Le Dictateur (Charles Chaplin - 1940)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Alex Blackwell
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Message par Alex Blackwell »

Quelqu'un connaît-il la référence qu'avait Chaplin en tête pour la musique (de longues tenues de cordes comme suspendues dans le vide) accompagnant la séquence avec le globe terrestre?
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Night of the hunter forever


Caramba, encore raté.
Jordan White
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Message par Jordan White »

Revu le film.
C'est toujours aussi beau et aussi audacieux. C'est à la fois triste et énormément comique, on passe d'une émotion à une autre sans temps morts. Certaines séquences sont stupéfiantes d'ingéniosité dans leur façon de jouer avec le rythme musical ( la séquence avec Brahms en fond sonore, celle de l'arrestation avec le discours qui correspond aux pas précipités ou ralentis du barbier). J'adore bien sûr la façon dont Chaplin caricature la mégalomanie, la tyrannie - or discours final - avec ses petites pointes teintées d'un humour très corrosif pour l'époque. La scène de l'engueulade pendant le buffet est mémorable.
Chef-d'oeuvre absolu, je ne vois pas d'autres mots pour le qualifier.
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Cinetudes
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Message par Cinetudes »

Salut,

voici la critique que j'en avais fait pour le test du dvd:

The Great Dictator (1940) est donc le premier film parlant officiel de Chaplin et le moins que l'on puisse dire c'est que, si à nouveau les plus belles séquences du film sont muettes, il a réussi de fort belle façon son passage au film dialogué.

Pour ne serait-ce qu'oser prévoir la mise en chantier d'une comédie attaquant aussi directement et brillamment le personnage le plus dangereux que notre planète ait connue, il fallait au moins s'appeler Charlie Chaplin et être mondialement adulé et respecté. Il rencontra beaucoup d'opposition envers son projet mais tint bon et passa plus de 500 jours à peaufiner son bébé qui lui tenait tant à coeur. Hitler lui avait non seulement volé sa célèbre moustache (et allait tristement la rendre encore plus célèbre !!) mais en le considérant comme un Juif (alors qu'il n'en était pas un), lui avait également ouvertement signifié son mépris. Notre courageux artiste décida donc de se venger. Il le ridiculisa de la façon la plus marquante qui soit grâce à cette imparable comédie, se plaçant à la distance exacte de la réalité pour être efficace au niveau comique, mais en prenant soin de garder les nombreux coups de canons qu'il délivre bien braqués sur sa cible.

Aucune autre charge n'aurait su être aussi juste, efficace et surtout n'aurait pu avoir autant de poids que la sienne. Le film fut vu et discuté partout à travers le monde, alors même que tous les gouvernements prenaient bien soin d'éviter d'offenser le terrifiant dictateur. A ce titre, nous pouvons véritablement parler de match au sommet entre deux adversaires à la renommée internationale, au charisme intense et aux armes redoutables. Chaplin ne gagna malheureusement pas la bataille dans la divulgation de la réalité du régime Nazi et de son dirigeant, son film arrivant malheureusement trop tard pour pouvoir éveiller véritablement les consciences face à ce danger.

Néanmoins, les deux hommes sont maintenant indissociables car si Hitler est bien amèrement resté le plus célèbre, son unique et génial pastiche qui ne manque jamais d'être cité l'est presque tout autant et c'est tant mieux. La ressemblance physique entre Chaplin et Hitler est déja étonnante, mais en extraordinaire imitateur à l'univers personnel qu'il était, il copia à la perfection sa gestuelle, ses grimaces, ses mimiques, allant même jusqu'à inventer un language proche des sons gutturaux allemands de façon à sonner également comme lui.
Il compose ainsi ses scènes de discours comme des scènes muettes car son language y est incrompréhensible littéralement et c'est grace à sa science du burlesque et à son sens de l'universalité que n'importe qui est plus ou moins à même de comprendre ce qu'il dit. Cela souligne également le fait que les discours d'Hitler étaient souvent qusi incompréhensibles tant ils étaient véhéments et passionnés, et que c'est plus avec sa gestuelle et son attitude qu'il arrivait autant à captiver les foules.

Le plus important n'était pas le discours qu'il tenait mais sa mise en scène, son contrôle total des réactions du public. Le fait d'être le seul à avoir la parole et à être écouté est plus important que le contenu réel du discours. Ce sont à nouveau les situations burlesques, si étudiées et travaillées que leur puissance comique n'est en rien entamée par la force de la critique et de la charge, qui permettent à Chaplin de réussir un film à deux niveaux (comme Modern Times) aussi efficaces l'un que l'autre. En face de lui, il eut l'excellente idée de confier le rôle de Napaloni à Jack Oakie qui compose un Mussolini époustouflant, plus vrai que nature et de façon aussi efficace que Chaplin, a qui il vole presque la vedette grâce à la stupidité énergique et débonnaire de son personnage.

Son travail sur l'Anglais parlé à l'italienne est exceptionnel. En face, le barbier juif n'est plus vraiment Charlot mais s'en rapproche tout de même par bien des aspects. Son personnage tragi-comique offre un contrepoint idéal à celui de Hynkel. Le film est à nouveau construit comme une succession de scènes dont chacune est chargée d'exposer un certain type d'attitude. Ainsi la poésie est à nouveau au rendez-vous et vient aérer le film de temps à autre grace à de magnifiques scènes en apesanteur (Hynkel et son globe, la séance de rasage) et simultanément lourdes de sens. Chaplin passa longtemps à peaufiner le montage de son film, n'hesitant pas à retourner les scènes qu'il ne jugeait pas bonnes (il finança lui-même l'entreprise), de façon à livrer cette oeuvre au timing impeccable et à la perfection insolente dans l'observation.

Mais The Great Dictator prend une tournure plus sombre qu'à l'accoutumé par le biais de scènes tristes et violentes (l'exil des amis juifs du barbier, la fin du film) qui dénotent de ses habitudes. Dans le même esprit, la toute fin du film est un moment d'une ambition et d'une perfection rares. Toute la progression de l'oeuvre tend vers ce climax qui à nouveau démontre l'ambition sans faille de Chaplin. Il adresse un discours didactique d'une cohérence intense, vantant la paix et l'amour entre les êtres humains.
A l'époque ce texte qui pouvait paraître naïf, avait été taxé de pro-communisme alors que bien au contraire il n'en est rien. Chaplin nous montre comment même avec un message a priori positif on peut se laisser entrainer sur la pente du fanatisme et surtout, fait rare dans le cinéma, il prend progressivement et discrètement la place de son personnage pour s'adresser directement à son public. Son discours prend alors une force sans équivalent et achève définitivement de placer Chaplin parmi les géants de cet art et les grands hommes de ce siècle, en ce sens qu'il dépasse largement le cadre du cinéma pour atteindre à la véritable universalité.

Une oeuvre qui arrive donc par des moyens différents aux mêmes objectifs que Modern Times, ce qui bien évidemment devrait rendre son salutaire visionnage totalement obligatoire. :D

Stefan
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Dave Garver
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Message par Dave Garver »

Cinétudes fait de la concurrence à Fatalitas :D
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Cinetudes
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Message par Cinetudes »

Concurrence en quoi?
En terme de longueur de post, d'interêt ou d'ininterêt? :wink:

Stef
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Fatalitas
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Message par Fatalitas »

Dave Garver a écrit :Cinétudes fait de la concurrence à Fatalitas :D
oui, concurrence en quoi???
noar13
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Message par noar13 »

fatalitas a écrit :
Dave Garver a écrit :Cinétudes fait de la concurrence à Fatalitas :D
oui, concurrence en quoi???
lui aussi trouve qu'elber est une chevre ??
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Cinetudes
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Message par Cinetudes »

Si tu me dis qui est Elber je pourrais tenter de te répondre !! :wink:
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Fatalitas
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Message par Fatalitas »

Cinetudes a écrit :Si tu me dis qui est Elber je pourrais tenter de te répondre !! :wink:
noar s'est juste trompé de topic :lol: (Elber est un joueur de foot mais ça n'a absolument rien à voir avec le dictateur :wink: )
O'Malley
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Message par O'Malley »

Le dictateur: chef d'oeuvre de Chaplin. chaque scène, voire chaque plan relève du génie et quel audace pour l'époque de traiter le sujet aussi directement (et surtout la persécution des Juifs: on ne peut plus dire que l'on ne savait pas à l'époque au regard de ce film; tout est dit sur la barbarie nazie)...
je me rapelle d'une phrase de Kubrick dans une interview ou il disait qu'Einsenstein était un cinéma formellement parfait mais avec un fond creux alors que le cinéma de Chaplin était riche thématiquement mais pauvre plasitiquement... S'il y a bien un film qui donne tord à Kubrick, c'est bien celui-là, avec des idées de mises en scènes et des plans magnifiques (Hynkel s'amusant avec la mape-monde, la rafle vue par l'oiseau...)...

Les feux de la rampe est un très beau film aussi: une très jolie reflexion sur l'art comique et l'art en général, sur le Temps, la réussite...
Jordan White
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Message par Jordan White »

O'Malley a écrit :Le dictateur: chef d'oeuvre de Chaplin. chaque scène, voire chaque plan relève du génie et quel audace pour l'époque de traiter le sujet aussi directement (et surtout la persécution des Juifs: on ne peut plus dire que l'on ne savait pas à l'époque au regard de ce film; tout est dit sur la barbarie nazie)...
je me rapelle d'une phrase de Kubrick dans une interview ou il disait qu'Einsenstein était un cinéma formellement parfait mais avec un fond creux alors que le cinéma de Chaplin était riche thématiquement mais pauvre plasitiquement... S'il y a bien un film qui donne tord à Kubrick, c'est bien celui-là, avec des idées de mises en scènes et des plans magnifiques (Hynkel s'amusant avec la mape-monde, la rafle vue par l'oiseau...)...

Les feux de la rampe est un très beau film aussi: une très jolie reflexion sur l'art comique et l'art en général, sur le Temps, la réussite...

D'accord avec toi, sauf qu'en ce qui me concerne pour avoir revu deux ou trois fois la scène du ballon, je l'a trouve très belle, ou plutôt je trouve la métaphore très belle, mais je préfère certains autres plans du film, comme le travelling latéral sans coupure quand il court dans la rue au ryhtme de la voix de Hynkel. De même je trouve que le plan d 'ouverture est sensationnel, le tout en plan-séquence, ce qui est un vrai défi technique( même s'il est coupé par des fondus enchaînés, mais c'est un petit détail).
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Cathwoman
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Message par Cathwoman »

Alex Blackwell a écrit :Quelqu'un connaît-il la référence qu'avait Chaplin en tête pour la musique (de longues tenues de cordes comme suspendues dans le vide) accompagnant la séquence avec le globe terrestre?
Il s'agit du prélude de Lohengrin de Wagner.

Cette musique conclut également le film, quand Paulette Goddard regarde le ciel avec espoir. Un clin d'oeil au fait qu'Hitler semblait vouloir s'accaparer la musique de Wagner ?
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Watkinssien
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Message par Watkinssien »

Une oeuvre toujours aussi fascinante et audacieuse, d'une intelligence rare et d'un esprit visionnaire et anticipateur d'une grande clarté.

Quand on dit que Chaplin était un génie, il est évident que cela n'était pas galvaudé.
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Boubakar
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Message par Boubakar »

The great dictator : fucking masterpiece !! :shock:

Mélange d'"ancien" Charlot (le personnage, le burlsque...), et de nouveau Chaplin (le parlant, la critique contre Hitler), le film est un vrai régal, où l'on rit de bon coeur malgré le sujet, preuve en est du talent de son réalisateur.


Toujours juste, jamais vulgaire, sa seule mission est de nous divertir, et c'est fait avec un énorme talent !!!

La scène du diner avec Charlot est à mourir de rire, sans oublier le discours de Hynkel :lol:

Ce qui me fait 4 film du mois potentiels, je ne suis pas sorti de l'auberge...
Lylah Clare
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Message par Lylah Clare »

Watkinssien a écrit :Une oeuvre toujours aussi fascinante et audacieuse, d'une intelligence rare et d'un esprit visionnaire et anicipateur d'une grande clarté.

Quand on dit que Chaplin était un génie, il est évident que cela n'était pas galvaudé.


:D :D :D
Comme c'est vrai. En plus, je ne sais pas si c'est moi qui devient plus intelligente ou plus ouverte, mais je trouve que le film bonifie avec le temps. Je l'ai revu dernièrement. J'ai tellement aimé que j'ai acheté le DVD. Quand on sait les difficultés qu'a eues Chaplin pour monter ce film, qu'il a financé sur ses fonds personnels, on peut ajouter à "génie" : courageux.
Il ira encore plus loin dans l'audace avec Monsieur Verdoux.
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