Andrei Roublev (Andrei Tarkovski - 1966)
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Re: Andrei Roublev
Spoilers
J'ai vu le film Andreï Roublev : on peut parler d'une expérience. Après avoir parcouru vos commentaires de loin pour ne pas spoilier ma séance, je savais que je m'attaquais à un monument du cinéma mais pas à un monde... (Strum !)
D'abord la séquence d'introduction qui nous lance sur une fausse piste. Il n'y a pas de rapport avec le reste de l'œuvre puisqu'on ne retrouve pas de pilote de montgolfière dans le reste de l'histoire. C'est étrange et cela créé une sorte d'attente qui dure tout le film mais non, il n'y aura pas de recoupement.
Si bien que quand le personnage principal apparaît, on est un peu déçu. Il n'a rien d'un aventurier ce moine ; il ne risque pas de s'envoler dans un ballon.
Sans le moins du monde m'en gâcher le plaisir, il y a quelques moments que je n'ai pas compris. Ils nécessiteront une re vision ultérieure après une première période de digestion.
Qui se fait attaquer dans la forêt et percer les yeux et surtout pourquoi ce châtiment ?
Je ne suis pas arrivé à distinguer avec précision les deux princes ?
Pourquoi Roublev prend t-il tellement son geste au tragique, il ne fait que sauver une femme d'une mort sans doute affreuse ?
Surtout si l'on considère la sanction qu'il s'inflige par la suite, ne plus peindre.
La deuxième partie avec l'histoire de la fabrication de la cloche m'a passionné. Le récit m'est apparu plus linéaire et l'émotion plus palpable, jusqu'au revirement de Roublev... la magie opère, les images se sont gravées dans mon esprit et je crois qu'elles ne me quitteront plus.
J'ai vu le film Andreï Roublev : on peut parler d'une expérience. Après avoir parcouru vos commentaires de loin pour ne pas spoilier ma séance, je savais que je m'attaquais à un monument du cinéma mais pas à un monde... (Strum !)
D'abord la séquence d'introduction qui nous lance sur une fausse piste. Il n'y a pas de rapport avec le reste de l'œuvre puisqu'on ne retrouve pas de pilote de montgolfière dans le reste de l'histoire. C'est étrange et cela créé une sorte d'attente qui dure tout le film mais non, il n'y aura pas de recoupement.
Si bien que quand le personnage principal apparaît, on est un peu déçu. Il n'a rien d'un aventurier ce moine ; il ne risque pas de s'envoler dans un ballon.
Sans le moins du monde m'en gâcher le plaisir, il y a quelques moments que je n'ai pas compris. Ils nécessiteront une re vision ultérieure après une première période de digestion.
Qui se fait attaquer dans la forêt et percer les yeux et surtout pourquoi ce châtiment ?
Je ne suis pas arrivé à distinguer avec précision les deux princes ?
Pourquoi Roublev prend t-il tellement son geste au tragique, il ne fait que sauver une femme d'une mort sans doute affreuse ?
Surtout si l'on considère la sanction qu'il s'inflige par la suite, ne plus peindre.
La deuxième partie avec l'histoire de la fabrication de la cloche m'a passionné. Le récit m'est apparu plus linéaire et l'émotion plus palpable, jusqu'au revirement de Roublev... la magie opère, les images se sont gravées dans mon esprit et je crois qu'elles ne me quitteront plus.
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Re: Andrei Roublev
Oui, Roublev est un "film-monde".
C'est un film qui me fait l'effet d'avoir pris une machine à remonter le temps pour vivre le temps du film au moyen-âge russe. On voit bien que les costumes du film sont neutres et ne correspondent pas forcément à l'époque, mais on n'y prête pas attention. Tarkovski a donné une très intéressante interview à ce sujet pendant le tournage du film en 1962: " «Je ne me suis intéressé au style de l'époque qu'à un degré limité : les costumes, les décors, la langue, tout ce qui relève du détail historique ne doivent pas distraire l'attention du spectateur dans le simple but de lui faire croire que le film se passe réellement au XVe siècle russe. La neutralité des décors intérieurs, des costumes, des paysages et du langage me permettent de me concentrer uniquement sur ce qu'il y a de plus important. ». On voit ici qu'au-delà de la question des détails et de la perfection formelle d'un plan, il faut avant tout que le cinéaste reste fidèle aux thèmes d'ensemble et à l'esprit de son film. En restant en permanence soumis à un principe ordonnateur (à une vision d'ensemble) qui leur est supérieure, les détails du film qui sont de l'ordre de la représentation d'une époque (costume, décors, lumière) se fonderont dans un ensemble et trouveront alors toute leur cohérence naturellement.
Pour répondre à tes questions (Sergius ou un autre ayant vu le film plus récemment que moi complétera ou rectifiera si besoin) SPOILERS:
C'est un film qui me fait l'effet d'avoir pris une machine à remonter le temps pour vivre le temps du film au moyen-âge russe. On voit bien que les costumes du film sont neutres et ne correspondent pas forcément à l'époque, mais on n'y prête pas attention. Tarkovski a donné une très intéressante interview à ce sujet pendant le tournage du film en 1962: " «Je ne me suis intéressé au style de l'époque qu'à un degré limité : les costumes, les décors, la langue, tout ce qui relève du détail historique ne doivent pas distraire l'attention du spectateur dans le simple but de lui faire croire que le film se passe réellement au XVe siècle russe. La neutralité des décors intérieurs, des costumes, des paysages et du langage me permettent de me concentrer uniquement sur ce qu'il y a de plus important. ». On voit ici qu'au-delà de la question des détails et de la perfection formelle d'un plan, il faut avant tout que le cinéaste reste fidèle aux thèmes d'ensemble et à l'esprit de son film. En restant en permanence soumis à un principe ordonnateur (à une vision d'ensemble) qui leur est supérieure, les détails du film qui sont de l'ordre de la représentation d'une époque (costume, décors, lumière) se fonderont dans un ensemble et trouveront alors toute leur cohérence naturellement.
Pour répondre à tes questions (Sergius ou un autre ayant vu le film plus récemment que moi complétera ou rectifiera si besoin) SPOILERS:
Je pense que tu veux parler des architectes/peintres/décorateurs ayant travaillé pour le premier prince et qui partent travailler chez le second. De mémoire, le premier prince leur fait crever les yeux pour empêcher son frère de bénéficier de leur art.homerwell a écrit :Qui se fait attaquer dans la forêt et percer les yeux et surtout pourquoi ce châtiment ?
Ils sont frères et se ressemblent, par l'aspect, le geste et la haine. La ressemblance est voulue et est je pense attestée historiquement.Je ne suis pas arrivé à distinguer avec précision les deux princes ?
A mon avis, en me plaçant du point de vue chrétien de Tarkovski : La première partie du film montre Roublev découvrant le monde, ses vices, sa violence, l'imperfection radicale de chaque être, la misère des hommes, la médiocrité et la cruauté du pouvoir temporel, les pillages des tatars. Il a l'impression que Dieu à abandonné ce monde. Souviens-toi de l'extraordinaire séquence de la crucifixion scandée par la belle voix-off de Roublev : il accuse Jesus, en se faisant crucifié, d'avoir laissé les hommes dans l'obscurité et la misère. De plus en plus, il a du mal à peindre, car ce qu'il peint ne correspond pas à ce qu'il voit et peut-être aussi parce qu'il ne croit plus au pouvoir édificateur de l'art dans ces temps troublés. Puis, Roublev tue un homme : et peut-être alors se dit-il : je suis comme les autres, j'ai tué un homme, et quels qu'aient pu être mes motifs, c'est bien la preuve que mon corps est corrompu et destiné au pêché et je ne puis donc plus peindre, c'est-à-dire que je ne puis plus servir mon Dieu par l'intermédiaire de ce corps corrompu parce qu'il en sortira encore de la corruption. Bref, il perd la foi, dans sa capacité à remplacer la Loi et à sauver le corps du pêché. A la fin du film, il redécouvre que le corps humain peut aussi créer de la beauté (la Cloche du fondeur), c'est-à-dire peut aussi créer de l'amour par la beauté. Alors il recouvre l'espérance et se remet à peindre.Pourquoi Roublev prend t-il tellement son geste au tragique, il ne fait que sauver une femme d'une mort sans doute affreuse ?
Dernière modification par Strum le 10 déc. 08, 17:35, modifié 1 fois.
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Re: Andrei Roublev (Andrei Tarkovski)
Cette image de la machine à remonter le temps me fait penser que l'introduction avec l'homme volant ne se passe pas à la même époque que le reste du film.
Merci pour les réponses à mes questions
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Re: Andrei Roublev (Andrei Tarkovski)
Ce qui est également admirable dans ce film unique, c'est d'amalgamer l'art et la croyance avec une aussi évidente fluidité, tout en parsemant ce film contemplatif d'envolées lyriques, de poésie brute, d'éclairs de lucidité.
Mon film préféré de Tarkovski, une oeuvre essentielle !
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Re: Andrei Roublev (Andrei Tarkovski - 1966)
Juste comme ça pour le plaisir...
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Re: Andrei Roublev (Andrei Tarkovski - 1966)
Je poste ça ici, pour ne pas continuer le HS autre part et puis, finalement, pour avoir une réponse...
Chef d'oeuvre et film du mois pour ma part en décembre 2009.
Plusieurs sur le forum semblent être à l'aise avec une symbolique du cheval qui semble redondante dans le cinéma... Je suis intéressé d'avoir quelques éclaircissements (bien qu'il est justement dit plus tôt dans ce topic - que je suis heureux de réexhumer - qu'il n'y a pas de symbolisme chez Tarkovsky)...gnome a écrit :Mais revenons tout de même à ce plan de cheval (et à ce prologue)... Quelqu'un pourrait m'expliquer la symbolique qui je dois bien l'avouer me passe un peu par dessus la tête...
Chef d'oeuvre et film du mois pour ma part en décembre 2009.
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Re: Andrei Roublev (Andrei Tarkovski - 1966)
Rapidement :gnome a écrit :Plusieurs sur le forum semblent être à l'aise avec une symbolique du cheval qui semble redondante dans le cinéma... Je suis intéressé d'avoir quelques éclaircissements (bien qu'il est justement dit plus tôt dans ce topic - que je suis heureux de réexhumer - qu'il n'y a pas de symbolisme chez Tarkovsky)...
Disons que si l'on veut être précis, le terme de symbole n'est effectivement pas très heureux pour parler de Tarkovski puisque pour lui les images doivent incarner le visible. Elles sont faites pour être vues et émouvoir. Elles portent en elle une "vérité intérieure", mais elles incarnent aussi par leur forme la vérité puisque l'homme vit dans le monde visible. Alors que le "symbole" pris dans son sens le plus commun, c'est ce qui renvoi à quelque chose d'extérieur au visible tel qu'il est figuré dans le symbole, à une autre vérité, qui plus est souvent abstraite. Dès lors, on ne regarde pas un symbole, mais on pense à ce qu'il représente. Ce n'est pas la démarche de Tarkovski, qui veut que l'on regarde.
Ainsi de ses plans du cheval souffrant. En schématisant : Tarkovski aime les chevaux. Pour lui, montrer un cheval souffrant, c'est montrer une souffrance particulièrement difficile à supporter. L'image incarne la souffrance. Evidemment, le cheval souffrant est aussi une façon de montrer la souffrance dans le monde, et donc de montrer la souffrance des hommes. C'est pourquoi le cheval souffrant fait penser aussi à la souffrance des hommes, mais sans que la souffrance des hommes efface la souffrance du cheval. Il serait donc plus juste de dire que le cheval est une métaphore et une incarnation, plutôt que de dire qu'il est un symbole (même si à titre personnel, le terme symbole pour parler du cheval ne me choque pas vraiment et peut être approprié si l'on précise le sens qu'on veut lui donner étant donné l'association symbolique existant entre l'homme et le cheval dans les récits anciens). Ce qui est sûr, c'est que Tarko n'aimait pas la démarche des poètes symbolistes du 19e siècle, qui tendait vers l'art abstrait (mais eux-même avaient restreint terriblement la signification du mot symbole et l'avaient asservi à leurs intentions).
En outre, l'homme et le cheval appartiennent à la terre tous les deux, et c'est sur la terre, au milieu d'autres hommes et chevaux, qu'ils doivent trouver leur salut (et non dans les airs, en voulant sortir du monde des hommes, comme le montre le prologue du moine qui s'envole en ballon pour ensuite s'écraser (comme le cheval tombant). On revient toujours à la terre ). Dans le film, Andrei finit par accepter le monde plein de boue (et d'eau) tel qu'il est, et finit par s'accepter lui-même avec tous ses défauts, toutes ses faiblesse, toutes ses tares, vivant parmi les hommes sur la terre. D'où tous ces plans de terre et d'eau des films de Tarko (qui signifient aussi le fait que l'homme est fait de glaise et est donc malléable ; peut être corrompu mais peut aussi se laver). En gros, voilà (je dis en gros parce que je n'ai pas le Temps Scellé sous la main, ni Andrei Roublev, ni le temps d'y passer plus de temps), j'espère que cela répond à ta question.
PS : Merci homerwell pour ces belles captures !
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Re: Andrei Roublev (Andrei Tarkovski - 1966)
Oui, oui, tout à fait... Merci...
Et je suis tout à fait ton raisonnement concernant le prologue quand tu dis :
Et je suis tout à fait ton raisonnement concernant le prologue quand tu dis :
Je n'avais juste pas bien saisi la raison de la présence du cheval... Tout comme les chevaux à la fin d'ailleurs...En outre, l'homme et le cheval appartiennent à la terre tous les deux, et c'est sur la terre, au milieu d'autres hommes et chevaux, qu'ils doivent trouver leur salut (et non dans les airs, en voulant sortir du monde des hommes, comme le montre le prologue du moine qui s'envole en ballon pour ensuite s'écraser (comme le cheval tombant).
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Re: Andrei Roublev (Andrei Tarkovski - 1966)
De toute façon, Le Temps Scellé est une lecture obligatoire... pour amateur de Tarkovski comme pour tout amateur de cinéma en général, d'ailleurs !
- gnome
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Re: Andrei Roublev (Andrei Tarkovski - 1966)
Je n'en doute aucunement...Gounou a écrit :De toute façon, Le Temps Scellé est une lecture obligatoire... pour amateur de Tarkovski comme pour tout amateur de cinéma en général, d'ailleurs !
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Re: Andrei Roublev (Andrei Tarkovski - 1966)
Il serait peut-être temps que je tienne ma promesse faite à Père Jules...
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Re: Andrei Roublev (Andrei Tarkovski - 1966)
Demi-Lune a écrit :Il serait peut-être temps que je tienne ma promesse faite à Père Jules...
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Re: Andrei Roublev (Andrei Tarkovski - 1966)
Et n'oublie pas d'évoquer Ghost in the shell si tu en as l'occasion auparavant de te lancer dans l'entreprise de décortiquer un film plus que monumental comme l'est le Tarkovski.Père Jules a écrit :Demi-Lune a écrit :Il serait peut-être temps que je tienne ma promesse faite à Père Jules...
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Re: Andrei Roublev (Andrei Tarkovski - 1966)
Je ne sais pas si Tarkovski aimait le tennis, sport qui commença à devenir populaire en URSS l'année de sa disparition...
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The difference between life and the movies is that a script has to make sense, and life doesn't.
Joseph L. Mankiewicz
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