La Chaîne (Stanley Kramer - 1958)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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NUTELLA

Re: La chaine? Un film méconnu?

Message par NUTELLA »

Majordome a écrit :
NUTELLA a écrit :

la grosse tete :wink:
huhuhu! Et çà sort d'où ce mot ?
je sais pas je connais cette expression depuis toujours,c'est surement typique du Sud-ouest :)
see the man
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Message par see the man »

Momo la crevette a écrit :Fait parti des DVD qui garnissent mes étagères et que je n'ai pas vu... :oops:


Momo
pas bien momo la crevette, repare tout de suite cette erreur :wink:
Marcel Beliveau
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Message par Marcel Beliveau »

Lorsque l'on parle de la chaine, il faudrait savoir : mais quelle chaine ????
Hertzienne ou cablée ?
Vos questions restent souvent vagues...
Edouard Balladur
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Message par Edouard Balladur »

Marcel Beliveau a écrit :Lorsque l'on parle de la chaine, il faudrait savoir : mais quelle chaine ????
Hertzienne ou cablée ?
Vos questions restent souvent vagues...
Monsieur belliveau, malgré toute le souvenir que j'ai pour vos sketchs intemporels, je vais devoir vous demander de mettre un frein, voire uen chaîne à votre humour à répétition, si j'osais et j'ose : je vous demande de vous arrêtez !
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moonfleet
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Re: La chaîne (Stanley Kramer - 1958)

Message par moonfleet »

moonfleet a écrit :Image Image

Ci-dessous, l'analyse du film par l'écrivain James Baldwin, ancrée dans la réalité sociale américaine qu'il connait pour avoir vécu la ségrégation raciale, comparée au discours soi disant "fraternel" du film.
.........

De son côté, The Defiant Ones est un film avec des gens que nous sommes habitués à voir au cinéma. Bon, tous sauf un. La difficulté irréductible de ce film sincèrement bien intentionné, c'est que de toute évidence, personne n'aurait su prévoir ce que Poitier allait faire de son rôle - et que personne n'a pu le défaire par la suite. Sa performance, seul élément distinctif du film, est aussi paradoxalement ce qui l'a fait voler en éclats. Il est impossible de croire à la fois Noah Cullen et à l'histoire.
Même avec toute la bonne volonté du monde, lorsque Sidney est à l'écran, il est presque impossible de regarder Tony Curtis ou qui que ce soit d'autre, à l'exception peut-être de Lon Chaney Jr. Il est impossible d'accepter le présupposé de l'histoire, car il a pour fondement l'incompréhension profonde par l'Amérique de la nature de la haine entre les Noirs et les Blancs.
La haine est là, assurément, même si j'utilise désormais ce terme avec grande précaution et seulement à la lumière des effets ou des résultats de cette haine. Mais elle n'est pas égale des deux côtés, car elle n'a pas les mêmes racines. L'argument est peut-être très léger, mais les Noirs n'ont pas les mêmes raisons de haïr les Blancs que les Blancs de haïr les Noirs.
La racine de la haine des Blancs, c'est la terreur, une terreur sans fond et sans nom, qui se focalise sur les Noirs, émerge et se concentre sur cette figure effroyable, cette entité qui ne vit que dans leur tête. Mais la racine de la haine des Blancs, c'est la rage.
L'homme noir ne déteste pas tant le Blanc qu'il ne souhaite le voir s'écarter de son chemin et, plus encore, de celui de ses enfants. Quand l'homme blanc commence à avoir dans l'esprit du Noir le poids que le Noir a dans l'esprit du Blanc, l'homme noir devient fou. Et quand ce dernier sombre, il ne le fait pas en poussant des cris de terreur, mais en hurlant de rage.
Un Noir sait que deux hommes enchaînés doivent apprendre à fouiller, manger, péter, chier, pisser, trembler et dormir ensemble : ils sont indispensables l'un à l'autre, et tout peut arriver entre eux. Quiconque a connu cela le sait.
Dans ce type de situation, aucun homme noir, surtout sachant ce que Poitier transmet si vivement du savoir de Noah Cullen, ne mordrait à l'appât tendu par ce pauvre enfant blanc débile, dont la seule véritable plainte est d'être un médiocre qui n'a pas réussi à l'emporter dans la foire d'empoigne américaine. Mais beaucoup qui ne sont pas mieux que lui, et beaucoup qui sont bien pires, y parviennent chaque jour, jusqu'à Washington, et parfois , de fait, en passant par Hollywood. C'est une forme de lâcheté très sérieuse de prétendre que les noirs ne le savent pas. Et c'est par le sentimentalisme le plus désastreux que l'on tente d'intégrer les Noirs au cauchemar blanc américain, qui plus est sur les mêmes termes, qui rendent la vie des Blancs pratiquement intolérable.
C'est ce qui a déplu aux spectateurs noirs dans The Defiant Ones: les acteurs autour de Sidney étaient largement indignes de lui, et l'indéniable vérité de sa performance était à la merci d'un mensonge. Le public blanc libéral a applaudi quand, à la fin, Sidney saute du train pour ne pas abandonner son camarade blanc. Le public de Harlem était outré. Il a hurlé: "Remonte dans ce train, imbécile !" Mais même ainsi, il a reconnu dans le visage de Sidney lorsqu'il chante "Sewing Machine" à la toute fin, quelque chose de noble, de vrai et de terrible, cette chose dont nous venons. J'ai entendu plus d'une fois des voix noires exaspérées murmurer: " Lord, have mercy on these children, have mercy -! They just don't know ".
Une image de The Defiant Ones suggère la vérité que le film ne parvient ni à affronter ni à formuler, et une séquence le trahit totalement. L'image apparaît lorsque le petit garçon vient d'être désarmé et assommé par accident, et qu'il se retrouve inconscient. Les deux fugitifs tentent avec angoisse de le ranimer.
Lorsque le garçon revient à lui, il lève les yeux et découvre le visage noir de Sidney penché sur lui : l'image de ce visage vu à travers les yeux du garçon, noir, indéchiffrable, légèrement flou - avec une ironie émouvante, et selon moi délibérée - est la plus belle du film. Le garçon pousse un cri d'effroi et se retourne vers l'homme blanc pour chercher une protection; l'homme blanc le rassure en lui disant qu'il n'a pas besoin d'être protégé de l'homme noir, qu'il était en train de maudire lorsque le garçon est arrivé.
Nous sommes au bord de la confession car, bien sûr le petit garçon voit le visage noir exactement comme l'homme le voit. C'est une présence vaguement mais puissamment menaçante, parce qu'elle est étrangère et intime, mais aussi par sa beauté : cette beauté qui vit si tourmentée dans l'oeil de l'observateur blanc. Le film ne peut pas donner suite à cette perception, ou cette suspicion, sans mettre en avant la question de la maturité blanche, ou de la masculinité blanche. Ce n'est pas le sujet manifeste de The Defiant Ones, mais c'est seulement sur ce plan précis - que le film est contraint d'éviter - que nous pouvons commencer à résoudre le dilemme auquel nous sommes confrontés.
Dans la séquence suivante, ils vont ensemble jusqu'à la maison de la mère du garçon, qui vit seule avec lui. Le mari, ou le père, est parti depuis longtemps. Cette scène cruciale, qui renferme l'unique justification du dénouement, mérite qu'on s'y attarde.
La femme qui fait son entrée dans le film a été abandonnée; et, dans un tout autre sens, elle angoisse d'être abandonnée dès qu'elle voit le garçon blanc. Elle possède les outils qui permettraient aux deux hommes de détruire leurs menottes et de rompre les chaînes qui les ont liés pendant si longtemps l'un à l'autre.
Etant donné leur situation et ce que nous connaissons de leur relation, la logique voudrait qu'ils se séparent. D'une part, chacun des fugitifs est plus en sécurité sans l'autre, et d'autre part, il est clair que la femme désire se retrouver seule avec le Blanc. Elle les nourrit tous les deux, en demandant d'abord au Blanc s'il souhaite qu'elle nourrisse le Noir. Il lui répond que oui, puis ils mangent. Il est invraisemblable que Noah Cullers reste assis en silence pendant cette scène, et plus encore qu'il s'endorme complaisamment à table pendant que le Blanc et la femme font l'amour.
Bien sûr, ce que le film essaie de nous dire à présent - consciemment - c'est que l'épreuve qu'ont vécue le Noir et le Blanc les a rapprochés au-delà de ce qu'ils croyaient possible. Cette épreuve singulière et ses conséquences nous sont livrées comme la métaphore de celle des relations entre Blancs et Noirs en Amérique, qui d'après le film, nous a rapprochés plus que ce que nous le pensons. Mais le seul plan sur lequel nous pouvons considérer cette affirmation comme vraie, c'est celui de l'expérience humaine - cette profondeur - que les Américains redoutent tant. L'ensemble des terreurs contradictoires qu"engendrent les relations Blanc-Noir est suggéré par le gonflement de l'action à la fin du film.
Car au matin, le Blanc a décidé de se ranger du côté de la femme, ce qui signifie qu'en fin de compte, Noah devra braver les marécages pour reprendre le train seul.
Il accepte avec une amertume brièvement moqueuse, puis s'en va. Le Blanc et la femme commencent à préparer leur voyage . Le Blanc s'inquiète de son camarade noir, même s'il est difficile de savoir dans quelle mesure exactement il considère Noah comme son camarade. Il se demande à voix haute si tout ira bien pour lui, à la suite de quoi la femme lui annonce qu'elle a délibérément donné à Noah des instructions qui le mèneront à sa mort et qu'il ne ressortira pas vivant des marécages. Il est parfaitement impossible de savoir pour quelle raison précise la femme lui transmet cette information. Une fois qu'il a passé le seuil de la porte, Noah est parti depuis longtemps, tout simplement, et ne peut en aucun cas représenter une menace. Il n'est pas vraisemblable qu'elle s'inquiète de savoir s'il est mort ou non, puisque quoi qu'il en soit, il a quitté leurs vies pour ne jamais revenir. Si, pour une raison ou pour une autre, elle a trouvé un moyen de s'assurer qu'il était mort, il est impossible de croire qu'elle prendrait le risque de le dire à son nouvel amant. Elle n'en sait pas assez sur lui.
On nous la présente comme une raciste pathétique et écervelée, mais elle ne peut pas être assez écervelée (aucune femme ne l'est) pour considérer comme acquis que l'homme qu'elle a rencontré la veille acceptera d'être le complice de son meurtre. Tout ce qu'elle sait après tout, c'est que l'homme qu'elle a rencontré la veille lui a demandé de nourrir le Noir : et le Blanc qui vous ordonne de nourrir son copain noir n'est pas forcément d'accord pour que vous le tuiez. Ce n'est pas seulement ce que toute femme sait, mais plus fondamentalement ce que toute femme blanche su Sud sait.
Il semblerait toutefois que cette révélation de la femme a pour effet d'ouvrir les yeux de notre héros blanc sur le mal infini que referme la haine raciale. Après une scène agitée - remarquablement peu convaincante - et après que le petit garçon lui a tiré dans l'épaule, notre héros se hâte de partir vers les marais, vers Noah. Lorsqu'il retrouve Noah, ils partent en direction du train - Mon Dieu, ce train hollywoodien, qui n'en finit jamais d'entamer le virage ! - mais sa blessure freine le Blanc. Noah refuse de le laisser - " Tu nous ralentis !" s'écrie-t-il en lui tendant le bras. Ils atteignent le train; l'homme noir monte à bord mais le Blanc n'y parvient pas. Et l'homme noir redescend du train en sautant. Difficile effectivement de dire pourquoi.
Bien. Il saute du train pour rassurer les Blancs, leur dire qu'ils ne sont pas détestés, que même s'ils ont fait des erreurs sur le plan humain, ce n'était rien qui puisse les faire haïr. Bien. Les Noirs peuvent ou non détester les Blancs, et quand c'est le cas, ils le font à leur façon, comme j'ai tenté de l'indiquer. Les Blancs peuvent mériter ou non d'être haïs, selon la façon dont chacun gère ses réserves d'énergie, selon ce que chacun fait de l'histoire : dans tous les cas, le réconfort est faux, le besoin ignoble, et la question dans ce contexte parfaitement dénuée de pertinence. Elle agit de façon à en masquer une autre : car ce qui se passe vraiment dans The Defiant Ones, c'est qu'un homme blanc et une femme blanche s'unissent, mais qu'ils sont menacés par la présence de l'homme noir. La femme blanche élimine donc l'homme noir pour pouvoir se retrouver seule avec l'homme blanc. Mais l'homme blanc ne supporte pas cette rupture - d'avec ce qu'il convient peut-être d'appeler ici son autre lui-même, le meilleur de lui, le pire de lui, ou son être profond. Il rejette donc la femme blanche pour traverser les marais, braver la mort et retrouver son copain noir. Et son copain noir l'attend, et finit par le prendre dans ses bras. Le Blanc a renoncé à sa femme. Le Noir a renoncé à son espoir de liberté. Que devons-nous faire de ces choix implacables, amenés avec une telle rigueur ?
Ces choix n'impliquent pas, par exemple, le frisson sismographique que produit encore aujourd'hui le terme "homosexuel" dans l'esprit, ou l'âme, américain : je doute que les Américains soient un jour capables d'admettre que le terme "homosexuel" n'est pas un nom. La racine de ce terme, tel que les Américains l'utilisent - ou tel que ce terme utilise les Américains - implique simplement la terreur de tout contact humain, puisque tout contact humain est susceptible de vous transformer.
Un homme noir et un homme blanc ne peuvent se réunir qu'en l'absence de femmes : ce n'est autre que la légende américaine de la masculinité portée à son plus haut point de pression, révélée, pour ainsi dire, en noir et blanc.


......

Critique rédigée en 1976
(© Capricci, 2018 pour la traduction française)
Dernière modification par moonfleet le 4 nov. 18, 21:20, modifié 1 fois.
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Re: La Chaîne (Stanley Kramer - 1958)

Message par Alexandre Angel »

Ouais, passionnant!
Merci pour le tuyau, je vais essayer de me procurer ça.
C'est sans doute discutable, comme tout ce qui tourne autour de l'idéologie et pas assez de la forme (c'est de cinéma dont on parle, tout de même) mais de toutes façons, je n'ai pas encore vu ce film.
Mais Baldwin, au delà de la réflexion raciale, interroge le flou idéologique qui encombre, ou a encombré, tellement de films, souvent américains (la conclusion de Rollerball, par exemple, n'a pour moi aucun sens).
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: La Chaîne (Stanley Kramer - 1958)

Message par moonfleet »

Je ne pense pas qu'une étude élaborée de la forme du film de Stanley Kramer soit une priorité de la critique (au sens fort) de James Baldwin.
Ce qui l'intéresse ce sont les motivations des personnages, dans un esprit sociologique. Il nous fait part de son ressenti de spectateur, d'intellectuel, de noir américain, et d'homosexuel (cf: la fin du texte). Donc comme toute critique, elle est tributaire de son vécu, de ses connaissances socio-culturelles, de sa sensibilité et certainement (en ce qui le concerne) de son engagement politique. C'est ce qui lui donne ce regard acéré et sans concession. En plus de son talent à l'exprimer. J'ai peu de souvenirs de ce film mais je vais le chercher en médiathèque pour le revoir à la lumière de ses propos.
Dans ce bouquin (petit : 136p), il parle aussi d'un autre film de Kramer avec S.Poitier, le classique Devine qui vient dîner ?, de Naissance d'une Nation de Griffith et de Lawrence d'Arabie de Lean, entres autres. C'est passionnant et disons, rafraichissant, de lire ces chroniques.
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Re: La Chaîne (Stanley Kramer - 1958)

Message par Jeremy Fox »

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Re: La Chaîne (Stanley Kramer - 1958)

Message par moonfleet »

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Aah je vais pouvoir le revisionner !!

Merci de ton appréciation Erick 8)
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