Fred Astaire (1899-1987)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Supfiction
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Fred Astaire (1899-1987)

Message par Supfiction »

Je découvre qu'il n'y a même pas de topic Fred Astaire. Celui-ci pourrait faire l'affaire..

Il y a 5 jours, c'était son 120ème anniversaire, l'occasion de ressortir des photos de son 77ème :

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Jeremy Fox
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Re: Fred Astaire (1899-1987)

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The Story of Irene and Vernon Castle - La Grande Farandole (1939) de H.C. Potter RKO

Seulement six ans après le très agréable Carioca (Flying Down to Rio), le couple qui fit les beaux jours de la RKO et des spectateurs du monde entier décide de s’arrêter, chacun des deux souhaitant désormais voler de ses propres ailes. La Grande farandole marque donc la fin de cette remarquable collaboration avant que le couple ne fasse, dix ans après, un ultime come-back en Technicolor pour la MGM dans le très moyen Entrons dans la danse (The Barkleys of Broadway). En 1939, le public commençait à se lasser des comédies musicales et The Story of Vernon and Irene Castle en pâtit ; ce sera le plus gros échec des neufs films du duo Astaire/Rogers pour le studio RKO. De plus, les fans ne supportaient pas l’idée de devoir assister à la mort de Fred Astaire à l’écran, ce qui ne lui était encore jamais arrivé. Car en effet, le film est un biopic narrant l’histoire vraie d’un célèbre couple de danseurs du début du 20ème siècle ayant ‘sévi’ à Paris tout en lançant quelques modes non seulement dans la danse mais aussi vestimentaires et autres ; tout le monde était donc déjà au courant que Vernon Castle s’était tué accidentellement lors d’une démonstration aérienne après s’être engagé dans l’armée lors de la Première Guerre Mondiale et que le film allait probablement se conclure sur son décès. Dès 1936, la RKO avait mis la main sur les mémoires d’Irene Castle avec l’idée bien arrêtée d’en faire un véhicule pour ses deux poulains. La danseuse s’était toujours opposée à ce que Ginger Rogers l’incarne à l’écran mais les producteurs réussirent à lui faire penser à autre chose en l’évinçant discrètement des plateaux de tournage ; bien leur en a pris puisque l’actrice prouvait une nouvelle fois à cette occasion qu’elle n’était pas seulement une formidable danseuse mais aussi une comédienne géniale arrivant dans la même minute à nous faire rire et pleurer. Fred Astaire, moins cabotin qu’à l’habitude (rôle oblige), même s’il est un acteur au registre moins varié que sa partenaire, se révélait à nouveau à la hauteur et le duo fonctionnait à merveille. Irene Castle, qui avait tourné une vingtaine de films muets entre 1915 et 1924, avait interprété son propre rôle dans l’un d’entre eux aux côtés de son époux. Racontant déjà leur carrière, de nombreux éléments de ce film furent repris pour écrire le script de la présente version.

Il faut savoir que La Grande farandole diffère beaucoup des huit précédents films de la collaboration Astaire/Rogers, une des autres raisons pour laquelle les amateurs ne suivirent pas leurs idoles sur cette nouvelle voie. Fini le style ‘téléphone blanc’ d’où l'absence de décors art-déco (mais néanmoins des intérieurs et extérieurs très bien photographiés) ; fini les quiproquos mais une solide histoire bien charpentée ; fini les seconds rôles ‘clownesques’ même si les formidables Walter Brennan et Edna May Olivier se révèlent souvent très amusants ; fini les chorégraphies sophistiquées mais à la place de simples (et néanmoins admirables) danses de salon ; quasiement fini les chansons (excepté la superbe ‘Only when You’re in my Arms’ de Kalmar et Ruby) mais presque uniquement de la danse. Mais le plus grand changement provient des relations entre les deux personnages principaux qui ne sont plus forcément basées sur le sarcasme à la ‘Screwball’, le couple se ‘haïssant’ pendant tout le film pour mieux tomber dans les bras l’un de l’autre au final, mais sur une complicité et une tendresse inédite qui hausse le film vers quelques beaux pics d’émotion. En une petite heure et demie, H.C. Potter (surtout connu pour avoir réalisé le cultissime Hellzapoppin) nous livre un biopic sans prétention mais extrêmement bien enlevé (le réalisateur jouant de l’ellipse avec talent), correctement réalisé (avec de superbes idées de mises en scène comme ce plan d'ensemble très éloigné en contre plongée filmant les danseurs évoluer sur une carte géante des USA pour nous montrer leur parcours sur le continent) et oh combien charmant ! Plus de la moitié du film est consacré à la rencontre de ces deux ‘cabotins’ rêvant de danser, de leur coup de foudre mutuel (séquence de la demande en mariage à la fois drôle et touchante), de leurs galères avant de trouver le succès grâce à un ‘mécène’ féminin joué à merveille par Edna May Olivier (superbe la même année dans Sur la piste des Mohawks de John Ford) dans son rôle bien rôdée de femme acariâtre au grand cœur. Les dernières vingt minutes seront consacrées à l’entrée en guerre de l’Angleterre et aux conséquences qu’elle aura pour le couple. Au final, un film que l’on pourrait qualifier de plutôt routinier mais que le manque de prétention ne rend jamais indigeste et qui se révèle au contraire constamment plaisant grâce aussi aux séquences musicales toujours aussi délicieuses de par le génie de nos deux danseurs émérites, jamais ennuyeux grâce à un scénario bien écrit et qui file à 100 à l’heure ; même si Tavernier et Coursodon sont impitoyables avec lui, il est néanmoins permis de le préférer aux plus réputés Top Hat, Swing Time ou autres Shall we Dance. Une délicieuse comédie musicale !
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Jeremy Fox
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La Belle de Moscou (Silk Stockings, 1957) de Rouben Mamoulian MGM

A Paris, le réalisateur hollywoodien Steve Canfield (Fred Astaire) décide d’embaucher Boroff, musicien russe, pour écrire la musique de son prochain film, une adaptation musicale du ‘Guerre et paix’ de Tolstoï). Cependant, les autorités soviétiques pensent qu’il est grand temps pour ce dernier de rentrer au pays, un trop long côtoiement avec la société capitaliste risquant de laisser des marques indélébiles. Elles envoient pour le ramener trois commissaires prêts à tout pour mener à bien leurs missions. Succombant au charme du mode de vie occidental, ils pensent à devenir à leur tour des ‘dissidents’. La jeune mais rigide Nina Yoshenko (Cyd Charisse), Ninotchka pour les ‘camarades’, est dépêchée pour rapatrier tout ce petit monde à Moscou (voire en Sibérie s’ils contestent)…

Version musicale du Ninotchka de Lubitsch, La belle de Moscou est aussi le dernier film de Rouben Mamoulian et marque également la dernière apparition de Fred Astaire dans une comédie musicale avant La vallée du bonheur (Finian’s Rainbow) de Francis Ford Coppola à la fin des années 60. L’acteur-chanteur-danseur est parfait dans ces trois fonctions et reforme avec le même bonheur un couple très convaincant avec Cyd Charisse qui trouve peut-être ici l’un de ses meilleurs rôles (avec ceux dans Brigadoon et Party Girl). Dès qu’ils se retrouvent tous les deux et surtout lorsqu'ils se mettent à danser, c’est à nouveau un véritable enchantement ; les numéros ‘All of You’, ‘Fated to be Mated’ et ‘Paris Love Lovers’ sont ainsi de véritables petites bulles de champagne. Mais la séquence la plus marquante et qui mérite à elle seule la vision du film est le déshabillage et rhabillage de Cyd Charisse dans sa chambre d’hôtel ; instant de grâce et de bonheur non dénué d'un puissant potentiel érotique.

"Je disposais des deux meilleurs danseurs du monde et ce qui me passionna fut de donner à la danse une importance plus grande qu'à l'action proprement dite (...). La progression psychologique et dramatique n'existait que dans les ballets. C'est en dansant que les personnages prenaient conscience de telle ou telle chose et les ballets n'étaient pas du tout conçus comme des moments de simple spectacle" disait la réalisateur lors d’un entretien donné à Jean Douchet et Bertrand tavernier pour Positif. La vision du film nous le confirme mais c’est aussi là que le bât blesse car les séquences non musicales paraissent du coup ternes et l’entrain exagérément forcé. Nous ne retrouvons ainsi qu’à de trop rares instants le charme et la magie de la plupart des comédies musicales de l’âge d’or de la MGM produites par Arthur Freed ; faute sans doute à un scénario sans consistance et parfois indigeste ; ce n’est pas tant l’amusant anticommunisme primaire du film qui se révèle gênant mais les scénaristes de Lubitsch avaient trouvé des voies plus fines et plus drôles pour faire passer la pilule. Au final, un film inégal à l’image de la mise en scène de Mamoulian ; alors que le cinéaste arrive à nous rendre quelques séquences musicales franchement aériennes, à côté de ça, on le sent parfois indécis et en fin de compte bloqué quant à la façon de mener et d’en filmer d’autres. Tour à tour inspiré (la première séquence filmant uniquement les pieds de Fred Astaire) ou engoncé, le spectateur ressent à peu près la même chose mais sort néanmoins de la séance le sourire aux lèvres grâce au couple vedette et à la partition entrainante et très réussie de Cole Porter.
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Re: Fred Astaire (1899-1987)

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Papa Longues Jambes (Daddy Long Legs, 1955) de Jean Negulesco

Après avoir valsé dans les bras de Gene Kelly (Un Américain à Paris) et de Mel Ferrer (Lili) et avant de tomber dans ceux de Louis Jourdan (Gigi), Leslie Caron était passée aussi par ceux de Fred Astaire dans ce Papa Longues Jambes qui, contrairement à sa réputation peu flatteuse, ne démérite pas aux côtés de ces titres prestigieux et s’avère au contraire une comédie musicale tendre et exquise qui n’a rien à envier aux productions d’Arthur Freed. En effet, il s’agit du seul film que Fred Astaire a tourné pour le studio le plus concurrentiel de la MGM dans le domaine du ‘Musical’, à savoir la 20th Century Fox.

L’histoire est celle de Preston Jarvis (Fred Astaire), un riche homme d’affaire américain qui, au cours d’un voyage à Paris, tombe sous le charme de Julie (Leslie Caron), une orpheline qu’il aperçoit de loin ; il souhaite l’adopter mais un ambassadeur de ses amis lui fait comprendre que la bienséance risquerait d’être mise à mal et que les ragots iraient alors bon train. L’idée lui vient alors de devenir son bienfaiteur sans jamais se faire connaître. Le tuteur anonyme inscrit donc Julie dans une université qu’il finance. Pour le remercier de ses bienfaits, elle lui envoie une lettre hebdomadaire qui reste toujours sans réponses. Ce silence la chagrine fortement mais ne l’empêche pas de tomber amoureuse de ce mystérieux ‘Daddy Long Legs’. La secrétaire de ce dernier, émue par les sentiments de la jeune fille, va tout faire pour les faire se rencontrer…

C’est la quatrième adaptation cinématographique d’un roman semble-t-il à l’eau de rose de Jean Webster dont Darryl F. Zanuck rêvait depuis le début de la décennie de transposer en comédie musicale. Il soumit l’idée à Fred Astaire au moment où son contrat avec le MGM arrivait à expiration. Bien lui en a prit et l’on peut d’ailleurs se demander pourquoi ce film enchanteur n’a pas plus la cote d’autant que Jean Negulesco et ses scénaristes ont évité de sombrer dans la mièvrerie qui les attendait au tournant ! En effet, tout y est au contraire délectable à commencer par la prestation du danseur qui venait pourtant de perdre son épouse en cours de tournage. Tour à tour drôle, dynamique, charmant et touchant, il forme avec la charmante Leslie Caron un couple tout à fait délicieux. Outre lors de la superbe et célèbre chanson ‘Something’s Gotta Give’ qui commence sur une terrasse devant un New York nocturne de studio absolument magique et qui se termine par des danses tourbillonnantes dans un couloir d’hôtel luxueux, on les retrouve dans un ‘Sluefoot’ enlevé ; leur romance est émouvante et particulièrement convaincante. Musicalement réussi, le film nous offre également deux splendides séquences oniriques traduites à l’écran par des ballets de Roland Petit aussi beau plastiquement (les décors dessinés sont superbes) que dans leurs chorégraphies, véritable festival Leslie Caron successivement en tutu, en vamp ou en adorable pierrot lunaire. Les deux acteurs principaux sont très bien entourés notamment par le duo Thelma Ritter et Fred Clark (la secrétaire et le chargé d’affaires du millionnaire) qui nous concèdent eux aussi de succulentes interprétations. Les dialogues et situations à quiproquos sont savoureux, le film ne voit à aucun moment son rythme faiblir et Jean Negulesco a rarement aussi bien utilisé le cinémascope (en tout cas bien mieux que dans son médiocre Comment épouser un millionnaire) nous prouvant ici qu’il n’avait pas totalement perdu son talent en passant à la Fox comme il a souvent été dit (la ‘Negulesconnerie’ d’un critique français n’était donc pas totalement justifiée). Il faut dire qu’il a été fort bien secondé par une chaude photographie de Leon Shamroy et par de somptueux décors qu’il s’est plu à filmer avec beaucoup de goût. Papa Longues Jambes, une comédie romantique musicale au charme prégnant, drôle, pétillante et jamais ennuyeuse ; le sourire ne devrait pas quitter pas vos lèvres du début à la fin.
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Mariage Royal (Royal Wedding) de Stanley Donen 1951 MGM


Tout le monde a du voir un jour ou l'autre la fameuse séquence, célèbre à juste titre, de Fred Astaire dansant sur les murs et plafonds d'une même pièce en un seul plan séquence, sans chutes ni plans truqués sur l’air de ‘You're all the world to me’. Elle est tirée de ce film et, plus de 50 ans après, impressionne toujours autant ; le 'truc' a beau avoir été dévoilé, il reste l'un des 'effets spéciaux' les plus magiques et les plus réussis vus sur un écran. Fred Astaire rêvait de ce numéro depuis bien longtemps ; son désir est devenu réalité de la plus belle des manières ! Premier film en solo de Stanley Donen, Mariage Royal ne possède ni l'originalité ni le dynamisme du premier essai du réalisateur coréalisé avec Gene Kelly, On the Town (Un jour à New York). On peut même dire qu'il s'agit d'une comédie musicale à l’intrigue assez conventionnelle (double romance, préparation, répétitions et exécution d’un spectacle) au scénario sans grand intérêt, uniquement prétexte à de bons numéros musicaux ; mais nous n’accablerons pas plus Alan Jay Lerner qui a du opérer un remaniement incessant de son travail du fait de la succession de metteurs en scènes et artistes sur le devant de la scène. June Allyson devait tenir le rôle principal sous la direction de Charles Walters Enceinte, elle fut remplacée par Judy Garland qui, ne s'entendant pas avec Walters, fit partir ce dernier. Stanley Donen prit la suite mais renvoya l'actrice suite à ses constants retards et absences. Jane Powell fut alors choisie par les producteurs et bien leur en a pris car elle aura rarement été aussi convaincante qu'ici, prouvant à l’occasion qu’elle n’avait pas du talent que pour le chant mais aussi pour la danse. Quant au rôle tenu par Sarah Churchill (la fille de Sir Winston), il avait été d'abord prévu pour Moira Shearer. Dans ces conditions précaires, on pardonnera au scénariste d’autant plus que le film est néanmoins très plaisant grâce surtout au couple frère/sœur interprété par Fred Astaire et Jane Powell, au programme musical de Burton Lane et à un constant ton bon enfant. Mais ce sont surtout dans les numéros musicaux qu’il faut chercher notre bonheur. Tout d’abord ‘Sunday Jumps’, la danse de Fred Astaire avec les agrès d’un gymnase, ‘I Left my Hat in Haïti’, tellement coloré qu’il a du rendre jalouse Carmen Miranda, et ‘How could you believe me when I said i loved you when you know I've been a liar all my life’ plein de gouaille et d’humour. J’ai pourtant un faible pour les deux chansons de Jane Powell, ‘Open your Eyes' ‘et la danse qui s’ensuit alors que le bateau tangue dangereusement ainsi que ‘Too Late Now’ qu’elle interprète alors qu’elle se promène en nocturne au bras de Peter Lawford. Pour tous ces instants enthousiasmants, un film qui n’est pas à négliger même s’il n’annonce en rien la comédie musicale suivante de Stanley Donen qui ne sera autre que Singin’ in the Rain.
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Parade de Printemps : Easter Parade (1948) de Charles Walters 1948

Le sommet de la carrière de Charles Walters, l’un de ces petits miracles de la comédie musicale comme seule savait nous en concocter la MGM de l’époque. La mise en scène est toute en discrétion et nous assistons à un véritable festival de musique (je ne pense pas qu'une autre comédie musicale comporte autant de chansons, le plus beau Medley "Irving Berlinien" qu'on eusse pu souhaiter), de costumes rutilants, de couleurs chatoyantes, de merveilleux décors... Et trois brillants interprètes : Ann Miller (son dernier duo avec Fred Astaire dans une somptueuse robe blanche et rouge) ; Fred Astaire (entre autres un époustouflant numéro de claquette et batterie et la possibilité de le voir danser au ralenti) et surtout Judy Garland qui minaude comme jamais au point de profondément nous émouvoir ; excepté par Minnelli, elle a rarement été aussi belle et magnifiée que dans cet Easter Parade. Au cours de deux séquences, elle prouve toute l'étendue de sa palette d'actrice : celle au restaurant avec Peter Lawford quand elle lui avoue, désolée, de ne pas être amoureuse de lui ; celle où, non maquillée, elle comprend que finalement son amour est partagé ; rarement elle n’aura été aussi touchante. L'intrigue est d'une grande banalité mais quelle importance puisque le scénario, lui, est très bien écrit donnant de la chair et une âme à ses personnages ! Une éclatante réussite, une comédie musicale contenant une quinzaine de numéros inoubliables et le talent d'acteurs, danseurs chanteurs hors pair. On regrette seulement de ne pas avoir vu se reformer le couple Astaire-Garland par la suite.
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Yolanda and the Thief (1947) de Vincente Minnelli MGM

Un petit pays imaginaire d'Amérique du Sud. Yolanda (Lucille Bremer), une jeune orpheline élevée au couvent, hérite à l'âge de dix-huit ans de la fortune colossale de ses parents. Deux escrocs, Johnny et Victor, apprennent la nouvelle par les journaux et flairent la bonne occasion ! Yolanda est accueillie dans la demeure familiale par sa tante, une femme excentrique. Le soir, Johnny (Fred Astaire), qui s'est glissé dans le jardin, surprend la jeune fille en prière devant la statue de son ange gardien. Elle lui demande de l'aider, terrifiée à l'idée de devoir gérer son immense fortune. Johnny lui fait alors croire qu'il est justement son ange gardien venu sur terre ! La trop crédule Yolanda lui confie sa fortune à et tombe amoureuse de lui...

Comédie musicale malheureusement souvent oubliée lorsque l'on évoque la fabuleuse carrière de Vincente Minnelli et pourtant, quel émerveillement ce fut que la découverte de ce film avant-gardiste par ses chorégraphies, son scénario et sa musique peu évidente à appréhender à la première écoute ! Du coup, il est facile de comprendre pourquoi ce film a été un flop à l'époque comme le fut dans une moindre mesure trois ans plus tard, un autre chef-d'oeuvre, Le Pirate.
Comme Brigadoon, une intrigue poético-fantastico-féérique délicieuse mais aussi sujet à la réflexion mais qui prend tout son temps pour se développer et qui pourra de ce fait en ennuyer certains. Mais comment résister à tant de délicatesse dans le traitement de la couleur, des décors, des costumes (ah les robes de Lucille Bremer ! et Lucile Bremer elle même d'ailleurs ) tant d'humour très fin dans les dialogues, une interprétation aussi brillante y compris pour les seconds rôles, une scène de rêve véritablement magique et une mise en scène une nouvelle fois d'une élégance irréprochable. Un ravissement pour les yeux et un régal pour le coeur.
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Re: Fred Astaire (1899-1987)

Message par Supfiction »

Jeremy Fox a écrit :Papa Longues Jambes (Daddy Long Legs, 1955) de Jean Negulesco
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Après avoir valsé dans les bras de Gene Kelly (Un Américain à Paris) et de Mel Ferrer (Lili) et avant de tomber dans ceux de Louis Jourdan (Gigi), Leslie Caron était passée aussi par ceux de Fred Astaire dans ce Papa Longues Jambes qui, contrairement à sa réputation peu flatteuse, ne démérite pas aux côtés de ces titres prestigieux et s’avère au contraire une comédie musicale tendre et exquise qui n’a rien à envier aux productions d’Arthur Freed. En effet, il s’agit du seul film que Fred Astaire a tourné pour le studio le plus concurrentiel de la MGM dans le domaine du ‘Musical’, à savoir la 20th Century Fox.

L’histoire est celle de Preston Jarvis (Fred Astaire), un riche homme d’affaire américain qui, au cours d’un voyage à Paris, tombe sous le charme de Julie (Leslie Caron), une orpheline qu’il aperçoit de loin ; il souhaite l’adopter mais un ambassadeur de ses amis lui fait comprendre que la bienséance risquerait d’être mise à mal et que les ragots iraient alors bon train. L’idée lui vient alors de devenir son bienfaiteur sans jamais se faire connaître. Le tuteur anonyme inscrit donc Julie dans une université qu’il finance. Pour le remercier de ses bienfaits, elle lui envoie une lettre hebdomadaire qui reste toujours sans réponses. Ce silence la chagrine fortement mais ne l’empêche pas de tomber amoureuse de ce mystérieux ‘Daddy Long Legs’. La secrétaire de ce dernier, émue par les sentiments de la jeune fille, va tout faire pour les faire se rencontrer…

C’est la quatrième adaptation cinématographique d’un roman semble-t-il à l’eau de rose de Jean Webster dont Darryl F. Zanuck rêvait depuis le début de la décennie de transposer en comédie musicale. Il soumit l’idée à Fred Astaire au moment où son contrat avec le MGM arrivait à expiration. Bien lui en a prit et l’on peut d’ailleurs se demander pourquoi ce film enchanteur n’a pas plus la cote d’autant que Jean Negulesco et ses scénaristes ont évité de sombrer dans la mièvrerie qui les attendait au tournant ! En effet, tout y est au contraire délectable à commencer par la prestation du danseur qui venait pourtant de perdre son épouse en cours de tournage. Tour à tour drôle, dynamique, charmant et touchant, il forme avec la charmante Leslie Caron un couple tout à fait délicieux. Outre lors de la superbe et célèbre chanson ‘Something’s Gotta Give’ qui commence sur une terrasse devant un New York nocturne de studio absolument magique et qui se termine par des danses tourbillonnantes dans un couloir d’hôtel luxueux, on les retrouve dans un ‘Sluefoot’ enlevé ; leur romance est émouvante et particulièrement convaincante. Musicalement réussi, le film nous offre également deux splendides séquences oniriques traduites à l’écran par des ballets de Roland Petit aussi beau plastiquement (les décors dessinés sont superbes) que dans leurs chorégraphies, véritable festival Leslie Caron successivement en tutu, en vamp ou en adorable pierrot lunaire. Les deux acteurs principaux sont très bien entourés notamment par le duo Thelma Ritter et Fred Clark (la secrétaire et le chargé d’affaires du millionnaire) qui nous concèdent eux aussi de succulentes interprétations. Les dialogues et situations à quiproquos sont savoureux, le film ne voit à aucun moment son rythme faiblir et Jean Negulesco a rarement aussi bien utilisé le cinémascope (en tout cas bien mieux que dans son médiocre Comment épouser un millionnaire) nous prouvant ici qu’il n’avait pas totalement perdu son talent en passant à la Fox comme il a souvent été dit (la ‘Negulesconnerie’ d’un critique français n’était donc pas totalement justifiée). Il faut dire qu’il a été fort bien secondé par une chaude photographie de Leon Shamroy et par de somptueux décors qu’il s’est plu à filmer avec beaucoup de goût.


Papa Longues Jambes, une comédie romantique musicale au charme prégnant, drôle, pétillante et jamais ennuyeuse ; le sourire ne devrait pas quitter pas vos lèvres du début à la fin.
Je partage ton enthousiasme pour ce film au sujet inimaginable aujourd'hui et en dépit de petits défauts (la vision de la France par les américains) qui donnent avec le temps du charme au film. Leslie Caron est pour beaucoup dans cette réussite.
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Re: Fred Astaire (1899-1987)

Message par Supfiction »

On pourra regretter que Fred Astaire et Doris Day se soient ratés. Cela aurait pourtant pu être possible.
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Re: Fred Astaire (1899-1987)

Message par Watkinssien »

Un grand danseur mais aussi un excellent acteur, dont le charme, la classe, l'élégance sont uniques, inégalables.

L'apothéose de sa carrière reste pour moi The Band Wagon de Minnelli, en complément avec le rôle sur mesure qu'il y a dans ce chef-d'oeuvre. Mais combien de films nous offrent des moments magiques rien qu'avec sa présence et ses compétences magnifiques dans les chorégraphies.
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Re: Fred Astaire (1899-1987)

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Tous en scène (The Band Wagon)

Tony Hunter (Fred Astaire) est un acteur qui eut son heure de gloire mais qui est actuellement au creux de la vague ; même dans le train qui le conduit à New York, on ne le reconnait pas. Une fois sur place, il retrouve deux de ses amis, Lester et Lily Marton (Oscar Levant et Nanette Fabray), un couple d’auteurs-compositeurs. Ils lui proposent pour son comeback de participer à une comédie musicale qui sera jouée sur Broadway et qu’ils sont chargés d’écrire. Le spectacle devrait être mis en scène par le bouillonnant et peu modeste Jeffrey Cordova (Jack Buchanan) qui souhaite donner comme partenaire à Tony une danseuse classique, Gabrielle Gerard (Cyd Charisse). Mais Tony met en doute la capacité de Cordova à diriger un pur divertissement. Les faits lui donnent raison le jour où il est convoqué pour la présentation du futur spectacle : le metteur en scène a en effet transformé la légère idée de départ en une adaptation moderne de Faust qui ne semble pas respirer la joie de vivre. De plus, la mésentente est immédiate entre Tony et Gabrielle. Quoi qu’il en soit, tout le monde participe au spectacle qui se révèle un véritable four. L’équipe décide néanmoins de le remettre sur pied en le retransformant en un simple "musical" comme cela avait été prévu au départ. C’est le début d’une grande tournée à travers les Etats-Unis ; quant aux deux étoiles du spectacle, ils se sont réconciliés voire plus si affinités...

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Après sa description personnelle et minutieuse du monde du 7ème art dans le superbe et lyrique Les Ensorcelés (The Bad and the Beautiful) l’année précédente, Vincente Minnelli nous offre cette fois avec Tous en scène (son quatorzième long métrage) un touchant hommage au petit microcosme du théâtre et du spectacle à travers les enthousiasmes et les déceptions, les amours et les jalousies, les bonheurs et les malheurs, la camaraderie et les trahisons d’une troupe itinérante qui va de succès en échecs. Ou plutôt en l’occurrence d’échecs en succès puisqu’en tout bien tout honneur, comme pour tout "musical" qui se respecte, tout finira pour le mieux dans le meilleur des mondes malgré un démarrage expressément dépressif : le vieil acteur Tony Hunter a perdu toute son aura, ses heures de gloire se situent très loin derrière lui, avec pour conséquence des séquences aussi poignantes que celle au cours de laquelle Fred Astaire entonne seul sur un quai de gare la magnifique et mélancolique chanson By Myself. Car autrement, That’s Entertainment ! reste plus que jamais le célèbre leitmotiv du film, ainsi que de la troupe mise en scène avec tendresse et lucidité par un Minnelli qui s’est beaucoup servi de son expérience personnelle à Broadway (ainsi que de celles de ses deux scénaristes qui se sont plus ou moins projetés dans le duo Oscar Levant / Nanette Fabray) pour réaliser cette comédie musicale aujourd’hui encensée par les critiques du monde entier, au même titre que Chantons sous la pluie (Singin' in the Rain) de Stanley Donen. Si l'on s'amuse à faire des recoupements et des comptages, il se pourrait même que The Band Wagon soit la comédie musicale préférée de la critique française.

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Produit par Arthur Freed pour la MGM dans la foulée de cet immense classique avec Gene Kelly qu'est Chantons sous la pluie, Tous en scène partage avec ce dernier de nombreux points communs. Les deux films ont non seulement été produits par la fameuse Freed-Unity mais bénéficient aussi chacun du même duo de scénaristes (Betty Comden & Adolph Green). Les deux intrigues tournent plus ou moins autour de l’échec d’une production qu’il faudra tout faire pour relancer quitte à la revoir de fond en comble (dans le film de Donen, il s'agissait du bide obtenu par un film muet alors que le cinéma venait de passer au parlant) ; on trouve ici et là de longues séquences de ballet en guise de pré-final (Broadway Melody dans le Donen, The Girl Hunt dans le Minnelli) ainsi que des manifestes / hommages au spectacle en chansons qui resteront inégalés, That’s Entertainment pour The Band Wagon et Make 'Em Laugh pour Chantons sous la pluie... Avec humour, forte vitalité, humanité et poésie, Vincente Minnelli signe effectivement une véritable déclaration d’amour pour ce monde qu’il connait par cœur et nous fait cadeau d’un nombre étonnant de numéros musicaux tous plus réussis les uns que les autres. « The World is a Stage, the Stage is a World... of Entertainment. » Les trois documentaires anthologiques à la gloire de la MGM, initiés par Jack Haley Jr. et s’étalant de 1974 à 1994, reprendront d’ailleurs le titre That’s Entertainment qui résume à merveille l’univers de la comédie musicale hollywoodienne tout en remettant en avant cette fameuse séquence musicale qui voit Fred Astaire, Oscar Levant, Nanette Fabray et Jack Buchanan décliner toutes les peines et les joies issues de la vie dans le monde du spectacle. On peut difficilement faire plus entraînant et plus enthousiasmant que ce standard du genre même si Arthur Schwartz n’est pas, loin s’en faut, un compositeur aussi inspiré que par exemple Cole Porter ou Richard Rodgers.

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Les chansons et musiques du film ont beau toutes être éminemment sympathiques, il leur manque ce petit quelque chose qui fait la marque des chefs-d’œuvre. Elles sont toutes tirées de différentes revues qui firent les beaux jours d’Arthur Schwartz (compositeur) et Howard Dietz (librettiste) à Broadway entre 1929 et 1937, à l’exception du fameux ballet The Girl Hunt et du désormais célébrissime titre That’s Entertainment, tout deux écrits spécialement pour le film. Parmi les meilleurs morceaux, on trouve, outre ceux déjà cités ci-avant, A Shine on Your Shoes, la danse endiablée de Fred Astaire dans les boutiques lors de son arrivée à New York, le charmant I Love Louisa (premier titre retenu pour le film) ainsi que l'amusant Triplets voyant Fred Astaire, Nanette Fabray et Jack Buchanan déguisés en bébés, The Girl Hunt - le long ballet final qui clôt le film, formidable hommage à Mickey Spillane et au film noir, chorégraphié, dansé et mis en scène à la perfection - et surtout le gracieux et enchanteur Dancing in the Dark où l’on voit Fred Astaire et Cyd Charisse se déclarer leur amour par danse interposée dans un parc à la tombée de la nuit (pour l'anecdote, le plan dans la calèche est repris à l'identique du segment Mademoiselle que Minnelli venait de réaliser pour le film The Story of Three Loves). A toutes ces merveilleuses mélodies, il faut ajouter le travail remarquable des équipes techniques et artistiques de la section MGM dirigées par Arthur Freed (costumes et décors sont superbes), un scénario parfaitement agencé malgré une intrigue somme toute banale, des dialogues pétillants, des situations très amusantes (toute la longue et virtuose séquence de promotion et de présentation du spectacle aux futurs acheteurs par Jack Buchanan dans une pièce ouvrant sur d'autres, où se trouvent les futurs participants au projet qui découvrent au passage avec horreur comment a été transformée l’idée de départ) et une mise en scène peu avare de trouvailles et de poésie. Le résultat se révèle être l’une des comédies musicales les plus logiquement réputées qui soit.

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Mais néanmoins, The Band Wagon, probable reflet de l’ambiance du tournage qui ne fut pas des plus harmonieuse, est parfois engoncé dans un entrain paraissant un peu trop forcé et procure de ce fait un plaisir moindre comparativement à quasiment toutes les autres comédies musicales de Vincente Minnelli, qui demeure quoi qu’il en soit le plus parfait représentant du genre, juste devant Busby Berkeley, Stanley Donen, Charles Walters et George Sidney. Pour être totalement convaincus, il nous manque donc peut-être la fraicheur d'Un petit coin aux cieux (Cabin in the Sky), la nostalgie poignante de Meet Me in St. Louis (Le Chant du Missouri), l’étourdissante virtuosité d'Un Américain à Paris (An American in Paris), le tendre onirisme de Yolanda et le voleur (Yolanda and the Thief), la fantaisie débridée de The Pirate, la pure magie de Brigadoon ou la luxuriance jubilatoire de Gigi. Et puis, pour en finir avec les quelques éléments négatifs, Cyd Charisse nous montre ici ses limites en tant qu'actrice dramatique lors de sa séquence de pleurs assez peu concluante. Quand elle se met à danser, en revanche, le temps s'arrête... Elle est fascinante de grâce évaporée dans ce sommet de délicatesse qu’est Dancer in the Dark, et ses apparitions dans le splendide, voluptueux et onirique The Girl Hunt ne sont pas prêtes de nous quitter. Elle incarne ici à la perfection LA vamp, aussi sensuelle en blonde qu'en brune : il n'est pas étonnant qu’elle ait fait rêver quelques mâles cinéphiles ! Parmi les autres comédiens, Fred Astaire joue à 53 ans quasiment son propre rôle, celui d’un acteur cherchant à renouer avec le succès (même si Astaire n’avait jamais été tombé à ce point au creux de la vague) ; certaines de ses aversions comme celle d’avoir une partenaire plus grande est utilisée avec une ironie piquante lors de la séquence de sa rencontre avec Cyd Charisse. Les deux comédiens se retrouveront à nouveau en 1957 dans une comédie musicale signée Rouben Mamoulian, La Belle de Moscou (Silk Stockings), remake du Ninotchka d'Ernst Lubitsch. Mais outre ce couple d'acteurs-danseurs émérites, décernons une mention spéciale au sein de ce casting à Jack Buchanan, excellent dans ce rôle de composition qu'est celui du metteur en scène démiurge, parait-il largement inspiré de José Ferrer ; il y est ébouriffant de vitalité et de drôlerie tout en réussissant à nous rendre son personnage extrêmement touchant, ce qui n'était pas gagné d'avance.

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Tous en scène est enfin une mise en abyme qui confronte le monde du théâtre et la réalité, d'autant plus que Tony Hunter pourrait tout aussi bien s'appeler... Fred Astaire. Le titre The Band Wagon était d’ailleurs celui d’une revue créée à Broadway par Fred et sa sœur Adèle en 1931. Cependant, la même année, George Sidney se montre encore bien plus fantaisiste et vertigineux sur un thème similaire avec le chef-d’œuvre qu'est Embrasse-moi, chéri (Kiss Me Kate) avec Kathryn Grayson et Howard Keel, qui bénéficie en plus d’une partition absolument fabuleuse signée Cole Porter. Quoi qu’il en soit, Tous en scène, apologie du spectacle en tant que divertissement (qui égratigne au passage sans réelle méchanceté l’avant-garde "intellectuelle" du Broadway de l’époque) se situe à l’apothéose du deuxième âge d’or de la comédie musicale, celui dominé par la Metro Goldwin Mayer (le premier correspondant aux années 30, avec les films de la Warner et de la RKO) et en constitue l’un des films phares, l’un de ses fleurons les plus parfaits si ce n’est le plus enthousiasmant ou le plus spontané.
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Jeremy Fox
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Re: Fred Astaire (1899-1987)

Message par Jeremy Fox »

Supfiction a écrit :On pourra regretter que Fred Astaire et Doris Day se soient ratés. Cela aurait pourtant pu être possible.
Oui une belle occasion manquée !

La Mélodie du Bonheur de Stuart Heisler (Blue Skies)


Milieu des années 40. Jed Potters (Fred Astaire), ancien danseur devenu journaliste radiophonique, rend hommage dans son émission de ce jour à Irving Berlin au travers sa propre histoire influencée à plusieurs reprises par les chansons du grand compositeur. Retour en 1919 où Jed tomba amoureux de la chorus Girl Mary (Joan Caulfield) rencontré lors d’un numéro sur la chanson ‘A Pretty Girl Is Like a Melody’. Jed invite à diner la charmante jeune femme dans le Night Club tenu par son ex-compagnon d’armes, Johnny (Bing Crosby). Ce sera le début d’un triangle amoureux qui va se décliner sous différentes formes en une vingtaine d’années, Mary s’éprenant de Johnny qui ne partage pas cet amour, s’estimant bien trop instable, volage et égoïste pour se marier avec elle. C’est pourtant ce qui va arriver avec une petite fille à la clé. Mais Jed cherche toujours à la récupérer…

La Paramount ne s’était pas fait une spécialité de la comédie musicale, et en voyant Blue Skies on comprend pourquoi, se rendant compte du gouffre qui sépare ce ‘Musical’ de ceux que Fred Astaire tourna à la Metro Goldwin Mayer ou même simplement comparativement à ceux bariolés de la Fox de la même époque avec pour têtes d'affiches Alice Faye, Carmen Miranda, Betty Grable, Cesar Romero, Don Ameche ou John Payne. Fred Astaire pensait terminer sa carrière sur ce film et offrir ‘Puttin on the Ritz’ à ses fans comme cadeau d’adieux. Voir dix Fred Astaire danser sur la même scène de Music Hall était une gageure, l’idée était vraiment bonne mais sa mise en scène reflétait déjà une mollesse qui allait d’ailleurs phagocyter tout le reste du film. On rêve de ce qu’en aurait fait Busby Berkeley, Stanley Donen ou Vincente Minnelli. La Mélodie du bonheur -à ne pas confondre avec le chef-d’œuvre de Robert Wise- sera le seul apport de Stuart Heisler au genre, bien plus inspiré lorsqu’il tâtera du film noir (La Clé de verre - Glass Key ; Storm Warning) ou lorsqu’il décidera de signer l’une des parodies de western les plus amusantes qui soit (Le Grand Bill - Along Came Jones).

Quant à Fred Astaire on se félicitera qu’il n’ait pas tenu parole et qu’il ait encore joué, chanté et dansé dans une vingtaine de films dont, immédiatement après, le délicieux Parade printemps (Easter Parade) de Charles Walters, puis durant les années 50 les tout aussi réjouissants Trois petits mots (Three Little Words) de Richard Thorpe, Tous en scène (The Band Wagon) de Vincente Minnelli ou Papa longues jambes (Daddy Long Legs) de Jean Negulesco… pour n’en citer que quelques uns. Pour en revenir à Blue Skies qui était conçu pour mettre en avant les chansons de Irving Berlin, ce fut le plus gros succès de la Paramount en 1946, le film ayant récolté des recettes égales à trois fois son coût ; l’annonce par Fred Astaire que ce serait à 47 ans son chant du cygne et sa dernière apparition à l’écran a peut-être énormément contribué à ce triomphe public ainsi que la réunion de deux des plus grosses stars de l’époque dans le domaine, Bing Crosby et Fred Astaire étant à nouveau tous deux en têtes d’affiche de ce film après Holiday Inn (L’amour chante et danse) de Mark Sandrich, le Technicolor en plus. Lorsque sur son blog Bertrand Tavernier parlait à son propos d’originalité, de noirceur et d’une Joan Caulfield bien choisie, on se demande s’il n’était pas à ce moment là en manque de comédies musicales ; c'est difficilement compréhensible autrement car le scénario s'avère au contraire d’une indigence totale tout comme l’actrice principale –même si très charmante- se révèle d’une rare fadeur, rendant du coup le triangle amoureux totalement inconsistant, aucune alchimie n’étant parvenu à se créer entre elle et ses deux partenaires qui auront tous deux tournés dans de nombreuses bien meilleures comédies musicales. Quant à la noirceur, ce serait comme chercher une aiguille dans une meule de foin pour la trouver !

Pour en revenir à l'actrice principale, peut-être qu’en parlant de Joan Caulfield Bertrand Tavernier pensait à Olga San Juan qui en revanche est peut-être effectivement l’une des rares raisons de prendre plaisir à ce film, pétulante et extrêmement sympathique en plus de se révéler très bonne chanteuse. Les autres raisons sont bien évidemment en toute logique quelques numéros musicaux parmi les vingt chansons présentes dans le film dont quatre spécialement écrites pour cette occasion. Même si aucun n’est franchement inoubliable, on notera quand même parmi les relatives réussites et par ordre d’apparitions à l’écran 'A Pretty Girl Is Like a Melody', hommage au Ziegfeld Folies dansé par Fred Astaire, 'You'd Be Surprised' grâce à l’enthousiasme de Olga San Juan, 'I'll See You In Cuba' au cours duquel la jolie chanteuse 'officie' à nouveau mais plus en solo, entamant au contraire un duo avec Bing Crosby, 'A Couple Of Song And Dance Men', la meilleures séquence du film, seul moment ou Astaire et Crosby sont réunis pour un numéro qui plus est s'avère très amusant, le fameux 'Puttin' on the Ritz' déjà décrit plus haut et enfin la berceuse '(Running Around In Circles) Getting Nowhere', chanson composée spécialement pour le film et interprétée par Bing Crosby à une petite fille. En revanche la chanson titre est filmée d’une façon totalement mollassonne tout comme ce qui semblait devoir être l’apothéose du film, 'Heat Wave' mis en place dans un fastueux décor sud américain qui fait à postériori pale figure en comparaison de ceux similaires des géniaux Le Pirate ainsi que Yolanda et le voleur, tous deux signés Vincente Minnelli. Quant au sketch d'un Billy de Wolfe en roue libre, ‘Mrs. Murgatroyd’, il est aussi interminable qu’éprouvant et laborieux à tel point que nous préfèrerons jeter dessus un voile pudique.

Malgré un ensemble aussi peu captivant que terne, une comédie musicale très moyenne, sans ampleur ni charme mais qui devrait quand même pouvoir combler beaucoup d’amateurs du genre par la réunion de deux de ses plus grandes célébrités ainsi que pour quelques numéros musicaux certes réalisés sans grande idée mais portés par le talent des deux acteurs principaux, du chorégraphe Hermes Pan, du compositeur Irving Berlin ainsi que des chefs opérateurs Charles Lang et William E. Snyder qui nous offrent un bel écrin 'technicolorisé'.
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Jeremy Fox
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Re: Fred Astaire (1899-1987)

Message par Jeremy Fox »

Carioca (Flying Down to Rio)


De nos jours, le seul titre de gloire de Flying Down to Rio est de marquer les débuts à l’écran du couple Fred Astaire / Ginger Rogers. En effet, lorsqu’on le cite dans n’importe quel ouvrage français, c’est pour n’évoquer que brièvement les quelques pas de danse qu’entament nos deux génies de la discipline sur l’air de La Carioca, le reste étant tout au plus regardé avec une certaine condescendance. Cette comédie musicale eut pourtant un immense succès publique et critique à l’époque de sa sortie et permit à la RKO, alors en difficulté, d’éviter la faillite. Alors, bon film ou ne méritant de rester dans les annales que par pur intérêt historique ? Aucune hésitation en ce qui me concerne dans le choix de mon camp puisque je placerais volontiers Carioca parmi les plus réussis des dix films que tournèrent ensemble Astaire et Rogers !

Carioca aurait dû marquer les débuts au cinéma de Fred Astaire mais en attendant que le studio entreprenne le tournage, il fut convoqué par la MGM pour jouer son propre rôle dans un numéro avec Joan Crawford pour le film Le Tourbillon de la danse (Dancing Lady) de Robert Z. Leonard. De son côté, Ginger Rogers avait déjà pas mal roulé sa bosse avec pas moins de 19 films à son actif, dont seulement deux comédies musicales qui demeurent cependant aujourd’hui les seuls titres connus, à savoir les excellents 42ème rue et Chercheuses d’or de 1933 dans lesquelles sa courte présence à l’écran faisait cependant forte impression ; quelle sensualité et quelle vitalité ! Le premier rendez-vous avec son futur partenaire d’élection a failli ne pas avoir lieu cette année là, puisque ce n’est pas Miss Rogers qui devait incarner le personnage d’Honey dans Flying Down to Rio mais Dorothy Jordan, cette dernière renonçant finalement au rôle pour épouser le producteur exécutif du film, plus connu pour avoir réalisé King Kong, Merian C. Cooper. Bien lui en a pris ; les nombreux admirateurs du duo ne peuvent que s’en féliciter !

Concernant Carioca, oublions un scénario et une intrigue sentimentale entre Gene Raymond et Dolores Del Rio sans grands intérêts (mais non sans quiproquos et situations très amusantes, comme la séquence les voyant devoir se poser en avion sur ce qu’ils pensent être une ile déserte), mais ne boudons pas notre plaisir devant ce spectacle chatoyant, exotique, plutôt drôle et revigorant. Le budget considérable mis à disposition de cette production a permis au réalisateur de s'en donner à cœur joie dans les numéros musicaux, ces derniers bénéficiant de nombreux figurants, de la chorégraphie d’un Hermes Pan encore méconnu, et de très beaux décors élaborés par Van Nest Polglase qui continuera lui aussi à œuvrer pour les autres comédies musicales du couple. N’oublions pas non plus le spectaculaire numéro aérien au cours duquel les "Girls" dansent sur les ailes d’une escadrille d’avions en vol !

Thornton Freeland s'amuse parfois pour notre plus grand plaisir, certainement influencé par Busby Berkeley, à tester un montage cut, des mouvements de caméras sophistiqués ou des angles de prises de vues assez originaux. Même s'il n’arrive pas à la cheville du réalisateur/chorégraphe phare de la Warner dans ce domaine à l’époque, le cinéaste s'en sort relativement bien et nous propose un film plein d'entrain, à l'exotisme dépaysant et, pré-Code Hays oblige, aux situations grivoises assez savoureuses et aux dialogues plein d'amusants sous-entendus : « What is it these Brazilians have down below the Equator that we don't have ? » demande une Ginger Rogers toute émoustillée à un Fred Astaire agréablement surpris en voyant se "trémousser" les danseuses brésiliennes.

Ginger Rogers est pétillante à souhait et, moulée dans une sublime robe noire, son premier pas de danse avec son partenaire d'élection s'avère inoubliable ; ils dansent sur La Carioca, morceau remis au gout du jour en 1995 par Les Nuls qui le pastichent pour La Cité de la peur. Fred Astaire nous offre quelques pas de claquettes déjà totalement géniaux, et la musique de Vincent Youmans (la dernière qu’il composa avant de décéder) s'avère superbe que ce soit Music Makes Me chantée par Ginger Rogers, Orchids in the Moonlight transposée en un magnifique tango, la chanson titre, Flying Down to Rio ou la fameuse Carioca (même si ce dernier morceau est à l'origine d'un numéro certes assez spectaculaire mais un poil trop longuet et laborieux comme le sera l‘année suivante dans The Gay Divorcee, le morceau qui lui fait pendant The Continental). Même si ce ne sont pas les personnages principaux du film, Astaire et Rogers en font la "clôture" en envoyant un clin d’œil au spectateur ; pensaient-ils déjà au prochain rendez-vous qu’ils ne manqueraient pas de donner à un public déjà conquis d’avance ? Vraiment très agréable.
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Jeremy Fox
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Re: Fred Astaire (1899-1987)

Message par Jeremy Fox »

Et du coup ça m'a donné envie de ressortir le coffret Astaire Rogers : il est temps que j'essaie de réévaluer ces films qui m'ont pour la plupart jusqu'à présent toujours laissé de marbre.
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Re: Fred Astaire (1899-1987)

Message par kiemavel »

Jeremy Fox a écrit :Et du coup ça m'a donné envie de ressortir le coffret Astaire Rogers : il est temps que j'essaie de réévaluer ces films qui m'ont pour la plupart jusqu'à présent toujours laissé de marbre.
What ?


Quoi de mieux ?
Après, je pourrais comprendre que la réserve porte non pas sur les numéros du couple mais sur la globalité des films, les scénarii, etc ...

Plus de 30 ans plus tard. Retrouvailles :
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