Enzo G. Castellari

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Kevin95
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Enzo G. Castellari

Message par Kevin95 »

IL GRANDE RACKET (Big Racket) - Enzo G. Castellari (1976) révision

Dans une de ses rares interviews, Enzo G. Castellari expliquait qu'il n'avait pas beaucoup d'affection pour ses polars, parlant même - de mémoire - de ratages. Que le réalisateur d'I nuovi barbari (Les Nouveaux Barbares) discrédite ses poliziottesco tient sans doute du fait de leur réputation sulfureuse, de leur radicalité comme de leur ambiguïté d'un point de vue politique. Au sujet d'Il grande racket, un journaliste italien parla même à l'époque de film fasciste comme pour trouver un pendant transalpin au même terme utilisé par Pauline Kael pour parler de Dirty Harry. C'en est presque un hommage tant on sait combien les polars italiens de l'époque doivent au film de Don Siegel, même si ici Castellari est plus proche de la sauvagerie d'un Sam Peckinpah au point de lui emprunter ses ralentis et le final de The Wild Bunch. Il grande racket s'inscrit dans la tendance la plus désespérée du genre poliziottesco, celle qui refuse la distance à l'italienne pour embrasser le nihilisme le plus total quitte à laisser des pots cassés derrière soi et des critiques de gauche en rage. Le film narre le combat d'un flic pour mettre à mal un gang de racketteurs qui va jusqu'à utiliser les victimes lors d'un assaut final foutu d'avance. Le réalisateur n'y va pas avec le dos de la cuillère, la violence y est crue, on tue, on maltraite, on viole et, merci patron, on pisse sur le corps de la victime. Castellari ne nous épargne rien, dès la musique des frères de Angelis en intro, on sait qu'on est face à un film malade, vénère et cassant comme un coup au ventre. Parler d'un film fasciste revient à lui retirer son plan final qui après une longue séquence d'action hallucinante (inspirant parait-il John Woo pour son Hard-Boiled), montre que le plus dingue n'est pas celui que l'on croit et que rien ne vient cicatriser une douleur, surtout pas la vengeance. Perle noire, comme les autres polars violents du réalisateur tournés dans les années 70. Par la suite, conscient du point de non-retour de ces films, Castellari reviendra au genre avec bien plus de légèreté avec le rythmé La via della droga (Action immédiate) et le rigolo Il giorno del Cobra (Cobra), mais c'est lorsqu'il est triste à mourir que le réalisateur est à son meilleur.
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Shin Cyberlapinou
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Re: Enzo G. Castellari

Message par Shin Cyberlapinou »

J'avais fait un énorme blocage sur Keoma (le chant du cygne absolu d'un genre, voire d'une cinématographie entière, centré sur un héros hirsute dans des décors en ruines) mais Big racket est aussi dans le haut du panier* de son auteur, actioner furieux avec son justicier quasi autiste et son final en forme d'impasse, ce n'est effectivement pas du fascisme mais un nihilisme désespéré*. Inglorious bastards est fun même si plus léger et Street law est compétent même si ce n'est pas le sommet du vigilante movie. Castellari est un artisan fort solide, dommage que comme tant d'autres de ses compatriotes il se soit retrouvé à enchaîner les zèderies même sympathiques dans les années 80 au point d'être mis dans le même panier qu'un Bruno Mattei.

* Le final de Dirty Harry n'a lui non plus rien de triomphal, un sentiment amoindri par les suites.
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Kevin95
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Re: Enzo G. Castellari

Message par Kevin95 »

J'aimerai beaucoup revoir Il cittadino si ribella (ou Street Law). Ce effectivement pas un des sommets du vigilente, mais j'en garde un excellent souvenir, triste et désespéré avec un Franco Nero complétement lessivé sur une musique tantôt chialante tantôt furieuse des frères de Angelis. C'était un de mes premiers polars italien, diffus& à l'époque sur Polar et j'en suis resté baba.
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Re: Enzo G. Castellari

Message par Max Schreck »

Il Grande racket (Big racket), 1976
Une bande organisée fait règner la terreur chez d'honnêtes commerçants romains, contraints de payer pour leur protection. Après avoir tenté en vain de démanteler ce réseau et parce qu'il refuse de se soumettre à sa hierarchie, l'inspecteur Nico est renvoyé de la police. Il va rassembler autour de lui les victimes des malfrats, désireux comme lui de se faire justice. Voilà le genre de film qui semble n'exister que pour justifier l'expression "plaisir coupable". Soit une solide série B, seventies jusqu'au bout des moustaches, faisant l'apologie de l'autodéfense avec une irresponsabilité réjouissante. Castellari n'y va en effet pas avec le dos du fusil à pompe pour nous montrer des vrais salopards bien sadiques harceler de pauvres commerçants sans défense, avec une police évidemment entravée par l'administration et des juges corrompus. Le héros lui-même (Fabio Testi), s'avère être un flic bien réac' aux relents clairement xénophobes. « Bientôt ce seront nous les immigrés ! », enrage-t-il après s'être fait tabasser. Évidemment il partage une virile amitié avec son partenaire, et il ne fait aucun doute pour le public que ce dernier est appelé à crever au bout d'une demi-heure syndicale, entraînant l'inévitable désir de vengeance de notre héros. C'est violent, c'est complaisant, c'est idiot, c'est drôle (un grand merci aux doubleurs, il y a du beau monde). J'aurais bien cité quelques répliques mais ma mémoire me lâche.

Il y a un plan incroyable qui m'a vraiment fait mourir de rire : lorsque les vilains balancent Fabio Testi à bord de sa bagnole dans un précipice. Castellari a placé sa caméra à l'intérieur du véhicule qui fait des tonneaux, et nous montre en live Testi se faire retourner la face, en se prenant l'intégralité du contenu de l'habitacle dans la gueule, apparemment sans trucage ! C'est tellement fou pour un résultat tellement aberrant qu'on hallucine autant qu'on rigole. Le meilleur du film venant sans doute dans son dernier acte, lorsque Dirty Nico décide de régler ses comptes en allant recruter des types qui sont clairement devenus de dangereux psychopathes suite à leur traumatisme. Un restaurateur, dont la fille s'est suicidée suite à son viol, a constamment les yeux exorbités et la bave aux lèvres, rêvant d'exterminer la racaille par centaines. Un champion de ball-trap a vu sa femme violée et brûlée vive, et caresse désormais bizarrement son fusil à lunette en fantasmant de faire un carton sur des cibles humaines. Un trafiquant de drogue qui s'est fait renverser par une voiture, portant depuis une sorte de minerve en métal pour soutenir sa nuque brisée. Bref, c'est une joyeuse bande d'inadaptés sociaux qui se réunit pour un dernier baroud. Ça canarde méchamment, ça meurt en faisant des cabrioles au ralenti, ça explose et ça gicle... Rythme excellent, personnages rigolos, mise en scène franchement bien foutue, excellent score pop... Que demande le peuple ?



Les Nouveaux barbares, 1982
Un Mad Max du pauvre qui pompe sans vergogne (mais aussi sans talent) le film de Miller. Quasiment pas de scenar, mais une curieuse insistance à proposer quand même des scènes dialoguées qui n'ont rien à dire. Sur la Terre dévastée après un ultime conflit nucléaire, une espèce de secte menée par George Eastman a le curieux projet d'exterminer les survivants tout en déplorant qu'il n'y ait plus aucune forme de vie sur la planète (si j'ai bien compris). Face à eux, un guerrier super balèze vient protéger les gentils. Bagnoles customisées en carton, explosions de mannequins en mousse sous toutes les coutures, courses-poursuites dans des carrières. Le plus beau étant sans doute les bruitages atroces qui accompagnent les véhicules et les coups de feu. Le score est quand à lui "assuré" par Claudio Simonetti des Goblin et est une horreur bontempiesque.

Débarquant de nulle part pour seconder notre héros, Fred Williamson fait des interventions franchement irresistibles, notamment ses punchlines ahurissantes destinées à prouver son statut de mâle dominant auprès des femmes. Et puis il faut le voir prendre tout son temps pour venir au secours de son pote alors que celui-ci passe un sale quart d'heure (genre le mec se fait traîner au sol par un buggy, tandis que Fred monte son arc avec une lenteur presque sadique). N'oublions pas le gamin tête à claque pour compléter la galerie, et l'on obtient une série B bien idiote, heureusement pas trop mal filmée (Castellari sait composer un cadre en scope), et généreuse en action.



Sinbad of the seven seas, 1987-89
Production Cannon, librement adaptée... d'Edgar Allan Poe (sic). Un film fantasy super sympa fait de bric et de broc, avec un Lou Ferrigno superstar, sourire en coin plein de charme, pectos et biceps saillants, loin d'être une de ces masses de bidoche inexpressives. Bon, son perso est ridicule mais ses efforts sont louables. Sinbad et ses potes (un nain, un samourai et un viking) affrontent un Jaffar de pacotille (John Steiner) planqué dans un décor aussi ridicule que son cabotinage, qui s'acharne sur ses tours de passe-passe alors que ses plans machiavéliques ne cessent de foirer. Les combats mous comme il faut sont néanmoins plutôt bien réglés (c'est juste les figurants qui manquent de conviction), il y a de la magie (avec manifestement des effets spéciaux pas tout à fait finalisés), quelques craignos monsters (un monstre-rocher et un monstre-moisissure), des jeunes femmes en détresse. L'intrigue prend l'eau de tous côtés, avec des personnages débarquant d'on ne sait où, évoquant des situations qui ne nous ont pas été données à voir. Une scène sort du lot par sa... hum, "poésie" inattendue : échoués sur l'île de la Mort, Sinbad et ses compagnons voient sortir du sable au ralenti des hommes en armure médiévale, dont un sur son cheval. Musique synthé-rock de rigueur complétement hors-sujet.

Surprise du chef, tout le film est narré par Daria Nicolodi à une gamine dans son pieu, et on a donc droit pendant la quasi-totalité du flim à un commentaire paraphrasant sur un ton bébête ce qui se passe sur l'écran, avec la gamine qui réagit genre "j'ai peur" (il y a toute une séquence avec des zombies pirates qui sont loin d'être tous publics), "qu'est-ce qu'il va devenir Sinbad ?", "il va embrasser la princesse (Alessandra Martines) ?". Ces (faux-)raccords, tournés par Luigi Cozzi, achèvent de faire de ce truc un authentique conte à dormir debout écrit par un cerveau âgé de moins de 10 ans. En fait, tout s'explique : le produit final s'avère être un traficottage aberrant d'un projet avorté de mini-série télé. Je ne peux croire que cette "œuvre" ait pu raisonnablement bénéficier d'une sortie en salle...
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Re: Enzo G. Castellari

Message par Kevin95 »

Max Schreck a écrit :Il y a un plan incroyable qui m'a vraiment fait mourir de rire : lorsque les vilains balancent Fabio Testi à bord de sa bagnole dans un précipice. Castellari a placé sa caméra à l'intérieur du véhicule qui fait des tonneaux, et nous montre en live Testi se faire retourner la face, en se prenant l'intégralité du contenu de l'habitacle dans la gueule, apparemment sans trucage !
Un plan parait-il inspiré des Choses de la vie... ehhhh oui. :mrgreen:
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Message par Jeremy Fox »

Keoma chroniqué par Philippe Paul.
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Re: Enzo G. Castellari

Message par Jeremy Fox »

Un citoyen se rebelle par Philippe paul
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