Mauritz Stiller (1883-1928)
Publié : 18 juin 17, 12:36
Mauritz Stiller demeure pour beaucoup le découvreur de Greta Garbo mais il fut l'un des grands noms du cinéma muet au travers de "l'école suédoise" dont il fut le meilleur représentant avec Victor Sjostrom, un mouvement qui place la nature au coeur de la psychologie et de la narration.
Madame de Thèbes (1915)
Pour éviter qu'une malédiction ne frappe son fils, une bohémienne confie son bébé à une aristocrate qui vient de perdre son enfant. Des années plus tard, le fils est sur le point de faire carrière dans la politique tandis que sa mère biologique est devenue une voyante prisée par les hommes de pouvoir pour ses prédictions.
L'un des 2 plus vieux films conservés de Stiller fait encore partie d'un début de carrière encore impersonnel. Difficile de voir un style affirmé dans ce mélodrame aux ficelles bien artificielles et peu passionnantes. Le découpage y est encore très basique, sans grande inspiration et mécanique. Les cadres ont l'air réfléchi mais manquent de respiration et rapidement de variation, surtout pour les intérieurs. La photographie est par contre plus travaillée et la direction d'acteurs assez sobres pour l'époque.
Mais avec ce scénario, le film ne décolle jamais et le sentiment général est la passivité face à une intrigue qui se traîne.
Vers le bonheur / Erotikon (1920)
Un entomologiste délaisse son épouse, courtisée par deux hommes.
Comédie de mœurs mondaine, Erotikon, s'il ne fait pas réellement partie de "l'école suédoise", demeure l'un des titres marquants de son auteur. On n'est pas très éloigné de l'esprit des "comédies de remariage" que pouvait faire Cecil B. De Mille à la même époque aux USA mais Stiller le fait avec une approche beaucoup plus sobre et mature, loin du barnum décoratif et l'étalage de luxe. Pour continuer le parallèle on retrouve même un interlude antique, bien plus habilement intégré au récit même si un brin trop long.
De ce fait, on pense plus souvent à Lubitsch et avec quelques années d'avance ! On y retrouve l'élégance, la légèreté de l'écriture, la brillante caractérisation des personnages, une relative immoralité, un ménage à trois (voire quatre) et une réalisation précise assez discrète qui joue des variations de cadrages et de la gestion de l'espace pour replacer (ou non) les acteurs dans la dynamique de la séquence. La direction d'acteurs est également un régal avec juste ce qu'il faut de décalage et de stéréotypes pour éviter la simple farce ou le vaudeville. Pour autant, ils sont parfaitement humains et humanisés et ne sont jamais des simples pantins uniquement crée pour amuser le public. Irene, l'épouse, est un personnage féminin particulièrement intéressant et complexe.
La mélancolie n'est jamais bien loin d'ailleurs pour la relation entre l'épouse et son premier prétendant, avec le risque de casser un peu la dynamique du récit et l'unité de l'écriture. On peut ainsi regretter que le second personnage féminin (la nièce) soit à ce point effacé. Il y a ainsi quelques longueurs durant la seconde moitié lorsque le ton se fait plus dramatique... pour mieux repartir par la suite, en renouant avec la légèreté, parfois légèrement farfelue, le marivaudage raffiné et la comédie de mœurs, ironique sans être mordante à l'image des cartons très amusants avec de petits dessins résumant/détournant les situations.
Les acteurs, tous excellents, incarnent à merveille les personnages à l'écriture originale et il est difficile de ne pas s'amuser du mari qui s’énerve qu'on ne respecte pas sa situation de mari hypothétiquement trompé n'aspirant qu'à manger un ragout ou de l'allure et de la démarche de son collègue comme on ne peut que s'attendrir de l'épouse qui précipite une "fin dramatique" pour en finir avec une situation hypocrite et tendue.
A travers les Rapides (Johan - 1921) est pour le coup un excellent représentant de cette école suédoise et on voit clairement l'influence qu'il a pu avoir sur Dreyer, notamment La Fiancée de Glomdal pour son cadre ou la Quatrième alliance de Dame Marguerite et le maître du logis pour les relations entre personnages.
On s'attache un peu moins aux personnages que dans Erotikon à cause d'une approche plus froide et distante, avec aussi une psychologie plus authentique car moins aimable. Le naturalisme ne s'applique ainsi pas qu'à la dimension picturale. Celà dit, cette austérité concerne surtout la première moitié qui installe le contexte et met doucement en place la frustration de cette jeune épouse, prisonnière d'une demeure isolée, face à une belle-mère insensible et un mari aussi absent qu'indélicat. Elle cédera donc en avance d'un voyageur qui lui propose une meilleure vie.
Ce qui est remarquable, c'est la manière non seulement d'intégrer la nature et l'environnement dans le cadre et la narration mais surtout de ne jamais chercher à l'idéaliser avec lyrisme et insistance. Ainsi, la réalisation est d'autant plus fluide qu'elle ne s'attarde pas sur ce qu'elle montre ou que la composition des plans ne cherche pas à dérouler sa virtuosité plastique. Il n'y a pas de volonté de faire du morceau de bravoure à la Griffith alors que tout s'y prête (les deux héros pris dans les tumultes d'un torrent), ce qui témoigne d'une honnêteté et d'un intégrité louable à l'instar du refus du manichéisme pour la conception de ses protagonistes.
Madame de Thèbes (1915)
Pour éviter qu'une malédiction ne frappe son fils, une bohémienne confie son bébé à une aristocrate qui vient de perdre son enfant. Des années plus tard, le fils est sur le point de faire carrière dans la politique tandis que sa mère biologique est devenue une voyante prisée par les hommes de pouvoir pour ses prédictions.
L'un des 2 plus vieux films conservés de Stiller fait encore partie d'un début de carrière encore impersonnel. Difficile de voir un style affirmé dans ce mélodrame aux ficelles bien artificielles et peu passionnantes. Le découpage y est encore très basique, sans grande inspiration et mécanique. Les cadres ont l'air réfléchi mais manquent de respiration et rapidement de variation, surtout pour les intérieurs. La photographie est par contre plus travaillée et la direction d'acteurs assez sobres pour l'époque.
Mais avec ce scénario, le film ne décolle jamais et le sentiment général est la passivité face à une intrigue qui se traîne.
Vers le bonheur / Erotikon (1920)
Un entomologiste délaisse son épouse, courtisée par deux hommes.
Comédie de mœurs mondaine, Erotikon, s'il ne fait pas réellement partie de "l'école suédoise", demeure l'un des titres marquants de son auteur. On n'est pas très éloigné de l'esprit des "comédies de remariage" que pouvait faire Cecil B. De Mille à la même époque aux USA mais Stiller le fait avec une approche beaucoup plus sobre et mature, loin du barnum décoratif et l'étalage de luxe. Pour continuer le parallèle on retrouve même un interlude antique, bien plus habilement intégré au récit même si un brin trop long.
De ce fait, on pense plus souvent à Lubitsch et avec quelques années d'avance ! On y retrouve l'élégance, la légèreté de l'écriture, la brillante caractérisation des personnages, une relative immoralité, un ménage à trois (voire quatre) et une réalisation précise assez discrète qui joue des variations de cadrages et de la gestion de l'espace pour replacer (ou non) les acteurs dans la dynamique de la séquence. La direction d'acteurs est également un régal avec juste ce qu'il faut de décalage et de stéréotypes pour éviter la simple farce ou le vaudeville. Pour autant, ils sont parfaitement humains et humanisés et ne sont jamais des simples pantins uniquement crée pour amuser le public. Irene, l'épouse, est un personnage féminin particulièrement intéressant et complexe.
La mélancolie n'est jamais bien loin d'ailleurs pour la relation entre l'épouse et son premier prétendant, avec le risque de casser un peu la dynamique du récit et l'unité de l'écriture. On peut ainsi regretter que le second personnage féminin (la nièce) soit à ce point effacé. Il y a ainsi quelques longueurs durant la seconde moitié lorsque le ton se fait plus dramatique... pour mieux repartir par la suite, en renouant avec la légèreté, parfois légèrement farfelue, le marivaudage raffiné et la comédie de mœurs, ironique sans être mordante à l'image des cartons très amusants avec de petits dessins résumant/détournant les situations.
Les acteurs, tous excellents, incarnent à merveille les personnages à l'écriture originale et il est difficile de ne pas s'amuser du mari qui s’énerve qu'on ne respecte pas sa situation de mari hypothétiquement trompé n'aspirant qu'à manger un ragout ou de l'allure et de la démarche de son collègue comme on ne peut que s'attendrir de l'épouse qui précipite une "fin dramatique" pour en finir avec une situation hypocrite et tendue.
A travers les Rapides (Johan - 1921) est pour le coup un excellent représentant de cette école suédoise et on voit clairement l'influence qu'il a pu avoir sur Dreyer, notamment La Fiancée de Glomdal pour son cadre ou la Quatrième alliance de Dame Marguerite et le maître du logis pour les relations entre personnages.
On s'attache un peu moins aux personnages que dans Erotikon à cause d'une approche plus froide et distante, avec aussi une psychologie plus authentique car moins aimable. Le naturalisme ne s'applique ainsi pas qu'à la dimension picturale. Celà dit, cette austérité concerne surtout la première moitié qui installe le contexte et met doucement en place la frustration de cette jeune épouse, prisonnière d'une demeure isolée, face à une belle-mère insensible et un mari aussi absent qu'indélicat. Elle cédera donc en avance d'un voyageur qui lui propose une meilleure vie.
Ce qui est remarquable, c'est la manière non seulement d'intégrer la nature et l'environnement dans le cadre et la narration mais surtout de ne jamais chercher à l'idéaliser avec lyrisme et insistance. Ainsi, la réalisation est d'autant plus fluide qu'elle ne s'attarde pas sur ce qu'elle montre ou que la composition des plans ne cherche pas à dérouler sa virtuosité plastique. Il n'y a pas de volonté de faire du morceau de bravoure à la Griffith alors que tout s'y prête (les deux héros pris dans les tumultes d'un torrent), ce qui témoigne d'une honnêteté et d'un intégrité louable à l'instar du refus du manichéisme pour la conception de ses protagonistes.