Vincente Minnelli (1903-1986)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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Vincente Minnelli (1903-1986)

Message par Jeremy Fox »

L'envie me démange (maintenant que j'ai quasiment vu tous ses films et ce réalisateur s'étant hissé tout au sommet de mon panthéon), de vous demander votre top Vincente Minnelli par simple curiosité. Ce qui ne nous empêche pas de débattre de son oeuvre et de ses films.


Cliquer sur les titres pour accéder aux topics correspondants.

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1943 - Cabin In the Sky - Un Petit Coin aux Cieux : 7.5/10
1943 - I Dood It : 3.5/10
1944 - Meet Me in St-Louis - Le Chant du Missouri : 9.5/10
1945 - Ziegfeld Follies : 3/10
1945 - The Clock - L'Horloge : 7/10
1945 - Yolanda and the Thief - Yolanda et le voleur : 8/10
1946 - Undercurrent - Lame de Fond : 1.5/10
1948 : The Pirate - Le Pirate : 8.5/10
1949 : Madame Bovary : 7/10
1950 : Father of the Bride - Le Père de la Mariée : 6/10
1951 : Father's Little Dividend - Allons donc Papa : 6/10
1951 : An American in Paris - Un Américain à Paris : 7.5/10
1952 : The Bad and the Beautiful - Les Ensorcelés : 8/10
1953 : The Band Wagon - Tous en scène : 7.5/10
1954 : The Long, Long Trailer - La Roulotte du Plaisir : 6.5/10
1954 : Brigadoon : 10/10
1955 : The Cobweb - La Toile d'araignée : 7/10
1955 : Kismet : 6.5/10
1956 : Lust for Life - La Vie passionnée de Van Gogh : 7/10
1957 : Tea and Sympathy - Thé et sympathie : 7/10
1957 : Designing Woman - La Femme modèle : 7.5/10
1958 : Gigi : 9/10
1958 : The Reluctant Debutante - Qu'est-ce que maman comprend à l'amour ? : 7.5/10
1959 : Some Came Running - Comme un torrent : 7.5/10
1960 : Home from the Hill - Celui par qui le scandale arrive : 8/10
1960 : Bells are Ringing - Un Numéro du tonnerre : 6/10
1962 : The Four Horsemen of the Apocalypse - Les 4 cavaliers de l'Apocalypse : 8.5/10
1962 : Two Weeks in another Town - Quinze jours ailleurs : 4/10
1963 : The Courtship of Eddie's father - Il faut marier papa : 9.5/10
1964 : Goodbye Charlie - Au revoir Charlie : 1/10
1965 : The Sandpiper - Le Chevalier des sables : 7.5/10
1970 : On a Clear Day, you can see Forever - Melinda : 6.5/10
1976 : A matter of Time


Ordre de préférence

1- Brigadoon
2- The Courtship of Eddie's Father
3- Meet Me in St-Louis
4- Gigi
5- The Pirate
6- The Four Horsemen of the Apocalypse
7- The Bad and the Beautiful
8- Yolanda and the Thief
9- The Sandpiper
10- Home from the Hill
11- An American in Paris
12- Designing Woman
13- Cabin in the Sky
14- Some Came Running
15- The Reluctant Debutante
16- The Band Wagon
17- Madame Bovary
18- The Clock
19- Tea and Sympathy
20- Lust for Life
21- The Cobweb
22- Kismet
23- On a Clear Day, you Can See Forever
24- The Long, Long Trailer
25- Bells are Ringing
26- Father of the Bride
27- Father's Little Dividend
28- Two Weeks in Another Town
29- I Doot It
30- Ziegfeld Follies
31- Undercurrent
32- Goodbye Charlie
Dernière modification par Jeremy Fox le 6 juil. 08, 08:46, modifié 10 fois.
Fatalitas
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Message par Fatalitas »

Pas vu des masses

1 Brigadoon
2 Les Ensorcelés
3 Yolanda et le voleur (vu il y a longtemps au cinema de minuit, j'avais adoré à l'epoque donc tres bon dans mon souvenir)
4 Tous en scene
5 Mme Bovary
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Beule
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Message par Beule »

Yes! :P

1 Brigadoon
_ Tous en scène
3 Le chant du Missouri
4 Thé et sympathie
5 Yolanda et le voleur

Mais vraiment de peu devant une bonne dizaine de pépites parmi lesquelles Qu'est-ce que maman comprend à l'amour, Les ensorcelés, Le pirate, Les quatre cavaliers de l'apocalypse, Madame Bovary, Celui par qui le scandale arrive, Il faut marier papa, La vie passionnée de Vincent Van Gogh, La femme modèle... pfiuhh :P et le ballet d'Un Américain à Paris (mais le ballet seulement :? )
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

fatalitas a écrit :Pas vu des masses

1 Brigadoon
2 Les Ensorcelés
3 Yolanda et le voleur (vu il y a longtemps au cinema de minuit, j'avais adoré à l'epoque donc tres bon dans mon souvenir)
4 Tous en scene
5 Mme Bovary
Pour quelqu'un qui n'en a pas vu beaucoup, que du bon :-)
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

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Lassée du conformisme ambiant ainsi que des innombrables relations qu'elle a eu avec des hommes qui ne l'aimaient que pour son corps, Laura Reynolds (Liz Taylor), une artiste peintre, a décidé de vivre retirée dans une maison isolée de la région paradisiaque de Big Sur avec son jeune fils d'une dizaine d'années. Mais les services sociaux voient d’un mauvais œil le fait qu’elle veuille elle-même totalement éduquer son fils ; ils l'obligent à confier son instruction à un établissement scolaire. Edward Hewitt (Richard Burton), le directeur de l’institution, est un pasteur marié et heureux en ménage. Aimant toujours son épouse (Eva Marie Saint), il n'en va pas moins tomber amoureux de Laura et vivre avec elle une relation passionnée et charnelle. Son épouse va pourtant finir par prendre connaissance de cet adultère…

Après le ratage de son précédent Goodbye Charlie, une comédie vulgaire et laborieuse avec le couple Tony Curtis et Debbie Reynolds, Vincente Minnelli, de retour à la MGM pour la dernière fois de sa carrière après lui avoir fait une infidélité qui s’est donc soldé par un de ses rares mauvais film, se rattrape de la plus belle des manières ; il nous offre avec The Sandpiper non seulement l’une de ses œuvres dramatiques les plus émouvantes mais également un sommet de sa filmographie, un drame adulte d’une fulgurante intelligence même s’il ne jouit pas nécessairement d’une flatteuse réputation. Un film magnifique à réévaluer de toute urgence après qu'il ait été dans l’ensemble assez mal considéré par une majorité de critiques, surtout à l’époque de sa sortie et y compris par ses plus ardents thuriféraires comme Dominique Rabourdin qui parlait d’un film "peut-être trop ambitieux" et par Minnelli lui-même qui était toujours réticent à son égard dans son autobiographie. Quant à ceux (les plus nombreux) qui comparaient le film à un vulgaire roman-photo, j'en reste bouche bée et j’aurais vraiment du mal à pouvoir leur rétorquer quoi que ce soit tellement - surtout connaissant parfaitement bien l’œuvre du réalisateur - il en est au contraire totalement antinomique notamment et surtout de par la profondeur de son scénario.

A la suite du superbe mais dispendieux Cléopâtre de Joseph Mankiewicz pendant le tournage duquel s’est formé le sulfureux couple constitué par Richard Burton et Liz Taylor – véritable aubaine pour la presse à scandales - la réunion de ces deux immenses comédiens aura à nouveau lieu à une dizaine de reprises : le film de Minnelli sera le plus mémorable avec également mais dans un tout autre ton, Qui a peur de Virginia Woolf (Who's Afraid of Virginia Woolf) de Mike Nichols. Mais en 1965 ce sera le producteur Martin Ransohoff, encouragé par les deux stars, qui pensera à adapter une nouvelle qu’il avait lui-même écrit. C’est à William Wyler que l’on en fera la demande en premier mais celui-ci déclinera la proposition après que Richard Burton ait lui aussi été envisagé pour réaliser le film. C'est donc entre les mains de Minnelli qu’échoit le projet malgré le fait qu’il ait été moyennement séduit par le scénario qu’il jugeait simpliste. L’enthousiasme de Taylor et Burton ainsi que l’attrait pour le magnifique site sauvage de Big Sur lui font néanmoins changer d’avis. Et bien sûr les deux vedettes restent au casting après que d'autres noms aient été avancés comme ceux d'Arlene Dahl, Deborah Kerr, Burt Lancaster ou encore Christopher Plummer.

The Sandpiper (qui est aussi le nom d’un fragile oiseau de la région dont l'un d'entre eux va être soigné par Laura ; sorte de symbole de la fragilité du libre arbitre et de la difficulté à prendre son envol) commence par le plus beau générique de la carrière du cinéaste avec - sur un magnifique thème de Johnny Mandel, le célèbre The Shadow of your Smile - de sublimes plans d’hélicoptères sur cette sorte de bout du monde paradisiaque que représente la région de Big Sur, côte californienne entre Los Angeles et San Francisco avec ses plages, plateaux et grosses vagues déferlantes caressées amoureusement par la caméra du cinéaste, ses maisons acrobatiquement accrochées sur ou sous les falaises au bord de la Pacific Road Highway. Le regretté Bertrand Tavernier décrivait d’ailleurs ainsi ce pré-générique : "petit poème de l'eau, du sable et de la nature sauvage". Et Minnelli ne s’était effectivement jamais autant arrêté sur les paysages naturels que dans ce film même s’il nous avait déjà fait pressentir ses immenses talents de ‘paysagistes’ avec par exemple le tout aussi mésestimé La Roulotte du plaisir (The Long, Long Trailer), œuvre certes mineure mais néanmoins étonnante de la part d’un cinéaste qu’on avait du mal à imaginer signer une pareille comédie qui ne ménageait aucun de ses protagonistes et qui se révélait redoutablement grinçante.

Mais revenons-en à notre Chevalier des sables - dont il est cocasse de savoir que les intérieurs ont eux été tournés pas loin de chez nous, aux studios de Boulogne-Billancourt - et surtout aux trois protagonistes qui occupent le devant de la scène dans cette bouleversante et difficile histoire d’amour et d’adultère entre un homme d’église et une femme aux idées larges totalement libre. La femme c’est Laura Reynolds que campe admirablement une Liz Taylor au faîte de sa pulpeuse beauté. Une artiste sans tabous et d’une rare franchise, une féministe convaincue qui a décidé de quitter le père de son enfant une fois son fils né pour ne pas avoir à supporter ni la mainmise d’un mari machiste ni un quelconque conformisme social et ainsi pouvoir rester libre de vivre comme elle l’entend, de gagner sa vie de sa passion (la peinture) et d’éduquer son enfant à sa manière, c’est-à-dire en dehors du système scolaire traditionnel bien trop formaté à son goût : "Oh, aside from raising Danny, most of all I want to know myself, to be myself". Une vie de bohème qui convient aussi bien à la mère qu’à son fils mais qui est évidemment assez mal vue de la bonne société d’autant que Laura a de nombreuses aventures et notamment avec des hippies. Abondantes relations qu’elle commence à regretter d’autant qu’elle est totalement lucide sur le fait qu’elles sont purement charnelles et que pour les hommes elle ne représente au final qu’un objet sexuel. Après que son fils ait commis en toute innocence quelques légères infractions à la loi, Laura se voit obligé par la justice de confier son jeune garçon d’une dizaine d’années à une institution religieuse. "My son is not disturbed! He's not disturbed at all! He's a healthy, normal boy because he hasn't been brainwashed yet! And I aim to see that he stays that way!"

Cette école est dirigée par un pasteur tout à fait respectable mais dont la foi n'est pas exempte de doute, Edward Hewitt, remarquablement interprété par un Richard Burton qui avait déjà revêtu les habits ecclésiastiques l’année précédente dans La Nuit de l’iguane de John Huston, savoureuse adaptation de Tennessee Williams. Mais alors que dans ce dernier Burton cabotinait avec jubilation, il montre dans le film de Minnelli qu’il pouvait au contraire aussi faire preuve d’une étonnante sobriété lorsque le rôle l'exigeait. Hewitt, un homme qui a tout pour être heureux d’autant que marié avec une femme non seulement aimante et aidante mais également belle et intelligente (excellente Eva-marie saint, l’inoubliable héroïne de La Mort aux trousses d’Hitchcock) ; très bonne idée des auteurs de ne pas avoir fait de cette femme une bigote ou une femme laide ou acariâtre auquel cas l’adultère à venir aurait été plus "compréhensible" ou "excusable" par les spectateurs. Mais on en est conscient depuis bien longtemps : le manichéisme et la facilité n'ont jamais fait partie de l'ADN des deux scénaristes ni de Vincente Minnelli ; et tant mieux ! Malgré donc ce mariage qui semble tout à fait harmonieux, la personnalité de Laura - sans que cette dernière ne cherche à le séduire - va totalement envoûter l’homme d’église au point de le faire vaciller non seulement dans ses croyances que Laura met sans arrêt à mal en considérant la religion comme du "surnaturel irraisonnable" mais va également faire se briser son vœu de fidélité envers son épouse.

En plus de cette histoire d’amour, le film brasse dans le même temps - sans prêchi-prêcha et grâce à de magnifiques dialogues - d’innombrables autres thématiques comme la foi, la religion, l’art, la place de la femme dans la société ("Look, a man is always a husband, and a father, and something else, like a doctor. A woman is a wife, and a mother, and what else? A nothing. The "nothing" is the thing that kills her. And you don't care. You want her to stay just the way she is. Fertile and unfulfilled, then in her place"), la sexualité ou l’éducation ; le scénario aurait pu sembler vouloir en faire beaucoup trop à la fois mais le duo blacklisté Dalton Trumbo et Michael Wilson - à l’exception de quelques séquences paraissant parfois un peu trop chargées sans néanmoins que ça ne plombe jamais l’ensemble - ont réussi à écrire un script constamment passionnant, riche de par ses thèmes sans jamais paraître indigeste, et émouvant de par sa Love Story même si l’omniprésence du couple de stars finit par faire que certains personnages se retrouvent sacrifiés au passage comme celui du jeune fils de Liz Taylor. Mais ceci s’avère une broutille face à ce modèle de construction dramatique, ce scénario aussi dense que fluide. Et puis ressentir à nouveau ces relents de doux anarchisme chez un cinéaste aussi raffiné fait toujours autant de bien : jugez par ce dialogue entre Laura et le juge après que son fils ait commis quelques infractions à la loi :
Laura: “As he grows up, he'll learn that there are good laws, and bad ones. He'll respect the good ones.”
Judge Thompson: “And disobey the bad ones!
Laura : “At least I hope he does.”

La direction d’acteurs juste et précise mérite tout autant les éloges : le couple Taylor-Burton est constamment crédible, l’alchimie qui s’en dégage est prégnante et Eva Marie Saint dans le rôle de la femme trompée est également admirable. Parmi les seconds rôles, on retrouve avec plaisir un Charles Bronson dans personnage inhabituel pour sa part d’un hippie athée aux idées avancées, ou encore Robert Webber dans un rôle à peu près équivalent à celui de Walter Matthau dans le sublime Liaisons secrètes (Strangers when we Meet) de Richard Quine (l’autre chef d’œuvre hollywoodien sur le thème de l’adultère), à savoir celui d'un monstrueux phallocrate voire même d'un prédateur sexuel qui se cache sous une apparente bonhomie. Enfin, à ses personnages, on pourrait en rajouter un autre presque tout aussi essentiel, la région de Big Sur, cette zone côtière de la Californie qui donne au film un ton mélancolique tout à fait particulier et dont Minnelli semble très certainement être tombé amoureux, tout comme le directeur de la photographie Milton R. Krasner qui nous offre à l'occasion des images somptueuses. Minnelli filme d’ailleurs tout ceci avec un lyrisme élégiaque, avec élégance, délicatesse et discrétion ; car The Sandpiper ne fait pas partie de ses mélodrames flamboyants du style Celui par qui le scandale arrive (Home from the Hill) même si la passion est belle et bien présente mais comme en sourdine. Il s’agit plutôt ici, plus que d'un mélo, d'un drame intimiste plein de tact, doux et assez sobre comme pouvait l’être Thé et sympathie, l’autre film de Minnelli dont il se rapproche le plus par le ton, l’atmosphère, la peinture des sentiments et la douceur de la mise en scène.

Car, cette histoire passionnelle d’une sensibilité à fleur de peau, qui aura ébranlé les convictions de chacun de ses protagonistes et qui aurait pu tourner à la tragédie, finira néanmoins sur une note ‘apaisée’ même si on ne peut pas vraiment parler de happy end. Dans ce drame d’une grande pudeur et d’une remarquable finesse, l’émotion est constamment présente malgré les innombrables thèmes abordés et la gravité du propos sans que ces deux éléments n’amènent une quelconque pesanteur ; et puis on ne va quand même pas se plaindre d’un scénario aussi riche alors que c’est souvent le contraire qui est pointé du doigt. Revoir aujourd’hui cette ode à la liberté et ce monument de progressisme, ce film d'une intelligence exceptionnelle, d’une intense mélancolie, d'une extrême tendresse et d'une incomparable et envoûtante douceur qu'est Le Chevalier des sables me conforte encore aujourd’hui dans le fait de considérer Minnelli comme étant l’un des plus grands réalisateurs de l’histoire du cinéma. Et pour en terminer avec ce film d’une modernité et d’une humanité toujours aussi incroyables 60 ans après, François Guérif écrivait à son propos : "Il me paraît être un témoignage de sérénité : les êtres les plus exaltés y apprennent à vivre en tenant compte des autres, le rêve donnant au monde réel la beauté nécessaire pour que l’homme puisse y vivre."
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Beule
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Message par Beule »

Il ne reste rien du monde de rêve minnellien dans Bells are ringing/ Un numéro du tonnerre. C'est une comédie très terre à terre due à Comden et Green pourtant, sans onirisme et qui ne compense même pas par son caractère satirique. Une franche déception, déservie par deux interprêtes qui s'inserrent mal dans l'univers minnellien, du moins celui du musical (Dean Martin était très bien dans Some came running). Pourtant, le temps d'une party, la magie renaît :? (un peu comme dans Quinze jours ailleurs d'ailleurs).

Jeremy: Tu as vu I dood it (Mademoiselle ma femme) :shock: ? Il ne passe jamais :cry:
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Fatalitas
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Message par Fatalitas »

Jeremy Fox a écrit :
fatalitas a écrit :Pas vu des masses

1 Brigadoon
2 Les Ensorcelés
3 Yolanda et le voleur (vu il y a longtemps au cinema de minuit, j'avais adoré à l'epoque donc tres bon dans mon souvenir)
4 Tous en scene
5 Mme Bovary
Pour quelqu'un qui n'en a pas vu beaucoup, que du bon :-)
je t'avoue qu'à part les 2 premiers que je possede en dvd, les autres sont assez lointain dans mon souvenir
Le Pirate, excellent egalement :D


Par contre, Lame de Fond :? :twisted:
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Message par Fatalitas »

Beule, ton avatar est sublime :D
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Message par Jeremy Fox »

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La Roulotte du plaisir (The Long, Long Trailer) - 1954


Juste avant de convoler en juste noce, Tacy (Lucille Ball) réussit à convaincre Nicky (Desi Arnaz) d’acheter une immense et luxueuse caravane, lui faisant miroiter une vie plus facile. En effet Nicky étant toujours parti par monts et par vaux pour son travail, Tacy ne supporte plus les incessants changements de domicile et pense qu’une maison itinérante serait de loin la meilleure solution pour le bien-être de leur couple. Et les voilà partis en lune de miel avec ‘maison’ et voiture neuve, la précédente n’étant pas assez puissante pour remorquer un tel ‘monstre’. Non seulement la conduite ne s’avère pas très aisée mais entre la Californie et le Colorado le couple va vivre un véritable enfer d’autant plus quant il prend à Tacy la lubie de collectionner des pierres pour se souvenir de tous les endroits où ils ont fait une halte. Le passage d’un col situé à 2500 mètres d’altitude va se révéler pour le moins dangereux. L'entente du couple va-t-elle résister à tant de situations cauchemardesques ?!

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“- Been married long?
- About 31 years.
- Have many fights?
- Nope.
- Then take my advice: don't buy a trailer.”


Et en effet, à moins que ça ait été ironique, les distributeurs français n’ont probablement pas eu le temps de voir le film avant de décider d’un titre comme La Roulotte du plaisir pour ce 15ème opus de Vincente Minnelli ; car si le spectateur pourra probablement y prendre du plaisir, ce n’aura pas été le cas de notre couple à l’écran comme à la ville, celui formé par Lucille Ball et Desi Arnaz, duo très populaire Outre-Atlantique mais qu’une grande majorité du public français ne connait probablement pas.

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Les deux partenaires, mariés depuis 1940, connurent une célébrité accrue dès 1951, année de lancement de leur show télévisé I Love Lucy ; ce fut même à cette époque l’un des couples les plus célèbres aux USA, à tel point que tous les lundis soir entre 21 et 21h30, heure de diffusion de la série, la circulation dans les rues des grandes villes américaines était parait-il très calme, le nombre de communications téléphoniques en chute libre. Vu aujourd'hui de l'Hexagone, une telle renommée pourra paraître assez surprenante mais en ce qui nous concerne, il est fort probable que certains aient au moins déjà vu Lucille Ball sans savoir son nom ; il s’agit en effet de la comédienne qui se coulait dans le costume de la dompteuse de femmes-panthères dans le numéro d'ouverture de Ziegfeld Folies, l’un des meilleurs segments de cette comédie musicale de Minnelli dans l’ensemble assez médiocre. Le couple ne tournera ensemble que dans trois films, leur succès sur la petite lucarne étant tel que, au dire du producteur Pandro S. Berman, ses supérieurs à la MGM n’avaient jamais été très enthousiastes à les faire tourner, se demandant si les spectateurs allaient se déplacer en salles pour les voir alors que toutes les semaines ils les avaient gratuitement dans leur salon ("MGM subscribed to the theory that the audience wouldn't pay to see actors they could get at home for free"). Alors qu’au final, grâce à leur présence, La Roulotte du plaisir sera l'un des plus gros succès commercial du cinéaste. Pour les amateurs de séries des années 60, il leur sera probablement intéressant de savoir que le couple créa sa propre société de production Desilu (Desi Arnaz / Lucille Ball) grâce à laquelle non seulement I Love Lucy pût voir le jour mais également les premières saisons de, excusez du peu, Les Incorruptibles, Star Trek, Mannix et Mission impossible. Au moins pour avoir permis de faire naitre ces séries, le couple méritait bien un petit paragraphe en hommage.

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Avoir réalisé coup sur coup Un Américain à Paris (An American in Paris), Les Ensorcelés (The Bad and the Beautiful) et Tous en scène (The Band Wagon) fait qu'en cette année 1954, Vincente Minnelli est devenu le cinéaste le plus prestigieux de la Metro-Goldwyn-Mayer. Qui aurait alors parié sur un Minnelli méchamment iconoclaste, frayant avec le burlesque et le mauvais goût ? Le dytique Le Père de la mariée (The Father’s of the Bride) / Allons donc papa (Little fathers’ Dividend) aurait pu le laisser présager mais La Roulotte du Plaisir le démontre et l’entérine. Ce quinzième film du cinéaste narre le voyage de noces d'un couple venant d'acquérir en guise de maison une immense et luxueuse caravane. Le périple que constitue leur traversée des USA entre la Californie et le Colorado va vite se révéler être un pur cauchemar... Cette œuvre certes mineure au sein de la filmographie 'minnellienne' et qui formellement ne paye pas de mine (surtout en comparaison de nombreux autres films du cinéaste) n'est plus seulement une comédie de situations comme celles qu’il avait réalisé auparavant mais un véritable jeu de massacre passant à la moulinette ‘l'American Way of Life’ et la société de consommation américaine. Peut-être pour mettre à mal la réputation (infondée d'ailleurs) qu'il s'était faite avec Le Chant du Missouri (Meet Me in St-Louis) d'un réalisateur nostalgique, passéiste et chantre de la famille, il fonce alors tête baissée dans l'outrance et la description de personnages tous plus antipathiques, fades ou idiots les uns que les autres : à ce propos la dévastation de la maison familiale se révèle fortement jouissive, d’autant plus lorsque l’on sait qu’il s’agit de celle qui servait déjà de décor à la sublime mais gentille comédie musicale que l’on évoquait ci-dessus.

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Le risque avec cette galerie de personnages peu attachants était le manque d'empathie du spectateur à leur égard ; et certes il est vrai que tous les protagonistes ne s’avérant pas spécialement sympathiques, on finit par se moquer un peu de ce qui leur arrive, trouvant le tout parfois un peu trop mécanique et systématique ; et effectivement aussi, le film met parfois plus mal à l'aise qu’il ne fait rire et sera perçu selon les spectateurs comme fortement déplaisant ou au contraire très réjouissant de par sa puissante mais amusante misogynie ; un machisme de surface car l’on sait parfaitement bien que l’élégant et sensible cinéaste n’en possédait pas une once. De plus, si incontestablement toutes les femmes s’avèrent ici totalement insupportables de par leur idiotie, leurs incessants babillages et leurs gloussements, Minnelli n’est guère plus tendre envers la gent masculine, les hommes n’étant pas non plus épargnés même si moins nombreux à apparaitre sur le devant de la scène. Le réalisateur nous délivre donc un pur cauchemar éveillé de 90 minutes au cours duquel il ne nous laisse aucun répit, le personnage de Nick souffrant le martyr un peu comme le chat Tom lorsque Jerry s’acharne sur lui alors même que son ‘compagnon’ de maisonnée à décidé de signer une trêve. On est presque à plaindre le pauvre Nicky lorsqu’il se voit obligé de faire se redresser la caravane en devant s'étaler dans la boue et sous la pluie, lorsqu’il se trouve pris en tenaille entre une vingtaine de harpies le bousculant et lui hurlant dans les oreilles ou encore lorsque la nuit de noces tant attendue se voit sans cesse repoussée, situation souvent cocasse et irrésistible qui annonce celles de la plupart des ‘Sex Comedy’ des années 60 dont les plus célèbres avec Doris Day et Rock Hudson/James Garner.

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Outre ses innombrables gags et situations quasi burlesques (Nicky préfigure un peu l'inspecteur Clouseau de Blake Edwards) écrits par cet autre célèbre couple de scénaristes constitué par Albert Hackett et Frances Woodrich (La Vie est belle – It’s a Wonderful Life de Capra ; Parade de printemps – Easter parade de Charles Walters…), on trouve aussi au sein du film un score bien agréable composé par Adolph Deutsch, le duo entonnant d'ailleurs le thème principal lors d'une scène très sympathique, véritable bouffée d’air frais au milieu de ce cauchemar ; une splendide photographie -on s'en rend compte dès la première séquence nocturne et pluvieuse- en Anscocolor, procédé moins chatoyant que le Technicolor mais qui met remarquablement bien en valeur les tons pastels, touches de couleur avec lesquelles Minnelli s'est toujours régalé ; des seconds rôles assez savoureux comme ceux interprétés par Marjorie Main ou encore Keenan Wyn en policier peu loquace ; une mise en scène pas nécessairement voyante mais cependant très réussie, que ce soit au niveau du rythme, de l'élégance des mouvements de caméra ou de la beauté des cadrages. La seconde équipe nous offre même de magnifiques plans d'extérieurs de la caravane passant à travers de somptueux paysages du Parc National de Yosemite. Enfin, quelques petits plaisirs supplémentaires non négligeables apportés par les Private Jokes : la salle de cinéma devant laquelle la caravane stoppe au centre ville propose à l'affiche…The Band Wagon ; le film que décrit Lucille Ball lors de la montée vertigineuse finale n'est autre que Lame de fond (Undercurrent) ; enfin, la maison familiale dévastée est, comme nous l’avons déjà évoqué plus haut, celle qui a servi au tournage de Meet Me in St-Louis.

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Œuvre mineure au sein de la magnifique filmographie de Vincente Minnelli mais néanmoins étonnante de la part d’un cinéaste qu’on avait du mal à imaginer signer une pareille comédie qui ne ménage aucun de ses protagonistes, certes amusante mais également, malgré son Happy-End de façade et derrière son apparence de film familial bon enfant, redoutablement grinçante. L’année suivante, le réalisateur allait accoucher selon moi de l’un des plus beaux films du monde avec Brigadoon ; alors que c’est la magie qui dominera au sein de cette comédie musicale, une séquence fera fortement penser à La Roulotte du plaisir, celle cacophonique se déroulant dans un bistrot de New-York. On sent alors comme une fêlure chez Minnelli à cette époque, le cinéaste passant sans cesse de la méchanceté la plus acerbe à la mélancolie la plus déchirante. Quoiqu'il en soit, The Long, Long Trailer est une réussite de la comédie familiale à tendance 'trash' avec de réels morceaux de bravoure comme l’apprentissage du remorquage de la caravane par Desi Arnaz, sa séquence de douche cauchemardesque, la chute (le vol) de Lucille Ball dans la boue, la préparation de la salade dans une caravane cahotante ou encore la montée finale sur la route de montagne. Une fois terminé le visionnage du film, vous n'aurez qu'une envie... rester tranquille et bien au chaud chez vous !
Fatalitas
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Message par Fatalitas »

Manque plus que le top de Roy Neary et on pourra considerer ce topic comme un succes :lol:
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Beule
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Message par Beule »

fatalitas a écrit :

Par contre, Lame de Fond :? :twisted:
Ouais. Le plus mauvais des Minnelli que j'ai vus avec Melinda. Qu'allait-il faire dans cette galère? :evil:

Il me reste à découvrir I dood it, donc, Goodbye Charlie, et parmi les titres à priori majeurs La toile d'araignée et L'horloge. Et son sketch de The story of three loves aussi :wink:
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Jeremy Fox
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Brigadoon

Message par Jeremy Fox »

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Au cours d’un voyage dans les Highlands d’Ecosse, deux chasseurs américains, le doux rêveur Tommy Albright (Gene Kelly) et le plus matérialiste Jeff Douglas (Van Johnson), s’égarent en forêt. Ils découvrent pourtant, sorti de la brume matinale, Brigadoon, un village qui ne se trouve sur aucune carte. Ils s’y rendent et y trouvent une foule en liesse ; ils apprennent qu’un mariage doit s’y dérouler le jour même, unissant Jean Campbell et Charlie Dalrymple. Tommy fait la connaissance de la sœur de la mariée, Fiona (Cyd Charisse), dont il s’éprend aussitôt. La curiosité de nos deux "touristes" est cependant aiguisée par l’anachronisme des coutumes et costumes des habitants. Un étrange mystère semble entourer ce village qui parait vivre hors du temps et de l’espace, un mystère qui va leur être révélé par le maître d’école après que Tommy ait inopportunément découvert la date de naissance ahurissante de sa dulcinée. Un jour de 1754, il y a deux cents ans, le Pasteur, redoutant des actions néfastes des sorcières sur le village qu’il administrait, a conclu un pacte avec Dieu : pour échapper aux sortilèges de ces harpies, le village s’endormirait pour un siècle et ne se réveillerait, miraculeusement et comme si de rien n’était, qu’une journée tous les cent ans. C’est lors de sa deuxième "résurrection" que nos deux amis sont tombés nez à nez avec Brigadoon. Une condition doit pourtant être respectée pour que le village ne retourne pas au néant définitif : aucun des habitants ne doit franchir les frontières qui ont été définies lors de ce "pacte". Et pourtant ce jour là, en pleine cérémonie du mariage, le premier soupirant de Jean, Harry Beaton, malheureux et désespéré d’avoir été préféré par un rival, menace de franchir le pont qui marque l’une des limites de Brigadoon. Une chasse s’organise alors afin que tout ce petit monde ne disparaisse pas à jamais et que Tommy puisse continuer à convoler avec la douce Fiona.

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Amateurs de comédies musicales jubilatoires aux rythmes endiablés et d’une vitalité inhumaine (dixit Van Johnson à propos de Gene Kelly dans Brigadoon) comme ont pu l’être certaines de Stanley Donen (Chantons sous la pluie, Donnez-lui une chance, Pique-nique en Pyjama), Charles Walters (Good News), George Sidney (Kiss Me Kate) ou Busby Berkeley (Take Me Out to the Ballgame), ne vous attendez surtout pas à la même chose quand vous déciderez de découvrir Brigadoon. Ce dernier possède un rythme volontairement lent, une ambiance ouatée et ne vous fera sûrement pas venir de fourmis dans les jambes comme les films sus-cités. Brigadoon, c’est la féerie passionnée de la comédie musicale, un hymne fantasmé à l’Amour. Dans la droite lignée de ces sommets du romantisme onirique cinématographique représentés par Peter Ibbetson de Henry Hathaway, Horizons perdus de Frank Capra, L’Aventure de Mme Muir de Joseph Mankiewicz ou Le Ciel peut attendre d'Ernst Lubitsch, Brigadoon continue d’enchanter une grande partie des cinéphiles, certains l’adulant même sans retenue. Et pourtant, aujourd’hui encore, contrairement à d’autres "Musicals" de Minnelli, tels Tous en scène ou Le Chant du Missouri, ce magnifique diamant du genre est loin de faire l’unanimité, la critique et le public américain le boudant encore même assez souvent ; outre-Atlantique, il est loin d’être considéré comme un "classique" (tout comme Moonfleet d’ailleurs, qui, pour l’anecdote, a été tourné, pour les séquences de la lande, dans les décors créés pour le film de Minnelli).

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Avant d’être un film, Brigadoon fut un succès à Broadway en 1947. Les auteurs en étaient Alan Jay Lerner et Frederick Loewe. Dès 1951, Lerner travailla à une adaptation cinématographique pour Gene Kelly. Sa mise en chantier fut retardée car, grisé par le succès et les producteurs lui donnant quasiment carte blanche, Gene Kelly tenait absolument à son idée de réaliser un projet ambitieux, un film entièrement dansé. Ce sera Invitation à la danse qui, finalement se révèlera être un fiasco commercial et un échec critique. En 1953, après quelques années de phases d’expérimentation bouillonnantes aux résultats artistiques plus que probants (les "avant-gardistes" Yolanda and the Thief et Le Pirate, le tournage hors-studio de On the Town, le ballet impressionniste d'Un Américain à Paris, le ballet Broadway Melody dans Chantons sous la pluie), l’acteur et le réalisateur manquent d’enthousiasme quand il s’agit de s’attaquer à l’adaptation d’une comédie musicale dont ils pensent qu’elle marquerait un net recul artistique et plastique après toutes ces brillantes réalisations. De plus, tout n’est pas à l’optimisme pour les grands studios qui commencent à marquer la pas financièrement. Le départ de Louis B. Mayer n’est pas là pour rassurer les producteurs, les bénéfices stagnent et la télévision entame sa conquête du public des salles obscures. Il faut contre-attaquer la petite lucarne en lançant de nouvelles techniques avec, entres autres, l’écran large (pour la MGM le Cinémascope). Cette dernière trouvaille technique ne vas pas arranger les affaires de Minnelli qui devra tourner deux versions de son film, l’une donc en format Scope, l’autre dans le standard de l’époque, le 1.37 pour les salles non équipées d’écrans larges. Le cinéaste dira d’ailleurs qu’il a détesté sur ce film l’utilisation du scope (« Brigadoon était mon premier film en Cinémascope. Je détestais cet écran géant »). Il s’en fera pourtant par la suite une spécialité et il est difficile d’imaginer aujourd’hui des films comme Lust For Life, Gigi, Home From the Hill ou Some Came Running dans un format plus restreint tellement Minnelli se sert et remplit à merveille cet immense rectangle.

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A rajouter à ce manque d’enthousiasme de départ, une genèse chaotique et un tournage qui ne s’est pas déroulé dans les conditions enchanteresses qui auraient été souhaitables, Gene Kelly et Vincente Minnelli n’ayant pas eu dès le départ les mêmes conceptions à propos de sa mise en oeuvre. Vingt ans après, une grande amertume s’exprimait toujours dans les propos de l’acteur : « Ma voix n’était pas assez bonne pour interpréter les numéros de Lerner et Loewe. Le film ne s’est jamais fait comme il aurait dû se faire. Il fut d’abord question de réaliser le tournage en Ecosse, où Arthur Freed et moi devions effectuer les repérages. Mais le temps était si désastreux que nous avions dû nous ranger à l’idée du studio. Revenus aux USA, nous avons trouvé dans le Monterey, des hautes terres pouvant évoquer l’Ecosse. Mais le studio pratiquait une politique d’économie et ne donna pas suite à cette idée. Tout le plaisir du tournage avait disparu. »

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Gene Kelly se rendit donc avec le célèbre producteur du département "Musical" de la MGM, Arthur Freed, en Ecosse où ils dénichèrent près d’Inverness les paysages qui leur fallaient. La météo déplorable les contraignit à rentrer en Californie où ils tombèrent amoureux d’un coin près de Carmel qui pouvait faire penser aux Highlands. Au grand mécontentement de l’acteur-danseur-chorégraphe, les pontes de la MGM décidèrent de tourner le film entièrement à Culver City, à l’intérieur du studio. « Puisque le film ne pouvait se tourner en extérieurs, dira Minnelli, le studio réalisa un énorme cyclorama et fit construire les collines autour du village de Brigadoon. Preston Ames créa un immense décor qui pouvait restituer le moindre aspect du paysage selon chaque angle de caméra. Les caméras pouvaient avoir un champ de 360°. Joe Ruttenberg, ce vieux pro, était notre cameraman. L’éclairage des intérieurs suggérait les peintures flamandes tandis qu’une brume romantique enveloppait les extérieurs. » (" I Remember It Well "). Vincente Minnelli dut ainsi se plier au nouveau format qui le gênait énormément, supporter la mauvaise humeur de Gene Kelly et subir les jérémiades de Van Johnson qui lui reprochait sans cesse sa lenteur perfectionniste.

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Tout ces soucis eurent-ils un impact sur le résultat final ? Beaucoup le pensent et lui reprochent un manque de rythme, des séquences très statiques et des numéros musicaux assez figés. Tout ceci n’est pas faux mais participe majestueusement de l’ensemble. Il est vrai que, s’il l’avait voulu, Minnelli aurait pu faire de cette histoire un monument de "flamboiement baroque et lyrique" à la King Vidor du genre Duel au soleil. On sait très bien qu’il en était capable puisqu’il nous l’avait prouvé avec Les Ensorcelés et récidivera avec Celui par qui le scandale arrive. Mais non ! Dans la filmographie de Minnelli, Brigadoon se situe au milieu des oeuvres à la mise en scène plus discrète, moins voyante (et pas moins réussie pour autant) ; il côtoie ainsi d’autres monuments "pastels" de sensibilité comme L’Horloge ou Thé et sympathie. Et ce rythme lent épouse le rythme de la vie de ce village hors du temps où le modernisme et sa suractivité n’ont pas encore fait leur apparition. Beaucoup de séquences techniquement "sages", par contraste, rendent d’autant plus fortes les envolées lyriques qui parsèment le film avec parcimonie : celles conjuguées de la caméra et de la musique au milieu de la chanson The Heather on the Hill (la danse dans la bruyère) ou la fabuleuse scène de chasse à l’homme, The Chase, d’une fluidité et d’une virtuosité qui laissent pantois !

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Le fait que Brigadoon ait entièrement été tourné en studio au milieu de toiles peintes et de décors en cartons-pâtes n’a pas nui au film, renforçant bien au contraire cette ambiance totalement irréaliste et onirique de conte de fée. Car c’en est bien un ! Lerner n’a jamais caché sa grande admiration pour James Barrie, l’auteur de Peter Pan et se sentait remarquablement à l’aise dans ces récits merveilleux (il écrira encore pour Minnelli son avant-dernier film, On a Clair Day You Can See Forever (Melinda) toujours sur un argument fantastique). Dès les premières images, le village fantôme sort de la brume et de l’ombre, les premiers rayons du soleil viennent éclairer le pont et d’étranges bovins, et le spectateur est immédiatement plongé dans un univers de pure magie. Celle-ci est raffermie par la beauté des costumes de Irène Sharaff (Cyd Charisse vêtue d’une robe crème et d’un châle jaune, Gene Kelly d’une magnifique chemise verte), par la délicate photographie de Joe Ruttenberg (le chef opérateur utilisant l’Anscolor, procédé beaucoup moins "violent" que le Technicolor, les couleurs étant dans l’ensemble beaucoup plus douces, plus pastels) et bien évidemment par la suave musique de Frederick Loewe.

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Peu facile d’accès, cette partition s’apprivoise et s’apprécie de plus en plus au fil des visions et s’avère même être l’un des travaux les plus remarquables du compositeur. Il disait s’être plus inspiré du maître du romantisme, Johannes Brahms, aux ascendances écossaises, que de la musique typiquement traditionnelle écossaise. Puis-je dire sans subir les moqueries que, par exemple, les premières mesures de la chanson The Heather on the Hill n’ont pas à rougir des plus beaux Lieder du compositeur allemand ? La manière dont Gene Kelly entame avec retenue et timidité ces premières paroles est une des choses les plus sublimes entendues dans une comédie musicale hollywoodienne. La chorégraphie qui fait suite à la chanson nous fait littéralement décoller ; un ange passe et la magie se met en place devant nos yeux émus par tant de simplicité et de grâce. Il en est de même de la fameuse séquence The Chase, le "climax" du film, parfaitement rythmée par l’extraordinaire alchimie qui s’opère entre la mélodie, le montage sonore et les incantations et appels d’Harry Beaton. Ces deux scènes ont de grandes chances de vous faire monter des frissons de bonheur le long de l’échine. Hormis ces deux chansons, il nous est offert en compléments (et quels compléments !) la belle Waitin’ for my Dearie, la romantique Almost Like Being in Love, la tonique I’ll Go Home with Bonnie Jean ainsi que les marches et danses traditionnelles écossaises se situant toutes lors de la cérémonie du mariage. Rien à jeter dans cette partition dont les richesses demandent quand même beaucoup d’attention de la part du spectateur. Quant à la chorégraphie, louée comme il se doit ci-dessus, elle est due à Gene Kelly, assisté de Jane Coyne et Carol Haney, cette dernière allant devenir, immédiatement après, célèbre à Broadway grâce à Pajama Game (rôle qu’elle reprendra dans l’euphorique adaptation de Stanley Donen).

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Pour en revenir à l’histoire proprement dite et à ses thèmes, on peut raisonnablement dire qu’ils sont à l’origine du plus "minnellien" des films du cinéaste, jouant constamment sur son sujet de prédilection : les rapports entre rêve et réalité. A l’intérieur même de ce monde de rêve, le cinéaste oppose le romantisme rêveur du couple Kelly/Charisse à la trivialité terre à terre des rapports qui s’établissent entre le personnage de Van Johnson et une villageoise. Tommy est un doux rêveur désespérant de découvrir un jour le Grand Amour (« Parfois je me sens incapable d’aimer »), Fiona croit au Prince Charmant et ne se donnera qu’à sa venue ; à l’inverse, Jeff est un sceptique indécrottable qui ne veut croire qu’à ce qu’il voit (et encore) et la villageoise qui l’entreprend (lors d’une scène assez drôle) semble proche de la nymphomanie. Et pourtant, paradoxalement, c’est Jeff, qui sans le vouloir, fera que le village ne s’évanouira pas dans les abîmes en SPOILER tuant accidentellement l’homme qui voulait forcer les frontières du village FIN DU SPOILER. Si, pour certains personnages, Brigadoon représente le Shangri-La (le paradis selon James Hilton dans son roman adapté par Capra, Lost Horizon), pour d’autres, il n’est qu’une étroite prison : Harry Beaton, l’amoureux éconduit, ne songe qu’à fuir pour voir d’autres horizons et découvrir d’autres lieux, gens et coutumes. Lorsque nos deux Américains, n’ayant pas voulu croire assez fort à ce qu’ils viennent de voir et de vivre, retournent à New York, Minnelli retrouve le brillant qui le caractérise pour décrire des microcosmes urbains : la faune new-yorkaise (faux intellos, femmes névrosées, hommes désœuvrés... ) est décrite ici avec une acuité et une tendre ironie qui n’appartiennent qu’à lui. L’idée des simples mots prononcés lors d’une discussion faisant se déconnecter Tommy de la triviale réalité pour retourner en pensée au pays de sa bien-aimée est magnifique.

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Cette virtuose parenthèse citadine terminée, le cinéaste nous fait revenir dans cette Ecosse de studio où un nouveau miracle va avoir lieu « Car quand on aime vraiment, tout est possible ! ». Après que Tommy ait découvert que l'on se rend compte de la valeur des choses une fois qu’on les a perdues, la brume se déchire à nouveau et fait place au « Triomphe de la pensée romantique » selon Dominique Rabourdin (in Minnelli, de Broadway à Hollywood - Hatier). Le spectateur quitte le film le cœur léger. Ceux qui ne supportent pas les Happy End peuvent prendre rendez-vous ailleurs ! Peut être moins achevée techniquement et plastiquement, moins moderne et ambitieuse que d’autres oeuvres de Minnelli, Brigadoon n’en demeure pas moins un film superbe, attachant et éminemment personnel. Gene Kelly, moins exubérant qu’à l’habitude, Van Johnson absolument parfait dans un rôle un peu ingrat, Cyd Charisse légère et somptueusement belle sont là pour nous faire participer à ce petit miracle cinématographique. Il ne vous reste plus qu’à faire de beaux rêves !
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Beule
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Message par Beule »

fatalitas a écrit :Beule, ton avatar est sublime :D
Thx! :D
Je crois que désormais Les chaussons rouges est le film le plus cher à mon coeur. Je peux le voir et le revoir à l'infini sans la moindre lassitude... Je dois bien en être à une vingtaine de visions depuis l'été dernier :shock:
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Fatalitas
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Message par Fatalitas »

Beule a écrit :Je dois bien en être à une vingtaine de visions depuis l'été dernier :shock:
:shock: :D
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

Beule a écrit :
fatalitas a écrit :

Par contre, Lame de Fond :? :twisted:
Ouais. Le plus mauvais des Minnelli que j'ai vus avec Melinda. Qu'allait-il faire dans cette galère? :evil:

Il me reste à découvrir I dood it, donc, Goodbye Charlie, et parmi les titres à priori majeurs La toile d'araignée et L'horloge. Et son sketch de The story of three loves aussi :wink:

Melinda, erreur grave en effet, un ratage monumental

L'horloge est par contre une petite merveille de sensibilité avec une Judy Garland une nouvelle fois craquante (film que je possède en VHS ;-) )
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