Vincente Minnelli (1903-1986)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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MickeyLD
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Re: Vincente Minnelli (1903-1986)

Message par MickeyLD »

Jeremy Fox a écrit :Chronique de La Roulotte du plaisir que l'on peut trouver en DVD zone 1.
Merci pour cette critique, je ne connaissais pas l'existence de ce Minelli.
Visionnage en perspective, une belle occasion de retrouver le duo d'I Love Lucy.
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Profondo Rosso
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Re: Vincente Minnelli (1903-1986)

Message par Profondo Rosso »

Thé et Sympathie (1956)

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Tom Lee, un étudiant de 17 ans, est plus attiré par la littérature et les arts que par les sports trop violents à son goût pratiqués dans son internat. À part l’amitié sans préjugés que lui témoigne son seul camarade Al, Tom se trouve marginalisé par les autres garçons du pensionnat qui l’ont cruellement surnommé « sœurette ». Heureusement, il sympathise bientôt avec Laura Reynolds, la femme du professeur de gymnastique, qui éprouve elle-même quelques difficultés relationnelles avec un mari conformiste et fruste.

Vincente Minnelli relève un défi immense en transposant à l'écran la pièce éponyme de Robert Anderson, jouée à Broadway à partir d 1953. Le projet est proposé à Minnelli par le producteur Pandro S. Berman avec lequel il vient de collaborer sur La Vie passionnée de Vincent van Gogh. Robert Anderson signe lui-même le scénario adaptant sa pièce et censure oblige il devra évidemment gommer toute allusion explicite à l'homosexualité quant à la nature du jeune Tom Lee. Ce qui pourrait paraître trop prude aujourd'hui s'avère en fait un choix judicieux où le film délivre un message universel sur la différence et questionne en fait l'identité masculine. En faisant explicitement de Tom Lee un personnage gay, cela aurait entraîné une dichotomie maladroite entre l'homme ordinaire décérébré, viril et macho et celui délicat, sensible et cultivé qui est forcément homosexuel. Ici l'ambiguïté demeure dans les évènements et les attitudes des personnages tout en sécurisant le scénario pour la censure (l'allusion finale au mariage de Tom), ce qui n'empêchera pas le film d'être interdit au Royaume-Uni à sa sortie.

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Dès l'ouverture (passée l'introduction du flashback), la solitude des deux héros se distingue à travers les deux espaces qui constitueront leur lien mais aussi leur impossible rapprochement. Tom (John Kerr) joue seul de la guitare dans sa chambre d'étudiant, observant à sa fenêtre Laura Reynolds (Deborah Kerr) cultiver son jardin. L'isolement de l'un par rapport à ses camarades absents en cette journée ensoleillée et de l'autre abandonnée par son mari préférant les atmosphères bruyantes et viriles de ces mêmes étudiants plutôt que la promiscuité de son épouse s’amorce, tout en exposant la relation tendre entre Tom et Laura. Tom, jeune homme n'ayant pas connu l'affection maternelle ni la douceur d'un foyer se sentira ainsi proche de Laura, comprenant et partageant sa sensibilité artistique tout en plaquant aussi sur lui le souvenir d'un premier époux prématurément disparu au même âge. Les tabous et les codes du monde extérieur s'estompent lorsqu'ils sont ensemble, à l'image de cette robe de théâtre que Laura rajuste pour Tom qui la revêt sans honte. Pourtant la liberté de ton du jardin s'estompe lorsqu'il entre dans la demeure qui les ramène à leur "statut", lui l'étudiant devant demeurer détaché et insouciant et elle l'épouse et la maîtresse de maison ne devant offrir que thé et sympathie à ses hôtes. La gêne lors d'une amorce de leçon de danse, la porte devant rester ouverte pour éviter toute promiscuité suspecte, tout cela exprime déjà le poids du regard des autres avant que l'environnement se révèle pleinement.

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La logique de groupe et de ses comportements machistes constitue un obstacle à l'épanouissement des deux personnages. Jusque-là neutre pour ses camarades, Tom en affichant ses aptitudes à la couture en compagnie de femmes (qui partagent les mêmes stéréotypes, l'une lui disant en riant qu'il ferait une parfaite épouse) s'attire l'opprobre des autres étudiants, le qualifiant du surnom infamant de "sister boy" et lui réservant désormais leurs brimades. Ces codes virils dessinent un cadre oppressant pour Tom, Minnelli jouant de l'origine théâtrale de l'histoire pour rendre le film de plus en plus étouffant à travers les différents rites d'apprentissage tel ce bizutage nocturne violent et cruel. Les adultes y voient un ordre naturel des choses destiné à faire de ces jeunes gens des hommes, et l'on en voit le triste résultat chez eux entre le père de Tom (Edward Andrews) honteux d'avoir engendré une "mauviette", et le professeur de sport et époux de Laura (Leif Erickson) incapable de manifester la moindre affection ou terriblement maladroit quand il s'y essaie. Ce cadre machiste s'avère d'ailleurs assez uniforme, impossible de réellement distinguer un étudiant (hormis le compagnon de chambre joué par Darryl Hickman) parmi cette nasse de silhouette bourrue et coiffure en brosse à la mode de ce monde de sportif, et chez les adultes le même mimétisme chargé de testostérone joue aussi (voir les retrouvaille entre l'époux de Laura et le père de Tom, ancien compagnon de chambrée. Aux prémisses de la vie d'adulte comme à ce qui constitue un de ses accomplissements avec le mariage, le paraître machiste empêche toute sensibilité.

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La profonde délicatesse du récit se ressent autant dans la détresse que les rares moments chaleureux. John Kerr exprime magnifiquement ce mal-être, figure gauche et rêveuse loin des préoccupations terre à terre de son entourage. L'alchimie avec une merveilleuse Deborah Kerr (les deux reprennent les rôles qu'ils tenaient déjà dans la pièce) fonctionne pleinement, dessinant une captivante ambiguïté dans la tendresse de leur relation. Mère de substitution ou possible amante compréhensive pour Tom, Laura voit également en lui un fantôme du passé mais aussi un compagnon plus attentif que son propre époux. Tous ces sentiments contradictoires se ressentent lors de la scène où Laura tente d'empêcher Tom de prouver sa virilité en allant voir la peu farouche Ellie Martin (Norma Crane). Les confessions, les rapprochements physiques maladroit et la séduction implicite de la séquence provoquent un trouble certains mais sans concrétisation dans l'espace inquisiteur de la maison. La gaucherie de Tom relève autant de l'homosexualité l'attente que de l'inexpérience ne pouvant se surmonter qu'à travers de vrais sentiments, la cauchemardesque tentative d'étreinte avec Ellie Martin constituant le pendant inversé de la scène précédente pour réveiller les démons complexés de Tom.

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Vincente Minnelli aura grandement contenu son sens du lyrisme jusque-là, si ce n'est par petite touche avec le frémissement du technicolor lors des scènes dans le jardin. C'est dans le drame final qu'il laisse progressivement s'exprimer sa veine opératique, que ce soit dans la stylisation du décor studio (Laura observant de sa fenêtre à travers la pluie les néons du motel où Tom s'apprête à commettre l'irréparable) où dans les éclairages baroques de John Alton faisant de ce motel un lieu de tourments pour Tom. Comme souvent avec Minnelli, c'est dans la fuite que s'épanouiront les personnages, vers un ailleurs onirique constituant un espace mental où tout est enfin possible. L'ombre de Brigadoon (1954) plane sur la forêt féérique où vont enfin pouvoir s'aimer Tom et Laura. La lenteur et les hésitations du rapprochement expriment autant la maladresse et l'émotion que le sous-texte homosexuel, la scène d'amour signifiant autant un sincère rapprochement charnel qu'une manière pour Laura de "sauver" Tom en le rassurant sur sa masculinité que n'interdit pas son caractère sensible. Le retour au présent final altérant le décor d’un jardin de texture chromatiques plus automnales exprime magnifiquement la force de cette relation, existant désormais par la nostalgie à la fois fantasmée (le récit que l'on vient de voir venant sans doute de la vision idéalisée du livre de Tom) et réelle (la lettre de Laura dont le "sauvetage" aura aidé Tom à surmonter sa différence sans l'effacer, cela reste sous-jacent). Une grande réussite pour Minnelli qui parvient à tirer une œuvre magnifique d'un matériau difficile sans le dénaturer. 5/6

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Kevin95
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Re: Vincente Minnelli (1903-1986)

Message par Kevin95 »

THE BAD AND THE BEAUTIFUL - Vincente Minnelli (1952) révision

C'est toute le génie de Vincente Minnelli : un mélo et bim ! Il en fait une drame déchirant à faire de Douglas Sirk un joyeux boutentrain, une comédie musicale et paf ! Il en fait un bijou merveilleux à vous rendre tout choupinou, alors un film sur Hollywood faudrait pas s'attendre à une bande promotionnelle. Construit comme Citizen Kane d'Orson Welles (1941) via plusieurs points de vue autour d'un seul et même homme/manitou, The Bad and the Beautiful est un désossement brutal de l'usine à rêves et paradoxalement, l'un de ses meilleurs avocats. Minnelli sait que l'opération est compliquée, à la fois défendre son pré-carré d'artiste, tordre le cou de la figure du producteur tout puissant, mettre en lumière certaines dérives de son métier et en même temps, rendre hommage aux mains derrières l'écran, à ceux qui aident le metteur en scène du technicien au... producteur. Car rien n'est simple, et si la figure de Kirk Douglas a quelque chose d'effrayant (voir son comportement sans état d'âme avec ses collaborateurs), elle a aussi quelque chose d'envoutant ce que souligne parfaitement le dernier plan. Les trois personnages principaux, après avoir déversé leur sac à souvenirs, sont comme hypnotisés, attirés par la voix au téléphone d'un nabab certes crapuleux mais finalement en première ligne lorsqu'il s'agit de produire un film, une œuvre d'art. Comme Kane, le grand homme Jonathan Shields n'est pas simple à suivre, son pouvoir est fascinant et ses parts d'ombres passionnantes. Il suffit de fixer son regard mort, pathétique après le succès d'un film comme un enfant qu'on délaisse puis quelques secondes après, son œil noir, monstrueux, lorsqu'il se fait gauler en faute, trompant son amour par une starlette de passage. Vincente Minnelli aide Hollywood à se regarder, à s'admirer comme à se haïr (the bad and the beautiful) et nous, à yeuter un chef d'œuvre.
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Jeremy Fox
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Re: Vincente Minnelli (1903-1986)

Message par Jeremy Fox »

Kevin95 a écrit :
C'est tout le génie de Vincente Minnelli : un mélo et bim ! Il en fait une drame déchirant à faire de Douglas Sirk un joyeux boutentrain, une comédie musicale et paf ! Il en fait un bijou merveilleux à vous rendre tout choupinou, alors un film sur Hollywood faudrait pas s'attendre à une bande promotionnelle. .

J'aime assez ce résumé :mrgreen: 8)
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Re: Vincente Minnelli (1903-1986)

Message par Kevin95 »

THE SANDPIPER - Vincente Minnelli (1965) révision

Ménage à trois contrarié, par un Vincente Minnelli dernière période (pas la plus glorieuse). Mais si à première vue The Sandpiper a toutes les caractéristiques du mélo 60's daté (paysages carte portale, comédiens sortis du frigo, photographie brumeuse...), il s'en échappe fort heureusement par une sensibilité à fleur de peau, une alchimie entre Elizabeth Taylor et Richard Burton évidente mais jamais laissée en jachère (on sait que les deux ensembles peuvent vite s'adonner au cabotinage) et un drame pudique, qui éclate à l'écran sur la pointe des pieds, caché justement par la beauté de son décor. Comme dans The Night of the Iguana de John Huston, Burton est un prêtre qui ne va pas garder le col romain longtemps, attiré par une milf sauvageonne (Taylor) alors que chez lui, Eva Marie Saint lui fait de bons petits plats. Liz et Richard vont se tourner autour, consommer leur amour et finir par regretter (enfin surtout lui). La dernière demi-heure est touchante, Burton doute et se casse les dents devant sa propre hypocrisie. Son monologue final en devient un véritable suicide, éjectant Taylor, humiliant Eva Marie Saint, il ne lui reste qu'à prendre la fuite. Malgré un rythme faisant par moment du sur-place, The Sandpiper peut se voir comme l'une des dernières grandes réussite du cinéaste avant quelques travaux en rab et une retraite bien méritée.
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Re: Vincente Minnelli (1903-1986)

Message par Kevin95 »

A MATTER OF TIME - Vincente Minnelli (1976) découverte

Dernier film de Vincente Minnelli, on a connu des jours meilleurs. Le réalisateur patauge dans son conte de fée intemporelle, un récit construit comme une fresque alors qu'il ne dure qu'une heure et demi (une heure a parait-il été coupée du montage, ça ne passe pas inaperçu), aux personnages évanescents (ah mais c'est Charles Boyer... ah bah non, il est parti), plombé par un budget ridicule (AIP produit habituellement des films de blaxploitation ou des séries B qui tachent... le rapport avec Minnelli est plus ardu) et par un fille Minnelli mauvaise comme une cochonne. Un cabotinage surligné par la caméra de son père qui ne voit que splendeur et grâce dans son rejeton (heureusement que Bob Fosse et Martin Scorsese viennent ensuite sans quoi je n'aurai pas misé gros sur l'avenir ciné de la petite Liza). Malgré l'heure et demi, le temps se fait un peu long, surtout qu'il ne se passe rien (ou presque) de très intéressant. Liza veut être actrice, grimace comme sa mère et vient faire le lit d'une baronne pas toute seule dans sa tête, full stop. Le ratage était proche mais le sauvetage viendra miraculeusement d'Ingrid Bergman, absolument déchirante dans un rôle de reine déchue, qui voit en la môme Minnelli toute sa jeunesse, tout son bonheur passé. Un personnage Viscontien dans une série B mise en image avec soin par un réalisateur qui en vieillissant n'en est pourtant pas manchot. Car la patte de Vincente est bien là, faut juste passer outre des décors en carton et sa fille au milieu. Voir la scène des tests caméra, sublime sur le papier, élégamment mise en scène mais pâlotte lorsque Liza se met à aboyer (à côté, les autres séquences en famille entre Ingrid Bergman et la toute jeune Isabella Rossellini passent pour des climax). Pas de quoi le rayer de la filmo de son auteur mais A Matter of Time a de sacrés hématomes.
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Re: Vincente Minnelli (1903-1986)

Message par Jeremy Fox »

Tu l'as vu comment ? :shock:
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Re: Vincente Minnelli (1903-1986)

Message par Kevin95 »

Il est passé à la Cinémathèque dans le cadre du cycle Hollywood décadent.
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Re: Vincente Minnelli (1903-1986)

Message par O'Malley »

Le dernier grand Minnelli est Le chevalier des sables.
Melinda c'est une fantaisie plutôt pataude et puis même avant Au revoir Charlie, c'était plutôt lourd.
De toute façon, Minnelli rime avec MGM et puis c'est tout. Jamais il n'y a eu autant d'osmose entre un cinéaste et un studio.
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Jeremy Fox
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Re: Vincente Minnelli (1903-1986)

Message par Jeremy Fox »

O'Malley a écrit :Au revoir Charlie, c'était plutôt lourd.
.
Tu as le droit de dire plutôt nul :mrgreen:

J'aime en revanche beaucoup Melinda.
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Jeremy Fox
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Re: Vincente Minnelli (1903-1986)

Message par Jeremy Fox »

Aujourd'hui, Justin Kwedi nous parle de Thé et Sympathie qui existe en DVD zone 2.
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Re: Vincente Minnelli (1903-1986)

Message par Profondo Rosso »

Qu'est-ce que maman comprend à l'amour ? (1958)

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L'action se déroule durant la "London Season" de Londres, une institution multiséculaire débutant après la fête de pâques pour se terminer en aout et durant laquelle toute la bonne société britannique socialise lors de bals, diners, ou courses hippiques. A l'aéroport Lord Jimmy Brodbent accueille Jane, sa fille d'un premier mariage, élevée aux États-Unis. Elle fait la connaissance de sa belle-mère Sheila, une jeune femme élégante, futile et mondaine. Jane ayant 18 ans, Sheila décide de la faire débuter dans la société élégante avec présentation à la cour. Mais Jane n'apprécie ni les soirées mondaines ni les partis potentiels, à son goût trop guindés, que lui présente sa belle-mère. Mais Jane, au grand désappointement de sa belle-mère, s'éprend d'un musicien italo-américain à la réputation sulfureuse.

The Reluctant Debutante sort la même année que Gigi et bien que plus mineur explore également dans un cadre européen la découverte de l'amour d'une jeune fille pour Minnelli. Le film adapte la pièce éponyme de William Douglas-Home jouée en 1955, l'auteur signant d'ailleurs également le scénario en collaboration avec Julius J. Epstein. Dans l'ensemble le film a bien du mal à se départir de cette origine théâtrale même si le raffinement des décors et les atmosphères chatoyantes - décors de Jean d'Eaubonne, costumes de Pierre Balmain entre autres - maintiennent néanmoins les standards esthétiques de Minnelli.

L'intérêt repose plutôt sur le propos du film qui mêle les traditionnels doutes parentaux face à l'émancipation sentimentale de leur enfant mais aussi une critique acérée de la haute société londonienne. Jane (Sandra Dee) américaine par sa mère rejoint son père anglais (Rex Harrison) à Londres et fait la rencontre de sa nouvelle épouse Sheila (Kay Kendall). Ces retrouvailles après deux ans amène une appréhension à la fois pour le père confronté désormais à une vraie jeune femme, et pour Sheila cherchant l'affection de sa belle-fille. La transition et les liens pourront ainsi se nouer grâce à la "London Season", rite de passage où les jeunes filles découvrent le monde à travers les bals, les rencontres avec les garçons de bonne famille (et futurs époux potentiels) et le tout sous le chaperonnage attentif de leur parents. Même si l'on peut regretter que le film ne s'attarde pas plus dans le détail des différents codes de ce rituel, Minnelli en capture néanmoins avec humour le rythme effréné et harassant (particulièrement dur à suivre pour le père joué par Rex Harrison) mais aussi la répétition et l'ennui pour Jane. Le titre importe plus que la conversation dans les rapprochements espérés par les parents, le scénario moquant tout autant la vacuité des jeunes hommes (David Fenner et sa conversation ne dépassant pas les problèmes de circulation) que celle de la mère superficielle et ambitieuse jouée avec délectation par Angela Lansbury.

Sous la légèreté le propos s'avère tout de même assez cinglant. La simple rumeur suffit à disqualifier le modeste David Parkson (John Saxon) dans sa conquête de Jane quand l'ouvertement libidineux David Fenner (Peter Myers) est absout de tous ses actes, dont un moment assez dérangeant où il harcèle Jane sous le regard bienveillant de Sheila. Tout à sa légèreté, le film n'approfondit cependant pas assez (peut-être est-ce le cas de la pièce passée au lissage hollywoodien) ces aspects qui auraient pu donner plus de force dramatique à l'ensemble. Le but ici est surtout d'offrir un divertissement pétillant mais si le charme et la fragilité de Sandra Dee opèrent, les moments de lourdeurs ne manquent pas (l'interminable scène nocturne dans l'appartement) et sorti de sa beauté ténébreuse, John Saxon (loin de ses futurs rôles de dur à cuire) est assez transparent et fait plutôt office de Louis Jourdan du pauvre. Cela en atténue les émois de l'héroïne et le dilemme amoureux face à un prétendant si terne. Pas un mauvais moment donc mais un Minnelli très mineur (mais resté assez populaire au point d'avoir son remake en 2003) tout de même. 3,5/6
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Alexandre Angel
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Re: Vincente Minnelli (1903-1986)

Message par Alexandre Angel »

Profondo Rosso a écrit :Qu'est-ce que maman comprend à l'amour ? (1958)

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Je serais plus acquis à la cause du film que toi. The Reluctant Debutante, totalement ignoré par 50 ans de cinéma américain, me paraît être une comédie parfaitement réussie dans un registre volatile mais vif, rapide (le film dure 1h30 à peine) et d'une élégance impeccable. Minnelli remplit son contrat avec l'aisance d'un caïd de la haute-couture, confinant son ouvrage dans un chromatisme sobre, presqu'austère au regard du chatoiement cartoonesque de Designing Woman mais d'un raffinement exquis d'un bout à l'autre. Du grand art tranquille, en quelque sorte, organisant la coexistence frénétique, en un timing irréprochable, de divers abattages physiques dont la mise en scène se charge d'organiser le mouvement. Au calme de John Saxon s'opposent les diversions fantasques de Rex Harrison autant que la frénésie épuisante de Kay Kendall, à la fois belle et aussi agitée qu'une muppet. Mise en scène qui se fait centrifuge et centripète, s'ingéniant à faire en sorte qu'il se passe toujours quelque chose dans le plan comme ce moment où le couple vedette, alors qu'un bal bat son plein, s'astreint à ne pas perdre de vue Sandra Dee et Peter Myers, qui valsent. Il ne faut pas trop chercher de fond à The Reluctant Debutante, qui laisse les conventions l'emporter, mais se laisser porter par le métier souverain de Minnelli.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
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Jeremy Fox
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Re: Vincente Minnelli (1903-1986)

Message par Jeremy Fox »

A propos de The Reluctant Debutant, je me range plutôt dans le camp d'Alexandre.
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Re: Vincente Minnelli (1903-1986)

Message par Cathy »

J'adore the Reluctant Debutante, c'est une comédie légère où Kay Kendall et Rex Harrison sont irrésistibles. C'est un film que je revoie très régulièrement, et puis il y a quand même une sacrée élégance dans la mise en scène et dans cette succession de bals où on sent la maîtrise de Minnelli.
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