Cadavres exquis (Francesco Rosi - 1976)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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StateOfGrace
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Cadavres exquis (Francesco Rosi - 1976)

Message par StateOfGrace »

ATTENTION SPOILERS

Le film de Francesco Rosi est hanté par la prescience de la mort dès ses premières images, qui voient le vieux juge Varga (Charles Vanel) contempler des squelettes momifiés dans les catacombes d’un monastère. La caméra scrute son visage parcheminé et impénétrable, et son meurtre en pleine rue, alors qu’il agrippe à un bout de verdure, semble faire disparaître avec lui ses secrets, solitaire jusque dans la mort.

La première moitié du film, qui montre les prémisses de l’enquête menée par l’inspecteur Rogas (Lino Ventura), fait planer un doute inquiétant, car on ne voit pas les assassins, seulement les séquelles de la mort qui frappe (un corps retrouvé sur une route, l’impact d’une balle sur la baie vitrée d’une banque, du sang qui goutte dans un lavabo).

Quand le film prend un tournant politique, quand le pouvoir tente d’incriminer des activistes d’extrême-gauche, se dessine l’amorce d’un vaste complot aux multiples ramifications, opaque, indéchiffrable. Le gouvernement et les institutions, gangrenés de l’intérieur, se soucient peu de broyer les individus pour maintenir l’apparence de la respectabilité. Rongé par des compromissions ataviques, le pouvoir en place fait tout pour le rester.

Le film baigne alors dans une atmosphère de paranoïa larvée à mesure que l’étau de referme sur Rogas. Un téléphone qui sonne dans le vide, un néon qui grésille, l’inspecteur pris dans les feux d’une voiture inquiétante laissent à penser que le danger rôde, insidieux, implacable. La menace suinte par tous les pores de la pellicule.

Francesco Rosi filme de longs corridors verdâtres, des parkings souterrains sinistres, d’immense halls, de somptueux intérieurs oubliés, un cimetière, un musée déserté… Autant de lieux à l’ «inquiétante étrangeté» abandonnés par l’espoir, par la moindre parcelle d’humanité.

Lino Ventura, force tranquille qui s’accroche à sa quête de justice, s’enfonce dans un labyrinthe de duplicité et de faux-semblants, dans les dédales d’une vérité qui se dérobe au fur et à mesure qu’il s’en approche.

Le final est grandiose, empreint d’une dimension tragique qui prend aux tripes (et qui n’est pas sans rappeler « A cause d’un assassinat » réalisé par Alan J. Pakula aux Etats-Unis deux ans auparavant).

Francesco Rosi filme magistralement un monde en déréliction, où il n’y a ni vainqueur ni vaincu malgré les apparences, seulement des êtres broyés par un système qui les dépasse.
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Watkinssien
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Re: Cadavres exquis (Francesco Rosi - 1976)

Message par Watkinssien »

Oui j'adhère sans problème à cet enthousiasme.

Cadavres exquis fait partie des réussites de Rosi. Un film toujours prenant, intelligent, informatif, tendu.
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Mother, I miss you :(
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