La nuit du Carrefour (Jean Renoir - 1932)
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La nuit du Carrefour (Jean Renoir - 1932)
Lancé depuis deux jours dans une rétrospective-maison des œuvres de Jean Renoir, j'ai revu hier soir un de ses films les plus étranges, le mystérieux "La nuit du carrefour".
Il s'agit de la première adaptation cinématographique d'un roman de Simenon et, donc, de la première apparition sur les écrans du célèbre Jules Maigret. Ici, le commissaire est incarné avec une inquiétante nonchalance par le frère du cinéaste, Pierre Renoir, qui confère à son personnage une ambiguïté presque malsaine, qui ne sera que très rarement reprise par ses nombreux autres interprètes. L'action se déroule quasi-essentiellement dans un village brumeux (à l'exception de quelques séquences situées Quai des Orfèvres), dont ne voit quasiment que des intérieurs déprimants et qu'une route qui se perd dans la nuit ou le brouillard. Si l'intrigue policière est rapidement incompréhensible (il manquerait deux bobines au film, suite à une négligence d'un assistant ), le film frappe pour son climat oppressant, qui m'a évoqué par moment l'ambiance de certains films de Lynch. Comme toujours chez Renoir, l'arrière-plan et la musique ont un rôle primordial dans le récit. Sauf qu'ici, les silhouettes lointaines sont des ombres menaçantes, les fenêtres ouvrent sur des figures de cauchemar. Contrairement à "La Chienne", où Renoir semble avoir de la compassion pour tous ses personnages, innocents ou coupables mais toujours humains, "La nuit du carrefour" nous plonge dans un monde totalement corrompu (la conclusion donne à penser que presque tous les personnages sont responsables des meurtres, y compris Maigret).
Bref, malgré sa narration bancale (volontairement ou non), ce film est passionnant à plus d'un titre. D'une part parce qu'il tranche radicalement avec les Maigret suivants (du moins, avec ceux que j'ai vu. Peut-être en connaissez-vous qui se reprochent de cette vision "obscure" du personnage ?). D'autre part, parce qu'il permet de découvrir un aspect plus tourmenté, plus désenchantée aussi, de l'œuvre foisonnante de Renoir. En somme, je vous conseille de le voir ou de le revoir, si vous en avez l'occasion... Et je serais heureux de savoir ce qu'en pensent ceux qui s'en souviennent
Il s'agit de la première adaptation cinématographique d'un roman de Simenon et, donc, de la première apparition sur les écrans du célèbre Jules Maigret. Ici, le commissaire est incarné avec une inquiétante nonchalance par le frère du cinéaste, Pierre Renoir, qui confère à son personnage une ambiguïté presque malsaine, qui ne sera que très rarement reprise par ses nombreux autres interprètes. L'action se déroule quasi-essentiellement dans un village brumeux (à l'exception de quelques séquences situées Quai des Orfèvres), dont ne voit quasiment que des intérieurs déprimants et qu'une route qui se perd dans la nuit ou le brouillard. Si l'intrigue policière est rapidement incompréhensible (il manquerait deux bobines au film, suite à une négligence d'un assistant ), le film frappe pour son climat oppressant, qui m'a évoqué par moment l'ambiance de certains films de Lynch. Comme toujours chez Renoir, l'arrière-plan et la musique ont un rôle primordial dans le récit. Sauf qu'ici, les silhouettes lointaines sont des ombres menaçantes, les fenêtres ouvrent sur des figures de cauchemar. Contrairement à "La Chienne", où Renoir semble avoir de la compassion pour tous ses personnages, innocents ou coupables mais toujours humains, "La nuit du carrefour" nous plonge dans un monde totalement corrompu (la conclusion donne à penser que presque tous les personnages sont responsables des meurtres, y compris Maigret).
Bref, malgré sa narration bancale (volontairement ou non), ce film est passionnant à plus d'un titre. D'une part parce qu'il tranche radicalement avec les Maigret suivants (du moins, avec ceux que j'ai vu. Peut-être en connaissez-vous qui se reprochent de cette vision "obscure" du personnage ?). D'autre part, parce qu'il permet de découvrir un aspect plus tourmenté, plus désenchantée aussi, de l'œuvre foisonnante de Renoir. En somme, je vous conseille de le voir ou de le revoir, si vous en avez l'occasion... Et je serais heureux de savoir ce qu'en pensent ceux qui s'en souviennent
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Vraiment la meilleure ? Et ses Maigret à lui, t'en fais quoi ?Simone Choule a écrit :Oui et de plus cette adaptation magistrale est tout simplement la meilleure adaption de Maigret tout court !Jeremy Fox a écrit :Pas vu cependant, le roman (l'un des premiers de Simenon) est certainement le meilleur Maigret de son oeuvre.
En tant qu'adorateur de Simenon, mon Renoir préféré...
Bon, je vais pas commencer à pourrir mon propre topic
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Et que dire de ceux avec Jean Gabin !!!Jean Hartog a écrit :Vraiment la meilleure ? Et ses Maigret à lui, t'en fais quoi ?Simone Choule a écrit :
Oui et de plus cette adaptation magistrale est tout simplement la meilleure adaption de Maigret tout court !
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Le seul "Maigret d'action" des Maigret de Simenon Il n'y a pas à dire, la première période de l'écrivain (années 30) est de loin la meilleure à mon avis.Simone Choule a écrit :Oui et de plus cette adaptation magistrale est tout simplement la meilleure adaption de Maigret tout court !Jeremy Fox a écrit :Pas vu cependant, le roman (l'un des premiers de Simenon) est certainement le meilleur Maigret de son oeuvre.
En tant qu'adorateur de Simenon, mon Renoir préféré...
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Pris en tant que tels, je ne les déteste pas. Mais n'ayant pas lu Simenon, je n'ai pas vu dans quelle mesure ils trahissent l'esprit des romans.Simone Choule a écrit : Et que dire de ceux avec Jean Gabin !!!
Mais puisque tu considères que le Renoir est le plus fidèle, ça me donne quand même une idée
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Oui mais attention, "La nuit du carrefour" est un Maigret à part dans l'oeuvre de Simenon comme je le dis plus haut, moins pantouflard, plus film noir américainJean Hartog a écrit :Pris en tant que tels, je ne les déteste pas. Mais n'ayant pas lu Simenon, je n'ai pas vu dans quelle mesure ils trahissent l'esprit des romans.Simone Choule a écrit : Et que dire de ceux avec Jean Gabin !!!
Mais puisque tu considères que le Renoir est le plus fidèle, ça me donne quand même une idée
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Le Maigret le plus proche de l'esprit Simenon, reste pour moi Harry Baur dans La tête d'un homme: empathie et lucidité sociale compensée par une détermination lasse et presque mécanique, prégnance d'un univers aux stigmates sociaux très suggérés. Superbe.
Le pire? Albert Préjean
Mais il faudrait que je revoie cette nuit du carrefour qui m'avait laissé un goût d'inachevé, un peu trop expérimental.
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Mais il faudrait que je revoie cette nuit du carrefour qui m'avait laissé un goût d'inachevé, un peu trop expérimental.
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OuiLeopold Saroyan a écrit :Tu donnes envie Jean, je ne l'ai malheureusement jamais vu.
En parlant de rene Chateau, ils viennent d'éditer un peu incognito "Les Bas-Fonds", mon film préféré du réalisateur. Quelqu'un l'a?
Le DVD est très correct. Il n'y a clairement pas eu de restauration, mais les constrastes sont bons et la compression honorable. Ca tremblotte parfois, mais c'est quand même très bon.
A cette époque (1932, l'année du film), l'expressionnisme allemand était encore très présent dans les esprits et son influence esthétique contaminait le cinéma mondial. Le développement plus ou moins récent du cinéma parlant, avec ses contraintes physiques qui limitaient la mobilité de la caméra, avait aussi comme conséquence d'accorder plus d'importance à la composition du cadre qu'aux mouvements.
Voila sans doute des raisons parmi d'autres qui font que La nuit du carrefour possède ce raffinement visuel et son esthétisme oppressant.
Voila sans doute des raisons parmi d'autres qui font que La nuit du carrefour possède ce raffinement visuel et son esthétisme oppressant.
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L'expressionisme semble en effet avoir fortement influencé les choix artistiques du film. La maison des deux suspects étrangers, chez qui Maigret commence son enquête, avec son fatras d'objets étranges, ses pièces délabrées et son étrange géométrie, évoque très clairement ce "courant" esthétique.Roy Neary a écrit :A cette époque (1932, l'année du film), l'expressionnisme allemand était encore très présent dans les esprits et son influence esthétique contaminait le cinéma mondial. Le développement plus ou moins récent du cinéma parlant, avec ses contraintes physiques qui limitaient la mobilité de la caméra, avait aussi comme conséquence d'accorder plus d'importance à la composition du cadre qu'aux mouvements.
Voila sans doute des raisons parmi d'autres qui font que La nuit du carrefour possède ce raffinement visuel et son esthétisme oppressant.
Quant aux contraintes techniques que tu évoques, elles ont sans doute leur importance dans le choix des partis pris visuels. Mais il est frappant de voir qu'à l'exception d'une poursuite en voiture, filmée en un furieux travelling avant, le film est résolument plus statique que "La chienne", qui lui est antérieur. Dans "La chienne", le mouvement a pour fonction d'embrasser la vie, d'accompagner les élans de ses personnages et de décrire le monde qui les entoure. Il permet aussi de percevoir les choix moraux du cinéaste.
Dans "La nuit du carrefour", les rares mouvements traduisent une furie, un monde qui court à sa perte. Il n'ont plus la fonction "positive" qu'ils avaient dans "La chienne". De plus, ils accentuent la tonalité résolument statique de l'ensemble de la mise en scène, qui nous donne à voir un monde figé, sans espoir et sans horizon. Ce qui me donne à penser qu'au delà de la contrainte technique, cette mobilité limitée est délibérée.