Cléo de 5 à 7 (Agnès Varda - 1962)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Anorya
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Message par Anorya »

Je viens de me voir cet aprèm, le merveilleux film d'Agnès Varda. :)

Je dis merveilleux parce que ce film m'a littéralement émerveillé du début à la fin. Cette façon de filmer Paris qui transporte (j'avais été aussi très étonné en bien par le Paris de "Ascenseur pour l'échaffaud") le spectateur. On a l'impression d'être aux côtés de Cleo, de l'accompagner dans sa marche et l'aspect de la durée très "c'est filmé presqu'en temps réel de 17h à 18h30" le rendent vraiment très réaliste.

Le début est en couleur, du moins les cartes du tarot et déjà la voyante, Irma évoque tous les évenements qui vont survenir à Cleo dans le film, d'une manière métaphorique, mais l'on peut aussi penser que celà arrivera à Cleo plus tard dans un futur proche où elle se réfugiera pour pallier à sa maladie.

Le nombre de détails et d'allusions qui jouxtent le film est aussi assez important. D'abord, les pendules et montres dans le film qui, par souci de méticulosité ont été réglées sur le temps du parcours de Cleo. Ensuite le fait que deux parties bien distinctes scindent le film en 2. Dans la première, Cleo vêtue de blanc est regardée de tous alors que dans la seconde, vêtue de noir, c'est elle qui prend sa vie en main et observe les autres. Avec les lunettes noires, ça lui donne même un air de vamp qu'elle n'avait pas dans la première partie... :roll:
Cette scission est facilement observable dès le moment où Cleo change de vêtements derrière le rideau noir et surtout, peu de temps après, enlève sa perruque, faisant tomber les apparences.

Il faut aussi noter que l'on adopte le point de vue de Cleo qui même si elle garde en vue (en tête ?) sa maladie, semble évoluer et comprend le besoin de partager d'autant plus le moment présent, de le savourer, d'où le fait qu'elle discute avec Antoine dans le parc de montsouris alors qu'elle avoue qu'auparavant elle n'aurait jamais fait ça. Et quand je dis qu'on adopte le point de vue de Cleo, c'est ce que la réalisatrice nous montre, en même temps que ce que voit la sublime Corinne Marchand qui nous fait penser celà : des scènes furtives de typographie de lieux, d'endroits mais toujours en rapport avec la maladie de Cleo (les pompes funèbres, le magasin "bonne santé", le caméo petit-film de Godard et Karina où l'on aperçoit des fleurs pour les tombes...Ce petit film qui peut en même temps faire sourire d'autant plus que le sujet n'est pas si drôle, bravo Varda).

Cleo donc, qui change, apprend à aimer l'instant présent et le film de nous ébranler sur cette notion dans le plan final justement : sans paroles, avec juste Cleo et Antoine qui marchent à côtés et se regardent de temps en temps.
Les mots sont superflus.

Ce film touche au sublime, au chef d'oeuvre presque. :shock: :wink:
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Nestor Almendros
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Message par Nestor Almendros »

C'est le premier film de Varda que je découvre et j'en sors très enthousiaste, comme vous.

La première chose qui m'a frappé, et surtout que je ne soupçonnais pas, c'est cette inventivité de la forme, ce jeu perpétuel avec le médium cinéma, cette liberté que Varda ose à chaque instant. Elle utilise savamment les cadres (certains sont :shock: ), le montage, la musique. On rentre tout de suite dans un univers à part qui se démarque singulièrement du reste de la production classique.

L'un des concepts du film, qui s'ajoute et participe aux jeux sur la forme, c'est l'aspect "en temps réel" du déroulement de l'action. C'est intéressant dans l'impression de vérité que cela donne au spectateur, mais cela joue aussi par rapport au ressenti de Cléo. Ainsi on a plusieurs moments en creux, surtout pendant certains déplacements (en voiture...) qui traduisent notamment l'ennui du personnage, son tourment et sa monotonie. L'aspect "tranche de vie" est double ici: c'est une partie de la vie de Cléo et c'est aussi une photographie "instantanée" de Paris et de ses habitants.

J'ai dû le voir le film en plusieurs fois. Malgré le grand intérêt formel qui m'a tout de suite plu, j'ai eu du mal à m'intéresser totalement à l'histoire et au personnage. Est-ce moi qui était de meilleure humeur ce matin, toujours est-il qu'au moment où j'étais enfin dans l'histoire, le film s'arrête net. Est-ce une coincidence si, à ce moment-là, Cléo rencontre ce jeune soldat et où l'on voit naitre une éventuelle relation, en tout cas une complicité, et où Cléo laisse derrière elle sa beauté glacée (un peu à la Stéphane Audran, je trouve) pour un visage illuminé? Je pense, tout simplement, que le virage sentimental que prend le film m'a titillé là où il fallait. Cette fin, que j'ai vraiment adoré (d'autant plus frustrante qu'elle s'arrête brutalement, j'en aurais encore pris pour 30mn), est brillamment dialoguée (singulier et spirituel, que ce personnage du soldat) et très bien menée. C'est toujours juste, prenant.

Le master restauré diffusé par Arte rend justice à la très belle photographie du film. Une sortie dvd est donc fortement envisageable.
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Message par Fatalitas »

Nestor Almendros a écrit : Une sortie dvd est donc fortement envisageable.
le dvd est sorti depuis au moins 6mois-1 an :wink:
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Nestor Almendros
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Message par Nestor Almendros »

Fatalitas a écrit :le dvd est sorti depuis au moins 6mois-1 an :wink:
:oops: :oops: :mrgreen:
Je m'en suis douté, ça m'apprendra à ne pas vérifier ce que je raconte! :uhuh:
Borislehachoir
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Message par Borislehachoir »

Nestor Almendros a écrit :C'est le premier film de Varda que je découvre et j'en sors très enthousiaste, comme vous.

La première chose qui m'a frappé, et surtout que je ne soupçonnais pas, c'est cette inventivité de la forme, ce jeu perpétuel avec le médium cinéma, cette liberté que Varda ose à chaque instant. Elle utilise savamment les cadres (certains sont :shock: ), le montage, la musique. On rentre tout de suite dans un univers à part qui se démarque singulièrement du reste de la production classique.

L'un des concepts du film, qui s'ajoute et participe aux jeux sur la forme, c'est l'aspect "en temps réel" du déroulement de l'action. C'est intéressant dans l'impression de vérité que cela donne au spectateur, mais cela joue aussi par rapport au ressenti de Cléo. Ainsi on a plusieurs moments en creux, surtout pendant certains déplacements (en voiture...) qui traduisent notamment l'ennui du personnage, son tourment et sa monotonie. L'aspect "tranche de vie" est double ici: c'est une partie de la vie de Cléo et c'est aussi une photographie "instantanée" de Paris et de ses habitants.

J'ai dû le voir le film en plusieurs fois. Malgré le grand intérêt formel qui m'a tout de suite plu, j'ai eu du mal à m'intéresser totalement à l'histoire et au personnage. Est-ce moi qui était de meilleure humeur ce matin, toujours est-il qu'au moment où j'étais enfin dans l'histoire, le film s'arrête net. Est-ce une coincidence si, à ce moment-là, Cléo rencontre ce jeune soldat et où l'on voit naitre une éventuelle relation, en tout cas une complicité, et où Cléo laisse derrière elle sa beauté glacée (un peu à la Stéphane Audran, je trouve) pour un visage illuminé? Je pense, tout simplement, que le virage sentimental que prend le film m'a titillé là où il fallait. Cette fin, que j'ai vraiment adoré (d'autant plus frustrante qu'elle s'arrête brutalement, j'en aurais encore pris pour 30mn), est brillamment dialoguée (singulier et spirituel, que ce personnage du soldat) et très bien menée. C'est toujours juste, prenant.

Le master restauré diffusé par Arte rend justice à la très belle photographie du film. Une sortie dvd est donc fortement envisageable.
A peu près comme toi dans l'ensemble.
Pas grand fan de la nouvelle vague française en général ( :oops: ), c'était aussi mon premier Varda et j'ai été vraiment surpris positivement alors que je n'en attendais pas grand chose.
En dehors de la " spontanéité " et de l'aspect " en temps réel " dont tout le monde a déja parlé, j'ai vraiment aimé toutes les petites digressions sur un peu tout et n'importe quoi ( le taxi par exemple, ou la scène de projection ).

De même, comme l'a dit Nestor, on ressent vraiment bien le Paris des années 60... et le témoignage, pas du tout figé, est totalement vivant.
Et surtout, le personnage du légionnaire m'a énormément plu. Ses anecdotes, ses répliques " décalées ", sa relation bizarre avec Cléo, son ambiguité ( c'est un militaire qu'on imagine très mal se battre )...

Une agréable surprise donc :)
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Re: CLÉO DE 5 À 7

Message par Ouf Je Respire »

Enfin vu.

J'aime toujours autant les déambulations parisiennes chères à certaines oeuvres de la Nouvelle Vague. Ce film m'a notamment fait penser au "A bout de Souffle" de Godard. A "Bob le flambeur" également (exemple hors NV). Certains passages sont splendides
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(toute la séquence dans l'appartement de Cléo, la rencontre avec le soldat)
. Une mise en scène magistrale sans être lourde. Sacré coup de maître.

Ceci dit, je lui ferai le même reproche qu' "A bout de souffle": il n'y a pas suffisamment de tension dramatique à mes yeux. Ceci est d'autant plus lisible que le postulat de départ pouvait s'y prêter allègrement. Je ne demande pas un film lacrymal, non. Mais:

1) l'idée de départ est l'attente de résultat pouvant amener une tension certaine
2) l'intrigue est quasiment en temps réel,

Donc, si j'avais été scénariste pour ce film, je me serais dit: "rhââ, quand même, faut mettre un peu d'empathie pour Cléo, tout ça.", tout en gardant son côté erratique.

En gros, voilà mon reproche: "Cléo...", comme "A bout...", donne une impression de chronique distanciée et formelle d'une époque atteinte d'un spleen illustratif. Sachant que le côté "chronique" ne chasse pas systématiquement l'émotion. Je pense notamment aux films réalistes de Rossellini.

En conclusion: beau film, léger, très maîtrisé, malin, ingénieux, mais trop disloqué et sans réel enjeu dramatique pour pouvoir me toucher réellement.
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Re: CLÉO DE 5 À 7

Message par MJ »

Ouf, Bricol' Boy a écrit :En conclusion: beau film, léger, très maîtrisé, malin, ingénieux, mais trop disloqué et sans réel enjeu dramatique pour pouvoir me toucher réellement.
Vu la facilité avec laquelle Varda aurait pu tomber dans le pathos, cette distanciation me semble rassurante et ne à mon avis ne prend jamais le pas sur les enjeux émotionnels. La fin avec ce soldat, lui aussi condamné à sa manière, me semble d'une cruauté et d'une mélancolie étonnantes sans que cela ne soit en rien appuyé. Un très grand film, pour ma part.
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Re: Cléo de 5 à 7 (Agnès varda)

Message par Jipi »

Beaucoup de personnes ont eu au moins deux heures de cauchemars dans leur vie et ces cauchemars se sont déroulés en journée.

Ils représentent l'attente d'un résultat d'analyses médicales confirmant ou non la présence d'une maladie grave.

C'est le cas de Cléo jeune chanteuse à la mode qui en attente d'un diagnostic dispose de cent vingt minutes de réflexions à l'air libre afin de se préparer à la sentence finale.

Deux heures égrenées dans les rues d'un Paris scénarisé par des procédures quotidiennes distantes de rencontres spontanées entre projets des uns et desespoir des autres.

Tout est en temps réel, chaque fois que Cléo rencontre un personnage au fil de l'eau la durée de l'évènement s'inscrit sur l'écran.

Il faut tout se dire en quelques minutes avec en toile de fond un Paris procédurier dans ses actions quotidiennes, se prouver que l'on existe par la voix plus pour soi même que par les autres en testant une indifférence auditive collective à la terrasse d'un café.

Les rencontres sont un sablier relationnel minuté, Les êtres se laissent capturer quelques instants mais leurs esprits sont ailleurs dans un devenir que Cléo ne vivra peut-être pas.

Cléo n'a pas le choix elle doit accepter l'autre comme volatile, narcissique et pleins de projets. Entamer un semblant d'idylle contrariée par un impondérable programmé à l'heure d'un train.

Les contraintes et les vitalités rencontrées narguent une jeune femme ne pouvant construire qu'un relationnel limité dans le temps. Une faune anonyme bouge, s'exprime dans une mégapole structurée par le devoir de production. Cléo presque anonyme, sur la touche visualise les vibrations du monde.

La dernièr quart d'heure très sensible consacré au gentil militaire regagnant l'Algérie alors en guerre tout en laissant en apparence un infime espoir de construction sentimentale n'ôte pas le doute sur la difficulté d'élaborer une stabilité à deux à long terme. La maladie scelle un avenir que Cléo doit assumer seule.

Pour les nostalgiques d'un Paris irrémédiablement éteint ce film est historique. On y voit les machines à vapeurs de l'ancienne gare Montparnasse avant qu'elle ne soit plus q'une carcasse comme le dit si bien Jacques Dutronc.

Tout un monde néantisé par l'évolution irrémédiable d'une téchnologie broyeuse de stabilité. Attention à la petite larme. Il faut être raisonnable tout cela n'existe plus.

Nous sommes en plein cinéma vérité. Un esprit trituré se lache en décor naturel dans une ville en pleine respiration. Paris n'à jamais aussi beau, filmé par une cinéaste de l'errance, la ville palpite en temps réel une technologie de nos jours obsolète faite de plates formes de bus, de spragues et de machines à vapeurs.

Ces deux heures passées en compagnie de Cléo entre craintes et espérances sont bien agréables même si la conclusion ne laisse que peu de chances sur la possibilité d'offrir à une femme très belle le moyen de continuer dans un élément indestructible, le temps.

Etendard du septième art Cléo de 5 à 7 est une œuvre de rues ou les rencontres improvisées s'offrent l'espace d'un léger parcours, l'espoir, la colère, le rire et les larmes à l'image d'une procédure existentielle en décor naturel.
Dernière modification par Jipi le 15 mars 08, 09:30, modifié 9 fois.
Chaque individu a le devoir de se réaliser par l'esprit dans le contexte historique de son époque.
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Re: Cléo de 5 à 7 (Agnès varda)

Message par Sabsena »

Cléo de 5 à 7 un des plus beaux films de la nouvelle vague, j'ai meme envie de dire le plus beau, nous partons de l'obscuranrisme d'une tireuse de cartes qui annonce la mort à cette jeune femme merveilleusement interpretée par Corinne Marchand dans l'attente d'un resultat d'un examen ou elle craint le pire, l'action égale ou presque à la durée du film, nous la suivons dans Paris avec des rencontres attendues, d'autres non, un petit court metrage avec godard et Anna Karina est merveilleusement analysé par un des forumers, c'est en effet le tournant du film, et puis cette magnifique rencontre avec ce militaire qui à reponse à tout, cette jeune femme qui voyait tout en noir et la mort reprend confiance en elle et en la vie, un bijou cinematographique.
Vous conviendrez qu'il vaut mieux arroser quelqu'un que de l'assassiner. Fernando Rey : Cet obscur objet du désir.
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Re: Cléo de 5 à 7 (Agnès Varda - 1961)

Message par Alligator »

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C'est ce qu'on appelle un rendez-vous manqué. Un gros lapin. Sur le moment, à la fin du visionnage, je ne festoie pas vraiment, partagé entre la sensation que ce film est important et le sentiment de frustration né du peu d'empathie ressenti pour le personnage principal. Je me suis longtemps ennuyé du conflit intérieur que subit la pauvre Cléo, la futile Cléo, la gamine Cléo.
A partir du moment où elle déchire ce voile d'innocence et entre dans l'âge adulte en affrontant la vraie vie, celle qui n'est pas garnie d'illusions, de simples reflets inoffensifs mais de corps bien réels, alors, à ce moment-là seulement, le film m'a beaucoup plus intéressé. Jusque là, jusqu'à cet instant où Cléo enlève son postiche, elle était une enfant capricieuse qui gesticule et met toute son énergie à éluder. La question de la mort l'oblige à entrer dans le monde des adultes, à lâcher les miroirs aux alouettes où elle cherchait sans cesse à s'admirer. Elle est belle certes, mais sa tête aussi belle soit-elle n'est que de linotte. Le corps n'est beau que dans le miroir. L'autre est sale, étrange, monstrueux, il se perce, il avale des crapauds, il fait mal. N'acceptant son physique uniquement que comme une image, une photographie et non comme une chose bien concrète, faite de chair et de sang, de nature à dépérir, se détériorer et mourir, Cléo ne vivait pas vraiment dans la réalité mais dans la superstition, le désir matériel, la futilité des images, l'absence d'émotion partagée. Quand elle chante une chanson sur la tristesse de l'abandon, sur la mort de l'amour, ce rappel qu'elle vit dans le mensonge devient insupportable, et salutaire. Avec cette peur du cancer, Cléo va vivre de 5 à 7 deux des plus éprouvantes et des plus bouleversantes heures de son existence, mais qui vont lui permettre de sourire réellement. Accepter ce corps et donc accepter l'éventualité de sa mort c'est enfin envisager le bonheur et sourire à la vie, s'ouvrir à la vie et peut-être à l'amour.

Tout cela ne m'apparait que progressivement au cours du film et cela n'engendre pas pour autant une émotion ou un enthousiasme débordant pour le personnage de Cléo. En ce qui me concerne du moins, elle m'a longtemps tapé sur les nerfs. La suivre dans ses déambulations angoissées et geignardes m'a fatigué. Je louais la patience infinie de Dominique Davray ou de Dorothée Blank, ne parvenant pas pour ma part à ces degrés d'abnégation.

A la fin du film, je ne savais trop que penser, un peu interdit, mal à l'aise avec toutes ces contradictions : ce film qui m'avait ennuyé profondément (la longue première partie du film), celui qui m'avait irrité (les caprices de Cléo), celui qui m'avait bouleversé (la chanson "Sans toi" est à tomber, un moment magique, d'une pureté d'émotion rarement atteinte), celui qui m'avait intrigué (les longs plans de vue en caméra subjective depuis le taxi), celui qui m'avait amusé (le film dans le film avec la clique "Nouvelle vague") et celui qui m'avait tendrement touché (la rencontre finale). J'ai parfaitement conscience que la dernière partie est totalement tributaire de la première partie, que le lien de cause à effet est consubstantiel au propos du film, que la progression est sensée, plutôt bien pensée même, mais que voulez-vous, j'ai trouvé la première partie ennuyeuse, voire désagréable. Cependant mon petit doigt me dit qu'une seconde lecture me la ferait bien plus apprécier.

Je découvre une cinéaste, Agnès Varda, particulièrement gonflée. Sa mise en image est souvent périlleuse et pourtant parfaitement photographiée. Ses cadrages, ses mouvements de caméra sont audacieux. Ils donnent vie à la vitesse, l'espèce de hâte dans laquelle Cléo vit ses heures difficiles, dans cette impatience et cet effroi conjugués.

Le montage également se permet un découpage que l'on ressent comme élaboré, donnant ici un rythme lent, là un souffle, une secousse, une course folle. Le film parait très moderne, très vif, parfois très beau, d'une joliesse naturelle, comme certains plans dans le parc, dans le bus. A d'autres moments la caméra se fait documentaire en scrutant les expressions dans les visages des piétons dans les rues de Paris. Cet aspect touristique qui maintenant se pare de l'accoutrement historique m'a beaucoup plu.

D'Agnès Varda je n'ai vu jusqu'à aujourd'hui que "Sans toit ni loi", à sa sortie et qui ne m'a laissé que quelques images pour souvenirs. Cléo a au moins eu l'avantage pour mézigue de piquer ma curiosité sur sa réalisatrice. Et je pense qu'un jour, je le reverrai et l'aimerai à une plus juste valeur. Ne pas aimer un film parce qu'on s'est emmerdé est souvent une mauvaise raison, une raison d'humeur, d'état passager... pas toujours mais souvent. En tout cas, je me méfie de cette raison là.
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Re: Cléo de 5 à 7 (Agnès Varda - 1961)

Message par Tutut »

Je ne me souviens pas avoir détesté la première partie, même si Cléo peut apparaitre superficielle, frivole et capricieuse. Après, on peut trouver un peu grossier qu'il faut qu'elle se soit menacée par la maladie et qu'elle rencontre un jeune homme qui risque de mourir, pour entrevoir la vraie personnalité de la jeune femme.
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Re: Cléo de 5 à 7 (Agnès Varda - 1961)

Message par Watkinssien »

Un des meilleurs films d'Agnès Varda, subtil, tendre et amer à la fois.

Une mise en scène élégante apporte un charme durable dans cette évocation brillante d'une quête initiatique particulière.
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Jeremy Fox
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Re: Cléo de 5 à 7 (Agnès Varda - 1961)

Message par Jeremy Fox »

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Re: Cléo de 5 à 7 (Agnès Varda - 1961)

Message par Tommy Udo »

Le film sera diffusé le lundi 15 juillet à 21h00 sur TV5^^
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Jeremy Fox
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Re: Cléo de 5 à 7 (Agnès Varda - 1961)

Message par Jeremy Fox »

Cléo de 5 à 7 ressort aujourd'hui en copie numérique restaurée.
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