cette fois loin d’être mauvais contrairement à tous les autres titres cités ci-dessus, et à moins d’un dernier sursaut à venir (Big Jake avec John Wayne en 1970), je continue de penser que sa période faste se situe bel et bien derrière lui, ses meilleurs westerns ayant été ceux tournés entre 1948 et 1952 pour la compagnie Universal, studio pour qui ce fut également la période glorieuse concernant le genre. Mais avant de critiquer de nouveau négativement ce nouvel opus, rappelons nous quand même que George Sherman a réalisé une dizaine de très bons westerns et parmi ceux-ci, son chef-d’œuvre, Tomahawk, un western pro-Indien d’une rare puissance d’évocation à propos des massacres perpétrés envers les 'Natives'.

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Une confusion d’identité amenant à faire prendre un innocent pour un meurtrier que l’on poursuit dans le but de le lyncher. Une jeune femme prise en otage par cet homme pour garantir sa survie, d’abord effrayée puis devenant sa ‘complice’ au fur et à mesure de leur périple. Un homme de loi sachant pertinemment que l’homme traqué n’est pas le coupable mais qui le pourchasse cependant sans relâche pour retirer plus rapidement la gloire et la prime promises pour sa capture... Des personnages et un postulat de départ à priori très séduisants sur le papier même si pas spécialement originaux non plus. Quoi qu’il en soit, que les divers éléments de l’intrigue soient conventionnels ou non, on sait très bien que ce n’est jamais le gage de la réussite ou de l’échec d’un film ; tout dépend de ce qu’en font leurs auteurs. En l’occurrence, avec ces bases, des cinéastes comme Budd Boetticher ou Anthony Mann, des scénaristes tels Borden Chase ou Burt Kennedy auraient facilement pû accoucher d’un chef-d’œuvre. Malheureusement, que ce soit George Sherman ou son scénariste Christopher Knopf (homme ayant presque exclusivement travaillé pour la petite lucarne), tous deux ratent le coche. Et pourtant le début de leur western promettait d’être captivant ; la rencontre initiale de Clay et de l’homme avec qui il va être confondu faisait entrer d'emblée le spectateur au cœur de l’action ; l’arrivée de Clay à pied dans un village semblant mort et perché sur le flanc d’une colline s'avérait elle aussi assez intrigante, ces décors naturels étant assez insolites. La tension montait ; on comprenait alors que le personnage joué par Audie Murphy n'allait pas tarder à se mettre dans une situation inextricable, lui qui ne venait ici que dans l'intention d'acheter des chevaux.

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Puis, on comprend très vite la globalité des enjeux dramatiques avec l’arrivée du Marshall qui explique d’emblée à son ‘prisonnier’ qu’il sait très bien qu’il n’est pas l’homme qu’il recherche mais qu’il fera tout comme, lassé de poursuivre le vrai coupable qu’il aurait de toute manière bien plus de mal à appréhender et à ramener. Clay réussit à s’enfuir, va tenter de sauver sa peau en prenant en otage une jeune institutrice et tous deux vont essayer d’échapper aux poursuites de l'homme de loi et du posse qu'il a levé. A partir de là, alors qu’on aurait pu s’attendre à une course-poursuite haletante, faute à une écriture très lâche, à une mise en scène peu inspirée et à une interprétation sans grandes nuances, on se prend très vite à regarder sa montre. Même la séquence de l’apparition de l’inquiétant Robert Middleton dans la cabane, qui semble vouloir amener une forte tension, retombe très vite comme un soufflé à cause d’un bavardage intempestif sans grand intérêt. Un gros problème de rythmique que n’arrange guère de très grosses incohérences comme celle du passage du col. C’est une ascension que l’on dit très difficile, que seul un homme a réussi jusqu'à maintenant, mais que nos deux fugitifs terminent en un coup de cuiller à pot comme s’ils n’avaient grimpé que deux étages. Alors que, dans le même temps, les poursuivants, plus nombreux et à cheval, les talonnant pourtant d'assez près, décident de les rattraper en faisant un contournement de la montagne qui durera cinq heures ! La suspension d’incrédulité a beau être largement à ma portée, il existe des invraisemblances tellement grosses qu’elles nous font néanmoins sortir du film. On pourrait citer d’autres exemples de ce style qui démontreraient le manque de rigueur du scénario ; un scénario souvent incohérent aggravé par une description des personnages sans grand intérêt psychologique et des dialogues sans punch et peu intéressants.

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George Sherman est cependant lui aussi fautif dans l’ennui qui s’installe, déjà par le fait d'une direction d’acteurs assez frivole, certains en faisant bien trop alors que d’autres se révèlent bien trop fadasses y compris un comédien que j’apprécie pourtant beaucoup, Audie Murphy. Fatigué, les traits tirés, il déçoit un peu ici, n’apportant aucun relief à un personnage qui en était au départ dépourvu. On aurait aimé voir l’acteur plus convaincant dans le rôle de cet homme simple et honnête auquel il aurait été très facile de s’identifier et qui, suite à une confusion d’identité, se retrouve victime de circonstances qui vont l’entrainer dans une cavale éperdue, poursuivi par une population vengeresse et un Marshall opportuniste et malsain qui n’hésite pas à faire tuer des innocents ou à pratiquer le passage à tabac. Ce dernier, c’est Stephen McNally, le héros de Apache Drums (Quand les tambours s’arrêteront) de Hugo Fregonese ; bien dirigé, il peut faire illusion mais au vu de son cabotinage parfois un peu pénible ici, on se rend compte que nous n’avons pas à faire à un immense comédien. On imagine aisément comment un tel personnage aurait pu faire gagner en intensité le film s’il avait eu pour interprète un Richard Widmark ou un Dan Duryea. Huit ans auparavant, Audie Murphy et Stephen McNally s’était déjà trouvés tous deux à l’affiche d’un western autrement plus enthousiasmant dans lequel ils étaient du même côté de la loi, Duel at Silver Creek (Duel sans Merci) de Don Siegel. Heureusement, Felicia Farr, la comédienne fétiche de Delmer Daves (inoubliable dans La Dernière Caravane, Jubal, 3.10 pour Yuma), s’en tire en revanche plutôt bien, le protagoniste qu’elle eut ici à interpréter s’avérant du coup le plus intéressant de l'intrigue. Là où le cinéaste nous déçoit également, c’est par une mise en scène assez paresseuse, bien moins inspirée ici que par le passé notamment dans son appréhension de l’espace ainsi que dans l’utilisation des paysages à sa disposition (le fameux Lone Pine en l’occurrence, au sein duquel Boetticher a filmé un grand nombre de ses chefs-d’œuvre). Alors qu’il nous avait impressionné au début des années 50, y compris dans son médiocre Le Grand chef qui demeurait malgré tout plastiquement superbe, on ne retrouve plus ici, même s’il reste quelques très beaux plans, ni sa science du cadrage ni la beauté de ses mouvements de caméra.

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Ainsi, malgré une histoire à priori captivante, on ne se passionne guère par ce qui se déroule sous nos yeux d’autant que cette série B très conventionnelle, outre être intempestivement bavarde, est affublée d’une musique stridente, bruyante et assez vite pénible, l’abondance de cuivres s’avérant peu en phase avec ce qui se passe à l’écran, aucune mélodie n’étant mémorisable, pas plus le thème romantique ; nous sommes cent coudées au dessous des compositions pour le studio signées Hans J. Salter ou Herman Stein. Un western qui ne décolle donc jamais vraiment et dont la conclusion parait trop hâtive. Entre temps, nous aurons néanmoins pu apprécier une assez belle photographie, quelques séquences sortant un peu du lot (notamment les dix premières minutes) ou des décors insolites comme celui de la petite ville de ‘Paradise’ qui anticipe celles que l'on trouvera dans les westerns de Clint Eastwood. Maintenant, que cet avis ne vous fasse surtout pas fuir ! En effet, je vous demande de juger par vous-même car si vous allez fureter sur le forum de westernmovie par exemple, aucune voix ne vient s’élever contre cette série B au contraire louangée avec un enthousiasme non feint.

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L'étoile brisée (Ride a Crooked Trail - 1958) de Jesse Hibbs
UNIVERSAL


Avec Audie Murphy, Walter Matthau, Gia Scala, Henry Silva, Leo Gordon
Scénario : Borden Chase
Musique : Stanley Wilson
Photographie : Harold Lipstein (Technicolor 2.35)
Un film produit par Howard Pine pour la Universal


Sortie USA : Septembre 1958


Une poursuite à cheval, ventre à terre. Le poursuivant, alors qu’il va appréhender le fuyard, glisse accidentellement et s’écrase au fond d’un ravin. Le bandit Joe Maybe (Audie Murphy) récupère alors la monture et les affaires du pauvre bougre décédé qui n’était autre que le Marshall Jim Noonan, connu pour son étoile à laquelle il manque une pointe (d’où le titre français). En arrivant à Webb City, le juge Kyle (Walter Matthau) qui a appris par télégraphe l’attaque d'une banque commise par un certain Maybe dans une ville voisine, lui demande son identité ; alors que le cambrioleur est sur le point de s’enfuir croyant être reconnu, le juge aperçoit l’étoile brisée dans la sacoche de l'étranger et le prend alors pour le célèbre homme de loi. Une aubaine pour Maybe qui se prend au jeu et se fait alors passer pour Noonan d’autant que ça ne le dérange pas de rester sur place ; en effet, il a dans l’idée de s’en prendre dès que possible à l’établissement bancaire du lieu. Mais il n’est pas le seul sur le coup puisque Tessa (Gia Scala) arrive en reconnaissance pour la bande de son amant, l’inquiétant Sam Teeler (Henry Silva). Afin que son identité reste secrète puisque Tessa le connait très bien (elle fût son ancienne maîtresse), Maybe la fait immédiatement passer pour son épouse. Un orphelin recueilli par le juge, à la demande de ce dernier qui pense qu’un enfant a besoin de parents, s’installe chez le couple. Tessa et Joe se prennent immédiatement d’affection pour le jeune Jimmy (Eddie Little), plus mature que tous les adultes qui l’entourent. Sacré dilemme pour notre sympathique bandit : se ranger ou poursuivre cette mascarade pour cambrioler la banque ?

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Au sein de la courte filmographie de Jesse Hibbs (seulement douze films), L’étoile brisée arrive en toute fin, le cinéaste mettant à cette occasion, avec son acteur de prédilection en tête d'affiche, un terme à sa carrière cinématographique. C'était ce cinéaste qui, deux ans plus tôt, avait réalisé Walk the Proud Land (L’Homme de San Carlos) avec déjà Audie Murphy (qui tournera six fois avec le réalisateur), généralement plutôt bien accueilli à l’époque du fait qu’il s’agissait d'un western pro-Indien assez inhabituel par sa quasi-absence d'action et la non violence de son héros principal. Sans atteindre des sommets, il s'agissait d'une honorable réussite. L’année précédente, Jesse Hibbs avait mis en scène le comédien alors qu’il interprétait son propre rôle dans un film basé sur sa vie de soldat et de héros de la Seconde Guerre mondiale, L'Enfer des hommes (To Hell and Back). Avant de passer derrière la caméra, Jesse Hibbs fut footballeur avant de devenir assistant réalisateur auprès, entre autres, de John Ford et Anthony Mann. Dans le domaine du western, il avait débuté par le très plaisant Chevauchée avec le diable (Ride Clear at Diablo) qui voyait la rencontre jubilatoire entre Audie Murphy et Dan Duryea. Puis ce fut, avec John Payne, Seul contre tous (Rails into Laramie), avant qu'il ne tourne Les Forbans (The Spoilers), une cinquième adaptation du célèbre roman de Rex Beach avec le duo Rory Calhoun/Jeff Chandler, une version assez terne surtout si on la compare avec celle de Ray Enright qui mettait en scèneun duo de stars bien plus prestigieuses, John Wayne et Randolph Scott. Si la critique a toujours fait la fine bouche vis-à-vis du réalisateur, son petit corpus westernien nous a pourtant octroyé, à défaut de grands films, des oeuvres pour la plupart très divertissantes ; c'était le cas pour L'Homme de San Carlos, ça l'est à nouveau, sur un ton plus léger, pour L'étoile brisée.

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L’étoile brisée, s’il comporte de nombreux éléments humoristiques, ne peut pas être considéré ni comme une parodie ni même comme une comédie, comme l’étaient par exemple d’autres films Universal tels Frenchie (La femme hors la loi) de Louis King ou La Belle aventurière (The Gal who Took the West) de Frederick de Cordova. Si le ton d’ensemble est bon enfant, l’intrigue signée Borden Chase s’avère assez sérieuse sans cependant aucune gravité. Les principaux éléments faisant penser à une comédie sont les relations qu’entretiennent Audie Murphy et la magnifique Gia Scala avec leurs dialogues piquants et pleins de sous-entendus, ainsi que les quiproquos qui découlent de la mascarade mise en place par obligation par ce couple se faisant alors passer pour d'honnêtes gens alors que par derrière ils trament un hold-up. Mais que ceux qui n’apprécient pas particulièrement le mélange comédie et western se rassurent ; rien de lourd ici et pas même de gags. Ce sont avant tout les situations qui prêtent à sourire comme par exemple aussi la maturité du jeune garçon qui rend certaines séquences assez cocasses. Quoiqu’il en soit, avec ce western au ton plutôt léger, les spectateurs de l’époque ont dû se sentir revenir quelques années en arrière tellement le film détone au milieu des autres sorties de 1958 en ce qui concerne le genre : une bouffée de fraîcheur bienvenue alors que la période avait tendance à se prendre un peu trop au sérieux (sans que ce ne soit nécessairement un jugement de valeur, le plus beau western de cette année étant d’ailleurs on ne peut plus grave, le très beau Gunman’s Walk - Le Salaire de la violence de Phil Karlson).

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Après un générique bercé par un thème musical doux et lyrique, le dernier film de Jesse Hibbs démarre sur les chapeaux de roue, le cinéaste filmant avec rythme et efficacité une poursuite à cheval entre deux hommes dont on ne connait évidemment encore pas les identités. La séquence se termine assez abruptement dans tous les sens du terme puisque stoppée net par la chute accidentelle du poursuivant en bas d’une vertigineuse falaise. Le survivant (Audie Murphy dont on devine d'emblée qu’il n’est pas du bon côté de la loi) arrive dans une petite ville fluviale représentée par une très jolie toile peinte (dommage, et pour cause, que le cinéaste n’ait pas pu exploiter un tel charmant décor ; en effet, nous ne verrons quasiment jamais le fleuve malgré le fait que par exemple l’habitation du juge se situe à bord d'un bateau). On croise sans plus tarder le personnage pittoresque et haut en couleurs du juge interprété par un Walter Matthau qui semble s’être bien amusé à incarner ce bras de la justice alcoolique, braillard et sectaire mais néanmoins profondément humain. Dans le genre, nous avions déjà remarqué ses talents de comédien dans L’Homme du Kentucky (The Kentuckian) de Burt Lancaster et le chef-d’œuvre d’André de Toth, La Rivière de nos amours (The Indian Fighter) ; il confirme ici ses débuts remarqués, volant à plusieurs reprises la vedette à ses collègues de travail. Il faut dire qu’hormis Audie Murphy et Gia Scala (merci au passage à la costumière et au maquilleur de l’avoir ici aussi bien mise en valeur), le reste du casting est vraiment sous-exploité à l’image d’Henry Silva, moins inoubliable qu'habituellement, de la charmante Joanna Moore (la mère de Tatum O’Neal), ou alors carrément sacrifié comme l’excellent Leo Gordon, ‘utilisé’ ici guère plus longuement qu’un simple figurant (c’était malheureusement déjà le cas dans L’Homme qui en savait trop d’Alfred Hitchcock, version 1956).

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En revanche, pour son seul rôle au cinéma, le jeune Eddie Little est plutôt attachant, amusant dans ses relations avec les adultes ainsi qu’avec ses camarades de jeu qu’il prend un peu de haut à cause de sa plus grande maturité d’esprit, ayant été élevé dans le giron de tout un groupe de Saloon Gal. Un personnage assez important car à la fois témoin muet de la tromperie mise en place par ses 'parents adoptifs', et très souvent l’instigateur de l’avancée de l’intrigue. Malgré son chien et le côté Lassie qui pointe le bout de son nez, presque aucune mièvrerie à craindre. Borden Chase signe d’ailleurs ici un scénario bien ficelé et assez amusant même si nous sommes évidemment très loin de ses grandes réussite écrites pour entre autres Anthony Mann (Winchester 73, Les Affameurs - Bend of the River, Je suis un aventurier - The Far Country…) ; bien meilleur et plus rigoureux en tout cas, pour en rester dans le même style et chez le même réalisateur, que le travail d’Oscar Brodney pour le remake de The Spoilers de Ray Enright, Les Forbans, qui devenait vite assez pénible par le fait de ne pas arriver, malgré ses efforts, à nous arracher un sourire. Dans Ride a Crooked Trail, les quiproquos sont parfaitement agencés et les dialogues souvent réjouissants. Dommage que toute la fin soit à ce point bâclée, que la rivalité entre Audie Murphy et Henry Silva se termine aussi fadement, que la confrontation tant attendue manque à ce point de surprise, d’originalité et de vigueur. Mais avant ça, nous aurons passé un très bon moment au sein de cette petite ville au bord du fleuve, aux côtés d’enfants plus précoces et réfléchis que les adultes à qui ils donnent parfois l’exemple, à voir vitupérer ce juge sévère qui possède néanmoins un coeur d'or enfoui sous cette couche d'intransigeance.

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Pour rapidement résumer, une petite comédie westernienne sans prétention mais extrêmement agréable et sympathique dont les principaux éléments sont une bonne petite histoire scénarisée par Borden Chase, un sens du spectaculaire certain chez Jesse Hibbs lors des quelques scènes mouvementées, la beauté de son actrice principale, et enfin un Walter Matthau pittoresque et flamboyant à souhait. Encore un bon western dans la filmographie d’Audie Murphy qui au final en compte un certain nombre, plus de la moitié en tout cas.


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Les Cavaliers de l'enfer : Un groupe à la poursuite d'un autre avec au fur et à mesure de l'avancée des départs, des morts, des hommes se révélant des héros, d'autres des couards...Western efficace tourné presqu'entièrement en extérieurs dans de beaux décors naturels mais tout ceci semble déjà avoir été vu 150 fois et en mieux. Pas désagréable mais trop de clichés et un ton moralisateur assez pénible au final. Audie Murphy très bien, Vic Morrow en salaud intégral aussi ; dommage qu'on ne voie ce dernier que durant les 10 premières minutes. Très belle copie. 5/10
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Re: Audie Murphy (1924-1971)

Message par Supfiction »

Merci Jeremy et Lord Henry pour la réactivité !
Je viens justement de découvrir le très bon film de Huston (mais je trouve que la réalisation se suffit à elle-même, d'autres acteurs ayant fait également l'affaire, tel Montgomery Clift par exemple..) et ce coffret en promo tombe bien (pour une fois que je n'ai pas la moitié du coffret déjà à l'unité..).
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Re: Audie Murphy (1924-1971)

Message par Supfiction »

D'un autre côté, maintenant que j'ai lu vos appréciations sur ces films, je suis un peu refroidi.. ça semble bien loin de John Ford et d'Anthony Mann :lol:
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Jeremy Fox
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Gunpoint

Message par Jeremy Fox »

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La Parole est au colt (Gunpoint - 1966) de Earl Bellamy
UNIVERSAL


Avec Audie Murphy, Joan Staley, Warren Stevens, Edgar Buchanan
Scénario : Mary & William W. Willingham
Musique : Hans J. Salter
Photographie : William Margulies (Technicolor 1.37)
Un film produit par Gordon Kay pour la Universal


Sortie USA : 27 avril 1966


1880. La région de Lodgepole au Colorado est mise à sac par Drago et sa bande qui dès qu’ils ont commis leurs forfaits se réfugient au Nouveau Mexique, là où les autorités américaines ne peuvent légalement pas les appréhender. Ce jour là, le shérif Chad Lucas (Audie Murphy) et son adjoint Holt (Denver Pyle) s’apprêtent à tendre un piège aux hors-la-loi alors qu’ils sont sur le point d’attaquer un train dans lequel se trouve de l’argent destiné à empêcher la ruine de la banque de Lodgepole. Mais Holt, dont Chad ne soupçonne pas qu’il est de mèche avec Drago, tire dans le dos de son patron et le laisse pour mort. Néanmoins Chad revient en ville (sans savoir qui a tenté de le tuer) et décide de contourner les lois pour aller mettre fin hors de sa juridiction aux agissements de Drago. Au moment où il va réussir à mettre la main sur la bande, celle-ci kidnappe la vedette du saloon local, la charmante Uvalde (Joan Staley) dont on apprend qu’elle fut autrefois la fiancée du shérif. Accompagné d’une bande d’une douzaine de volontaires, Chad part à la poursuite de Drago pour récupérer l’argent et la fille ; parmi les membres du groupe, Nate Marlan (Warren Stevens), le patron du saloon qui souhaite retrouver sa chanteuse qu’il avait décidé de prendre pour épouse. Outre la bande à Drago, la milice aura également fort à faire face à des Indiens belliqueux et à un autre trio de bandits…

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Si les années 50 furent les plus prolifiques pour Audie Murphy, les suivantes ne lui laissèrent cependant pas reprendre son souffle ; et contrairement à ce que l'on aurait pu craindre, ce ‘corpus sixties’ demeura qualitativement presque tout aussi honorable que le précédent malgré évidemment quelques petits ratés dont Gunpoint ne fait néanmoins pas partie. Dernier film tourné par Audie Murphy pour Universal -son studio de prédilection à qui il n’aura fait quasiment aucune infidélité- La Parole est eu colt ne sera plus suivi que de quatre autres titres dont trois westerns, le comédien le plus décoré de la Seconde Guerre Mondiale allant décéder peu de temps après. Il me serait très malhonnête de vous faire croire que vous allez tomber sur une pépite en regardant ce western de série B au budget très restreint, mais si jamais comme moi vous estimez que la filmographie westernienne du comédien au visage poupin aura été de qualité presque égale 15 années durant, vous ne devriez pas être déçu par celui-ci qui à mon humble avis se situe dans une honnête moyenne. Alors certes ce western assez banal vous paraitra très probablement ‘déjà-vu’ et surtout assez anachronique au vu de sa date de tournage, néanmoins on peut dire qu’il s’agit là d’un très classique et respectable divertissement.

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Comme dans de nombreux de ses westerns de cette décennie dont les constructions se révèlent finalement assez semblables, Audie Murphy, homme de loi peu bavard mais qui ne s’en laisse néanmoins pas compter, va se trouver dans l’obligation de lever un ‘posse’ ; ce fut parfois pour mettre fin aux agissements d’une bande de redoutables hors-la-loi, secourir une femme kidnappée ou bien récupérer de l’argent volé. Ici le couple de scénariste s‘avère amplement généreux puisqu’il enverra le probe homme de loi à la poursuite du gang pour les trois choses à la fois ; Chad devra non seulement récupérer un imposant butin volé lors de l’attaque d’un train et qui était destiné à empêcher que la banque de la petite ville où il officie ne fasse faillite, ramener également une Saloon Gal qui n’était autre que sa fiancée plusieurs années auparavant, et enfin mettre un terme aux agissements du bandit sans scrupules et de ses hommes qui, après chacun de leurs méfaits, viennent se mettre à l’abri de l’autre côté du poste frontière afin de ne pas être appréhendés. Bien évidemment, pour maintenir le suspense et l’action, la milice improvisée éclatera ou se fera décimer au fur et à mesure de son avancée. Néanmoins, le principal intérêt du film ne réside pas dans cette intrigue sans grandes nouveautés ni surprises mais, comme ceci prévaut d’ailleurs pour beaucoup des meilleurs westerns avec Audie Murphy, dans les relations qui s’instaurent au sein du groupe constitué par des hommes aux motivations diverses et aux caractères totalement différents. C’est d’ailleurs également le cas pour le fabuleux ensemble de westerns que Randolph Scott tournera sous la direction de Budd Boetticher.

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Dans La Parole est au colt, c’est le triangle amoureux et les membres qui le composent qui s’avèrent être les éléments les plus intéressants d’un scénario manquant certes un peu de rigueur mais néanmoins plutôt rondement mené. Plus que le personnage interprété par Audie Murphy qui reste toujours à peu près semblable d’un film à l’autre (ce qui ne me semble pas nécessairement problématique tellement l’acteur est parfaitement rodé pour ce genre de rôle d’homme de loi intègre et tenace, sachant se battre avec hargne et toujours aussi charismatique malgré son petit gabarit), c’est Warren Stevens qui tire la couverture à lui sans que jamais son partenaire en haut de l’affiche cherche à lui faire de l’ombre, leur complicité/rivalité s’avérant aussi crédible que touchante (c’était déjà le cas pour le duo Audie Murphy/Dan Duryea). Warren Stevens que l’on avait vu auparavant dans des films aussi réussis que Bas les masques (Deadline USA) de Richard Brooks, La Comtesse aux pieds nus (The Barefoot Contessa) de Joseph Mankiewicz ou encore Planète interdite (Forbidden Planet) de Fred McLeod Wilcox, nous livre une prestation mémorable dans la peau de ce tenancier de saloon qui, malgré le fait de devoir sa fortune au criminel recherché, ne va pas hésiter à se joindre aux hommes de loi pour partir à sa poursuite, n’acceptant pas que pour se protéger le bandit ait kidnappé la Saloon Gal sur qui il avait jeté son dévolu. Un beau personnage élégant, racé et non dénué de romantisme auquel on peut aisément s’identifier d’autant que la fille dont il s’est amouraché (la très méconnue Joan Staley) chante aussi bien qu’elle possède de charmes. Les scènes de conversations la réunissant avec le shérif, se rappelant leur ancienne histoire d’amour, sont également plutôt émouvantes. Il est néanmoins d’emblée évident que la femme, tiraillée entre les deux, n’aura pas à faire son choix puisque les aventures qui les conduiront jusqu’au combat final se chargeront de le faire pour elle. Un paramètre ‘cliché’ qui fait également partie de la plupart des westerns de série B Universal.

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Comme le scénario dont le schéma de base a donc déjà été vu à maintes reprises, si la mise en scène s’avère elle aussi très traditionnelle et sans surprises, elle n’en demeure pas moins assez efficace, faisant étrangement penser que nous nous trouvons devant un western des années 50. Earl Bellamy est en effet un artisan consciencieux, un réalisateur chevronné puisqu’il a signé plus de 1 000 épisodes de différentes séries télévisées et qu’il fut avant ça assistant-réalisateur non moins que de Fred Zinnemann, Max Ophüls, Nicholas Ray, William Wellman ou encore Georges Cukor. Quelques mois après Gunpoint sortira d'ailleurs sur les écrans un autre de ses westerns de très bonne qualité, Sans foi ni loi (Incident at Phantom Hill) avec Dan Duryea. Si, minime budget oblige, beaucoup des scènes d’action sont issues de stock-shots de précédentes productions Universal (dont Night Passage - Le Survivant des monts lointains pour la séquence du train avec un Audie Murphy tout de noir vêtu), les nouvelles séquences s’avèrent plutôt bien 'torchées' et notamment les combats à poings nus toujours aussi hargneux lorsque Audie Murphy est de la partie. On se souviendra également des plans sur la pente inclinée lors de l’ascension de la montagne, des amples plans d’ensemble sur les immenses plateaux à ses pieds, le tout très bien photographié au sein de superbes paysages de l’Utah. On pourra également prendre du plaisir à la chanson interprétée par Joan Staley (comédienne méconnue mais non sans talent) qui reprend l’entêtant thème principal signé par l’excellent Hans J. Salter ; à d’autres moments du film, on entend quelques uns des thèmes de ce dernier qu'il avait écrit pour certains westerns d’Anthony Mann avec James Stewart ; dans l'art du recyclage, la Universal était passé maître !

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En conclusion, pour paraphraser dans les grandes largeurs ce que j’écrivais à propos de Posse from Hell (Les Cavaliers de l’enfer), un précédent western avec Audie Murphy avec qui Gunpoint possède beaucoup de points communs : un western de série B assez fauché, non dépourvu de stéréotypes et à la mise en scène ultra-classique mais sinon plutôt efficace (malgré une impression dominante de déjà-vu) et attachant notamment par le fait de nous rendre témoins de la naissance d'une amitié entre deux personnages aux caractères antagonistes (ceux joués par Audie Murphy et Warren Stevens) et de leur intéressante évolution au fur et à mesure de leur parcours. Hormis un final attendu, il s'agit d'un film à la tonalité plutôt sombre, agréable à suivre pour sa belle brochette de comédiens, ses superbes décors naturels de l’Utah, et sa très belle photographie. Un western de série B assez conventionnel mais loin d'être désagréable ; un de plus dans la filmographie de très belle tenue du comédien Audie Murphy.
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