Jean Grémillon (1898-1959)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Sybille
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Re: Jean Grémillon (1898-1959)

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Le ciel est à vous
(1944) :

Dynamique long-métrage sur la pérennité de l'amour, la nécessité d'une passion commune. Pour le couple incarné par Madeleine Renaud et Charles Vanel, ce sera l'aviation. C'était devenu sa marotte lors de la Première Guerre, un hasard le remet au contact des terrains, son épouse découvrira alors la griserie procurée par l'envol. Le réalisme des premières minutes nous fait découvrir la France des années 1940. Même s'il est tourné pendant la guerre, on ne s'en rend absolument pas compte. Le village, les maisons de pierres, la procession des petits orphelins vêtus de noir, chantant de leurs voix angéliques, rien d'autre qu'un climat normal, serein et populaire.
Mais la famille du garagiste est déjà différente. On s'en aperçoit, à voir chacun accroché à ce qui l'intéresse : les avions pour les parents, la musique pour la fille aînée, loisirs qui deviennent autant de sources d'incompréhension entre membres d'une même famille, prétexte à l'éloignement tant physique parfois, que possiblement affectif. De cette situation, émerge la femme incarnée par Madeleine Renaud. D'une grâce volontaire, très indépendante, elle est particulièrement étonnante si l'on songe au contexte de l'époque. Charles Vanel est plus en retrait, mais possède une stature solide, un sérieux touchant, en même temps qu'agrémenté d'un brin de folie.
Les scènes d'aviation sont peu importantes numériquement, et sans spectaculaire. C'est véritablement par les dialogues exaltés des principaux protagonistes que nous pouvons partager tout le bonheur ressenti, cette sensation de défi. Le scénario se dote de détails légers, les personnages secondaires sont plutôt drôles et souvent pertinents. Une gravité sans ambage est cependant présente en arrière-fond, avec le rappel que les disputes, l'échec, voire la mort sont toujours là. La fin est à cet égard particulièrement sombre, avec une séquence d'appels téléphoniques sur fond de lynchage. Mais si ces notations cauchemardesques sont salutaires, démontrent l'esprit critique du scénario, elles rendent aussi l'ensemble bancal, avec des changements d'état arrangés un peu arbitrairement. De plus, l'obstination des personnages est parfois lassante, sans trop d'avancées narratives.
Menues critiques qui n'empêchent pas du tout l'appréciation. "Le ciel est à vous" - titre magnifique - enrobe un film plein d'espérance, à l'enthousiasme pas toujours partagé, mais d'une honnêteté sans équivoque, qui fait plaisir à voir. 6,5/10

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La petite Lise
(1930) :

Le film s'ouvre sur une procession de bagnards, habillés de clair, alors que s'achève une chanson au rythme plaintivement syncopé. L'appel effectué par les gardiens, l'annonce de la grâce d'un prisonnier : ce sera le héros, incarné par l'imposant Alcover, tout d'une rude sensibilité. Le temps de quelques minutes, nous sommes dans l'univers de Cayenne, d'un exotisme voilé, nous voyons les hommes retirés pour la nuit, écoutons leurs chants, leurs souvenirs, leur désir d'évasion. La mise en scène s'attarde sur les figures, passe d'un visage à l'autre, la photographie reste sombre, à peine éclairée, l'atmosphère est simple, sans discours autre que celui du témoignage, et pourtant nous ressentons pleinement toute la présence de ce film singulier.
Puis c'est la France, Paris, et très vite les retrouvailles du bagnard avec sa fille, enfoncée dans ses malheurs, ceux d'avec son fiancé, le manque d'argent qui les empêche de vivre un quotidien banal (il rêve de tenir un garage), mais aussi celui qui oblige la jeune fille à la prostitution, apprise d'après quelques discrètes, mais explicites allusions. Nadia Sibirskaïa a un petit visage boudeur, une fixité malheureuse, une tension étrange toujours inscrite dans ses yeux puissamment maquillés, des mouvement résolus, vive et paralysée à la fois. Ici le mélodrame est convainquant, mais souvent trop ancien, ou surtout évident, scènes d'après des schémas (trop) souvent utilisés.
Mais de nombreux moments ont gardé leur capacité d'émotion : tous ceux où le père montre son amour pour sa fille, tour à tour bouleversé, tendrement amusé, joyeux ou défensif. Alcover est sûrement le plus subtil (le fiancée étant juste correct, avec peu de présence d'écran), car il 'vit' avec normalité ses hésitations d'ex-bagnard, sa tentative de trouver du travail, de revivre enfin, de voir sa fille heureuse avec l'homme qu'elle a choisi. Il y a une sorte d'ironie dans son jeu, une décontraction, en même temps qu'une sincérité très commune, qui lui donne peut-être un jeu plus moderne, souvent moins discordant que d'autres pour un spectateur d'aujourd'hui. On peut, de biais, par souci historique, prêter attention au personnage de l'usurier, évidemment juif, selon une représentation aux clichés caractéristiques peu engageants.
Quant à Grémillon, il impressionne par sa réalisation : des séquences en mouvement, avec par exemple une caméra qui suit ses personnages de dos dans l'obscurité ; un montage alterné lors de séquences décisives, moins pour le suspense ou l'étirement du temps, que pour révéler la douleur, montrer la solitude des sentiments ; ou encore des raccords elliptiques pour faire deviner le terrible, l'inéluctable. La bande-son établit un contact timide, souffle isolant soudainement ses personnages à base de paroles, de musique exotique, de silences intrusifs. 1930, c'est le premier 'parlant' de Grémillon, et déjà une oeuvre aiguë, réussite tant esthétique qu'émotionnelle. 7,5/10
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Sybille
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Re: Jean Grémillon (1898-1959)

Message par Sybille »

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Pattes blanches
Jean Grémillon (1949) :

La découverte du cinéma de Grémillon m'est assurément réjouissante. Sur les 6 que j'ai vu ces derniers mois, tous se laissent regarder avec intérêt, même si parfois un peu d'ennui (Lumière d'été), et plusieurs sont juste très bons.

"Pattes blanches" s'avère un objet rare, et surtout une indéniable réussite. Par le fond : là où plusieurs personnages s'entremêlent en une valse dramatique, somptueusement tragique, où sont convoqués tour à tour l'amour, la mort, la passion des sens et de la chair, en même temps que des sentiments. Les acteurs sont tous formidables, rendant honneur à un scénario alerte et saisissant, toujours au plus proche de ses personnages. Habitants d'un village de pêcheurs bretons, tourmentés par le désir et la vengeance, mais aussi un souhait profond d'échapper à la solitude, de se découvrir un ami, une âme soeur. On ne peut qu'être touché par ces hommes et ces femmes, enfermés chacun à leur manière par leur condition, leur richesse ou manque d'argent, parfois leur hérédité ou handicap physique, mais qui tentent tous de vivre, malgré l'âpreté, la surveillance sociale, la méfiance et l'aversion des uns pour les autres. Peu de bonheur, malgré une douceur diffuse toujours prégnante, mais quelques fragments de danse, beaucoup de musique, qui permettent un instant de donner corps aux rêves, d'entrevoir ce qui aurait pu être ou devenir. La présence de l'océn tout proche, mais qu'on aperçoit au fond rarement, et toujours de loin, puisque perché au sommet des falaises alentour, d'où l'occasion de nombreux plans magnifiques, distants, balayés par le vent, entre menace et plénitude. Terre à terre, cru, étrange et un peu fou à l'image de ses personnages, laissons de côté les quelques raccourcis hasardeux pour savourer ce film beau, fort, tout entier empreint d'une mystérieuse, amère et vivifiante poésie. 7/10
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Re: Jean Grémillon (1898-1959)

Message par daniel gregg »

Encore plus impatient de le découvrir lors de sa sortie par Gaumont en Décembre. :D
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Jeremy Fox
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Re: Jean Grémillon (1898-1959)

Message par Jeremy Fox »

La critique de Pattes Blanches et de son DVD sorti en Gaumont à la demande
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Supfiction
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Re: Jean Grémillon (1898-1959)

Message par Supfiction »

Commissaire Juve a écrit :Lumière d'été est passé (passe en ce moment même) au Cinéma de Minuit...

Bouh, quelle déception :? ... Ce film m'a glissé sur les yeux comme de l'eau sur un imperméable. Et puis, Madeleine Renaud qui nous ressort le couplet de la femme jalouse et délaissée ; la barbe !
Federico a écrit :Je suis obligé d'abonder dans le sens du Commissaire Juve car, alors que j'avais été ébloui à ma (lointaine) première vision de Lumière d'été, je suis tombé de très haut en le revoyant. Que tout ça sonne faux, carton-pâte et surtout, que les comédiens jouent (mauvais) théâtre. J'avais pourtant gardé le souvenir d'un Paul Bernard exceptionnel en dandy et là, je ne marche plus. Pierre Brasseur en fait des caisses en artiste soulographe, Madeleine Renaud est immédiatement agaçante (comme d'hab', allais-je dire), Georges Marchal est un jeune premier fadasse au possible. Seule la hiératique Madeleine Robinson surnage (à peine). Bref, je n'y ai vu que des défauts (comme ces inutiles et bien maladroites séquences accélérées ou le ridicule final à l'eau de rose éventée, cheek to cheek, le regard face à la ligne bleue des Vosges façon Jean Marais chez Delannoy). :cry:
Je vous rejoins totalement concernant Lumière d'été qui m'a profondément ennuyé.
Après avoir lu le dossier des Cahiers du cinéma, j'étais pourtant enthousiaste .. Dire qu'on ose comparer ce film à la Règle du jeu.. D'un côté on a du champagne, de l'autre une tisane assommante! Le seul point commun est bien sa galerie de personnages partageant un même hôtel pour quelques jours.
Il n'y a bien que Pierre Brasseur dont j'apprécie toujours les envolées grandiloquentes pour réveiller, et encore, comme l'a dit Federico, il en fait un peu trop ici. A noter tout de même quelques scènes marrantes autour du personnage du vieux réactionnaire joué par Marcel Levesque ("on savait s'habiller autrefois","l’œuvre de Mr Eiffel déshonore le ciel parisien") qui font échos aux futures répliques de Renoir pour Elena et les hommes "c'était le bon temps").
Premier film de Madeleine Robinson que je vois après en avoir tant entendu parlé. Son jeu monolithique ne m'a pas emballé du tout.. tiens, je vais me faire un film avec Blanchette Brunoy, histoire de me remonter.
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Commissaire Juve
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Re: Jean Grémillon (1898-1959)

Message par Commissaire Juve »

Dire qu'il va bientôt sortir dans une édition sans doute réussie. Mais là, tant pis, je passe mon tour.
Supfiction a écrit :... tiens, je vais me faire un film avec Blanchette Brunoy, histoire de me remonter.
Oué, Blanchette, elle était sympa.
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Re: Jean Grémillon (1898-1959)

Message par Watkinssien »

Commissaire Juve a écrit :Dire qu'il va bientôt sortir dans une édition sans doute réussie. Mais là, tant pis, je passe mon tour.

Comme quoi, le malheur des uns fait le bonheur des autres ! :mrgreen:
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Commissaire Juve
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Re: Jean Grémillon (1898-1959)

Message par Commissaire Juve »

Watkinssien a écrit :
Commissaire Juve a écrit :Dire qu'il va bientôt sortir dans une édition sans doute réussie. Mais là, tant pis, je passe mon tour.
Comme quoi, le malheur des uns fait le bonheur des autres ! :mrgreen:
Sûrement, et tant mieux. Je trouverai mon bonheur une autre fois. :mrgreen:
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Sybille
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Re: Jean Grémillon (1898-1959)

Message par Sybille »

Je n'avais que peu goûté à Lumière d'été moi non plus (dommage, joli titre :) )

Il y avait certes la mauvaise qualité de la copie (une VHS) sur laquelle j'avais découvert le film mais, eh bien je crois que je n'avais pas tout compris. :mrgreen:
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Re: Jean Grémillon (1898-1959)

Message par daniel gregg »

Supfiction a écrit :
Commissaire Juve a écrit :Lumière d'été est passé (passe en ce moment même) au Cinéma de Minuit...

Bouh, quelle déception :? ... Ce film m'a glissé sur les yeux comme de l'eau sur un imperméable. Et puis, Madeleine Renaud qui nous ressort le couplet de la femme jalouse et délaissée ; la barbe !
Federico a écrit :Je suis obligé d'abonder dans le sens du Commissaire Juve car, alors que j'avais été ébloui à ma (lointaine) première vision de Lumière d'été, je suis tombé de très haut en le revoyant. Que tout ça sonne faux, carton-pâte et surtout, que les comédiens jouent (mauvais) théâtre. J'avais pourtant gardé le souvenir d'un Paul Bernard exceptionnel en dandy et là, je ne marche plus. Pierre Brasseur en fait des caisses en artiste soulographe, Madeleine Renaud est immédiatement agaçante (comme d'hab', allais-je dire), Georges Marchal est un jeune premier fadasse au possible. Seule la hiératique Madeleine Robinson surnage (à peine). Bref, je n'y ai vu que des défauts (comme ces inutiles et bien maladroites séquences accélérées ou le ridicule final à l'eau de rose éventée, cheek to cheek, le regard face à la ligne bleue des Vosges façon Jean Marais chez Delannoy). :cry:
Je vous rejoins totalement concernant Lumière d'été qui m'a profondément ennuyé.
Après avoir lu le dossier des Cahiers du cinéma, j'étais pourtant enthousiaste .. Dire qu'on ose comparer ce film à la Règle du jeu.. D'un côté on a du champagne, de l'autre une tisane assommante! Le seul point commun est bien sa galerie de personnages partageant un même hôtel pour quelques jours.
Il n'y a bien que Pierre Brasseur dont j'apprécie toujours les envolées grandiloquentes pour réveiller, et encore, comme l'a dit Federico, il en fait un peu trop ici. A noter tout de même quelques scènes marrantes autour du personnage du vieux réactionnaire joué par Marcel Levesque ("on savait s'habiller autrefois","l’œuvre de Mr Eiffel déshonore le ciel parisien") qui font échos aux futures répliques de Renoir pour Elena et les hommes "c'était le bon temps").
Premier film de Madeleine Robinson que je vois après en avoir tant entendu parlé. Son jeu monolithique ne m'a pas emballé du tout.. tiens, je vais me faire un film avec Blanchette Brunoy, histoire de me remonter.
Oui comme je l'avais dit dans la chronique de Pattes blanches :
On l'aura compris ici, l'atmosphère fantastique de certaines scènes se trouve justifiée par une poésie de circonstance, légitime, à l'inverse de celle de Lumière d'été dans lequel l'exubérance viscérale du personnage interprété par Pierre Brasseur donnait au film une dissonance trop prononcée entre ces figures romantiques à l'excès qu'on retrouve de façon répétée chez Prévert, et une intériorité toute aristocratique du personnage interprété par Paul Bernard, plus proche des aspirations réalistes de Grémillon.
Néanmoins de là à le trouver profondément ennuyeux, c'est peut être un peu fort, précisément quand on le compare au tout venant de la production française de l'époque.
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Message par Federico »

Re-diffusion d'un n° des Mardis du cinéma consacré à Grémillon en 1989.
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Re: Jean Grémillon (1898-1959)

Message par Jeremy Fox »

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Re: Jean Grémillon (1898-1959)

Message par Commissaire Juve »

A propos des "bémols récurrents", c'est dingue : ils s'obstinent. On a beau exprimer des regrets à chaque fois ; cause toujours, mon lapin !
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Re: Jean Grémillon (1898-1959)

Message par Kevin95 »

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PATTES BLANCHES (Jean Grémillon, 1949) découverte

Dès les premiers plans du film, comme les premières notes d'un morceau, on reconnait Grémillon : une calèche la nuit, le bruit d'un vent violent, un décor côtier, un bar où des pécheurs comblent l'ennui dans la boisson. Premier film du réalisateur au sortir de la guerre, Pattes blanches suit un chemin inverse de son (plus tardif) L'Amour d'une femme : ici une étrangère à une région bretonne n'est plus victime de son nouvel environnement mais est l'élément perturbateur. La dame va dynamiter la quiétude (apparente) de l'endroit et réveiller de vieilles rancœurs. Susy Delair (encore dans un rôle de garce) est la fautive, en bougeant de la croupe pour aguicher ces messieurs, elle allume la mèche et bouleverse la vie de son falot de mari (Fernand Ledoux, un habitué du genre), un ancien aristo en pleine décente (Paul Bernard) et une jeune tête brulée (Michel Bouquet tout poussin, maigre comme un clou mais déjà habité). Le tout sous les yeux (humides) d'une bossue méprisée par à peu près tout le monde sauf Pattes blanches. On nage en pleine tragédie, on se demande quand le colis va pété tant tout pousse vers une fin terrible. La mise en scène est - oh surprise - à tomber, les gros plans coupent comme des lames. Un travelling avant sur un personnage et c'est ses émotions, son intimité qui éclate à l'écran. Le découpage du meurtre (j'en dis pas plus) est d'une folle modernité tandis que les dernières scènes respirent à plein nez le lyrisme fou du réalisateur. Face au trop plein de personnage, le film perd un peu le Nord, ne sait plus qui privilégier et s'emmêle un tantinet (en même temps, il aurait fallu une heure de plus pour pleinement tous les développer). Ça n'empêche pas le film d'être superbe.
Les deux fléaux qui menacent l'humanité sont le désordre et l'ordre. La corruption me dégoûte, la vertu me donne le frisson. (Michel Audiard)
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Re: Jean Grémillon (1898-1959)

Message par Commissaire Juve »

Kevin95 a écrit :... La mise en scène est - oh surprise - à tomber, les gros plans coupent comme des lames. Un travelling avant sur un personnage et c'est ses émotions, son intimité qui éclate à l'écran. Le découpage du meurtre (j'en dis pas plus) est d'une folle modernité tandis que les dernières scènes respirent à plein nez le lyrisme fou du réalisateur...
C'est marrant. A de rarissimes exceptions près (une composition d'image / un effet de lumière qui me plaît, par ex), je suis totalement hermétique à ce genre de trucs.

Je ne vois rien. Je regarde simplement le film. :?

EDIT : ah si... quand c'est filmé "plan-plan", je le remarque souvent. :mrgreen: Je ne suis donc pas complètement perdu pour la cause.
Kevin95 a écrit :... Ça n'empêche pas le film d'être superbe.
Avis que je respecte. Perso, je l'ai en "Gaumont à la demande". J'ai été content de le découvrir, mais après... euh... oué.

Je n'ai pas éprouvé -- en particulier -- le besoin de le racheter en HD.
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