L'homme au bras d'or (Otto Preminger - 1955)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Cathy
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Re: L'homme au bras d'or (Otto Preminger - 1955)

Message par Cathy »

L'homme au bras d'or, The man with golden Arm (1955)

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Frankie machine sort de prison, mais aussi de cure de désintoxication. Il veut repartir du bon pied, et devenir batteur professionnel, mais son passé resurgit que ce soit à travers sa femme, paralysée suite à une accident de voiture, ses anciens complices de jeu qui le reprennent sous sa coupe. Il ne met pas longtemps à retomber dans le cercle de la drogue.

Il fallait oser à l'époque sortir un tel film, et Preminger l'a fait. En effet mettre en vedette un héros qui est drogué et se shoote ouvertement devant la caméra, voila des images fortes que l'on ne peut pas oublier, comme ce gros plan de Frankie Machine en prison qui voit la crise de manque que fait un co-détenu et se met à pleurer derrière les barreaux ou naturellement ce film où on assiste à la piqure d'héroïne dont on ne verra pas vraiment les effets sur le héros. Il y a aussi cette scène de manque terrible même si elle est très cinématographique (un peu comme dans le Poison - on a l'impression que finalement c'est simple de sortir de ses addictions) Mais bon l'évocation de ces addictions à cette époque est quand même assez incroyable et forte pour mettre de côté l'à peu-près de cette scène.
Le film est d'une force incroyable avec cette musique qui rythme chaque shoot que se fait le héros. On retrouve la modernité du jazz dans le thème qu'Elmer Bernstein a signé pour le film. Et comme dans Autopsie d'un crime ou Bunny Lake on trouve cette recherche visuelle dès le générique avec ces bandes noires déchirées petit à petit et qui finissent par évoquer la silhouette d'un bras, d'un corps, ou d'une enfant.

On comprend à travers la vie du personnage comment il est devenu addict, partagé entre sa femme Zosh qu'il croit paralysée suite à un acccident de voiture et qu'il a épousée par pitié, et Molly une employée de night club qu'il aime visiblement et qui l'aime en retour, mais aussi sa faiblesse devant ce milieu du jeu qui le tient par l'argent et la drogue et lui impose d'être le "dealer" de cartes. Il y a l'opposition entre Zosh qui fait tout pour le retenir et la maintenir dans cette vie basée sur le jeu et la drogue et Molly qui bien que travaillant dans le même milieu cherche au contraire à le faire évoluer et à le faire rebondir et sortir de cette vie épouvantable. On comprend aisément en voyant ce film pourquoi il a créé le scandale, il faut dire en plus que la prestation de Frank Sinatra est époustouflante dans le rôle de ce pauvre type qui n'a pour ami qu'un escroc de bas étage et surtout Molly qui est incarné par Kim Novak magnifique dans ce rôle, sans doute sa plus belle prestation avec Vertigo. Il y a aussi Eleonor Parker qui en fait des tonnes en jeune femme "paralysée" mais cela passe admirablement. Et puis il y a cette manière de filmer unique avec cette profondeur de champ derrière des gros plans magistraux des héros, comme dans Autopsie d'un meurtre cinq ans plus tard, on voit tous les regards que lance Molly à Frankie dans son dos dans la scène du bar.

Otto Preminger signe ici un chef d'oeuvre de réalisme, et de cinéma aussi avec cette manière unique de filmer d'enrichir chaque scène de mille détails. Bref une autre énorme découverte après celle d'Autopsie d'un crime, et bien plus forte, car la critique de la justice était un exercice plus courant que cette évocation de la drogue. La force du film est aussi sans doute de rendre le héros drogué sympathique et de compatir à sa descente aux enfers comme dans Lost Weekend avec Ray Milland et contrairement au Day of Wine and Rose où le héros ne suscite aucune empathie.
Jihl
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Re: L'homme au bras d'or (Otto Preminger - 1955)

Message par Jihl »

Pour moi, le meilleur Preminger de son début de carrière avec Laura et peut-être bien mon Preminger favori all times avec Autopsie d'un meurtre.
Très grand film, extrêmement moderne dans le fond et la forme, avec sa galerie de tox, de putes et d'escrocs, de dealers et de looser, de malades, de laissés pour compte.
Tout est annoncé dès une fantastique scène d'ouverture où un alcoolique est prêt à tout pour qu'on lui paye un verre.
Le film dans son ton évoque le cinéma de Fuller, de Brooks, voir L'Arnaqueur de Rossen.
Mais la maestria de Preminger, son savoir-faire du cinéma de studio, la qualité de sa direction d'acteurs, ses audaces scénaristiques (pas d'accord avec ce qu'écrit Sybille au dessus) font pour moi de ce film, un film remarquable au sens propre, qui mériterait une belle édition HD. 9/10
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Supfiction
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Re: L'homme au bras d'or (Otto Preminger - 1955)

Message par Supfiction »



Génial interview post teaser à 1’22’’ dans lequel on voit Sinatra imiter Preminger puis ce dernier defendre le film contre la censure menaçant la sortie du film.
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