Vittorio Cottafavi (1914-1998)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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bruce randylan
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Vittorio Cottafavi (1914-1998)

Message par bruce randylan »

Sans doute moins connu que Riccardo Freda, Vittorio Cottafavi fut lui aussi l'un des grands artisans du cinéma populaire italien de l'après-guerre enchaînant durant une quinzaine d'années les mélodrames, péplums et films d'aventures. D'origine aristocratique, cultivé et esthète, il tentant d'apporter un peu de noblesse à ces films de genre dont il n'était pas forcément partisan à la base. Un style et une approche qui le firent repérer par certains critiques français comme Jacques Lourcelles ou Luc Moullet.
Très peu distribué en DVD, la cinémathèque lui rend hommage jusqu'à la fin du mois de Juillet.

La vengeance d'Hercule (La vendetta di Ercole - 1960)
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Après le dernier de ses 12 travaux, Hercule revient des enfers mais le roi tyran Eurystheus compte bien se débarrasser de lui. Un conseiller met en place un stratagème en manipulant son fils.

Un péplum assez curieux qui commence comme s'il s'agissait de la suite directe d'un précédent film. Mais ça n'a pas l'air d'être le cas, ou alors des Travaux d'Hercule (1958) peut-être que je ne connais pas et dont le casting est entièrement différent de toute façon.
C'est assez déstabilisant puisqu'il faut un temps pour saisir qui est qui, qui fait quoi et où il se situe politiquement et stratégiquement les uns par rapport aux autres. La brouille est encore plus accentuée par une narration maladroite qui donne constamment l'impression qu'il manque une scène sur trois étant donné certaines ellipses brutales.
Il ne serait pas surprenant que les producteurs aient coupé de nombreuses scènes pour passer sous les 90 minutes, sacrifiant le sous-texte politique et mythologique pour mieux garder des scènes d'actions grotesques où le brave Hercule affronte le Cerbère, une chauve-souris géante puis un ours, tous munis des déguisements/trucages affligeants. Il fait tout de même face à un vrai éléphant même si la scène n'est pas spectaculaire pour autant.
Cottafavi est dans bien plus à l'aise quand il s'agit de filmer un décor (les enfers qui donnent quelques plans sympas ; la grotte sous les remparts) et donc les séquences où les méchants mettent en place leurs complots. Mais le meilleur moment, et de loin, est la scène où Hercule va défier la statue d'un dieu avec deux mouvements de caméra très originaux dont un panoramique vertical de 180° qui accompagne la démarche déterminée de son héros. Deux mouvements successifs qui inversent donc les repères spatiaux propulsant Hercule au plafond et qui symbolisent le moment où l'homme cherche à s'affranchir des Dieux pour suivre sa propre volonté. Et plutôt que laisser cette statue se briser toute seule, il préfère arrêter sa chute à deux reprises pour mieux la détruire lui-même. Un moment brillant que j'aurais aimé voir reproduit à plusieurs reprises dans le film même si on trouve quelques bonnes idées de réalisation (les flammes suivant les gestes d'une danseuse, des mouvements de grue bien utilisés). En tout cas, Cottafavi préfère humaniser son personnage plutôt que de verser dans le bodybuilding huileux. C'est louable mais comme le scénario, la cohérence et le rythme ne suivent pas, j'ai regardé ça de manière très détachée (et parfois consternée).

Le film est sorti aux USA sous le titre Goliath and the dragon où les distributeurs avisés l'ont bien tripatouillé avec de nouvelles séquences de bastons tout aussi nanars, beaucoup de coupes et un doublage qui prend de sacré liberté, ce qui n'arrange pas un casting déjà plus que limite dans sa version italienne.


Fille d'amour (Traviata '53 - 1953) comme son nom l'indique est une variation modernisée de la Dame aux camélias.
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C'est pour le coup une œuvre bien plus personnelle, intéressante et surtout réussie.
Cottafavi embrasse le genre en opposition totale d'un Raffaello Matarazzo par exemple et transforme le mélodrame en une véritable tragédie. Le changement est annoncé immédiatement puisque l'histoire est raconté en deux flash-backs lorsque que Armando Francioli se rend au chevet de Barbara Laage à l'agonie. La focalisation du récit glisse d'ailleurs doucement du personnage masculin vers celui féminin qui se mue de plus en plus une véritable héroïne tragique. Il est assez révélateur que le second flash-back occulte son amoureux et se lance après sa mort.
La construction dramatique est à ce titre très pertinente et assez subtile. L'approche et la tonalité suivent vraiment l'évolution de cette Dame aux Camélia, distante et détachée au début qui devient de plus en plus vivante et épanouie avant d'être réellement poignante dans sa dernière demi-heure.
Dans la forme aussi, Cottafavi prend le genre en contre-pied et privilégie rapidement des douleurs muettes non seulement au niveau des dialogues (et leur absence) que dans la musique qui soit ne surligne jamais l'émotion ou soit s'avère tout simplement inexistante. Ainsi la découvert de la mort de Barbara Laage est filmée derrière une fenêtre, justifiant un vide sonore totale qui décrit avec beaucoup de force et de finesse le désarroi de l'ancien amant.
Ca pourrait être froid si la direction d'acteurs n'était à ce point juste et d'une sensibilité intériorisée, loin des éclats et du chantage affectif qu'on trouve plus volontiers dans le genre, surtout italien, d'autant qu'il n'y a aucun discours moralisant et que le cinéaste (qui co-signe le scénario) ne condamne son héroïne ou même sa "marraine", étonnant personnage au cynisme bienveillant qui laisse deviner une vie faite de souffrances.

Toujours dans cette optique de refuser les conventions, le film privilégie les extérieurs pour une grisaille mélancolique faîte de rues ou de places en partie désertes. Et même les intérieurs ne sonnent pas comme du studio. Cottafavi ne cherche pourtant pas pour autant à tendre vers le néo-réalisme mais cherche à ancrer ses personnages dans une certaine réalité contemporaine plus palpable et moins théâtrale.

Ce titre plus que recommandable est sorti en DVD chez René Château. Aucun idée de sa qualité ou de la présence ou non d'une VO.

Les vierges de Rome (Le vergini di Roma - 1961)
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Les Etrusques viennent de remporter une victoire sur les Romains et leur imposent un armistice. Pour les forcer à la respecter, ils prennent en otage plusieurs centaine de vierges qui cherchaient justement à s'armer pour lutter contre les envahisseurs.

Vittorio Cottafavi n'a pas fini cette co-production franco-italienne qui fut terminé par Carlo Ludovico Bragaglia. En effet il quitta la production au bout de 5 semaines suite aux trop nombreux désaccords avec Louis Jourdan, sa vedette principale. On devine pourquoi avec d'un côté Cottafavi et son désir d'une certaine maturité plastique et intellectuelle et de l'autre Jordan qui tire clairement le film dans le pastiche avec une interprétation délicieusement anachronique.
Contre toute attente, le mélange des deux fonctionnent vraiment bien pour un film très ludique qui propose des personnages largement plus complexes et intelligents que la moyenne tout en exploitant un second degré savoureux pour une sorte de décontraction qui ne se prend pas au sérieux tout en étant pleinement réfléchi.
Selon cette logique, les scènes d'action sont presque inexistantes, excepté au début et de la fin (et qui rejouent la même bataille en fait). En revanche, la stratégie et la psychologie ont toutes leur place, même dans la légèreté. De plus les dialogues sont très drôles et sonnent très modernes pour un duo Jourdan/Nicole Courcel (super mimi :) ) qui fonctionne très bien.

Le gros point noir provient de son budget famélique qui fait vraiment pitié où tout semble bâclé à l'arrache : costumes, décors, direction artistique, reconstitution, 2 thèmes musicaux en boucle...
D'un autre côté, le film aurait eu plus d'argent, il n'aurait sans doute pas pu conserver cette attachante liberté de ton très rafraichissante bien que guère crédible sur le papier de toute façon (comme les centaines de vierges qui se font capturer par 5 cavaliers ennemis mais qui livrent une bataille farouche à la fin contre un nombre presque équivalent d'adversaires masculins).
Dernière modification par bruce randylan le 16 juil. 17, 15:57, modifié 2 fois.
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Alexandre Angel
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Re: Vittorio Cottafavi (1914-1998)

Message par Alexandre Angel »

Pour information, le dernier numéro des Cahiers du Cinéma consacre 8 pages au réalisateur.
De Cottafavi, je crois ne connaître que Messaline, que je trouve moyen. Cette rétrospective m'intéresserait bien.
Fille d'amour est disponible, donc, chez René Chateau uniquement en VF, sauf erreur.
Dernière modification par Alexandre Angel le 15 juil. 17, 09:47, modifié 1 fois.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: Vittorio Cottafavi (1914-1998)

Message par Jack Carter »

Alexandre Angel a écrit :Pour information, le dernier numéro des Cahiers du Cinéma consacre 8 pages au réalisateur.
De Cottafavi, je crois ne connaître que Messaline, que je trouve moyen. Cette rétrospective m'intéresserais bien.
Fille d'amour est disponible, donc, chez René Chateau uniquement en VF, sauf erreur.
certains sont passé au CDM ces dernieres années : I nostri, Une Femme a tué, Fille d'amour et tres tres recemment ( :mrgreen: :fiou: ) Les Cent Cavaliers....et OCS diffusé ces jours-çi Hercule à la conquete de l'Atlantide en VM

Le René Chateau propose la VO
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Re: Vittorio Cottafavi (1914-1998)

Message par bruce randylan »

Jack Carter a écrit : certains sont passé au CDM ces dernieres années : I nostri, Une Femme a tué, Fille d'amour et tres tres recemment ( :mrgreen: :fiou: ) Les Cent Cavaliers....et OCS diffusé ces jours-çi Hercule à la conquete de l'Atlantide en VM
Fille d'amour est passé chez Brion ? Bizarre que j'ai raté ça.
J'y ai bien vu les deux premiers (dont je ne garde plus de souvenirs :| ).

J'avais vu Les cents cavaliers il y a des années et c'est un vrai bijou avec une réalisation aussi élégante que le scénario est un intelligent.
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Alexandre Angel
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Re: Vittorio Cottafavi (1914-1998)

Message par Alexandre Angel »

Ah oui, j'ai vu aussi Les Cent Cavaliers.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: Vittorio Cottafavi (1914-1998)

Message par Jack Carter »

bruce randylan a écrit :
Jack Carter a écrit : certains sont passé au CDM ces dernieres années : I nostri, Une Femme a tué, Fille d'amour et tres tres recemment ( :mrgreen: :fiou: ) Les Cent Cavaliers....et OCS diffusé ces jours-çi Hercule à la conquete de l'Atlantide en VM
Fille d'amour est passé chez Brion ? Bizarre que j'ai raté ça.
J'y ai bien vu les deux premiers (dont je ne garde plus de souvenirs :| ).
.
J'ai une copie du film sur dvdr, donc je conclus que je l'avais chopé au CDM, parce que sur le cable ça ne me dit rien :|

edit : verifié sur Wikipedia :mrgreen:
Nos reves diffusé le 25/07/10
Une femme a tué le 01/05/11
Fille d'amour le 31/07/11
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Re: Vittorio Cottafavi (1914-1998)

Message par bruce randylan »

Jack Carter a écrit : Fille d'amour le 31/07/11
Ah bah voilà pourquoi ça me dit rien, je crapahutais dans le Connemara à ce moment là !

La Révolte des gladiateurs (La Rivolta dei gladiatori - 1958)
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Un officier romain est envoyé en Arménie pour stopper une rébellion de gladiateurs. Sur place, il découvre que la situation est plus compliquée que prévu.

Un autre péplum assez fauché sauvé en parti par un scénario que tente d'enrichir une nouvelle fois Cottafavi. Cette fois, ce produit de commande critique la colonisation et comment l'impérialisme de grande puissance étrangère impose sa main-mise sur le pouvoir dirigeant du pays occupé. On est pourtant à des années lumières du film contestataire ou du film à thèse. Ce sous-texte est plutôt adroitement intégré à un scénario qui n'aurait pas grand chose à raconter de toute façon, autre que les sempiternelles intrigues avec histoire d'amour entre militaire romain et esclave, combats de gladiateurs et autres villes assiégées. Ca évite en tout cas aux personnages de rester cloisonner dans un manichéisme ronflant pour complexifier un peu leur rapport. On peut louer Cottafavi qui cherche même dans une production de ce genre de vouloir raconter une histoire et pas seulement remplir son cahier des charges en pilotage automatique.
Après, si ça apporte un peu d'originalité et de caractère, ça ne compense certainement pas toutes les lacunes de la production qui ne manque pas de scories : Arménie made Espagne, acteurs fades, reconstitution plus que limite, trucages naïfs (mais toujours moins idiots que ceux de La vengeance de Hercule ) et 3 décors qui se battent en duel qui font illusions à quelques reprises quand même. On peut à ce titre reconnaître que Cottafavi sait à peu près exploiter le scope.

Dans la bonne moyenne pour ses ambitions "géo-politiques" mais trop banal et routinier pour tous les autres éléments pour réussir à dépasser strictement la moyenne.


Le prince au masque rouge (Il cavaliere di Maison Rouge - 1954)
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Durant les troubles de la révolution française, le prince au masque rouge essaie de faire évader la reine Marie-Antoinette.

Cette adaptation réputée d'Alexandre Dumas m'a laissé totalement de marbre malgré son grand nombre de rebondissements. Avec sa dimension "sérial en 1789", le film fait furieusement penser au génial Livre Noir d'Anthony Mann. Mais Cottafavi n'est clairement pas Mann et il lui manque un cruel sens du rythme, de l'invention visuel et de l'intensité.
Ici, aucune tension ne ressort, les situations s'enchainent métronomiquement sans éclat ni fulgurance, sans parler de gros problème de continuité et de raccords. Là où Mann et son chef Op Alton ciselaient un univers fascinant et oppressant, Cottafavi s'englue dans ses décors limités sans parvenir à les faire vivre... un peu comme ses personnages... Ce qui est encore plus contrariant. Les comédiens ne sont pas très charismatiques et leurs rôles se résument à des coquilles vides dénués de réelles psychologie ou de passions palpables, finalement inter-changeables. On voit pourtant une nouvelle fois que Cottafavi essaie de les enrichir en les inscrivant dans les troubles politiques de l'époque avec le désir de contourner des motivations unilatérales. C'est bien présent sur le papier mais jamais sur l'écran où les formules sont toujours visibles, sans doute car le film n'a jamais réussi à m'apparaître comme crédible dans son exécution malgré une ouverture sympathique et cette volonté de multiplier les personnages à la fois indépendants et prisonniers de la marche de l'Histoire grâce à une habile unité fusionnant mélodrame, cape et d'épée et film historique.

Les avis avaient l'air assez partagés à la sortie de la séance. Certains ont rejoints mon ressenti de film poussif tandis que d'autres spectateurs considèrent le film comme un sommet du cinéaste.
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Re: Vittorio Cottafavi (1914-1998)

Message par bruce randylan »

Milady et les mousquetaires (Il Boia di Lilla - 1952)

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Une jeune femme profite du passage de l'armée pour s'échapper d'un couvent en séduisant un officier après avoir volé une rosière en or. Arrêtée, elle parvient à s'évader en laissant la responsabilité (et la peine de prison) à son amant.

Une bien plaisante surprise assez symptomatique de l'approche du cinéaste/co-scénariste qui choisit un roman que les spectateurs connaissent par cœur pour y apporter un regard nouveau. Aujourd'hui on parlerait de préquel car, comme son nom l'indique, l'histoire est narrée du point de vue de Milady, voire uniquement centrée sur Milady puisque les mousquetaires n'interviennent que dans le dernier tiers.

Toute la première heure décrit comment la jeune fille est devenue plus ou moins malgré elle une reine des intrigues au service de Richelieu. L'approche choisie et la psychologie d'Anne sont suffisamment bien écrites pour qu'on évite les pièges de la femme vénale et arriviste manipulant tout le monde pour arriver à ses fins. Elle reste bien-sûr une femme vénale mais demeure moins caricaturale que les autres représentantes du genre. Cette jeune femme est rapidement prise à propre piège et doit constamment pousser son comportement dans une fuite en avant permanente si elle ne veut pas se retrouver à la case départ. Il y a quelque chose d'à la fois de fragile et de calculatrice dans sa nature qui passe bien à l'écran.
Conscient d'un récit pour le moins rocambolesque, Cottafavi prend soit dès le plan inaugural de faire de son personnage féminin une héroïne profondément romanesque, littéralement échappée d'un tableau grâce à un nerveux mouvement de caméra, pour mieux couper l'herbe sous le pied de ceux qui feraient un procès d'intention sur le manque de crédibilité à la vue des nombreuses coïncidences du récit. L'autre manière pour éviter que le spectateur ne se pose trop de question est de foncer pied au plancher et de multiplier les rebondissements qui commencent dès la 3ème minute pour ne jamais cesser jusqu'au dénouement. On a pas le temps de s'ennuyer et le résultat est bien mieux géré que dans le Prince au masque rouge (pour rester dans une autre adaptation de Dumas) qui était trop éparpillé dans sa narration et enfermé en studio. Ici, il y a beaucoup d'extérieur qui aère le récit et une ligne narrative plus claire évoluant progressivement en court de route pour s'éloigner du sérial et se rapprocher de la tragédie, une nouvelle fois dans une conclusion très belle.

J'ai par contre toujours des réserves sur la réalisation même. Le tempo est soutenu, il y a peu de gras mais le découpage est un peu statique pour un manque de dynamisme qui n'arrive pas à renouveler son style. D'où un sentiment de répétition au bout d'un moment (d'autant que certains personnages ré-apparaissent de manière trop cyclique).

Vu le budget et les conditions de production/tournage, je n'ai pas trop envie de faire la fine bouche et je préfère vanter l'originalité du traitement pour un portrait féminin qui renouvelle le genre tout en le respectant (combat à l'épée, torture en prison, femme fatale, multiplications des péripéties...)
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Re: Vittorio Cottafavi (1914-1998)

Message par bruce randylan »

Les légions de Cléopatre (Le legioni di Cleopatra - 1959)
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Un général romain est envoyé en Égypte avec pour mission de convaincre Marc-Antoine de quitter le palais de Cléopâtre où il vit reclus.

Un très bon représentant de la méthode Cottafavi qui s'attaque à un épisode connu de l'histoire romaine qu'il fait doucement dévier vers le mélodrame féminin.
La première partie est centrée Gaius Octavius, le général qui se fait passer pour grec, avec une approche légère et humoristique entre bagarres de taverne, insouciance des héros, entraînement de gladiateurs et numéro de danse sensuel. La seconde se fait plus dramatique une fois que Cléopâtre fait son apparition (ou plutôt révèle sa véritable identité) et que les enjeux politiques semblent condamner les personnages. Ceux-ci semblent totalement prisonnier de leur rôle, volontairement ou non, et doivent donc se confronter à leur responsabilité après avoir essayé de les fuir : Marc-Antoine est rattrapé par la guerre, Octavius doit gérer un jeune esclave acheté et doit dissocier son amitié envers Marc-Antoine et les ordres qu'on lui a donné, Auguste est obsédé par ce que l'Histoire va garder de lui et Cléopâtre s'évade régulièrement de sa tour d'Ivoire pour se faire passer pour une danseuse.

La dramaturgie et son évolution est particulièrement bien écrite et fluide pour un glissement des genres subtil qui semble vouloir embarquer le spectateur à son insu vers quelque chose de plus intime et tragique. Il y a vraiment des séquences surprenantes dans la seconde moitié qui font preuve d'une réelle audace et témoigne d'un désir d'élévation. Mort d'un enfant, conscience tragique du destin, impuissance, sens inéluctable de l'histoire. Le film se permet même le luxe de ne pas montrer la mort de Cléopâtre et Marc-Antoine comme si nous n'en étions pas digne !
C'est tout à l'honneur de Cottafavi d'avoir imposer sa sensibilité à un projet de ce type. Il bénéficie pour l'occasion d'un budget plus confortable pour une reconstitution agréable à l’œil (bataille, figuration, décor) même si on sent encore beaucoup de débrouille et de système D plus ou moins discret (Alexandrie réduite à 3 rues et une taverne, tournage en Espagne par forcément réaliste, casting inégal...).
Ce qui ne gâche rien c'est que Cottafavi a un bon oeil pour le scope et son cadrage est assez sophistiqué.

Après, et sans parler du casting et de la reconstitution, ça n'a pas non plus l'intelligence, la beauté et la force du Mankiewicz mais ça dure 2 fois moins longtemps aussi. Par contre, c'est à des kilomètres au dessus de Serpent of the Nile de William Castle.


Ps : Amusant cet acteur nain qui revient dans plusieurs de péplums du cinéaste.
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Re: Vittorio Cottafavi (1914-1998)

Message par bruce randylan »

La Bête se réveille / Lo Sconosciuto di San Marino (Michal Waszynski - 1946)

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Après le départ des allemands, les habitants du village de Saint-Marin sont partagés face à l’accueil à donner à un vagabond dont l'amnésie lui confère une dimension quasi christique. D'où une rivalité entre le prêtre et un athée. Une prostituée méprisée y voit aussi un salut possible.

Une étonnante rareté qui doit sa diffusion à la cinémathèque grâce à la participation de Cottafavi au scénario (et à la réalisation ?) pour ce film tourné par ce cinéaste polonais surtout connu pour le Dibbouk et qui fut très actif durant les années 1930 avant de s'exiler lors de la seconde guerre mondiale.
Ce dernier a vraisemblablement supervisé le scénario aussi puisqu'on y trouve des thèmes sans aucun doute personnel voire autobiographique avec des artistes polonais expatriés et une grosse connotation religieuse (d'origine juive, Waszynski s'était converti au catholicisme). Scénario très atypique, sorte d'étrange fable tour à tour agaçante et stupéfiante. Il y a de gros sabots lénifiant sur la rédemption, la foi, la figure messianique mais il y aussi des personnages plus "immoraux" traités avec justesse comme l'athée (végétarien de surcroit !) et la prostituée joués respectivement par Vittorio De Sico et Anna Magnani qui ne sont jamais pris de haut ou critiqués. On sent là le traitement de Cottafavi qui apprécie la nuance et refuse le manichéisme.
C'est encore plus frappant durant le dernier acte où le candide amnésique retrouve la mémoire lors d'une procession et réalise
Spoiler (cliquez pour afficher)
qu'il était un soldat SS ayant fait fusiller une foule pacifiste. Après avoir fuit un moment, il ira se sacrifier en traversant un un champ de mine laissant malgré tout (et malgré lui) un message de paix et de tolérance
Mais même durant cette conclusion, le scénario se réfugie derrière pas mal de conventions et de facilités, liant par un heureux hasard tous les différents protagonistes et concluant toutes les sous-intrigues sans qu'on sache non plus pourquoi la police a cherché à l'arrêter soudainement.
On est ainsi toujours pris à contre-pied et j'ai toujours du mal à savoir si j'ai aimé ou non le film car derrière la morale et la bondieuserie, il y a des aspects plus courageux et audacieux.
Et puis la réalisation exploite à merveille la topographie de Saint-Marin, niché sur le sommet d'une montagne escarpée dominant les plaine et surplombant régulièrement un océan nuageux, renforçant la dimension "célèste" de son script.
En tout cas, je ne regrette pas la découverte de cette curiosité et je vais tâcher d'aller voir à la fin du mois Fiamme sul mare autre film signé Waszynski et toujours écrit par Cottafavi.
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Re: Vittorio Cottafavi (1914-1998)

Message par Teklow13 »

Hello,

Je recherche activement, sans succès, un fichier des Cents cavaliers en vostfr. Je l'avais malheureusement raté lors de sa diffusion en mai dernier au cinéma de minuit chez Brion :(
Je rêve de voir ce film donc si une âme charitable parmi vous possède un fichier ou un enregistrement ce serait fabuleux <3
Merci !!
bruce randylan
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Re: Vittorio Cottafavi (1914-1998)

Message par bruce randylan »

J'suis à la bourre :cry:

Femme libre (Una donna libera - 1954)

Sur le point de se marier avec un ouvrier du bâtiment, une jeune femme architecte tombe amoureux d'un chef d'orchestre qui l'encourage à écouter ses envies, pour mieux la séduire.

L'un des meilleurs Cottafavi découverts jusqu'ici pour un très beau mélodrame. Contrairement à Fille d'amour, l'histoire et la réalisation sont uniquement centrées sur le personnage féminin pour un beau portrait, toujours filmé avec un réelle délicatesse. Le cinéaste joue beaucoup sur des subtiles variations de focales pour changer légèrement les perspectives des pièces où se déroulent certains moments clés. Une manière aussi d'exprimer habilement les différentes perceptions que l'héroïne a des hommes qui l'entourent et qui influent directement sur sa vision comme elle le dit elle-même lors d'un dialogue.
Encore plus remarquable est l'utilisation des extérieurs et de la très grande profondeur de champ. Surtout lors de la première partie qui correspond aux moments où l'héroïne est encore transportée par l'amour qu'elle porte au chef d'orchestre et qui contraste alors avec les séquences où celui-ci est absent et qui prennent place dans des intérieurs cloisonnés sans réelle ouverture sur le monde ou un chantier sans perspective.
Pour convoquer cet élan amoureux, Cottafavi compose ainsi sans aucun doute son film le plus technique avec de longs plans et des mouvements de caméra complexes qui traversent des pièces, changent de trajectoire, effectuent de légers balanciers flottants ou changent de trajectoire. Autant de travellings qui correspondent à une symphonie intérieure, la musique étant évidement un motif très important du film avec une brillante utilisation.
Dans ses meilleurs moments, Femme libre donne des séquences fabuleuses, tant dans son frémissement que lors des gouffres soudain de solitude. Chaque fois la tension repose sur sa seule mise en scène : le premier concert, la conversation en haut de marches dominant une large place grouillante d'activité avec un immense boulevard en point de fuite qui semble illimité, les séquences sur les terrasses dominant la mer et qui deviennent tout à coup étouffantes quand l'héroïne se rend compte que la passion n'a qu'un temps ou bien le face à face entre les deux protagonistes masculins où le découpage traduit intelligemment l'isolement du mari devant celui qu'il devine être l'ancien amant. Ca veut implique aussi un solide sens du décor et ce n'est pas pour rien que l'héroïne est architecte d'intérieur puisque c'est elle qui décore l’appartement (sans le savoir) sa future maison... qu'elle a meublé de grande colonne formant rapidement des barreaux de prisons géants.
Une manière de raconter beaucoup de chose sans passer par des dialogues et donc d'alourdir le film. L'atmosphère a ainsi quelque chose de crépusculaire et fataliste, une révolte sourde. D'ailleurs chez Cottafavi, les climax émotionnels sont souvent muets.

Malgré ses grandes qualité, le film n'est pas parfait avec un rythme parfois languissant et un dernier acte plus prévisible où le rebondissement autour de la soeur est un artifice assez facile pour prétexter un meurtre (hors-champ) qui ouvre le film et lancera un flash-back, afin de se rapprocher une nouvelle fois de la tragédie puisque le dénouement funeste nous est annoncé dès le début.

La fiamma che non si Spegne (1949)

Le fils d'un soldat mort au combat est lui-même confronté à la guerre lors de l'occupation allemande.

Avec beaucoup de spoilers

Un titre étrange, bancal, mal structuré qui hésite sur la tournure à prendre et ne fait qu'effleurer son sujet au final. On dirait que le film mélange tant bien que mal un drame inspiré d'une histoire vraie (un gendarme se sacrifiant pour sauver une vingtaine d'otages sur le point d'être exécutés) avec une dimension plus psychanalytique où le fils suit inconsciemment les traces de son père. C'est pour moi clairement le sujet le plus intéressant du film mais cette fascination pour une figure absente, cette attirance pour l'outre-tombe ne sont évoquées que lors d'une poignée très réduite de séquences et ne se ressentent pas vraiment.
A la place, on a plutôt un premier tiers bien trop long pour présenter la vie et la mort de la figure paternelle et un dernier tiers entièrement dédié au représailles allemandes, partie prévisible mais qui possède une bonne dimension tragique et une réelle noblesse d’exécution.
De manière générale, Cottafavi donne plusieurs de ses plus belles scènes et certaines sont d'une beauté et d'une poésie à donner des frissons. La lettre (non lue) annonçant la mort du mari est par exemple un pur chef d’œuvre d'économie et de lyrisme avec une absence totale de dialogue mais un long jeu sur le silence et les regards lourds de sens avant que deux travellings se rapprochant des visages des 3 protagonistes ne donnent une force déchirante à la douleur partagée.
Et plus que le sacrifice en tant que tel (d'une sobriété et d'une dignité évidente), ce sont les tous derniers plans qui m'ont bluffé. Quand le fils, dans l'au-delà, peut enfin se rapprocher du père qu'il n'a jamais connu et se placer à ses côtés, tous deux à cheval. Et alors qu'un sourire complice se forme sur leur visage, une charge de cavaliers les dépassent subitement surgissant silencieusement des limbes embrumées. Les deux générations se lancent alors eux-aussi dans la charge avec un élan de béatitude qui m'a laissé le souffle coupé.

Rien que pour ces deux moments, Cottafavi mérite sa place dans les dictionnaires de cinéma. D'autres moments ne manquent pas de caractère et d'émotion mais on ne peut que regretter un scénario mal exploité.


Repris de justice (Avanzi di galera - 1954)

Pas grand intérêt dans ce film sketch qui s'attarde sur 3 prisonniers retrouvant la liberté.
Le premier est un chirurgien ayant tué une patiente et qui panique d'autant plus à reprendre le bistouri que le conseil d'administration de son hôpital refuse de le reprendre dans son équipe. Le second évoque un ancien bandit traqué par ses anciens partenaires qui aimeraient bien mettre la main sur l'or d'un précédent coup qu'il a caché avant d'aller en prison. Le troisième narre le désarroi d'un jeune homme accusé d'un vol qu'il n'a pas commis et se voit rejeter par tous, à commencer par sa famille. Seule une infirmière semble lui faire confiance un minimum.

Le tout est très illustratif, platement mis en scène et photographié avec un direction d'acteurs vraiment médiocre. Cottafavi s'est trouvé obligé de faire cette commande et il n'a pas l'air de s'être beaucoup forcé. Il apporte pourtant des personnages féminins qui volent la vedette à leur partenaire masculin. Une nouvelle fois, le (mélo)drame masculin se mue en tragédie féminine puisque chacune des héroïnes se sacrifient (soit physiquement, soit symboliquement) : la première après avoir été fauché par un camion pousse son mari à pratiquer l'opération pour lutter ses démons intérieur, la seconde essaye en vain d'empêcher son amoureux de s'entretuer avec ses ennemis et elle sera la première victime ne pouvant dévoiler l'ironie de la situation puisque le magot a été récupéré par la police depuis longtemps. Quant l'infirmière de la dernière histoire, elle est une sorte de madone mutique apportant le pardon et sa bénédiction à un homme à bout du rouleau.
A ceci, il faut rajouter un désir de pointer du doigt l'inhumanité du système judiciaire qui ne fait rien pour empêcher un bain de sang ou qui bâcle ses enquêtes tandis que les avocats assument le service minimum. De manière générale, c'est la société entière qui apparait égoïste et empêche toute ré-intégration des ex-prisonniers.
Sauf que ces bonnes intentions sont à peine survolés et que le traitement manque de toute façon cruellement de réels enjeux pour une dramaturgie jamais à la hauteur, pétri de clichés, de facilité et d'un traitement lourdingue. Et presque tous les acteurs se révèlent décevants (et on parle de Walter Chiari, Eddie Constantine et de Richard Basehart).
Dernière modification par bruce randylan le 4 oct. 17, 23:15, modifié 1 fois.
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Re: Vittorio Cottafavi (1914-1998)

Message par bruce randylan »

La carrière que Cottafavi a eu pour la télévision est sans doute plus conséquente que celle cinématographique mais demeure un continu méconnu et grandement invisible. La Cinémathèque a tout de même pu diffuser deux de ses travaux.

I racconti di Padre Brown (1970)

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Cette adaptation en 6 épisodes des romans de G. K. Chesterton fut un énorme succès populaire pour Cottafavi qui battit des records d'audiences et demeure encore aujourd'hui une pièce maîtresse de sa carrière (pour ceux qui connaissent bien sa vaste et très productive période télévisuelle).
On voit rapidement que le cinéaste devait beaucoup appréciait l'auteur puisqu'il arrive ainsi à en faire quelque chose de personnel au travers du héros, prêtre d'une petite paroisse assez anticonformiste (et progressiste par de nombreux aspects) dont la connaissance approfondie de la nature humaine le conduit à mener des enquêtes policières.

Je ne connais absolument pas l'univers de Chesterton mais ce personnage m'a fait penser à Columbo pour sa nonchalance et sa perspicacité redoutable, bernant ses divers adversaires qui ne le prennent pas vraiment au sérieux. D'où un ton décontracté et chaleureux, presque flegmatique (origine britannique oblige). Ce qui en fait tout le piment est le caractère du Père Brown qui ne juge pas ceux qu'il croise. Pas plus qu'il ne leur fait de leçons au sens strict, même si la morale n'est pas toujours éloignée. On reconnaît en tout cas le goût de Cottafavi pour la nuance et son refus du manichéisme. Dans un épisode d'ailleurs, le Père Brown démasque le méchant en devinant qu'il se déguise pour jouer à tour de rôle deux rivaux politiques. Comme il le dit (je ne me rappelle plus la formulation précise) « Une opposition trop parfaite est toujours douteuse ». Une phrase qui pourrait mine de rien résumer la vision du cinéaste et son goût pour les personnages/situations jamais ni blancs ni noirs.

Les épisodes durant pratiquement une heure, et même si la série est vraiment plaisante, je n'ai pas eut le courage de me faire 4 épisodes d'affilée le même soir (contrainte de programmation). Je n'ai donc pas vu les épisodes 3 et 4, sachant que tous sont indépendant les uns des autres bien que le premier épisode introduit le comparse du héros qui reviendra à chaque épisode à priori : un voleur devenu policier.
Le « pilote » est à ce titre vraiment savoureux, bien qu'assez peu crédible dans le jeu de pistes laissés par le Père Brown qui retourne contre un brigand ses propres techniques de larcins avec un humour presque absurde puisqu'on n'en comprend pas toujours les raisons sur le moment (jeter un verre de café contre un mur, inverser le sel et le sucre, briser une vitre, laisser de l'argent sur un arbre en échange des fruits cueillis). Le duo entre Renato Rascel et Arnoldo Foà fonctionne d'ailleurs très bien.
Les autres épisodes seront un peu moins inspirés car les relation entre le détective en soutane et les nouveaux protagonistes ne sont plus autant croustillantes. Le tournage en studio offre aussi moins de respirations bucoliques (très en adéquation avec la bonhomie du premier épisode) même si elle permet au cinéaste quelques mouvements de caméra très sophistiquée pour une production télévisuelle de cette époque.
Parmi les enquêtes on trouvera ainsi une rivalité politique entre deux adversaires qui vire au pugilat, un banquier craignant que des bandits des grands chemins ne le soulagent sur une route des balkans ou encore un majordome soupçonné du meurtre de son patron.

Si I racconti di Padre Brown a pris un petit coup de vieux, l'approche, le ton et son héros en font une mini-série profondément attachante auquel on aimerait bien revenir de temps en temps. Et ça donne envie de connaître un peu plus en profondeur la filmographie de Cottafavi pour le petit écran.


La folie Amayer (1972) en est malheureusement un contre exemple.

Pas grand chose à dire sur ce téléfilm, tourné en français, raté et ennuyeux dont les enjeux et la psychologie n'intéressent à aucun moment. Je ne parle même pas de la dimension politique (comme la colonisation) jamais vraiment abordé. Très décevant avec une réalisation inexistante et une interprétation à l'ouest, peu aidé notamment par des maquillages qui veulent faire passer des occidents pour des asiatiques et qui semblent sortir des années 30.
Autant dire qu'on ne ressent pas la lente dérive vers la folie, l'aliénation et le désespoir du héros, belle tête à claque.
Histoire d'avoir un truc positif à raconter : la musique est de François de Roubaix.
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Re: Vittorio Cottafavi (1914-1998)

Message par bruce randylan »

Mieux vaut tard (et rapidement) que jamais

Maria Zef (1981) signe le retour inattendu de Cottafavi au long métrage après 20 ans passés à la télévisons.
Et un come-back très réussi avec ce portrait féminin entre le naturalisme documentaire de l'Arbre au sabot et le mélodrame romanesque. Romanesque est un bien grand mot vu une certaine aridité voire austérité dans le cadre et la réalisation mais il est indéniable que la seconde moitié déploie discrètement un certain souffle au travers de l'évolution de la jeune héroïne qui se retrouve soudainement à faire face à de nombreuses épreuves : jeune frère blessé et hospitalisé, maison isolé dans la neige, le risque d'être marié de force et un père trop porté sur la bouteille et dont la boisson altère le comportement. Pourtant grâce à l'épure de la réalisation et au traitement, Cottafavi évite le sensationnelle, le misérabilisme et la reconstitution trop visible. Surtout il parvient à ne jamais juger ses personnages, ce qui est une sacrée gageure vu les sautes d'humeurs du père de famille.
De quoi avoir envie de découvrir son ultime réalisation datant de 1985 et malheureusement non repris dans cette rétrospective.

Hercule à la conquête de l'Atlantide (1961) est en effet un très bon péplum qui mérite sa réputation. Il est loin d'être parfait mais il surprend par l'aisance de sa réalisation et le soin accordé à sa direction artistique souvent remarquable et qui ne fait jamais bâclé, du plan séquence générique d'ouverture jusqu'à la destruction d'Atlantide à la fin et dont les décors sont impressionnants. Malheureusement le scénario est moins soigné et souffre de gros manques d'unités où l'on passe d'une légèreté très rafraichissante à des visions assez glaçantes d'une dictature aryenne. C'est sa parabole politique qui en fait une grande partie du charme et donne envie d'être indulgent face à des moments plus relâchés et un mélange des genres bancals.

Enfin La grande strada (1946) est une autre co-réalisation avec le cinéaste Michal Waszynski (1946). Il s'agit plus précisément du premier film polonais tourné après la guerre, produit en Italie. La Pologne est au cœur d'un scénario édifiant où une infirmière s'occupe d'un blessé polonais devenu aveugle et n'ose pas décevoir le malade qui pense être soigné par sa fiancé. L'infirmière ne tardera pas à tomber amoureuse du soldat alors que la vraie fiancée rentre dans le jeu.
A la rigueur, ça pourrait donner un joli mélodrame avec cette femme qui se substitue à une autre avant de "se sacrifier" pour laisser la place qu'elle avait prise... sauf que l'axe choisi est avant un pur film de propagande nationaliste où de nombreux, et longs flash-backs, sont l'occasion d'affronter d'interminables stock-shots qui résume les grandes lignes du conflit.
Difficile de faire plus indigeste. :?
Dernière modification par bruce randylan le 21 nov. 17, 00:51, modifié 1 fois.
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Re: Vittorio Cottafavi (1914-1998)

Message par Alexandre Angel »

bruce randylan a écrit :Maria Zef (1981) signe le retour inattendu de Cottafavi au long métrage après 20 ans passés à la télévisons.
Et évidemment, c'est jamais sorti en France.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
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