Basil Dearden (1911-1971)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Rick Blaine
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Re: Basil Dearden (1911-1971)

Message par Rick Blaine »

Profondo Rosso a écrit :Ah tu fais bien baver pour The Blue Lamp Rick; BR en décembre chez Studiocanal
Je me suis préco le BR du coup, bien envie de le revoir.
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Profondo Rosso
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Re: Basil Dearden (1911-1971)

Message par Profondo Rosso »

Commissaire Juve a écrit :
EDIT : je viens de voir le BLU ci-dessus. Là, plus de doute, StudioCanal se fout vraiment de nous ! :x
Ne désespérons pas peut-être que Tamasa (qui édite une grosse partie du catalogue UK de Studiocanal) nous le sortira prochainement, on leur doit l'édition française de Brighton Rock. Sinon j'avais oublié que Karthoum était de lui aussi, souvenir lointain d'enfance à revoir peut-être. Mais j'aime vraiment beaucoup son approche sociale et urbaine du polar c'est vraiment sa patte, ça donne une vraie originalité au genre avec cet ancrage anglais. D'ailleurs Criterion avait consacré un coffret à cette veine spécifique de sa filmographie.

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Tiens ça me rappelle que j'ai All night long aussi en stock (le film a très bonne réputation en plus) le topic va m'inciter à écouler mes Dearden pas visionnés !
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Commissaire Juve
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Re: Basil Dearden (1911-1971)

Message par Commissaire Juve »

Euh... Tamasa ne fait pratiquement pas de BLU. Si c'est pour les avoir en DVD, ranapéter, je les ai déjà !

StudioCanal UK sort tous ses bons masters DVD en BLU et nous... ben... on sent le gaz !
Profondo Rosso a écrit :... on leur doit l'édition française de Brighton Rock.
Que j'ai en DVD UK et en BLU UK. BLU qui -- rappelez-vous -- n'était pas exempt de reproches. C'était de la restauration "à l'ancienne" (en laissant passer quelques merdouilles) comme pour "Fallen Idol". :?
Dernière modification par Commissaire Juve le 7 nov. 16, 16:00, modifié 1 fois.
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Re: Basil Dearden (1911-1971)

Message par Profondo Rosso »

Pour ceux qui ont du mal même avec les sous-titres anglais un dvd c'est toujours ça de pris malgré tout pour visionner le film.
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Rick Blaine
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Re: Basil Dearden (1911-1971)

Message par Rick Blaine »

Profondo Rosso a écrit :Mais j'aime vraiment beaucoup son approche sociale et urbaine du polar c'est vraiment sa patte, ça donne une vraie originalité au genre avec cet ancrage anglais.
Nous sommes d'accord.
Profondo Rosso a écrit :Tiens ça me rappelle que j'ai All night long aussi en stock (le film a très bonne réputation en plus) le topic va m'inciter à écouler mes Dearden pas visionnés !
Tiens, moi aussi il faut que je vois ce titre ! :D
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Re: Basil Dearden (1911-1971)

Message par Jack Carter »

All night long c'est un peu Othello avec une unité de lieu (une boite jazz) et de temps (sur une nuit), avec un excellent Patrick McGoohan :wink:
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The Life and Death of Colonel Blimp (Michael Powell & Emeric Pressburger, 1943)
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Re: Basil Dearden (1911-1971)

Message par John Holden »

The captive heart doit être très bien aussi. Il faudrait que je me le programme du coup, mais pour ça il faudrait surtout que je le retrouve dans les cartons. :mrgreen:
Et du coup me refaire The blue lamp. Quelle est belle cette affiche, celle que tu as posté Rick !
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Rick Blaine
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Re: Basil Dearden (1911-1971)

Message par Rick Blaine »

John Holden a écrit :Quelle est belle cette affiche, celle que tu as posté Rick !
Oui, je suis tombé dessus sur Google, je la trouve particulièrement réussie.
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Re: Basil Dearden (1911-1971)

Message par Michel2 »

John Holden a écrit :The captive heart doit être très bien aussi.
C'est un beau film - l'un des tout premiers film de camp de prisonniers se déroulant durant la seconde guerre mondiale également, plusieurs années avant Stalag 17 de Wilder. L'esprit Ealing y est très apparent : le sens de la communauté, le courage tranquille face à l'adversité (Jack Warner incarne déjà le personnage du défenseur de la paix et de la cohésion au sein du groupe qu'il reprendra plus tard dans The Blue Lamp et dans la série TV Dixon of Dock Green), le tout sans édulcorer les tragédies qui frappent les uns et les autres
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(l'épouse presque quarantenaire qui rêve d'avoir un enfant sur le tard et meurt en lui donnant naissance me paraît un personnage étonnamment audacieux pour un film de 1946)


Pour revenir à Khartoum, j'ai une position un peu schizophrène dessus. D'un côté, j'en vois bien les défauts : c'est clairement un Lawrence d'Arabie du pauvre qui s'efforce de capitaliser sur le succès du film de Lean en essayant d'en reproduire la recette. Soit un Anglais illuminé n'obéissant qu'à lui-même au beau milieu du désert, l'Histoire avec un grand "H", le ballet des politiques au cynisme spirituel qui fournissent au film son quota de répliques à ressortir en société ("que Dieu soit avec vous, et je n'aimerais pas être à la place de Dieu"), etc. Dearden est plus à l'aise dans la description d'un milieu clos que dans l'épopée, ce qui se voit, et Laurence Olivier cabotine en roue libre, quoique de manière assez jouissive. Et en même temps, c'est aussi une madeleine de Proust car film d'enfance comme pour notre bon commissaire. Et je lui trouve malgré tout des qualités, notamment dans la direction d'acteurs.
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Profondo Rosso
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Re: Basil Dearden (1911-1971)

Message par Profondo Rosso »

Violent Playground (1958)

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Détective ambitieux de Liverpool, le sergent Truman (Stanley Baker) est nommé contre sa volonté Officier en charge des affaires juvéniles. Il se retrouve ainsi à s’occuper de deux jumeaux de sept ans qui volent régulièrement dans les boutiques. Truman rencontre leur grande sœur Cathie (Anne Heywood), mère de substitution, dont il tombe amoureux, et leur frère Johnny (David McCallum). Ce dernier joue les caïds auprès des autres jeunes, et pourrait bien être mêlé à une série d’incendies.

Basil Dearden collabore pour la première fois avec le producteur Michael Relph au sein du studio Ealing pour le film historique Saraband for Dead Lovers (1948) et surtout pour les deux polars The Blue Lamp (1950) et Pool of London (1951). Ce sont ces deux derniers qui posent les bases du fructueux partenariat à venir entre Basil Dearden et Michael Relph lorsqu'ils quitteront Ealing. Dans une série de films signés entre la fin des années 50 et le début des années 60, on retrouve donc en plus appuyé cette veine sociale et surtout un attrait pour les sujets difficiles dans Sapphire (1959) traitant du racisme ou Victim (1961) de l'homosexualité. Violent Playground lance donc le cycle avec comme sujet la délinquance juvénile.

On perd grandement du côté hard-boiled des films Ealing avec cet ancrage social, les méfaits des jeunes gens relevant plus de leur détresse que d'une vraie entreprise criminelle savamment organisée. Le film s'ouvre avec la mutation du sergent Truman (Stanley Baker) aux affaires juvéniles. Le charisme et la présence taciturne de Stanley Baker suffit, sans le voir forcément à l'œuvre pour établir le background de flic dur à cuire de Truman. Après dix ans à mener les affaires les plus dures et traiter avec les criminels les plus féroces, c'est avec dépit qu'il accueille cette "promotion". Dès lors c'est également à son apprentissage d'une certaine patience, art de la conciliation et en définitive d'un humanisme du personnage que l'on assiste dans les problématiques qu'il aura à traiter. Ce manque d'expérience se ressent quand il devra s'occuper de deux jumeaux de sept ans volant dans des boutiques, son "interrogatoire" se focalisant sur le frère alors que c'est bien la sœur sous ses airs innocents la meneuse. Il découvrira leur environnement familial difficile auprès de la grande sœur Cathie (Anne Heywood) qui les élève et le grand frère Johnny (David McCallum), vrai caïd du quartier et possiblement mêlé à une série d'incendie sur lesquels Truman enquêtait.

Le scénario entremêle une certaine naïveté avec une noirceur très prononcée. Ainsi Truman tombé amoureux de Cathie tente parfois maladroitement de ramener les jumeaux et Johnnie sur le droit chemin, porté par l'idéalisme du directeur de l'école et le prêtre joué par Peter Cushing qui voient des bons garçons et des âmes à sauver parmi les délinquants. A l'inverse les autres collègues policiers ne verront que des criminels à punir (ce sera particulièrement explicite lors du final) plutôt que êtres en souffrances. Cette dualité fonctionne aussi dans le traitement des délinquants et plus particulièrement un excellent David McCallum en meneur instable. L'environnement dépeint des maux bien connus avec cette cité Gerard Gardens à Liverpool, bâtiment de luxe à sa construction dans les années 30 et désormais un véritable ghetto et nid du déterminisme social. Johnny hésite donc constamment à se laisser porter par ce cadre et ses mauvais penchants et une vraie volonté de repentir, de mener une vie normale. La voie tragique semble cependant inéluctable, une série d'incompréhension et de malentendus ainsi que le tempérament d'écorché vif de Johnny l'éloignant toujours de la rédemption possible. Parfois néanmoins le film se montre un peu caricatural notamment lors de la scène la plus controversée du film où Truman fait face à une horde délinquants menaçant entamant une véritable transe désinhibée sur fond de rock'n'roll, la musique du diable ou pas loin.

On retrouve l'approche réaliste de Dearden notamment avec la population multi ethnique (un jeune asiatique et sa sœur - les vrais frères et sœur Michael Chow et la future James Bond Girl Tsai Chin - malmené par les caïds) de cette cité de Liverpool dont il se déleste de toute imagerie cliché - building sinistres, ruelles désolées et squares déserts sans aucune vue ou évocation de La Mersey. Le drame culmine lors d'un final choc où cette hésitation entre humanisme et rigorisme est mise à rude épreuve. Sans trop en dire Dearden y ose une tension psychologique et une violence assez inouïe qui annonce un fait divers sanglant en Angleterre avec le massacre de Dunblane en 1996, ce qui rendra le film un temps invisible. La conclusion est très touchante, synonyme de tragédie et d'espoir à la fois notamment une très belle dernière scène où Truman assume désormais son rôle de guide pour les jeunes en difficultés. Encore une belle réussite de Dearden. 4,5/6
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Rick Blaine
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Re: Basil Dearden (1911-1971)

Message par Rick Blaine »

Profondo Rosso a écrit :Pool of London (1951)

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Le Dunbar, un navire de commerce britannique, rentre à quai à Londres. Dan (Bonar Colleano), jeune marin, fait un peu de trafic pour arrondir ses fins de mois, important notamment des bas nylons en contrebande. Pour ne pas éveiller les soupçons, il demande parfois à son ami jamaïcain Johnny (Earl Cameron), de lui donner un coup de main. Mais alors que Johnny refuse de s’impliquer davantage, Dan accepte une proposition pour un gros coup.

Pool of London est la seconde incursion de Basil Dearden dans le polar au sein d'Ealing après The Blue Lamp (1950). C'est clairement le genre de prédilection du réalisateur qui même après son départ d'Ealing apposera une patte singulière en y intégrant des sujets sociaux forts et inédits dans le cinéma anglais d'alors, que ce soit le racisme dans Sapphire (1959) ou l'homosexualité dans Victim (1961). Pool of London nous plonge dans les bas-fonds du port de Londres à travers le destin de quelques marins du Dunbar fraîchement accosté. La première partie nous introduit donc chaleureusement les personnages tout en disséminant les éléments de la trame criminelle à venir. Le contrôle traditionnel des douanes offre donc une séquence savoureuse où nos marins tentent de faire passer en douce alcools, cigarettes, et bas-nylons divers pour les petites amies. Parmi eux on repère Dan (Bonar Colleano), plus roublard que les autres et qui arrondit ses fins de mois grâce à la contrebande. Pour l'occasion il demandera à son ami jamaïcain Johnny (Earl Cameron) de lui faire passer un paquet de cigarettes. Si Johnny malgré ce coup de pouce refuse d'aller plus loin, Dan trop confiant va accepter une offre plus dangereuse de la part de criminels locaux.

Si le fil rouge du film s'inscrit dans le polar, Basil Dearden brasse bien plus de thèmes à travers un véritable film choral. La solitude et le manque d'attache du marin l'expose ainsi aux tentations criminelles avec Dan ou une certaine désinvolture avec la gente féminine dont sera victime Sally (Renée Asherson), employée du port attendant en vain la visite de son fiancé engagé sur le Dunbar. Johnny traverse habituellement comme un fantôme les ports où il s'arrête mais cette fois va vivre un début de romance avec Pat (Susan Shaw) jeune vendeuse de ticket de cabaret. Earl Cameron fut le premier acteur noir à avoir un premier rôle dans une production anglaise et Dearden amorce ici les questionnements raciaux qui auront cours dans Sapphire. Ce sera à travers le racisme ordinaire dont est victime Johnny lors de séquences anodines (un vigile récalcitrant dans un club, une remarque désobligeante...) et qui expriment le complexe du personnage. C'est ce qui le rend si timoré dans sa relation avec Pat, presque surpris de l'intérêt de la jeune femme pour lui. Les balades timides du couple offrent de jolis moments où la mise en scène de Basil Dearden se fait superbement contemplative (les vues des toits londoniens et ces magnifiques plans d'ensemble) et intimiste, capturant le moindre regard tendre et geste gauche d'un Earl Cameron très touchant. Là aussi il s'agit de la première romance interraciale vue dans le cinéma anglais même si le scénario n'ose pas totalement franchir le tabou vu que tout cela reste extrêmement chaste.

La fluidité du récit et la gestion des ruptures de ton est assez remarquable, notamment lors des retours à la trame criminelle. Durant la promenade sur les toits du couple, ceux pensent apercevoir une silhouette qui disparait aussitôt. C'est en fait le hold-up longuement préparé qui s'amorce dans une séquence inventive (car jouant des capacités physiques d'un protagoniste innocemment introduites plus tôt) et tendue dont la tournure violente tient à un détail fortuit. La dernière partie du film prend un tour essentiellement nocturne et oppressant (photo somptueuse de Gordon Dines), la veine relativement documentaire du début de film s'orne d'une stylisation plus marquées des environnements urbains ou ruelle menaçantes alternent avec bars enfumés. Il s'agit à la fois de traduire la paranoïa et la solitude de Dan désormais fugitif et de Johnny, ramené à sa son sentiment d'exclusion. Une sensation de cauchemar éveillé magnifiquement traduite par Dearden tout en accélération brutale (fusillade et poursuite en voiture fabuleuse de nervosité) et ralentissements inquiétants (l'errance alcoolisée de Johnny dans une partie de Londres en ruines). C'est pourtant bien l'amitié entre les deux personnages qui permets un sursaut d'humanité dans ces bas-fonds où tout le monde est prêt à se trahir (éléments habilement amené en amont aussi avec la réaction de la petite amie de Dan pour ses "cadeaux") dans une belle conclusion où se disputent la tragédie et l'espoir. Un grand polar qui affirme définitivement Dearden en maître anglais du genre. 5,5/6
Je signe tout cela sans réserve. La manière dont Dearden parvient à mêler l'argument policier au divers portrait de personnages qu'il peint est vraiment brillante, cela donne un film profondément attachant, en plus d'être passionnant. J'avais déjà écrit le bien que je pensais d'Earl Cameron à propos de Simba, je le trouve de nouveau formidable ici, d'une incroyable justesse dans un rôle qui a été fort bien écrit. Le message est fort mais il est passé je trouve avec une vraie intelligence. Un film réussi à tout points de vues, Dearden est décidément très fort.
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Re: Basil Dearden (1911-1971)

Message par Jeremy Fox »

Earl Cameron, première fois que je remarque ce nom après le texte de profondo :oops:
On peut le trouver en France ce film ?
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Re: Basil Dearden (1911-1971)

Message par Commissaire Juve »

Eh non ! J'en ai parlé il y a 6 ans dans le topic DVD Classiques british. C'était une édition Optimum Release ; autrement dit StudioCanal UK. Et ces gens n'ont que mépris pour nous !
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Re: Basil Dearden (1911-1971)

Message par Profondo Rosso »

Rick Blaine a écrit :
Profondo Rosso a écrit :Pool of London (1951)

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Le Dunbar, un navire de commerce britannique, rentre à quai à Londres. Dan (Bonar Colleano), jeune marin, fait un peu de trafic pour arrondir ses fins de mois, important notamment des bas nylons en contrebande. Pour ne pas éveiller les soupçons, il demande parfois à son ami jamaïcain Johnny (Earl Cameron), de lui donner un coup de main. Mais alors que Johnny refuse de s’impliquer davantage, Dan accepte une proposition pour un gros coup.

Pool of London est la seconde incursion de Basil Dearden dans le polar au sein d'Ealing après The Blue Lamp (1950). C'est clairement le genre de prédilection du réalisateur qui même après son départ d'Ealing apposera une patte singulière en y intégrant des sujets sociaux forts et inédits dans le cinéma anglais d'alors, que ce soit le racisme dans Sapphire (1959) ou l'homosexualité dans Victim (1961). Pool of London nous plonge dans les bas-fonds du port de Londres à travers le destin de quelques marins du Dunbar fraîchement accosté. La première partie nous introduit donc chaleureusement les personnages tout en disséminant les éléments de la trame criminelle à venir. Le contrôle traditionnel des douanes offre donc une séquence savoureuse où nos marins tentent de faire passer en douce alcools, cigarettes, et bas-nylons divers pour les petites amies. Parmi eux on repère Dan (Bonar Colleano), plus roublard que les autres et qui arrondit ses fins de mois grâce à la contrebande. Pour l'occasion il demandera à son ami jamaïcain Johnny (Earl Cameron) de lui faire passer un paquet de cigarettes. Si Johnny malgré ce coup de pouce refuse d'aller plus loin, Dan trop confiant va accepter une offre plus dangereuse de la part de criminels locaux.

Si le fil rouge du film s'inscrit dans le polar, Basil Dearden brasse bien plus de thèmes à travers un véritable film choral. La solitude et le manque d'attache du marin l'expose ainsi aux tentations criminelles avec Dan ou une certaine désinvolture avec la gente féminine dont sera victime Sally (Renée Asherson), employée du port attendant en vain la visite de son fiancé engagé sur le Dunbar. Johnny traverse habituellement comme un fantôme les ports où il s'arrête mais cette fois va vivre un début de romance avec Pat (Susan Shaw) jeune vendeuse de ticket de cabaret. Earl Cameron fut le premier acteur noir à avoir un premier rôle dans une production anglaise et Dearden amorce ici les questionnements raciaux qui auront cours dans Sapphire. Ce sera à travers le racisme ordinaire dont est victime Johnny lors de séquences anodines (un vigile récalcitrant dans un club, une remarque désobligeante...) et qui expriment le complexe du personnage. C'est ce qui le rend si timoré dans sa relation avec Pat, presque surpris de l'intérêt de la jeune femme pour lui. Les balades timides du couple offrent de jolis moments où la mise en scène de Basil Dearden se fait superbement contemplative (les vues des toits londoniens et ces magnifiques plans d'ensemble) et intimiste, capturant le moindre regard tendre et geste gauche d'un Earl Cameron très touchant. Là aussi il s'agit de la première romance interraciale vue dans le cinéma anglais même si le scénario n'ose pas totalement franchir le tabou vu que tout cela reste extrêmement chaste.

La fluidité du récit et la gestion des ruptures de ton est assez remarquable, notamment lors des retours à la trame criminelle. Durant la promenade sur les toits du couple, ceux pensent apercevoir une silhouette qui disparait aussitôt. C'est en fait le hold-up longuement préparé qui s'amorce dans une séquence inventive (car jouant des capacités physiques d'un protagoniste innocemment introduites plus tôt) et tendue dont la tournure violente tient à un détail fortuit. La dernière partie du film prend un tour essentiellement nocturne et oppressant (photo somptueuse de Gordon Dines), la veine relativement documentaire du début de film s'orne d'une stylisation plus marquées des environnements urbains ou ruelle menaçantes alternent avec bars enfumés. Il s'agit à la fois de traduire la paranoïa et la solitude de Dan désormais fugitif et de Johnny, ramené à sa son sentiment d'exclusion. Une sensation de cauchemar éveillé magnifiquement traduite par Dearden tout en accélération brutale (fusillade et poursuite en voiture fabuleuse de nervosité) et ralentissements inquiétants (l'errance alcoolisée de Johnny dans une partie de Londres en ruines). C'est pourtant bien l'amitié entre les deux personnages qui permets un sursaut d'humanité dans ces bas-fonds où tout le monde est prêt à se trahir (éléments habilement amené en amont aussi avec la réaction de la petite amie de Dan pour ses "cadeaux") dans une belle conclusion où se disputent la tragédie et l'espoir. Un grand polar qui affirme définitivement Dearden en maître anglais du genre. 5,5/6
Je signe tout cela sans réserve. La manière dont Dearden parvient à mêler l'argument policier au divers portrait de personnages qu'il peint est vraiment brillante, cela donne un film profondément attachant, en plus d'être passionnant. J'avais déjà écrit le bien que je pensais d'Earl Cameron à propos de Simba, je le trouve de nouveau formidable ici, d'une incroyable justesse dans un rôle qui a été fort bien écrit. Le message est fort mais il est passé je trouve avec une vraie intelligence. Un film réussi à tout points de vues, Dearden est décidément très fort.
Et sous ce côté urbain et social très réaliste c'est magnifiquement stylisé, l'amorce du hold-up sur les toits et la poursuite en voiture nocturne c'est formellement somptueux. Et Erick c'est dispo en BR anglais avec sous-titres anglais, mais à force d'entendre le Commissaire radoter tudiocanal va finir par le sortir :mrgreen: Je le vois bien dans la collection de Tamasa
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Re: Basil Dearden (1911-1971)

Message par Jeremy Fox »

Merci :wink:
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