John Ford (1894-1973)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Frank 'Spig' Wead
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Re: John Ford (1894-1973)

Message par Frank 'Spig' Wead »

Kiemavel a écrit :Je suppose que tu dois le savoir mais plusieurs titres notamment Four Sons, Hangman's House, Up The River…sont sortis en zone 1 avec vost ; soit dans le gros coffret Ford at Fox ou bien dans l'une ou l'autre de ses déclinaisons (Silent Epics, American Comedies, etc…). Quant à Arrowsmith, il est lui aussi sorti en zone 1. Deux éditions : Warner Archive (vo) ou MGM (vost)
Je sais... mais je ne suis pas, hélas, encore équipé d'un lecteur multizone (c'est une honte sur ce forum... :oops: )
kiemavel a écrit :Au sujet du seul film que je connais [Doctor Bull], ton texte est encore une fois remarquable, ajoutant cette fois la concision au brio et à la simplicité habituels.
Oui, tout ce que ce film inspire est très justement formulé.
Geoffrey Carter
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Re: John Ford (1894-1973)

Message par Geoffrey Carter »

Quand se lève la lune 1957

Le cinéaste retrouve l'Irlande, cinq ans après L'Homme tranquille, à travers trois histoires proches des traditions du pays. A l'origine, Ford avait des projets extrêmement ambitieux pour ce film : il voulait Maureen O'Hara, Barry Fitzgerald, Donald Crisp, Alec Guiness et même Katharine Hepburn, et une production en Technicolor. Il dut se contenter de Tyrone Power, qui ne fait qu'introduire les trois sketches, et d'un sobre noir et blanc, bénéficiant néanmoins du travail de Robert Krasker, un des plus brillants chef opérateur du cinéma britannique. Quand se lève la lune commence par une histoire décrite par Power comme étant « au sujet de rien, et pourtant peut-être au sujet de tout ». The Majesty of Law de Frank O'Connor raconte la visite embarrassante d'un inspecteur de police porteur d'un mandat d'arrestation pour un vieillard qui habite près des ruines du château de sa famille. Le Vieux Dan, l'un de ces « Féroces O'Flaherty » apparentés aux Feeney de Galway, a eu une violente dispute avec un voisin suffisant du nom d'O'Feeney. Mais autant qu'une conversation amicale entre Dan et le policier, qui évite d'aborder la question, il s'agit d'une éloquente lamentation sur la perte des traditions dans le monde moderne, montrant que Ford, malgré sa préférence marquée pour la narration visuelle, aimait la musique des mots et comprenait leur pouvoir.
Mais le tour de force du film réside dans le sketch central A Minute's Wait, d'après la pièce de Michael McHugh : un train ne peut apparemment jamais quitter une gare de campagne à cause d'une série de perturbations, d'arrivées inopinées et de célébrations musicales. Cette métaphore assez « farcesque » de la vie irlandaise, avec son abondance de personnages hauts en couleurs fortement dessinés est brillamment orchestré par Ford. Ses victimes symboliques sont un vieux couple d'Anglais guindés qui ne semblent jamais comprendre ce qui se passe. Si A Minute's Wait peut être apprécié comme l'hommage du cinéaste à l'irrésistible anarchie du tempérament irlandais, le sketch renforce aussi, de manière insidieuse, la vision de l'Irlande comme une île arriérée peuplée de gens charmants mais incompétents qui n'ont toujours pas effectué le passage au XXe siècle. Refusant obstinément de reconnaître le besoin des Irlandais d'être fiers de leur modernisme grandissant, enjeu politique majeur de l'Irlande de l'époque, Ford ne pensait qu'à sa vision romantique et personnelle de l'Irlande rurale, terre située à l'écart du monde moderne et immobilisée comme dans son rêve d'enfance.
Le dernier sketch, 1921 est un retour à l'expressionnisme explicite du Mouchard, avec emploi fréquent d'une caméra vertigineusement penchée pour obtenir un effet artistique. Ce procédé parfois assez pénible et prétentieux peut empêcher d'apprécier comme il se doit le drame à suspense d'un homme de l'IRA, Sean Curran, qui s'évade d'une prison britannique. En modernisant la pièce de Lady Gregory, écrite en 1907, pour situer l'action pendant la guerre avec les Black and Tan, Ford et son scénariste Frank Nugent ajoutèrent deux personnages d'actrices de l'Abbey Theatre qui se font passer pour des nonnes afin de pénétrer en prison. Le rapport pirandellien entre le théâtre et la révolution rend explicite un thème sous-jacent dans les deux premiers sketches : le comportement « Irlandais de théâtre » est une des armes secrètes que le peuple Irlandais a mises au point pour manipuler et déjouer l'adversaire. « Fais l'imbécile » dit le gardien de prison à son complice quand ils préparent l'évasion et décident de se faire passer pour des maladroits. Pour le spectateur amateur de Ford, le plus grand plaisir du film réside dans les multiples correspondances qui se tissent entre ses oeuvres antérieures, par l'exemple l'utilisation d'acteurs dans des « rôles-échos », produisant une sorte de commentaire rétrospectif : le chanteur de rue du Mouchard, Denis O'Dea, est ici le sergent Michael O'Hara, le policier irlandais qui devient le dernier obstacle à la liberté de Curran. En effet, quiconque se souvient de Denis O'Dea chantant The Minstrel Boy dans Le Mouchard entendra son écho dans la scène à l'historique arche espagnole de Galway. O'Hara y confronte le fugitif déguisé en chanteur de rue qui vend la ballade des combattants de l'IRA The Rising of the Moon. Pour ranimer la vieille ferveur révolutionnaire d'O'Hara, sa femme lui chante la chanson, prouvant ce que disait le Vieux Dan des « secrets » contenus dans les chansons. Quand il comprend finalement quelle est la véritable identité de Curran, O'Hara décide de le laisser s'échapper. Contrairement à Gypo Nolan, O'Hara renonce à sa récompense d'indicateur pour le bien de son pays.
Véritable comédie humaniste en miniature, Quand se lève la lune reste une oeuvre savoureuse, charmante et attachante, malgré son rythme inégal et quelques interprétations parfois outrancières et trop caricaturales.
bruce randylan
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Re: John Ford (1894-1973)

Message par bruce randylan »

Judge Priest (1934)

Si Le soleil brille pour tout le monde m'avait grandement déçu, cette "première" version m'a autrement plus ravi même si c'est peut-être le moins réussi du trio Ford/Rogers, la faute à des problèmes de rythme et des ficelles narratives grossières.
Celà dit, c'est clairement un film très personnel et on peut se dire que ce Juge possède beaucoup de points communs avec son réalisateur. J'irais même jusqu'à dire que le film est presque auto-biographique puisque les méthodes de ce Juge nonchalant et malicieux ne sont pas sans évoquer certains procédés du style Ford (celles qui me plaisent le moins).
Dans le documentaire "Le loup et l'agneau", quand un journaliste demande au fameux borgne pourquoi l'humour de l'homme tranquille reposait autant sur des gags misogynes, le cinéaste répondait simplement que c'est ce qui plait au spectateur. Rien de foncièrement cynique dans cette réponse (d'autant qu'il affectionnait bien ce genre de réparties cinglantes qu'il ne fallait pas prendre pour argent comptant) mais ça correspond bien à son style et cette façon de jouer sur plusieurs éléments fédérateurs pour mieux instaurer une connivence avec son public : un sentimentalisme (plus ou moins discret), une vision idéalisée de la famille, un peu de patriotisme... Bref quelques tours de passe-passes que ne manque pas de pratiquer le Juge Priest. Ainsi lors du procès final, il n'hésite à évoquer sur un long passé assez hors-sujet de l'accusé pour le montrer sous un bon jour et attirer la sympathie du jury (alors que ces faits n'ont rien à voir avec le procès en question) tout en se débrouillant pour faire jouer des thèmes traditionnels sous la fenêtre du tribunal ("dixie" en l’occurrence) pour mieux manipuler l'émotion de la foule.

En y repensant, l'utilisation de la musique joue pour beaucoup dans le "rejet" que j'ai de plusieurs John Ford. Des thèmes tirés du répertoire folkloriques traditionnels et des thèmes militaires que le cinéaste a décliné/ré-utilisé jusqu'à plus soif dans nombre de films, illustrant au pied de la lettre le contenu des séquences sans grande imagination et pas toujours avec subtilité. Dans le pourtant excellent Tobacco road (j'ai malheureusement pas pris le temps d'en parler), il y a plusieurs moments qui m'ont agacé avec ce recourt systématique aux morceaux emblématiques du Sud. Ca a devient même contradictoire avec le propos du film puisque le père de famille se moque justement des chanteurs de cantiques... dont les titres illustreront quelques séquences plus tardives en jouant la carte du pathos (alors que la grande qualité du film est justement son approche cru, blasphématoire et caustique qui se porte en contre-point parfait et génial aux Raisins de la colère).

Mais bon, je digresse, je digresse... Donc fi de détails oiseux et retour à ce Judge Priest :mrgreen:
Ca reste une comédie sudiste débordant d'une chaleur débonnaire avec un Will Rogers toujours aussi impérial. Le début est impayable d'ailleurs : les lumières se sont à peine éteintes qu'il apparaît en gros plan derrière derrière son journal, lève la tête et demande l'ordre et le calme dans la salle. L'effet est radical sur le public qui remuait sur son siège et chuchotait encore à son voisin. :lol:
On a rarement fait mieux en introduction.

Le film alterne ainsi pur moment de comédie (le premier procès, le "dialogue" pour faire peur à des prétendants de sa voisine), de jolis élans de tendresse nostalgique et pudique (si vous cherchiez le premier film de Ford où le héros s'adresse à sa femme décédée, c'est ici) et quelques touches progressistes, glissées l'air de rien mais bel et bien présentes notamment dans l’amitié sincère et complice qui lie le Juge et la communauté noire : il défend un hypothétique voleur de poulets avant d'aller pêcher avec lui, rejoint des femmes entamant un air traditionnel et forme un irrésistible duo de chant avec sa femme de ménage. Des scènes courtes mais qui possèdent une simplicité directe, naturelle sans artifice pour un sentiment d'harmonie et d'évidence.
Comme souvent avec ce genre de film, la première moitié est excellente avec sa description du microcosme du Juge, dévoilant son comportement et ses valeurs humanistes... Mais Judge Priest est moins réussi dans la seconde moitié où Ford est "obligé" de raconter une histoire qui ne vaut pas grand chose et ne fait pas illusion longtemps (le père biologique de la voisine). Les artifices du scénarios sont grossiers comme j'évoquais au début mais l'abattage du duo Ford/Rogers, qui ne ménagent pas leur peine, finit pas emporter l'admiration.

Imparfait, bancal, maladroit, boiteux, mise en scène de manières très relâchée mais les figures humaines qui nous touchent le plus ne sont-elles pas justement celles qui possèdent quelques menus défauts ? :)
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Re: John Ford (1894-1973)

Message par cinephage »

Ma position est clairement l'inverse de la tienne, je trouve ce Judge Priest sympathique et drole, mais assez anecdotique, là où The Sun shines bright est un véritable cri du coeur envers les bras cassés, marginaux et autres menu fretins que la société tient dans un certain mépris.
Le premier est l'histoire d'un filou assez malin qui manipule les autres à son avantage, l'autre décrit avec nostalgie une certaine approche de la vie, un rapport chaleureux à autrui. Le premier est un film ludique, l'autre est pétri de grands principes.

L'utilisation de Dixie est révélatrice des différences entre les deux films : Dans Judge Priest, le titre est joué aux fenêtres pour manipuler l'opinion, tandis que dans The Sun Shines Bright, le juge la fait jouer dans son tribunal, et les anciens soldats, attirés par la force d'évocation de la chanson, y viennent manifester leur enthousiasme. Une manipulation dans le premier, un hymne nostalgique dans le second. C'est ce Ford humaniste que je préfère.
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Re: John Ford (1894-1973)

Message par Frank 'Spig' Wead »

Bruce radyland a écrit :Bref quelques tours de passe-passes que ne manque pas de pratiquer le Juge Priest.
Mais on triche beaucoup chez Ford, dans Steamboat round the bend, Vers sa destinée, L'homme tranquille, La dernière fanfare... Dans ce dernier film, une veillée funèbre se transforme en meeting électoral.
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Re: John Ford (1894-1973)

Message par Geoffrey Carter »

The Village Blacksmith 1922

Adapté d'un poème d'Henry Longfellow, le film est difficile à évaluer puisqu'il ne reste qu'une douzaine de minutes sur les quatre-vingt d'origine, mais ce qui subsiste reste assez impressionnant. La plupart du film se déroule dans un orage puissant et cauchemardesque et des images tout aussi puissantes et cauchemardesques s'affichent sur l'écran : un homme handicapé roulant dans la boue pour aller maudire celui qui semble responsable de ses malheurs ; une jeune femme courant dans les bois comme frappée par la foudre ; un combat à coups de poings sous la pluie entre deux hommes, le tout utilisant de brusques fondus au noir s'enchaînant une photographie surexposée. On assiste ensuite à une séquence de mariage admirablement cadrée, plus apaisée, qui semble correspondre à la fin du long-métrage. L'évocation du non-dit, des murmures et du secret peut laisser penser que Village Blacksmith était une analyse des rapports humains au sein d'une communauté.

Just Pals 1920

Les deux premiers films de Ford pour la Fox (Just Pals et The Big Punch) mirent en vedette l'acteur cow-boy Buck Jones, interprète sympathique et sans prétention qui mourut héroïquement en essayant de sauver des victimes de l'incendie du Coconut Grove à Boston en novembre 42. Dans Just Pals, charmante comédie bucolique, Buck Jones est Bim, le fainéant du village, qui se prend d'amitié pour un petit vagabond de dix ans (George E. Stone). Ensemble, ils deviennent d'improbables héros dans ce modeste mais sympathique mélange de motifs westerniens et d'évocation nostalgique d'une petite ville américaine qui fait penser au Griffith du Pauvre amour et du Roman de la vallée heureuse. Même si cet americana rustique semblait déjà dépassé à l'orée des années 1920, un film comme Just Pals offrait au public une vision rassurante, voir réactionnaire, en tournant le dos au changement social. Mais Ford réussit, tout en subtilité, à être subversif en concentrant la sympathie du public sur deux marginaux, un enfant et un adulte immature, dans une fable offrant une piquante variation sur le thème du good bad man (le noble hors-la-loi). Deux mouvements principaux sont à l'oeuvre dans le film, la tentative d'acceptation d'un individu par la société et l'instabilité supposée d'un groupe humain, qui par leurs trajets contradictoires produisent un effet assez surprenant : ils révèlent en fait le fonctionnement d'une société humaine. Par amour pour l'institutrice du village, Bim oblige l'enfant à aller à l'école et sauve un coffre-fort convoité par des bandits. Contrairement à ce que peut laisser croire l'apparente candeur de l'intrigue, le trait est assez amer, voir cruel : le groupe social est défini par la veulerie, la pingrerie ou le lynchage. Les pulsions n'attendent qu'un prétexte pour se déchaîner, à peine contenues par une caricature de loi (un vieux shérif incompétent et trouillard qui rappelle le personnage d'Andy Devine dans L'Homme qui tua Liberty Valance). L'intégration de Bim se traduit d'un côté par la preuve d'une capacité à sauver le capital d'une communauté (l'argent de l'école) et par l'acceptation de l'ordre social. La récurrence de la barrière en tant que thème visuel vient rappeler ces deux exigences : lorsque Bim flirte avec l'institutrice et lorsqu'il ne peut plus entrer chez le médecin qui garde l'enfant, le croyant un fils de bonne famille en fugue. Loin d'être un Ford majeur mais qui annonce tout de même certains des chefs d'oeuvre du cinéaste.

Cameo Kirby 1923

Mélodrame sudiste à base d'honneur perdu, de vengeance et d'usurpation d'identité (thèmes faisant penser aux romans d'Alexandre Dumas), Cameo Kirby est loin d'être une oeuvre notable de la part de Ford, tant le film est outrageusement bavard, ennuyeux et étouffant. Les acteurs sont cabotins et monolithiques (John Gilbert signant probablement une de ses pires performances) et les intertitres beaucoup trop abondants viennent casser le rythme de l'intrigue déjà assez somnolent. Ford se contente en effet de filmer platement quelques décors artificiels en théâtralisant au possible son intrigue et ses personnages, sans aucune imagination ou même une quelconque tension. De ce ratage on peut sauver tout de même des séquences de chevauchée, quelques plans de bateaux à vapeurs naviguant sur le Mississippi (que Ford filmera de la même manière dans Steamboat Round the Bend) et surtout une belle séquence de duel dans la forêt où les branches et l'herbe sont agitées par un vent violent : la forme rigide et hésitante des corps et la frénésie de l'élément naturel créent ici une dynamique visuelle harmonieuse et admirable. Sur le plan historique, le film est également notable pour avoir marqué les débuts de Jean Arthur au cinéma.
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Jeremy Fox
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Re: John Ford (1894-1973)

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Frank 'Spig' Wead
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Re: John Ford (1894-1973)

Message par Frank 'Spig' Wead »

Jeremy Fox a écrit :Pour la 10ème semaine de rétrospective Ford à la Cinémathèque, Julien Leonard chronique Les Hommes de la mer.
Juste et belle réhabilitation!

Ce film O'Neillien a permis à John Ford de réunir plusieurs grands noms de la peintre américaine pour la réalisation d'une série de toiles prestigieuses pour sa promotion.
The Film Daily du 22 Nov 1940 a également consacré sa Une et un reportage à The Long Voyage Home.

Voici une vidéo de Tag Gallagher consacré à ce film, aux environs de la 6e minute il est possible de voir la série complète de tableaux. Le lien ensuite renvoie vers un site quasi exhaustif.



http://thenedscottarchive.com/hollywood ... -home.html

Photos : John Ford peint par George Schreiber à cette occasion.
En bonus le tableau que Ron Kitaj a consacré à Ford en 1983-84.

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Re: John Ford (1894-1973)

Message par Frank 'Spig' Wead »

http://www.franceculture.fr/player/reec ... ay=4990579

France culture, émission Projection privée Autour de John Ford.
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Re: John Ford (1894-1973)

Message par bruce randylan »

Geoffrey Carter a écrit :The Village Blacksmith 1922

Adapté d'un poème d'Henry Longfellow, le film est difficile à évaluer puisqu'il ne reste qu'une douzaine de minutes sur les quatre-vingt d'origine, mais ce qui subsiste reste assez impressionnant. La plupart du film se déroule dans un orage puissant et cauchemardesque et des images tout aussi puissantes et cauchemardesques s'affichent sur l'écran : un homme handicapé roulant dans la boue pour aller maudire celui qui semble responsable de ses malheurs ; une jeune femme courant dans les bois comme frappée par la foudre ; un combat à coups de poings sous la pluie entre deux hommes, le tout utilisant de brusques fondus au noir s'enchaînant une photographie surexposée. On assiste ensuite à une séquence de mariage admirablement cadrée, plus apaisée, qui semble correspondre à la fin du long-métrage. L'évocation du non-dit, des murmures et du secret peut laisser penser que Village Blacksmith était une analyse des rapports humains au sein d'une communauté.
Je l'ai vu aussi sur youtube.

Assez impressionnant en effet. La violence des comportements, l'aspect visuel exacerbé, la crudité psychologique, les visages déformés par la haine... On a l'impression d'être chez Tod Browning plutôt que chez Ford. Ces quelques minutes sont vraiment intenses et viscérales.
Après, vu les changements des dernières minutes, je me demande si le film parvenait à conserver une réelle unité ou si ça ne partait pas dans tous les sens.


Toujours au niveau des raretés

The growler story (1956) est un épisode d'une petite demi-heure sur un capitaine de sous-marin. Malgré une qualité d'image exécrable, c'est une petite production plutôt réussie qui n'apporte aucune pierre à l'oeuvre Fordienne mais ne dénature pas dans le paysage. On retrouve Ward Bond, l'univers de la marine, les amitiés fraternelles, Dan Dailey (en voix-off) etc... L'histoire à ce titre n'est pas très brillante (c'est même un peu décousu) mais quelques belles séquences viennent régulièrement ponctuer le récit dont un le sous-marin s'enfonçant dans l'eau, laissant deux morts sur le pont. Il y a là un sens du cadre, simple et marquant, sophistiquée et pudique, vraiment touchant.

This is Korea (1951)
John Ford a supervisé (et filmé ?) ce film qui prend place durant la guerre de Corée dont il essaye d'expliquer les raisons du conflit. Rien à redire sur les images (filmés en couleur et sans stock shot semble-t-il) et le montage mais le texte en voix-off est vite fatiguant entre simplification du conflit (il faut juste donner à manger aux pauvres enfants que la "peste communiste" cherche à tuer) et figure de style répétitive au possible : "ses simples hommes n'étaient, au début, même pas des soldats... Mais des soldats, ils vont le devenir" ; "ses pauvres enfants avaient faim... mais la faim, il ne la connaîtront plus"... c'est un peu ça pendant 50 minutes. On voudrait par moments que les images se suffisent à elles seules.
C'est de la propagande, pas forcément bête et méchante, mais qui manque d'une réelle profondeur et ironiquement d'humanité.

Chesty : a tribute to a legend (1970 - sorti en 1976)

4 ans après frontière chinoise, John Ford sort de sa retraite pour rendre hommage à son ami, le Général Lewis B. 'Puller alias "Chesty" qui fut l'officier le plus décoré de la Marine.
Un hommage qui tenait vraisemblablement beaucoup à Ford puisqu'il apparaît lui-même à l'image pour interviewer Chesty. L'occasion aussi de retrouvaille avec John Wayne qui est l' "hôte" et le narrateur du film. Lui et Ford avaient d'ailleurs été très proches du Général lors de la second guerre mondiale et celle de Corée. Des images d'archives racontent donc sa vie et son parcours. Ford exploite d'ailleurs plusieurs plans qui se trouvaient dans This is Korea, avec un contenu plus violent et explosif pour beaucoup d'explosions et quelques morts. Le commentaire est plus réussi que dans le précédent documentaire : grâce à de petits détails et souvenirs authentiques, on se sent cette fois bien plus immergé dans le conflit et les difficultés du conflit et des conditions de vie sont plus saisissantes.
La première moitié est ainsi une bonne surprise, malheureusement la seconde est rébarbative au possible. Non seulement, l'interview de Ford ne laisse finalement jamais la parole à Chesty dont on n'entendra aucune réponse (il a pas l'air commode le bonhomme) mais on revoit deux fois TOUTES les images qui avaient illustré le début du film. Ford essaye maladroitement de faire resurgir le passé de Chesty quand il passe en revue les troupes présentes lors de la cérémonie de son départ en retraite... mais le procédé ne fonctionne pas du tout, d'autant que la musique est aussi toujours la même.
Le film ayant été achevé après la mort de Ford, j'espère que ce montage n'est pas de sa volonté. Ca serait dommage de finir une carrière la dessus alors que le début ne manquait pas d'intérêt avec la fascination intacte du cinéaste pour le cérémonial militaire (la nostalgie de revoir Wayne et Ford joue aussi pour quelques chose)
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Re: John Ford (1894-1973)

Message par Frank 'Spig' Wead »

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Re: John Ford (1894-1973)

Message par bruce randylan »

Frank 'Spig' Wead a écrit :La procession funéraire avait été envisagée pour My darling clementine, mais je ne pense pas qu'elle fut écrite à proprement parler.
As-tu assisté à la conférence du Soleil brille pour tout le monde qui a précédé la séance de lundi ? Si oui peux-tu nous dire de quoi il en retournait...
Elle vient d'être mise en ligne ;)
http://www.cinematheque.fr/fr/dans-sall ... v,837.html

Et pour répondre à Cinéphage sur l'opposition entre Judge Priest et sa relecture. Je dirais pour simplifier grandement (je suis au boulot :mrgreen: ) que dans Judge Priest, c'est le personnage qui manipule alors que dans Sun shines bright, c'est Ford lui-même. :wink:
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Re: John Ford (1894-1973)

Message par Frank 'Spig' Wead »

Bruce randylan a écrit :Elle vient d'être mise en ligne ;)
Merci pour l'info, celle de "La Chevauchée infernale"* également.

*petit lapsus amusant de Bernard Eisenschitz
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Jeremy Fox
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Re: John Ford (1894-1973)

Message par Jeremy Fox »

11ème semaine de la rétrospective John Ford à la Cinémathèque : Les Sacrifiés est mis à l'honneur par Julien Leonard tout d'abord qui en a écrit la chronique.
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Re: John Ford (1894-1973)

Message par bruce randylan »

Jeremy Fox a écrit :11ème semaine de la rétrospective John Ford à la Cinémathèque : Les Sacrifiés est mis à l'honneur par Julien Leonard tout d'abord qui en a écrit la chronique.
Au fait : il y aura bien un complément à cette rétrospective avec 3 films (rarissimes) que la cinémathèque a pu faire venir : on pourra donc voir pendant une petite semaine The kentucky pride ; salute et the brat. :D
On doit donc vraiment pas être loin de l'intégrale cette fois. Il doit juste manquer quelques films de propagande dont we sail at midnight (perdu ?) et ses participations non créditées à des films comme Hondo et Adventures of Marco Polo (justement diffusé sur TCM en Janvier - incroyable navet au passage)

En parlant rareté :
Strong boy (1929)
De cette ultime muet du cinéaste, il ne reste qu'un très courte bande-annonce de 42 secondes redécouverte il y a quelques années en nouvelle-Zélande avec Upstream... Et encore la moitié du teaser est composé d'animation 2D ! Le peu qu'on aperçoit donne tout de même envie avec un Victor McLagen fidèle à lui-même en porteur de bagages dont on devine qu'il devra conquérir le coeur d'une femme... sans doute en sauvant le train sur lequel il travaille et qui est attaquait par des brigands. Le tournage en extérieur sur les toits des wagons donnent quelques plans vraiment beaux pour des scènes d'actions alléchantes et spectaculaires. On aperçoit donc fugacement un combat sur le train lancer à toute vitesse et McLagen pistolet aux mains tenter de reprendre le contrôle de la locomotive.

Toute la ville en parle (the whole town's talking - 1935)

un timide et consciencieux employé de bureau a la malchance d'être le sosie d’ennemi public numéro un, fraîchement échappé de prison et de passage en ville.

Petite déception que cette comédie au potentiel énorme mais qui ne décolle presque jamais. Pourtant co-producteur, John Ford semble tout faire pour empêcher les situations de se déchaîner. On est certes quelques années avant l'explosion des screwballs comedies mais cette comédie frustre plus qu'elle ne fait rire (voire même fait sourire). Entre les quiproquos, l'émancipation du timide employé, les échanges d'identités, le personnage féminin au fort caractère, l'emballement médiatique... il y avait de quoi fournir un script généreux mais tout cela n'est souvent qu'esquissé, empêtré par un rythme qui ne s'accélère, y compris dans le dernier tiers.
La fin est à ce titre vraiment bâclée, passant à côté de séquences, certes classiques, mais hypothétiquement jouissives (le gentil se faisant passer pour le chef de la bande). Non, à la place le criminel se fait mettre hors d'état de nuire sans que la réalisation cherche à mettre en valeur les péripéties, comme s'il s'agissait d'un fait secondaire et non le "climax".
J'ai pour ainsi dire passer la projection à attendre que le film se lance "enfin", que le traitement soit à la hauteur du concept... En vain.
Sans doute Ford voulait-il éviter les facilités (qu'on est cependant en droit d'attendre vu le sujet du film) mais il rate du coup sa cible, négligeant au passage ses personnages qui ne sont jamais vraiment développés (c'est flagrant pour le personnage féminin qui disparaît au fur et mesure de l'intrigue pour finir par jouer les utilités dispensables)

Reste heureusement un formidable numéro d'acteur(s) d'Edwards G. Robinson qui s'auto-parodie doublement et malicieusement. Ford a bien compris que c'est sûr lui que repose le film et il met son style en retrait pour donner lui donner le rayonnement nécessaire. Ca donne au moins une scène mémorable, celle où il se saoule avec son patron et revient éméché vers ses collègues ("salut les esclaves !" :lol: ).
Quelques seconds rôles ne manquent pas non plus de saveur comme le responsable de Robinson et celui qui espère obtenir sa récompense.
A noter aussi que les trucages sont vraiment très réussis, discrets et invisibles. Il y a plusieurs moment où les deux Robinson inter-agissent dans le même plan (se passant des objets par exemple).

Peut-être à revoir, sans fausse attente (un ami me l'avait sur-vendu parlant d'une comédie parfaite digne des meilleurs Capra et Hawks)
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