Samuel Fuller (1912-1997)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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ed
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Re: Samuel Fuller (1912-1997)

Message par ed »

Père Jules a écrit :
Jeremy Fox a écrit :

J'imagine mal qu'il puisse être plus puissant et surtout aussi viscéral que Le Port de la drogue mais très hâte de le revoir. Vu une seule fois il y a plus de 20 ans et à l'époque, il ne m'avait pas spécialement marqué mais je pense que ce serait le cas désormais. Excellente critique.

Tapageur ne me gêne pas concernant le style de Fuller ; il pourrait être aussi appliqué au cinéma d'Aldrich je trouve.
"Tapageur", ça se rapporte pour moi à des excès de mauvais goût. Aldrich et Fuller sont des cinéastes de l'excès mais sauf (rares) erreurs de parcours, je ne décèle dans leurs films aucune faute de goût.
J'en cite au moins une (un raccord vraiment pas heureux...) dans une note de bas de page. Mais j'utilisais le mot de tapageur au sens de celui qui remue, qui fait du bruit, de façon parfois désordonnée, mais qui le fait aussi pour faire réagir - c'est à dire pas uniquement dans un sens péjoratif.
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Jeremy Fox
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Re: Samuel Fuller (1912-1997)

Message par Jeremy Fox »

ed a écrit : J'en cite au moins une (un raccord vraiment pas heureux...) dans une note de bas de page. Mais j'utilisais le mot de tapageur au sens de celui qui remue, qui fait du bruit, de façon parfois désordonnée, mais qui le fait aussi pour faire réagir - c'est à dire pas uniquement dans un sens péjoratif.
C'est comme ça que je le voyais aussi
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Père Jules
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Re: Samuel Fuller (1912-1997)

Message par Père Jules »

Ca me va alors. :D
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Re: Samuel Fuller (1912-1997)

Message par batfunk »

Jihl a écrit :
Nestor Almendros a écrit :ORDRES SECRETS AUX ESPIONS NAZIS - VERBOTEN! (1959)

ATTENTION SPOILERS!
Impression étrange qui se dégage de ce film pertinent sur de nombreux points mais qui se révèle assez déséquilibré dans sa dramaturgie. Le film baigne dans différentes atmosphères et trouve rarement à mes yeux une légitimité totale. J'en garderais des bouts mais en jetterais aussi pas mal. Le réalisateur surprend d'abord son monde puisque le film démarre sur "le champ de bataille", on assiste à une combat entre américains et nazis dans les rues détruites d'une Allemagne désormais vaincue. L'impression est là: on semble retrouver le Fuller de J'AI VECU L'ENFER DE COREE ou consors. De plus, il ajoute à sa mise en scène l'utilisation de morceaux très connus de Beethoven comme score. Cette mise en images sur fond de classique allemand est pour le moins surprenant (mais pas raté).

Mais finalement on s'aperçoit que le récit ne s'attardera pas sur des faits de guerre auxquels le réalisateur nous avait habitués. Ici, dans VERBOTEN on parle surtout de l'immédiate après-guerre ou plus exactement des premiers moments d'un pays vaincu. Le chaos règne encore, les Alliés continuent d'envahir le pays perdant et le film traite notamment de la contre-réaction de la population, ou en tout cas d'une certaine frange de la population qui était nazie pendant la guerre et qui le cache désormais. Mieux encore, le film raconte comment un groupuscule de jeunes nazillons rescapés tentent de faire renaitre le flambeau du Reich en reprenant la marche du mouvement tel qu'il avait débuté avec un Hitler qui, petit à petit, à son époque - les années 20 - avait ressemblé autour de lui suffisamment d'hommes pour arriver aux drames que l'on a connus. Le film de Fuller se pemet donc de raconter des faits pertinents ("révolte" d'une population perdante) dans un cinéma américain beaucoup plus consensuel. Et en parallèle, c'est presque un cours sur la naissance du nazisme que l'on a sous les yeux (puisque reconstitué par d'autres qu'Hitler dès 1945). Le film est d'ailleurs fortement marqué d'une volonté pédagogique jusque dans l'utilisation insistante d'archives ou de faits réels (le procès de Nuremberg).
De ce contenu, le film tire ses meilleurs moments et, s'il ne tient pas toujours ses promesses, il reste très honorable.

Par contre, exceptés ces reconstitutions historico-sociologiques, VERBOTEN! s'engouffre souvent dans une dramaturgie étrange, jamais aboutie, très démonstrative et parfois peu subtile. En fait, dans beaucoup de scènes, le traitement des personnages, des dialogues, des évènements scénaristiques font penser à une certaine théâtralité (un peu lourde) pour que tout le monde comprenne. On se laisse donc aller à de nombreuses facilités (le nazi du début forcément immonde: il a dénoncé sa propore mère) ou à un romantisme dégoulinant entre le héros américain et cette jeune allemande-nazie opportuniste. Concernant ce dernier personnage, d'ailleurs, plusieurs choses m'ont assez dérangé. On l'assimile vers la moitié du film à une nazie qui se cache et qui va profiter de la couverture de cet américain amoureux. Or, rapidement là aussi, elle va changer de bord et renier ses engagements passés, comme par magie (en voyant le film à Nuremberg). Soit il y a eu des coupes, soit c'est très mal géré: on nous la présente comme dangereuse et puis finalement, elle ne sort que rarement de sa fonction romantique. Par contre l'autre personnage allemand, Bruno, leader du groupuscule nazi est, lui, réellement intriguant.
Même impression globale de ce film intéressant, mais à la mise en scène inégale et parfois mal bricolée (mixage d'images d'archive et de reconstitution en studio, scène de foules pas très bonnes).
Je le conseille quand même car le scénario tient globalement la route (je retiens l'hypothèse des coupes au montage de Nestor pour quelques changements un peu trop brusques), le casting est honnête, le propos est intelligent et on retrouve le brio de Fuller dans quelques scènes (scène d'ouverture et première demi-heure en particulier). 5.5/10
Constat un peu similaire.un film de bric et de broc,sans fil directeur(on passe du film de guerre à une dénonciation Naïve du nazisme(les allemands ont-ils découvert la vraie nature du nazisme avec Nuremberg,j'en doute....) en passant par une fausse histoire d'amour).

L'insertion de morceaux connus comme Beethoven intriguent puis énervent(problème de budget?).idem pour les nombreuses images d'archive,qui cassent l'implication du spectateur.

Seule la partie centrale du film ,avec l'occupation américaine et le processus de dénazification est intéressante.Le film aurait du porter uniquement sur cela.

et puis Rosco de "shérif fais moi peur!" dans le rôle principal,je peux pas :mrgreen:

Au final un des moins bons films de Fuller.

Je suis quand même curieux de connaitre le processus de création de ce film chaotique.

Ps:petit clin d'oeil sympathique de Fuller avec l'affiche de Big Red One,dans le bureau du gouverneur militaire,qui sera le thème d'un de ses derniers films 24 ans plus tard :D
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Profondo Rosso
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Re: Samuel Fuller (1912-1997)

Message par Profondo Rosso »

Les maraudeurs attaquent (1962)

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Durant la Seconde Guerre mondiale, en 1944, le général Joseph Stilwell ordonne le déploiement en Birmanie des unités américaines de volontaires destinées à vaincre la résistance de l'armée impériale japonaise. Parmi elles se trouve l’Unité Galahad (5307), commandée par le général Frank Merrill, et surnommée "Les Maraudeurs de Merrill". L'unité, dont le rôle est d'appuyer la Force X progresse difficilement dans la jungle birmane, d'un point d'attaque à l'autre, et ses hommes vite épuisés par des marches forcées et des attaques contre des forces mieux équipées. Le général Merrill souffre lui-même de problèmes cardiaques, mais le cache à ses hommes et les exhorte à poursuivre l'avancée.

En 1945, Raoul Walsh réalisait un chef d'œuvre du film de guerre avec son Aventures en Birmanie, évocation captivante de campagne de Birmanie. Le film valait surtout pour ses formidables qualités formelles avec sa jungle filmée avec une rare puissance par Walsh (et modèle de futurs classique comme le Predator de McTiernan), son aura menaçante créé par ses ennemis japonais invisibles et la hargne de ses affrontements. Cela n'en restait pas moins un film de propagande, va-t’en guerre et à la gloire des Etats-Unis où à part la star Errol Flynn les soldats en étaient réduit à des archétypes et des silhouettes (en plus de fausser la réalité en montrant une unité américaine seulement alors que cette campagne fut surtout menée par les armées indiennes, chinoise et britanniques). Dix-sept ans plus tard, Fuller en réalise donc une sorte de pendant plus humain, ce qui est finalement normal puisque le réalisateur fut soldat durant cette guerre en Europe et Afrique du Nord.

Ce réalisme est renforcé par le fait de traiter de la vraie l' Unité Galahad dite des "Maraudeurs de Merrill" qui se montra héroïque durant cette campagne birmane. Les combats sont ici rares et constituent l'aboutissement de l'endurance et du courage de ses soldats. Les vrais ennemis sont la jungle, l'humidité, la chaleur et les diverses maladies tropicales qui amènent des troupes considérablement diminuées sur le front. Fuller nous dépeint cette communautés avec brio et concision, esquissant les personnalités de chacun et nous les rendant attachant immédiatement, que ce soit ce japonais fier de combattre au côté des américains (belle scène où il se révolte lorsqu'on évoque sa tenue négligée), cet autre ayant reporté son affection sur sa mule Eleanor. Au centre du récit on a surtout la relation père/fils entre le général Frank Merrill (Jeff Chandler dans son dernier rôle) et le lieutenant Stockton (Ty Hardin). Tous deux très attachés à leurs hommes ils se différencient pourtant par leur sens du sacrifice. Stockton fraîchement promu est marqué dans sa chair à la perte de chacun de ses soldats (la scène où il n'arrive pas à rédiger des lettres de condoléances) quand Merrill en chef pragmatique parvient à mettre ses sentiments de côté pour un sens du sacrifice marqués, surtout pour lui-même comme on le découvrira. Ce sacrifice conduira l'unité à renoncer à la rotation promise de longue date pour une ultime mission désespérée où ils devront traverser jungle, colline et désert pour aller s'emparer d'une base japonaise. C'est un long chemin de croix où l'on verra les soldats succomber plus aisément à ce terrible voyage qu'aux balles même si le danger peut toujours surgir à tout moment avec les bombardements des avions ennemis. Le conflit moral est très intense entre les deux héros et Jeff Chandler est formidable en mêlant brillamment détermination guerrière et réelle compassion. Ty Hardin déploie un sacré charisme aussi et il est bien dommage que l'on ne l'ait guère vu dans d'autres rôles majeurs par la suit il en avait l'envergure.

Fuller filme cela dans un scope de toute beauté, mettant en valeur les paysages sauvages brûlés par le soleil tout en restant au plus près de ces soldats. Le film constitue d'ailleurs une forme de premier aboutissement de sa manière (avant le définitif The Big Red One en 1980) d'illustrer la guerre et ses combattants avec nombres de situations et personnages évoquant ces précédentes incursion dans le genre comme J'ai vécu l'enfer de Corée (1951) ou Baïonnette au canon (1951). L'affrontement final en forme de brutal corps à corps face à un ennemi supérieur en nombre est donc une belle célébration du courage et de ses hommes puisant dans leurs dernières ressources pour survivre. Les combats sont âpres et d'une violence saisissante, le générique figeant les survivants dans la légende l'armée en les montrant aller achever cette mission d'assaut plus morts que vifs, la voix-off nous narrant leur victoire contre tout attente. En se plaçant ainsi à hauteur d'homme, Fuller vante plus les soldats, leur courage et leur solidarité que les drapeaux et un quelconque patriotisme. 5/6
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Re: Samuel Fuller (1912-1997)

Message par Bcar »

Au-delà de la gloire - Sam Fuller
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Voilà un vrai grand film, l’un des derniers du passionnant Samuel Fuller, le cinéaste de l’affrontement, de la violence sèche et brute.
On suit ici le parcours d’une escouade de l’armée américaine (la « Big Red One ») durant la WW2, et plus spécialement de son chef, le toujours fabuleux Lee Marvin, et de quatre jeunes recrues.

Rien de plus classique me direz et bien non, car nous sommes chez Fuller, ce mec qui n’a peur de rien et qui dans chacun de ces films capte un petit quelque chose de l’être humain, ici ; ce qui choque ce sont les changements de tons. Les personnages étant d’un cynisme ahurissant, n’hésitant pas à se faire des crasses, la foudroyante réalité semblant avoir réduit leur humanité à néant, pourtant au milieu de ce quasi nihilisme ressort quelque chose de prodigieux, l’humanisme.
Pas un humanisme de bas-étages qui nous ferait regretter un bon vieux massacre bien cynique, mais plutôt quelque chose qui relève du miracle que seul l’être humain peut accomplir comme l’avait déjà capté Leone dans Le bon, la brute et le truand quand Blondin la dernière des crapules arrête sa course au trésor le temps d’offrir son manteau à un mourant. Tout le film est l’exemple de cette scène qui trouve sa tête de gondole en la personne de Lee Marvin, qui est un bel enculé, menaçant de tuer quiconque reculera et n’hésitant pas à envoyer à une mort certaine un bleu pour une parole déplacée, pourtant c’est bien lui qui ce prendra d’affection pour un petit juif dans une scène sublime. Humanisme donc, mais toujours sous le fil du rasoir, Fuller massacre les bien pensants mais laisse survivre l’espoir, il n’a pourtant pas l’air de porter les hommes dans son cœur, c’est cette géniale ambiguïté qui fait d’Au-delà de la gloire ce qu’il est, un chef d’œuvre et de Fuller ce qu’il a toujours été, un réalisateur fascinant. Une fois de plus, Fuller dans le c** !
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Re: Samuel Fuller (1912-1997)

Message par Watkinssien »

Je plussoie fortement à cet avis !!! :D
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Re: Samuel Fuller (1912-1997)

Message par Federico »

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Re: Samuel Fuller (1912-1997)

Message par Bcar »

Merci bien !
Et vive Fuller, d'ailleurs j'ai 40 tueurs sous la main, je ferais part de mon avis dans le coin quand je l'aurais vu.
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Re: Samuel Fuller (1912-1997)

Message par Federico »

Bcar a écrit :Merci bien !
Et vive Fuller, d'ailleurs j'ai 40 tueurs sous la main, je ferais part de mon avis dans le coin quand je l'aurais vu.
Veinard ! Attends-toi à une nouvelle dose de velu de chez poilu ! :D
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Re: Samuel Fuller (1912-1997)

Message par Profondo Rosso »

Les Bas-fonds new-yorkais (1961)

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Le jeune Tolly Devlin voit son père se faire tabasser à mort par les membres d'un gang de délinquants, à l'âge de quatorze ans. Devenu adulte, il prépare sa vengeance envers les assassins de son père, désormais au sommet de la pègre new-yorkaise...

Fuller signe un polar majeur et novateur avec ce Underworld U.S.A. L'ère du film noir classique est bien terminée et en ce début des 60's divers oeuvres feront évoluer le genre policier comme par exemple Les Tueurs de Don Siegel faisant la bascule vers le polar urbain. En grand portraitiste de l'Amérique qu'il est, Fuller capture un contexte qui ne sera effectif que quelques années plus tard au cinéma avec un film comme Le Parrain (1972). C'est le moment où le crime organisé devient une froide machine capitaliste fonctionnant comme une entreprise et où le profit se fait sans états d'âmes à travers les secteurs les plus rentable que sont la corruption, la prostitution et le trafic de drogue. Pour les contrecarrer, la justice s'organise aussi en une entité plus vaste que la seule police et remontant jusqu'au hautes sphères judiciaire. Le scénario de Fuller illustre tout ces enjeux par une lente digression où partant de la quête de vengeance du jeune Tolly Devlin (Cliff Robertson), on découvrira les arcanes de cette véritable guerre entre le syndicat du crime et la justice.

Le scénario linéaire avance donc au fil des découvertes et des manigances de Tolly, progressant à la fois dans l'organigramme de la mafia et gagnant la confiance de la police pour mieux accomplir sa vengeance. La brutale scène d'ouverture où le père du héros est tabassé et tué donne le ton, le parcours criminel en ellipse de Tolly, le visage juvénile mais déjà marqué par le mal de David Kent passant aux traits plein de malice vicieuse de Cliff Robertson lorsqu'on le retrouve à l'âge adulte. Tolly est une sorte d'électron libre entre la justice et le crime, impitoyable et individualiste. La relation avec la mère de substitution Sandy (Beatrice Kay) et surtout la belle Cuddles (Dolores Dorn) qu'il a sauvée par intérêt vont progressivement l'humaniser, en faisant dans le récit un représentant du peuple dans son désir final d'une vie normale et rangée. Même si jamais dit explicitement, le passé de prostituée de Cuddles en fera une autre abîmée de la vie apte à adoucir la dureté de Tolly.

Face à ces personnages torturés, le monde la mafia s'avère implacable et déterminé. Même si un peu simpliste par rapport à d'autres films qui développeront de manières plus fouillées ces aspect (comme Les Affranchis (1990) de Scorsese), tout est déjà là avec la glaçante réunion digne d'un conseil d'administration où chacun des responsables de secteur (prostitution, drogue et syndicat) viennent rendre des comptes aux PDG validant ou pas la progression des chiffres de chacun. Lorsque ces discussions prennent un tour plus concret, Fuller l'exprime par une violence sèche ou personne n'est épargné, femme, enfant ou traître supposé. Le réalisateur rend ces écarts d'autant plus frappant par un montage qui s'arrête toujours net avant l'explosion pour nous montrer cruellement l'accomplissement de l'action (le corps désarticulé de la fillette après avoir été renversée) ou conclure la scène par un humour noir inattendu (le truand demandant du feu pour sa cigarette après avoir fait flamber un quidam dans sa voiture).

Dans ce contexte tous les coup fourrés de Tolly emportent l'adhésion, faisant tomber une à une les pièce de l'organisation à force de mensonges et presque sans violence direct. Presque si ce n'est cette saisissante séquence où il se révèle à une de ses cibles en la cognant sévèrement mais en laissant à un autre (Richard Rust remarquable en homme de main) le soin de le tuer. C'est finalement par son seul vrai meurtre que s'exprime l'humanité retrouvée de Tolly puisque ne servant plus sa seule personne, mais c'est aussi celui qui le perdra dans une remarquable conclusionl où son titubement final rappelle celui du Belmondo d'A bout de Souffle (1960). 5/6
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Re: Samuel Fuller (1912-1997)

Message par Federico »

Profondo Rosso a écrit :Les Bas-fonds new-yorkais (1961)

En grand portraitiste de l'Amérique qu'il est, Fuller capture un contexte qui ne sera effectif que quelques années plus tard au cinéma avec un film comme Le Parrain (1972). C'est le moment où le crime organisé devient une froide machine capitaliste fonctionnant comme une entreprise et où le profit se fait sans états d'âmes à travers les secteurs les plus rentable que sont la corruption, la prostitution et le trafic de drogue.
Face à ces personnages torturés, le monde la mafia s'avère implacable et déterminé. Même si un peu simpliste par rapport à d'autres films qui développeront de manières plus fouillées ces aspect (comme Les Affranchis (1990) de Scorsese), tout est déjà là avec la glaçante réunion digne d'un conseil d'administration où chacun des responsables de secteur (prostitution, drogue et syndicat) viennent rendre des comptes aux PDG validant ou pas la progression des chiffres de chacun.
Organisation de businessmen du crime "propres sur eux" qu'on avait ceci dit déjà vue dans de précédents films noirs comme 711 Ocean Drive (1950 Joseph M. Newman), chez Hitchcock (Les 39 marches) et il me semble dans certains films avec Cagney ou Robinson des années 30-40.
conclure la scène par un humour noir inattendu (le truand demandant du feu pour sa cigarette après avoir fait flamber un quidam dans sa voiture).
Ce cruel gros plan de terreur m'a rappelé le pauvre Nick "Va-va-voom" se voyant écrasé par la bagnole qu'il répare dans En 4ème vitesse d'Aldrich...
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une remarquable conclusion où son titubement final rappelle celui du Belmondo d'A bout de Souffle (1960). 5/6
Oui, je me demande même si Fuller ne l'a pas fait exprès. :?:
Par contre, je trouve cette fin un peu too much par rapport à la perfection sèche du reste du film. :?
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Re: Samuel Fuller (1912-1997)

Message par Profondo Rosso »

Federico a écrit : Organisation de businessmen du crime "propres sur eux" qu'on avait ceci dit déjà vue dans de précédents films noirs comme 711 Ocean Drive (1950 Joseph M. Newman), chez Hitchcock (Les 39 marches) et il me semble dans certains films avec Cagney ou Robinson des années 30-40.
Oui c'est vrai après il y a le côté mélange entre ce côté businessmen et quotidien qui a vraiment l'air d'être inventé par le Fuller avec ces réunions détendues autour de la piscine (où ironiquement on apprend que l'homme de main se plaît à faire le maître nageur pour les enfants) qui annoncent les conciliabules sur fond de mariage et de barbecue qu'on trouve dans Le Parrain ou Les Affranchis. D'ailleurs le parrain joué par Robert Emhardt a un petit air de Paul Sorvino :mrgreen:
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Re: Samuel Fuller (1912-1997)

Message par Federico »

Profondo Rosso a écrit :
Federico a écrit : Organisation de businessmen du crime "propres sur eux" qu'on avait ceci dit déjà vue dans de précédents films noirs comme 711 Ocean Drive (1950 Joseph M. Newman), chez Hitchcock (Les 39 marches) et il me semble dans certains films avec Cagney ou Robinson des années 30-40.
Oui c'est vrai après il y a le côté mélange entre ce côté businessmen et quotidien qui a vraiment l'air d'être inventé par le Fuller avec ces réunions détendues autour de la piscine (où ironiquement on apprend que l'homme de main se plaît à faire le maître nageur pour les enfants) qui annoncent les conciliabules sur fond de mariage et de barbecue qu'on trouve dans Le Parrain ou Les Affranchis. D'ailleurs le parrain joué par Robert Emhardt a un petit air de Paul Sorvino :mrgreen:
Le coup du tueur-maître nageur, c'est une sacrée trouvaille, pour sûr.
Pour revenir à 711 Ocean Drive, on peut y assister à un conseil d'administration qui pourrait être celui de n'importe quelle grosse entreprise faisant dans l'honnête (présidé par celui qui présente le mieux, le très suave Otto Kruger) sauf qu'ici on cause bookmakers, rackets et de "contrats" qui n'ont rien à voir avec ceux de Demesmaeker...
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... conseil d'administration suivit un peu plus tard d'une réunion d'affaires tout à fait détendue autour d'une piscine :wink:
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Ceci étant, le film de Newman, souvent très intéressant, n'atteint pas la cheville du Fuller.
Dernière modification par Federico le 9 sept. 13, 22:17, modifié 1 fois.
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Re: Samuel Fuller (1912-1997)

Message par Profondo Rosso »

Après l'effort le réconfort :mrgreen: J'aime vraiment cet aspect qui accentue vraiment le côté monsieur tout le monde des truands, ça a vraiment dû influencer Scorsese qui présente d'ailleurs le Fuller sur le dvd Wild Side) pour Les Affranchis qui joue vraiment là dessus et va plus loin en se délestant de toute intrigue policière pour donner dans la chronique quotidienne.
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