Les contrebandiers de Moonfleet (Fritz Lang - 1955)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Alex Blackwell
Charles Foster Kane
Messages : 22026
Inscription : 13 avr. 03, 10:10
Localisation : into the sky, into the moon

Les contrebandiers de Moonfleet (Fritz Lang - 1955)

Message par Alex Blackwell »

Je m'autorise à ouvrir un topic sur cette seule oeuvre, la valeur du film n'étant tout simplement pas réductible à celle d'un dvd.

J'ai donc achevé mes retrouvailles avec ce film, dont la force m'apparaît véritablement monumentale, le réalisateur ayant transmis sans difficulté apparente sa philosophie du monde et de l'aventure humaine qui y est contenue. Les événements y sont vus comme avec un lointain détachement, ce dernier n'ayant cependant rien en commun avec le morne endormissement du stoïcien blasé mais traduisant simplement la serénité du sage capable de considérer les conjonctures même les plus singulières avec la profondeur requise. Ces qualités s'expliquent pour une part par la conscience enfantine au travers de laquelle le monde est ici perçu mais l'onirisme propre à l'enfance semble se transformer en une qualité intrinsèque des pouvoirs du cinéma, ce qui est la concrétisation du but avoué de certains des plus grands dont Bergman.

Une réussite totale, sorte de variation sur la beauté du monde atteinte par un chemin différent de la Nuit du chasseur mais également valable tout comme la vision d'Antoine Van Dyck mise en oeuvre dans son portrait de la Durazzo constitue une alternative à la voie de la Joconde. Je suis soufflé.
Image

Night of the hunter forever


Caramba, encore raté.
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99625
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: Moonfleet

Message par Jeremy Fox »

Star Maker a écrit : Je suis soufflé.
et ça me fait bien plaisir :D

Dans un cycle enfance et Hollywood, Brion l'avait proposé la semaine suivant "La nuit du chasseur" : le plus beau cycle qu'il n'y ai jamais eu au cinéma de minuit, Brion ayant proposé ensuite "Il faut marier papa" de Minnelli.
O'Malley
Monteur
Messages : 4602
Inscription : 20 mai 03, 16:41

Re: Moonfleet

Message par O'Malley »

Jeremy Fox a écrit :
Star Maker a écrit : Je suis soufflé.
et ça me fait bien plaisir :D

Dans un cycle enfance et Hollywood, Brion l'avait proposé la semaine suivant "La nuit du chasseur" : le plus beau cycle qu'il n'y ai jamais eu au cinéma de minuit, Brion ayant proposé ensuite "Il faut marier papa" de Minnelli.
Oui... je me rappelle: c'était en 1987...
Avatar de l’utilisateur
Billy Budd
Bordeaux Chesnel
Messages : 26835
Inscription : 13 avr. 03, 13:59

Re: Moonfleet

Message par Billy Budd »

O'Malley a écrit :
Jeremy Fox a écrit :
et ça me fait bien plaisir :D

Dans un cycle enfance et Hollywood, Brion l'avait proposé la semaine suivant "La nuit du chasseur" : le plus beau cycle qu'il n'y ai jamais eu au cinéma de minuit, Brion ayant proposé ensuite "Il faut marier papa" de Minnelli.
Oui... je me rappelle: c'était en 1987...
Grande année pour Lendl
Everybody's clever nowadays
Avatar de l’utilisateur
Beule
Réalisateur de seconde équipe
Messages : 5742
Inscription : 12 avr. 03, 22:11

Re: Moonfleet

Message par Beule »

Nikita a écrit :
O'Malley a écrit :
Oui... je me rappelle: c'était en 1987...
Grande année pour Lendl
Année d'une mémorable demi-finale Graf Sabatini à Rolland Garros aussi
Image
Sergius Karamzin
Invité
Messages : 5977
Inscription : 14 avr. 03, 11:54

Message par Sergius Karamzin »

C'est aussi la première fois que j'ai couché. Pas mal aussi. 8)
Avatar de l’utilisateur
Joshua Baskin
ambidextre godardien
Messages : 11651
Inscription : 13 avr. 03, 20:28
Localisation : A la recherche de Zoltar

Message par Joshua Baskin »

J'entrai en CE1 en 1987.
Intersections Global Corp.
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99625
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Message par Jeremy Fox »

Image

Le milieu du 18ème siècle sur les côtes anglaises. John Mohune, orphelin de 10 ans, arrive à Moonfleet avec une lettre de recommandation de sa mère défunte pour un certain Jeremy Fox (Stewart Granger), gentleman libertin, cynique et sans scrupules, à qui elle demande de prendre soin de son fils et de parfaire son éducation. Mais Jeremy Fox, côtoyant des aristocrates corrompus, se révèle être le chef d’une bande de contrebandiers. Il ne souhaite nullement s’encombrer de la présence de cet enfant d’une naïveté confondante mais y sera contraint. Ponctué de multiples péripéties (traversée nocturne d’un cimetière, guet-apens, trésor enfoui au fond d’un puits…), ce récit initiatique va alors s’attacher à narrer les relations entre le hors la loi et le jeune garçon.

Image

19 ans après Fury, Fritz Lang travaille de nouveau pour la prestigieuse MGM avec un budget conséquent. Mais le studio, estimant que le film ne se différencie pas des produits de seconde zone, décide de ne pas le diffuser hors des Etats-Unis. Aujourd'hui encore, dans le catalogue de la firme, on peut lire le film critiqué en deux lignes "maladroitement adapté et réalisé par un Fritz Lang distrait." Il faudra attendre sa découverte par l’un des créateurs du cinéma Mac-Mahon sur les Champs Elysées pour que cette merveille sorte en France cinq ans après sa distribution américaine. Il deviendra instantanément un film culte auprès de toute une génération de cinéphiles et, encore aujourd’hui, les comptes-rendus sont unanimement élogieux à son sujet.

Image

Ce classique du film d’aventure se situe aux croisées du film de terreur gothique et du film de cape et d’épée classique. Son caractère unique vient de ce mélange entre une histoire rocambolesque traditionnelle, une noirceur typiquement langienne dans la description des personnages tous plus ou moins pervertis et un climat inquiétant, étrange et funèbre. De ce point de vue, le prologue est inoubliable avec cette étonnante succession de plans plus effrayants les uns que les autres. Le premier démarre sur une vision du jeune garçon se détachant en contre jour alors qu’il marche sur les landes nocturnes et menaçantes. Il s’assoit pour se reposer et entend un bruit étrange ; levant la tête, il voit une statue de pierre aux yeux brillants qui l’effraie, baisse les yeux pour tomber sur l’apparition d’une main décharnée et crochue. S’évanouissant de frayeur, le plan suivant en caméra subjective, montre une contre plongée, vue par le regard du garçon s’éveille, sur les trognes patibulaires d’un groupe de personnes penchées au-dessus de lui. Toutes ces images supportées par les fulgurantes stridences de la partition de Miklos Rosza nous offrent l’un des préambules les plus mémorables de l’histoire du cinéma.

Image

C’est à un superbe travail d’adaptation que se sont livrés Jan Lustig et Margaret Fitts. Ils ne reprennent que le point de départ du roman de John Meade Falkner, auteur dans la lignée de Stevenson et Dickens, et, à partir d’un cadre tout ce qu’il y a de plus banal, ils réussissent à y inclure les thèmes récurrents au cinéma de Lang, en particulier la confrontation du bien et du mal. Ils créent un monde inquiétant dans lequel on n’hésite pas à vouloir tuer les enfants. Pour se plier à l’univers du cinéaste, ils inventent même le personnage qui deviendra le héros du film, celui joué par Stewart Granger. L’acteur s’était fait une spécialité dans les années 50, d’interpréter les héros de films d’aventure aussi célèbres que Le prisonnier de Zenda ou Scaramouche, héros bondissant, vigoureux, dans la continuité des personnages joués par Errol Flynn dans les décennies précédentes. Il trouve avec Jeremy Fox son meilleur rôle, un homme d’une grande classe mais très ambigu, personnage à la fois cynique, violent, séducteur mais aussi charismatique et humain ; personnage débauché mais absolument pas manichéen. Au moment de quitter son protégé, préférant l’abandonner au profit de ses futurs compagnons de brigandages, il lui écrit que "sa mère n’aurait pas du faire confiance en Jeremy Fox". Par un réflexe de justice et de générosité, il se décide à faire marche arrière pour pouvoir s’occuper de l’enfant ; il est mortellement blessé à l’instant même où il prend cette décision. On retrouve ici le pessimisme habituel de Lang qui n’accorde aucune rédemption possible pour son héros si ce n’est dans la mort.

Image

Le scénario remarquablement écrit et d’une belle fluidité peut donc proposer plusieurs niveaux de lecture : les plus jeunes pourront se régaler devant un film d’aventure très bien mené et toujours passionnant ; les adultes pourront aussi se délecter du rocambolesque de ce conte tragique mais, seront aussi très intéressés par le récit initiatique de cette innocence au pays de la corruption, cette innocence qui sera inconsciemment la cause de tant de morts. Le jeune Mohune subira toutes ces épreuves sans que sa belle naïveté en prenne un coup, le final le montrant toujours aussi optimiste. D’ailleurs, Lang n’était pas satisfait par ce happy-end imposé mais peut-on ici vraiment parler de happy end ? En effet, le jeune garçon attendra toujours avec une foi inébranlable que son ami revienne mais le spectateur sait que sa croyance n’est qu’illusion.

Image

La mise en scène est d’un superbe classicisme et d’une facture impeccable : il faut revoir cette scène d’une grande élégance et virtuosité qui commence au moment où John Mohune entre dans le manoir de ses ancêtres, traverse le jardin envahi par les herbes et arrive derrière la fenêtre grillagée par laquelle il voit cette danse gitane plastiquement superbe. Les scènes d’action sont également remarquablement réalisées, témoin ce duel inoubliable à la hallebarde et à l’épée. Le tout enveloppée par la perfection formelle habituelle des films de studio de la MGM que ce soit dans la somptuosité des costumes et des décors (la lande est celle déjà utilisée par Minnelli dans Brigadoon), et par l’un des plus beaux scores de Miklos Rosza, à la fois empreint de romantisme et de nostalgie funèbre. Le casting est irréprochable faisant se côtoyer autour de Stewart Granger, le jeune Jon Whiteley très sobre, la belle Viveca Lindfors, la pulpeuse Joan Greenwood et le talentueux George Sanders, toujours aussi à l’aise dans ses interprétations de personnages totalement mauvais.

Image

Fritz Lang étant un homme sérieux et somme toute assez austère, amateurs de films d’aventures et de cape et d’épée remuants et vigoureux, sachez que ce film est totalement dénué de la verve d’un Raoul Walsh, de l’éclat chatoyant d’un Richard Thorpe ou de la vivacité et de l’humour d’un George Sidney. Pourtant ce chef d’œuvre du film de studio est une perle inquiétante qui n’a pas fini de hanter nos esprits que nous soyons enfant ou adulte.

Image

Bonus critique : extrait de "Regards sur le cinéma américain" de Patrick Brion (2001) : "De tous les films hollywoodiens de Fritz Lang, Moonfleet est l’un des plus purs, une sublime confrontation entre les thèmes germaniques des premières œuvres du cinéaste et l’atmosphère des romans d’aventures anglo-saxons, entre les exigences et les obsessions du réalisateur incorruptible et hautain et la perfection plastique de la Metro Goldwin Mayer"
Avatar de l’utilisateur
Ouf Je Respire
Charles Foster Kane
Messages : 25906
Inscription : 15 avr. 03, 14:22
Localisation : Forêt d'Orléans

Message par Ouf Je Respire »

1987: ma ptite soeur était née.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Image
« Toutes choses sont dites déjà ; mais comme personne n’écoute, il faut toujours recommencer. » André Gide
Avatar de l’utilisateur
Beule
Réalisateur de seconde équipe
Messages : 5742
Inscription : 12 avr. 03, 22:11

Message par Beule »

Joshua Baskin a écrit :J'entrai en CE1 en 1987.
:roll: C'est là que je prends brutalement conscience de mon grand âge. J'imagine donc que ce n'est pas pour toi l'année de ta première coucherie Joshua :lol:
Image
Avatar de l’utilisateur
Roy Neary
Once upon a time...
Messages : 51384
Inscription : 12 avr. 03, 01:42
Liste DVD

Message par Roy Neary »

Beule a écrit :J'imagine donc que ce n'est pas pour toi l'année de ta première coucherie Joshua :lol:
Ne conclues pas trop vite : Sergius n'a pas précisé avec qui il avait couché pour sa première fois. :idea:
Image
Avatar de l’utilisateur
Zelda Zonk
Amnésique antérograde
Messages : 14748
Inscription : 30 mai 03, 10:55
Localisation : Au 7e ciel du 7e art

Message par Zelda Zonk »

1987 :
- Bac de français.
Sujet : La description de la guerre dans Candide de Voltaire
Note : 13/20 8)

- Aulas prend la présidence de l'OL (c'est ça, traitez-moi de malade :P )

- Memento ne connaît pas encore grand chose au cinéma, mais il a bien aimé 'Les ailes du désir' de Wenders, prix de la mise en scène à Cannes cette année là.
Sergius Karamzin
Invité
Messages : 5977
Inscription : 14 avr. 03, 11:54

Message par Sergius Karamzin »

Ouf, désolé pour ta soeur. Si j'avais su, j'aurais mis un préservatif !
Philip Marlowe
murder on the dance floor
Messages : 7287
Inscription : 13 avr. 03, 18:33
Localisation : Bonne question...

Message par Philip Marlowe »

1987: Je suis né 8)
Sergius Karamzin
Invité
Messages : 5977
Inscription : 14 avr. 03, 11:54

Message par Sergius Karamzin »

SCOOP énorme :

On vient d'apprendre que Philip Marlowe est la soeur de Ouf je respire... et ma fille !
Répondre