Jean-Pierre Melville (1917-1973)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Alligator
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Re: Jean-Pierre Melville (1917-1973)

Message par Alligator »

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Profondo Rosso
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Re: Jean-Pierre Melville (1917-1973)

Message par Profondo Rosso »

Un Flic (1972)

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Edouard Colemann est inspecteur de police. Il mène une vie morose et le début d'une liaison avec Cathy l'aide un peu. Mais Cathy est aussi la petite amie de Simon. Simon, ami de Coleman est trafiquant de drogue. Lorsque Edouard doit enquêter sur un crime impliquant Simon, leur rivalité va éclater.

Melville terminait sa carrière sur une note en demi teinte avec ce Un Flic qui semble montrer l'inspiration du cinéaste comme à bout de souffle et totalement déconnectée. Le script semble vouloir retrouver jusqu'à l'excès l'épure et la froideur du Samouraï ou Le Cercle Rouge mais il y manque l'humanité et la croyance qui donnait à ces derniers leur dimension tragique et les empêchait de n'être que des coquilles vides. Les éléments sont pourtant brillamment mis en place pour cette nouvelle histoire d'hommes et d'amitié où le flic Alain Delon (après foule de rôle de mauvais garçon il est pour la première fois du bon côté de la loi cette facette tournera d'ailleurs à la caricature terrible par la suite) doit s'opposer à son ami gangster Richard Crenna et à la fiancée de celui-ci (Catherine Deneuve) dont avec laquelle il entretien une liaison.

Durant la première partie la sécheresse de Melville fait merveille. Le quotidien morne de Delon se devine en une courte séquence nocturne peuplée de crime sordide, l'amitié et le triangle amoureux Delon/Crenna/Deneuve se comprend sans un mot par quelques regard en une scène et il suffira d'un plan sur le regard tendu de Riccardo Cucciolla lors du hold up d'ouverture pour savoir qui n'est pas un vrai truand dans cette bande malfrat. On appréciera aussi les quelques moments où la finesse d'observation de Delon lui permet de jauger les voyous qu'il interroge tel ce moment où il sait lequel parmi trois suspects est le plus faible et susceptible de lui fournir des réponses. Malheureusement toute cette belle amorce sera au service du vide, Melville dans une volonté louable de ne pas céder à une psychologie intempestive n'esquisse plus le moindre effort pour faire exister ses personnages qui se résument à des pantins réduit à leur fonction : le flic, le truand, la fille. Si Delon et Crenna sauve les meubles par leur charisme et un plus long temps de présence à l'écran la pauvre Catherine Deneuve est absolument transparente alors qu'elle devrait être le pivot émotionnel du film. Plus que dans tout autre de ses polars, l'influence américaine déconnecte Un Flic de toute réalité avec son casting international en imper et chapeau stetson, ces grosses voitures évoluant dans une France blafarde que la stylisation rend indéterminée. L'épure se retourne définitivement contre le film avec cette narration aux ellipses intempestive qui rendent Delon quasi omniscient, nous laissant un peu trop souvent combler les trous de ses déductions.

Heureusement malgré ce aspect désincarné Melville orchestre quelques moments brillants comme le long hold up qui débute le film, sa science de la lenteur et son usage des plan séquence faisant très bien monter la tension. Ce qui aurait du être le grand morceau de bravoure s'avère très désuet avec un pourtant très original vol en train où nos gangsters s'immiscent et repartent d'un wagon par un hélicoptère survolant les voies. Les plan s'attardent malheureusement trop longtemps sur les maquettes bien visible et l'ensemble perd toute crédibilité. Un Flic se révèle finalement n'être qu'un squelette Melvillien ne retenant que les éléments les plus visibles et superficiels mais sans la chair autour qui sut si bien provoquer l'intérêt et l'émotion dans ses plus belles réussites. La scène finale voulue comme le pic tragique et qui laisse de marbre par trop de retenue en est la triste illustration. 2/6
Federico
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Re: Jean-Pierre Melville (1917-1973)

Message par Federico »

Quelqu'un pourrait-il me confirmer que les différents suppléments individuels des 6 films se retrouvent bien dans ce coffret car j'ai appris à me méfier un peu des indications mises en lien sur DVDfr (et comme le site de StudioCanal n'en dit rien en dehors du docu du 7ème DVD...) ?

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Re: Jean-Pierre Melville (1917-1973)

Message par popcyril »

Je dirais qu'il ne s'agit pas vraiment d'un coffret mais plutôt des éditions individuelles mises dans un carton. Je n'ai pas acquis ces dvd de manière séparée mais pour avoir revendu chez Gibert une partie de ceux-ci (figurant donc dans ce "coffret"), je peux te dire qu'il me les ont repris comme s'il s'agissait les éditions individuelles. Et de mémoire, il y avait les bonus en question.
De ce raisonnement tordu, je conclus que tu peux y aller. :lol:
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Re: Jean-Pierre Melville (1917-1973)

Message par Federico »

OK, merci ! Je vais sans doute tenter le coup...
Mon appréhension venait du coffret Sautet des mêmes StudioCanal (qui sentait lui aussi effectivement l'assemblage à la va-vite de différents DVD individuels).
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Père Jules
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Re: Jean-Pierre Melville (1917-1973)

Message par Père Jules »

Le deuxième souffle (1966)

Une revoyure qui m'a confirmé tout le bien que j'en pensais, et bien plus encore. Le dernier film en noir et blanc de Melville s'impose comme l'un des sommets du film de gangster à la française (je schématise), tout en haut de mon panthéon personnel aux côtés de Du rififi chez les hommes de Dassin et de... deux autres films de Melville, Le samouraï et Le cercle rouge. Un cinéma chirurgical, diablement bien écrit et dialogué (José Giovanni est passé par là), d'une impressionnante maîtrise technique et porté par des acteurs comme on en fait plus. Il faut voir Paul Meurisse débarquer dans le restaurant du "Notaire" après son assassinat, c'est un récital d'humour noir; il faut voir l'impressionnante présence de Michel Constantin, l'un de nos seconds rôles les plus remarquables; il faut voir encore Lino Ventura, cet acteur tellement formidable, honni par les pédants de la Nouvelle Vague (et spécialement par Truffaut je crois), incarner Gu Minda avec une telle conviction, une telle implication, qu'il ne compose même plus, il est littéralement son personnage. Un des grands chefs-d'œuvre du cinéma français des années 60.
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Re: Jean-Pierre Melville (1917-1973)

Message par Federico »

Oui Père Jules, Le deuxième souffle, c'est du Melville costaud de chez velu et avec des acteurs hors-concours. Je me demande si, avec son personnage de Jardie dans L'armée des ombres, ce ne serait pas le meilleur rôle de cet étrange comédien que fut Meurisse, ici prodigieux tout du long. Et puis quelle fin géniale avec le bref dialogue Meurisse-Fabrega ! :oops:
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Re: Jean-Pierre Melville (1917-1973)

Message par julien »

Ah oui Ventura est génial là-dedans. Très grand acteur. J'ai vu un documentaire sur lui réalisé par sa fille qui contient de nombreux témoignages et Ventura faisait plus que de jouer, il s'impliquait totalement dans le film, dés le stade de l'écriture, en faisant réécrire les dialogues si ça ne lui convenait pas. C'était un vrai chieur pour les scénaristes. Il était très perfectionniste là-dessus. Il avait même pas d'agent, il faisait directement venir les scénaristes et les réalisateurs chez lui dans son bureau. Après il jugeait de lui même si l'histoire était intéressante pour lui. Ce qui est sûr c'est qu'il avait bien pigé la devise : "Pour faire un bon film, il faut trois choses : Une bonne histoire, une bonne histoire et surtout une bonne histoire."
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Père Jules
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Re: Jean-Pierre Melville (1917-1973)

Message par Père Jules »

Quand je pense à Ventura chez Melville, j'en reviens irrémédiablement à l'interview de Giovanni dans les bonus du BR du Cercle rouge. Ventura ne pouvait pas piffer cette "fiotte" de Melville, qui, au cours du tournage du Deuxième souffle lui en avait fait baver pendant la scène où lui et son compère doivent attraper le train. Après cet épisode, les deux ne s'adressaient plus la parole directement mais par assistants interposés. :D

Ventura était un acteur formidable, un homme authentique et généreux de la trempe d'un Gabin. Il est loin ce temps-là.
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Re: Jean-Pierre Melville (1917-1973)

Message par julien »

Ah oui tiens, je connaissais pas cette anecdote avec Melville ; mais bon, il devait quand même bien l'apprécier puisqu'il a tourné ensuite l'Armée des Ombres avec lui. Il a pas dû être bien rancunié longtemps. Ventura en plus, j'ai l'impression qu'il était surtout très honnête envers son public. Je pense que ça devait vraiment l'emmerder de décevoir le spectateur, c'est pour cela qu'il était aussi méticuleux. Il faisait tout pour que le film soit le plus intègre. Il a complètement chamboulé la méthode de tournage de Lautner aussi sur Les Tontons Flingueurs, qui a dû revoir tout le découpage.
Dernière modification par julien le 17 oct. 12, 16:52, modifié 1 fois.
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Re: Jean-Pierre Melville (1917-1973)

Message par Flol »

Père Jules a écrit :Ventura était un acteur formidable, un homme authentique et généreux de la trempe d'un Gabin. Il est loin ce temps-là.
Tu sembles oublier un peu vite Clovis Cornillac.
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Père Jules
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Re: Jean-Pierre Melville (1917-1973)

Message par Père Jules »

Lui, rien à faire. Je le trouve définitivement nul.
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Re: Jean-Pierre Melville (1917-1973)

Message par Père Jules »

julien a écrit :Ah oui tiens, je connaissais pas cette anecdote avec Melville ; mais bon, il devait quand même bien l'apprécier puisqu'il a tourné ensuite l'Armée des Ombres avec lui. Il a pas dû être bien rancunié longtemps.
D'après ce que semblait suggérer Giovanni dans ledit bonus, la rancune de Ventura à l'endroit de Melville semblait vraiment tenace. Après, accepter de jouer dans L'Armée des ombres c'était surtout en mesurer la grande qualité plus qu'une question humaine. Je le vois bien ne jamais adresser la parole au réalisateur de tout le tournage moi :D
Mais les propos de Giovanni sont peut-être à mesurer, puisque lui non plus ne pouvait pas supporter Melville.
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Re: Jean-Pierre Melville (1917-1973)

Message par onvaalapub »

Père Jules a écrit :
julien a écrit :Ah oui tiens, je connaissais pas cette anecdote avec Melville ; mais bon, il devait quand même bien l'apprécier puisqu'il a tourné ensuite l'Armée des Ombres avec lui. Il a pas dû être bien rancunié longtemps.
D'après ce que semblait suggérer Giovanni dans ledit bonus, la rancune de Ventura à l'endroit de Melville semblait vraiment tenace. Après, accepter de jouer dans L'Armée des ombres c'était surtout en mesurer la grande qualité plus qu'une question humaine. Je le vois bien ne jamais adresser la parole au réalisateur de tout le tournage moi :D
Mais les propos de Giovanni sont peut-être à mesurer, puisque lui non plus ne pouvait pas supporter Melville.
Il me semble que dans le documentaire "Lino" qui passe en ce moment sur ciné classic, Clelia Ventura confirme que Ventura n'a pas adressé ou presque la parole à Melville sur le tournage de l'armée des ombres.
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Père Jules
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Re: Jean-Pierre Melville (1917-1973)

Message par Père Jules »

Ça ne m'étonne pas. Et si on pousse plus loin la réflexion, les personnalités diamétralement opposées des deux personnages ne pouvaient effectivement mener qu'à des rapports froids et distants, purement professionnels.
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