Delmer Daves (1904-1977)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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Re: Delmer Daves (1904-1977)

Message par Jeremy Fox »

8) Mon chouchou du cycle mélo de Daves
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Profondo Rosso
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Re: Delmer Daves (1904-1977)

Message par Profondo Rosso »

Après avoir tout vu ce doit être mon préféré avec Parrish :wink:
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Jeremy Fox
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Re: Delmer Daves (1904-1977)

Message par Jeremy Fox »

Profondo Rosso a écrit :Après avoir tout vu ce doit être mon préféré avec Parrish :wink:

Nous sommes en phase pour le coup ; ça me fait d'autant plus plaisir que Rome Adventure n'est en général guère apprécié :wink:
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Alexandre Angel
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Re: Delmer Daves (1904-1977)

Message par Alexandre Angel »

Jeremy Fox a écrit :Nous sommes en phase pour le coup ; ça me fait d'autant plus plaisir que Rome Adventure n'est en général guère apprécié
Je suis dans l'ignorance quasi-totale de ce tronçon de la filmographie de Daves (je n'ai vu, et il y a longtemps, que La Bataille de la Villa Fiorita).
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Jeremy Fox
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Re: Delmer Daves (1904-1977)

Message par Jeremy Fox »

Alexandre Angel a écrit :
Jeremy Fox a écrit :Nous sommes en phase pour le coup ; ça me fait d'autant plus plaisir que Rome Adventure n'est en général guère apprécié
Je suis dans l'ignorance quasi-totale de ce tronçon de la filmographie de Daves (je n'ai vu, et il y a longtemps, que La Bataille de la Villa Fiorita).

Oh là, très mauvais souvenir de celui-ci en revanche mais pas revu depuis son passage à la télé il y a plusieurs décennies. Par contre, autre petit chef d’œuvre : La Montagne des neuf Spencer dont j'ai écrit la chronique sur le site.
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Alexandre Angel
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Re: Delmer Daves (1904-1977)

Message par Alexandre Angel »

J'avoue avoir toujours nourri des préjugés sur ces mélos tardifs. Si c'est à tort (et ça a l'air de l'être), tant mieux!
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Jeremy Fox
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Re: Delmer Daves (1904-1977)

Message par Jeremy Fox »

Alexandre Angel a écrit :J'avoue avoir toujours nourri des préjugés sur ces mélos tardifs. Si c'est à tort (et ça a l'air de l'être), tant mieux!

Perso j'y prends plus de plaisir qu'à 80% de ceux de Sirk. Après il faut être sensible à son style dont le lyrisme échevelé pourra rebuter certains.
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Jeremy Fox
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Re: Delmer Daves (1904-1977)

Message par Jeremy Fox »

Pour te faire une idée, je replace ici mon intro à ma chronique de Rome Adventure qui essaie justement de décrire ce corpus.


En 1959, dernier des huit westerns réalisés par Delmer Daves, La Colline des potences (The Hanging Tree) préfigure par certains aspects mélodramatiques - déjà présents au sein d’une filmographie extrêmement cohérente dans presque tous ses films précédents, quels que soient les genres abordés, mais encore jamais aussi baroques qu’ici - les drames que mettra en scène le cinéaste en toute de fin de carrière. Des œuvres aux situations expressément excessives, interprétées par Troy Donahue et abordant les problèmes des jeunes, de leurs pulsions sexuelles et de leurs relations avec les adultes, la première étant d’ailleurs tournée la même année que son western, le très beau Ils n’ont que 20 ans (A Summer Place), dont probablement une grande partie d'entre vous connait au moins par cœur le thème musical principal signé Max Steiner. Ce titre marque la naissance d’un corpus de quatre films réalisés à raison d’un par an ; des mélodrames hollywoodiens qui ne ressemblent à aucun autre, pas plus à ceux bien plus célèbres signés Douglas Sirk ou Vincente Minnelli qu’à ceux mis en scène par Frank Borzage ; des œuvres uniques et paradoxales puisque leur naïveté n’a d’égale que leur culot, leur premier degré que leur pouvoir de subversion. Sur le papier, une telle bizarrerie parait quasiment inconcevable et pourtant il suffit de prendre quelques heures pour visionner ces fabuleux et étonnants mélodrames pour se rendre à l'évidence et constater à quel point une telle mayonnaise a pu prendre, entre intelligence du propos, kitsch assumé et lyrisme échevelé.
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Alexandre Angel
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Re: Delmer Daves (1904-1977)

Message par Alexandre Angel »

J'avais lu cela et avais été surpris et troublé par un tel dithyrambe. Il va falloir que je m'y penche.
Jeremy Fox a écrit : Perso j'y prends plus de plaisir qu'à 80% de ceux de Sirk.
Y a un problème avec Detlef en ce moment, ou quoi? :evil: :mrgreen:
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: Delmer Daves (1904-1977)

Message par Profondo Rosso »

Jeremy Fox a écrit :
Profondo Rosso a écrit :Après avoir tout vu ce doit être mon préféré avec Parrish :wink:

Nous sommes en phase pour le coup ; ça me fait d'autant plus plaisir que Rome Adventure n'est en général guère apprécié :wink:
Le truc c'est qu'il est en apparence beaucoup plus lisse avec son esthétique carte postale (il y a quand même bien 40 minutes de ballades en amoureux en plein milieu de film) alors que les autres films sont plus ouvertement provocant et mouvementés sur les mêmes thèmes. Mais ce côté faussement feutré et bien trouble a parfaitement fonctionné pour moi c'est plus subtil et tout aussi intéressant.
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Re: Delmer Daves (1904-1977)

Message par John Holden »

Ca me donne envie de ressortir le coffret Romance de la Warner pour me faire Parrish et Susan Slade.
Quelqu'un a vu son Youngblood hawke ?
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Re: Delmer Daves (1904-1977)

Message par Jeremy Fox »

John Holden a écrit : Quelqu'un a vu son Youngblood hawke ?
Celui-ci est une véritable rareté ; jamais réussi à tomber dessus.
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Re: Delmer Daves (1904-1977)

Message par Jack Carter »

J'avais recupéré une copie quelque part, faudrait que j'y jette un oeil, tiens ...
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The Life and Death of Colonel Blimp (Michael Powell & Emeric Pressburger, 1943)
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Jeremy Fox
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Re: Delmer Daves (1904-1977)

Message par Jeremy Fox »

On poursuit et on termine le tour d'un coffret commencé de tester il y a plusieurs mois avec Parrish. Demain, on finira avec Susan Slade, les deux films chroniqués par Justin Kwedi.
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Jeremy Fox
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Re: Delmer Daves (1904-1977)

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Après la mort de son mari, Ellen McLean, pour subvenir à ses besoins et à ceux de son fils Parrish, accepte un poste d'éducatrice dans une plantation du Connecticut. Sur place, elle est chargée de l'éducation de l'excentrique Alison, la fille de Sala Post. Pour des raisons d'élémentaires convenances, le maître des lieux demande à Ellen que son fils s'éloigne de la maison afin de ne pas perturber l'éducation de sa fille. Le jeune Parrish se retrouve alors tous les jours dans les plants de tabac en compagnie de Sala qui lui apprend les rudiments du métier. Mais le soir venu, le jeune homme est libre d'organiser son emploi du temps : il fait alors la connaissance de la ravissante Lucy...

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Sur le tournage du western La Colline des potences (1959), Delmer Daves est victime d'une attaque cardiaque qui l'empêche de terminer le film, les dernières scènes étant réalisées par l'acteur Karl Malden. Ce sera la dernière incursion de Daves dans le western, sa santé fragile ne lui autorisant plus ce type de tournage harassant. Le réalisateur va alors se réinventer avec une série de mélodrames à succès où casting juvénile et thèmes sulfureux constitueront des sortes d'ancêtres du teen movie. A Summer Place (1959) lance le cycle et sera un triomphe au box-office, en plus d'être le film de la rencontre avec le jeune Troy Donahue qui sera l'acteur fétiche de cette série de films. A Summer Place était une œuvre traitant avec audace de l'attrait pour la sexualité chez les adolescents tout en évoquant le fossé de communication parents / enfants dans la lignée de productions comme La Fureur de vivre (1955) ou La Fièvre dans le sang (1961), le tout baigné de l'esthétique des mélodrames provinciaux des années 50 à la Peyton Place (1957) ou proche de Douglas Sirk.

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Parrish (adapté du roman de Mildred Savage), tout en étant doté des même éléments, se montre cependant bien plus ambitieux. Les tiraillements du désir participent ainsi à la construction du jeune Parrish (Troy Donahue) et du tour qu'il souhaite donner à sa vie. Il accompagne sa mère (Claudette Colbert) employée pour surveiller Alison (Diane McBain), la fille de l'exploitant de tabac Sala Post (Dean Jagger). Chacune des figures féminines attirant Parrish représente ainsi une destinée plus ou moins enviable et constituant le dilemme moral du personnage. Alison est une jeune femme intéressée et dévergondée qui méprise le milieu rural et voit les hommes comme des objets à s'approprier. La fragile Lucy (Connie Stevens) représente, elle, la faille d'un caractère tendre mais faible qui l'amène à se donner à tous les hommes. Enfin Paige (Sharon Hugueny), fille de l'impitoyable propriétaire terrien Judd Raike (Karl Malden), par son caractère raisonnable et sa douceur symbolise un contrepoint positif au milieu hostile dans lequel elle a grandi. Claudette Colbert représente presque un pendant mature à ces trois personnages juvéniles puisque, elle aussi, cède à cette soumission féminine à l'argent et à une protection masculine imposante avec Judd Raike. Alors qu'il s'agit d'une faiblesse de caractère chez les jeunes femmes, Claudette Colbert accepte et recherche ce déterminisme féminin injuste. Dans une moindre mesure, cela existe également du côté masculin avec les fils rudoyés de Judd Raike mais ces derniers sont moins creusés psychologiquement.

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Le récit illustre ainsi les hésitations sentimentales de Parrish qui se conjuguent à celles plus existentielles entre l'amour de la terre et des joies de cette vie rurale par le personnage de Sala Post ou alors l'enrichissement brutal et impitoyable qu'illustre Judd Raike (formidable Karl Malden). On passera ainsi de l'apprentissage paisible de l'art de cette culture du tabac au grand air, et avec une vraie rigueur documentaire, aux espaces de bureaux étouffants où l'on est écrasé tout en assimilant comment écraser les autres. L'expérience du western joue toujours chez Daves par son talent à magnifier les grands espaces du Connecticut, ses compositions de plans et la photo d’Harry Stradling Sr. nous offrant de beaux tableaux champêtres. La stylisation intervient lors des intérieurs ou des scènes nocturnes, la pénombre abritant le désir et le rendant plus brûlant (Parrish et Lucy dans la grange, Alison s'introduisant dans la chambre de Parrish) et les gros plans s'auréolant d'effets diaphanes pour souligner le trouble (Lucy passant de la pommade à Parrish, la première rencontre entre Alison et Parrish).

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Les dialogues sont étonnement directs pour évoquer la sexualité (notamment entre Parrish et sa mère qui le met en garde) et les situations assez provocantes, jouant autant sur la sensualité prédatrice et agressive d'Alison que celle plus langoureuse de Lucy. Connie Stevens est excellente en dégageant un sex-appeal perturbé, comme si la seule manière de se faire aimer était cette impression d'être offerte à l'autre dans l'attitude et les dialogues. Malgré ces audaces, le film n'en conserve pas moins une dimension morale qui l'ancre encore dans les années 50 puisque c'est la jeune et innocente Paige (en couettes et en vélo pour sa première apparition), celle qui aime à distance (épistolaire ou en voyant Parrish se coller à une autre) et ne cède pas physiquement (tous les choix formels soulignant la dépravation des autres n'ayant pas cours avec elle), qui emportera le morceau tout en étant le love interest le plus lisse des trois. L'ode aux belles valeurs terriennes se reflète ainsi avec le choix d'une compagne "pure" quand les autres se sont perdues par faiblesse de caractère ou par cruauté. Heureusement la prestation volontaire et pleine de fougue de Troy Donahue dissipe cette facette moralisatrice tant on se passionne à voir le personnage se construire et s'affirmer peu à peu. Une belle réussite donc, où le gigantisme révèle des préoccupations plus intimes.
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