Chu Yuan

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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bruce randylan
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Chu Yuan

Message par bruce randylan »

Ah Chu Yuan (ou Chor Yuen selon la langue), le Mario Bava du Wu Xia Pian, le Terence Fisher de la Shaw Brother, le Feuillade hong-kongais et le Vincente Minnelli des rivalités entre clans ! :)

Longtemps inconnu du public occidental, il fut pourtant l'un des piliers du cinéma hong-kongais, connus pour ses Wu xia Pian sur-esthétisés (même s'il aborda d'autres genres). Il débuta tout d'abord à la Cathay dont les films sont toujours difficilement trouvables avec des sous-titres anglais puis s'imposa bien-sûr à la Shaw Brothers pour un style immédiatement reconnaissable avec ses tournages en studios délicieusement bariolés, brillant d'une poésie volontairement artificielle et bénéficiant d'un soin décoratif maniaque. Le tout souvent écrit par le grand scénariste Ni Kuang qui adapta lui-même quantité de romans de Gu Long, l'Alexandre Dumas chinois. Une association à succès tant publique que critique mais qui commença à se reposer un peu trop sur une formule durant la fin des années 1970 ; début 1980.

Outre ses talents de plasticiens, la grande qualité du cinéma de Chu Yuan est l'immense fluidité de sa narration. Face à la complexité des scénarios de la guerre des clans, le sabre infernal ou encore le tigre de Jade, le cinéaste réussit à ne jamais perdre le public, à avancer avec clarté, concision et lisibilité malgré des rebondissements perpétuels et une vingtaine de protagonistes !

Duel for Gold (1970) est l'un des premiers films qu'il a réalisé pour la Shaw Brothers, si ce n'est le premier. L'occasion de juger l'évolution de son cinéma.
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Ici, en effet, le cinéaste reste assez sage au niveau de la forme et ne tire pas son film vers le fantastique par l'exploitation de ses décors et de sa photographie. En revanche, il possède déjà un talent évident pour composer des cadres en cinémascope et pour utiliser les éléments et accessoires du décor. Il s'en sert d'ailleurs beaucoup durant les scènes d'actions où le mobilier est durement traité et vraiment intégré aux chorégraphies. Ce n'atteint toutefois pas le brio du final de The bastard que le cinéaste tourna 3 ans plus tard.
En parlant des chorégraphies, il faut reconnaître que celles-ci ont assez vieillies et qu'elles ne rivalisent pas avec les grands standards de l'époque. A la rigueur, ça ne serait pas vraiment un problème si, ironiquement, les combats n'étaient pas si nombreux car ils demeurent de ce fait un peu trop répétitif avec assez peu de variation dans les styles d'affrontement. Au moins, on ne peut pas dire que le film manque de rythme car l'action doit représenter tout de même presque les 2/3 du récit !

Pour parler de l'histoire, le "MacGufin" est plutôt original pour un Wu Xia Pian avec toute une ribambelle de personnes convoitant des caisses d'or, d'où une petite ambiance western pas désagréable. On retrouve tout de même l'ossature de nombreux films à film du duo Chu Yuan/Ni Kuang avec une multitude de complots, traquenard, trahisons et autres rebondissements. Ils sont plutôt mécaniques durant la première moitié mais gagne vraiment en puissance durant la dernière demi-heure alors que le nombre de survivants se réduit et qu'on se ramène à un canevas assez simple mais permettant beaucoup d'alliances et de coups fourrés. Il en ressort une intensité dramatique stupéfiante de hargne, de virulence et de misanthropie qui laisse pantois par sa radicalité (sans parler de la violence physique qui est particulièrement sanglante pour ne pas dire gore!). Le film va très loin dans sa charge contre la convoitise et l'avarice de l'être humain en conférant à l'histoire une ampleur shakespearienne (et parvient ainsi à utiliser intelligemment l'incontournable décor de la pagode utilisé dans pléthore de films du studios).
La dimension tragique est à ce titre annoncée dès le début du film par une voix-off qui va nous introduire l'histoire par un long flash-back.

Pour un coup d'essai à la Shaw Brothers, ce duel for gold montre un Chu Yuan en gestation qui n'a pas encore défini son style mais qui possède une ambition tant narrative que visuelle qui prouve qu'il était déjà un très grand cinéaste avec une personnalité, du caractère et des choses à dire.

Ce duel for gold est sorti à HK uniquement (Zone 3 donc) VOSTA et dans très belle copie.

Faudra que je vienne de temps en temps poster des anciens avis sur ses films.
Dernière modification par bruce randylan le 4 févr. 18, 00:00, modifié 2 fois.
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Re: Chu Yuan

Message par Max Schreck »

Parmi les grands réalisateurs de la Shaw bros, je le place juste derrière Liu Chia Liang (qui lui est supérieur dans les chorés), mais devant Chang Cheh (aux scénars généralement plus sommaires).

Intimate confessions of a chinese courtesan, 1972
Je me retiens de le commenter, n'ayant pas retrouvé mes notes de l'époque. Dans mon souvenir, je me demande si j'avais pas été relativement déçu, peut-être à cause d'une structure un peu répétitive (un peu comme La Mariée était en noir, non ?) en attendant peut-être beaucoup. A revoir.


The Bastard, 1973
Kung fu pian franchement mineur mais relativement soigné, avec ce qu'il faut de personnages unidimensionnels. Un benêt (Tsung Hua), élevé par un maître de kung fu, débarque en ville à la recherche de ses origines et découvre la vie (il y a des méchants et des gentils). Il se lie d'amitié avec une jeune mendiante (Lily Li) qui va un peu compléter son éducation. Ce qui donne droit à quelques scènes comiques gentilles et amusantes. L'intrigue est censée s'inspirer de L'Homme au masque de fer, de Dumas. Mais les péripéties sont assez peu imaginatives et on se fout assez vite de ce qui pourra arriver aux personnages, d'autant plus que le héros fait partie de ces combattants qui affrontent 50 adversaires sans prendre un coup. Heureusement les combats sont magistralement chorégraphiés et montés, avec ce sens de la composition cher au réalisateur. Le règlement de compte final étant évidemment le clou du film. Sans ce travail de mise en scène, on aurait presque l'impression d'être face à un film de seconde zone. Rien de mémorable, mais ça se laisse regarder.


Killer clans (La Guerre des clans), 1976
Rien de moins qu'un chef-d'œuvre, éblouissant dans sa virtuosité narrative et formelle, trouvant même le luxe de développer des personnages riches et émouvants. Ça se regarde comme un grand film d'aventures et c'est d'une classe folle, supportant sans problème les revisionnages fascinés.


The Jade tiger (Le Tigre de jade), 1977
Un wu xia pian fort divertissant, au luxe appréciable. Les décors de studio sont toujours aussi joliment enluminés par la caméra du réalisateur, entre végétation foisonnante et lumière crépusculaire. Cette histoire de vengeance et de rivalité entre clans, généreuse en coups de théâtre, se teinte qui plus est d'une gravité inattendue qui lui apporte encore de la profondeur. Le feuilleton tourne à la tragédie et la victoire sera bien amère. Et à coté de ça, les combats sont aussi nombreux que somptueux. Bref, un vrai bijou du studio hongkongais.


The Sentimental swordsman (Le Poignard volant), 1977
Du Chu Yuan pur jus mais qui abuse cette fois un peu trop des rebondissements improbables. Certes on retrouve ses cadrages et ses compositions fleuries, avec ces décors de studio toujours très soignés, le casting est assez prestigieux avec plein d'acteurs phares de la Shaw, mais le scénario est vraiment débile et prend limite le spectateur pour une chèvre (prête à avaler n'importe quoi). Qu'on ne me dise pas que c'est la loi du genre. L'acharnement des autres personnages à considérer Ti Lung comme coupable du moindre crime des environs, le jeu du whodunnit avec le ninja rose, les aberrantes tentatives d'empoisonnement d'un méchant, les traîtrises, révélations et autres plans de vengeance improbables et plus que longuement mûries assument certainement leur esprit feuilletonesque et permettent de nombreux affrontements virevoltants, mais on finit par pas mal se désinteresser de l'histoire, des personnages et des enjeux, là où les films précédents parvenaient à donner une réelle épaisseur à leurs personnages. Et l'ensemble finit par apparaître bien plat.
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Re: Chu Yuan

Message par bruce randylan »

Rapatriement de plusieurs vieux avis. Je constate d'ailleurs que je n'ai rien écrit sur ses titres sortis en France, ce qui est bien dommage puisqu'il s'agit de ses meilleurs dans l'ensemble : Le tigre de jade, la guerre des clans, le sabre infernal, Death Duel, le sérialesque diptyque : L'île de la bête / le complot des clans, le saphique Intimate confessions of a chinese courtisane
bruce randylan a écrit :Farewell to a warrior (Chu Yuan - 1976)

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Chu Yuan délaisse le cinéma d'art martiaux pour un film d'opéra dont il signe le scénario. Ca devait donc surement lui tenir à coeur. Malheureusement le résultat est vraiment indigeste.
Il faut déjà adhérer au concept de l'opéra chinois qui est quand même assez spécial. J'en ai déjà vu 5 ou 6 mais celui-là est vraiment l'un des moins variés au niveau vocal et musical. Autant dire que ça s'avère rapidement strident pour ne pas dire horripilant à entendre.
De plus le film est assez pauvre visuellement, ce qui est un comble non seulement pour le genre mais surtout pour une oeuvre du Chu Yuan. C'est l'un de ses films les moins soignés visuellement comme si le cadre rigide et le peu de décors (2 ou 3) écrasaient toutes ses ambitions formelles et plastiques.
Le pire, c'est que l'intrigue elle-même est très plate et ne décolle que rarement. Comme si le cinéaste faisait tout pour évacuer l'aspect spectaculaire et dynamique de son film alors qu'on parle de héros, de sacrifices, de lutte, de guerre, de complots politiques etc... Il ne garde à 90% que les passages de chants extrêmement redondants qui ne font que ralentir une intrigue particulièrement frustrante.

Tout n'est pas à jeter : les couleurs sont plutôt belles, quelques séquences sortent du lot, la fin tragique fonctionne assez bien mais j'ai souvent bien souffert durant les 90 minutes.
bruce randylan a écrit :Grâce à mon nouveau lecteur multizone, je vais de nouveau pouvoir me plonger dans ma cinquantaine de Shaw Brothers Z3 qui se bien sentait orphelin :D

The spirit of the sword (Chu Yuan - 1982)
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Depuis 1976, Chu Yuan a trouvé son style unique en adaptant les classiques littéraires de Gu Long et en traduisant à merveille l'esprit sérial et retors des intrigues complexes de l'auteur avec un esthétisme studio sophistiqué à l'extrême qui fait de lui le Mario Bava du Wu xia pian.
Mais voilà, nous sommes en 1982 et les trublions de la Kung-fu comedy sont désormais passés par là (sans parler la nouvelle vague). Chu Yuan quant à lui n'a pas évolué d'un iota. Ce Spirit of sword est donc complètement anachronique en même temps qu'intemporelle au finale (à quelques éclairages disco près :uhuh: ).
Rien de nouveau sous le soleil donc : plusieurs clans s'affrontent et s'allient contre des ennemis plus puissant pour mieux se piéger, le tout dans des décors et une photographie volontairement artificiel et chargée.

Après des dizaines du film du cinéaste, on échappe pas à un sentiment de redite et d'enlisement d'autant que ses acteurs sont loin d'avoir le charisme d'un Ti Lung, qu'il ne s'agit pas du meilleur livre de l'auteur (ou plutôt de sa meilleure adaptation, non signée par le fidèle Ni Kuang il est vrai) et que les chorégraphies, pourtant signées Yuen Bun ou Yuen Wah, sont loin des standards de
l'époque.

Cependant, et malgré ces limites, comment ne pas une nouvelle fois s'extasier devant la réalisation colorée, inventive et sur-esthétique du Chu Yuan qui livre encore des plans/tableaux d'une beauté qui subjuguent très souvent ?
Il y a quelque chose de profondément poétique qui émane de son cinéma et je continue de considérer qu'il y une terrible injustice dans la méconnaissance de ce cinéaste hors norme (surtout quand on compare le culte qu'il y a autour de Terence Fisher qui me laisse souvent de marbre).
Ca nous permettrait d'ailleurs d'avoir ses films en blu-ray alors que le support a été conçu pour ce type de film ! :(

bruce randylan a écrit :The Big Holdup ( Chu Yuan - 1975 )

Etonnant faux polar qui prouve que Chu Yuan était loin d'être uniquement un spécialiste du film de sabre.
Tout commencer de manière bien nerveuse pendant une demi-heure efficace et prenante où 5 malfrats ayant commis un holdup sont dénoncés à la police par le cerveau de l'affaire. Commence alors la fuite...
Pas de souci, Chu maitrise les ficelles du genre et sait bien poser son suspens avec une certaine jubilation ( le passage du fils du policier au commissariat est un joli moment d'ironie ). Et malgré la presque douzaine de personnage, on ne s'égare jamais dans une narration qui passe par les changements de point de vue pour fluidifier son récit ( utilisant habillement le zoom au passage ). Bref, on se prend au jeu d'autant plus que la musique est pour une fois réussie.

Et puis, comme les choses ne sont jamais si simples avec Chu Yuan, le film bascule rapidement dans le drame psychologique quand le passé des différents protagonistes sont exposés dans des flash-backs d'une grande réussite plastique qui tranche avec l'ambiance nocturne de la fuite. Ce n'est guère subtile, ni original ou même crédible mais à l'image des personnages qu'ils croisent lors de la traque et qui évoluent bien trop vite, on s'émeut pour la bonne raison que le réalisateur sait diriger ses acteurs et que sa démarche est sincère...
Et c'est aussi que sa vision de la société devient de plus en plus pessimiste et désabusé : les espérances que les hommes avaient mis dans le holdup s'effondrent devant la réalité d'un monde contemporain peu tendre avec les perdants ou les exclus. De l'ancienne star de cinéma déchu, au jeune qui veut sortir son frère de la drogue, en passant par l'ancien pilote automobile dont la copine n'a plus que 6 mois à vivre ou l'ado dont la mère se prostitue et le beau-père est alcoolique, on peut dire que l'univers de Chu Yuan est bel et bien désespéré. Je ne parle même des jeunes blasés qui se réfugient dans le sexe ou le meurtre pour palier un manque de tendresse et de reconnaissance...
C'est bien ce lyrisme dépressif qui fait passer la pilule des incohérences car quand le destin frappe tour à tour les différents voleurs, il est dur de ne pas se montrer remuer...
Et cette noirceur ne fait en plus que monter progressivement pour éclater dans un final incroyablement pessimiste et violent. La mort ou la folie semblent même être les seules échappatoires dignes...

Les ficèles ont beau être un brin artificiel, l'univers dépressif du cinéaste offre un joyau tout aussi naïf que culotté et sublimé par une photo ( tournée en décor naturel ) où l'obscurité devient un personnage principal.... le seul personnage gagnant d'ailleurs de cette histoire qui n'épargnera ni les policiers, ni les criminelles, ni même la famille.
bruce randylan a écrit :Death Duel.

Certainement pas le meilleur Chu Yuan et donc la meilleur adaptation de Gu Long. Reste que l'équation Gu Long + Chu Yuan offre un résultat des plus réjouissants.
L'histoire est moins tarabiscotée qu'à l'accoutumé ( on n'a donc pas 20 rebondissements à la minute - JJ Abrams peut aller se cacher en passant avec Alias ), Derek Yee est moins charismatique qu'un Ti Lung ( qui fait une apparition reprennant son personnage de Magic Blade ) et la mise en couleurs de Chu légèrement moins sublimes que ces précédents mais il n'a pas à rougir.
Certains décors sont sublimes ( la foret du début et la fin ), la caméra sait mettre en valeur l'action, le rythme plutot soutenu ( surtout au milieu ), les combats plus esthétiques et bondissants que crédibles et spectaculaires. Et puis y-a un paquet de guest Ti Lung donc, David Chiang ou Lo Lieh.

Et puis comme d'habitude, l'histoire est bien écrite avec le thème du destin et l'incapacité d'échapper à son passé ( la frustration sexuelle est abordée de manière amusante aussi ).

Donc, un chef d'oeuvre si n'importe qui d'autre avait été le réalisateur mais qui devient un film mineur pour LE réalisateur de la Shaw Brothers injustement méconnu ( aucune critique sur le site par exemple :cry: ) alors qu'on a un bonhomme du niveau d'un Bava.
Dernière modification par bruce randylan le 16 juin 18, 11:25, modifié 2 fois.
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Re: Chu Yuan

Message par bruce randylan »

Pursuit of vengeance (1977)

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Vu le succès et l'engouement pour le personnage iconique de Fu Hong-xue, le héros du sabre infernal campé par un Ti Lung au sommet de son charisme, il aurait été dommage de ne pas proposer une suite. Après un caméo dans Death Duel, il revient dans donc pleinement dans ce Pursuit of vengeance qui n'est pas une suite au sens strict, plutôt une nouvelle aventures qui explore son passé. On aurait toutefois bien du mal à le situer chronologiquement par rapport au Sabre infernal.
Et mieux vaut sans doute pas trop les comparer car ce nouvel opus est loin d'atteindre la virtuosité du précédent.

On sent un certain manque de rigueur avec par exemple quelques touches d'humour pas toujours très fines. Surtout on a l'impression que le film a été plus ou moins imposé à Chu Yuan car il faut reconnaître qu'au niveau de l'inspiration visuel, Pursuit of vengeance fait un peu le minimum syndical pour un Chu Yuan avec des décors à 90% anodin, très éloigné de sa sophistication habituelle. Mais avec son rythme effréné de tournages, il est aussi probable que le cinéaste ai connu un peu de fatigue (5 films tourné cette année 1977 !). Ca pourrait aussi expliquer un premier tiers assez brouillon où l'on se perd un peu dans les trop nombreux personnages d'autant que les doubles identités sont légions.

Une fois dit cela, le film demeure tout de même un excellent divertissement grâce à son rythme effréné qui enchaîne pendant 90 minutes sans le moindre temps morts combats, trahisons, traquenard, alliances et autres révélations (dont la principale demeure trop évidente). Malgré tout, le film n'est jamais répétitif grâce à la variété des décors, l'introduction de nouveaux personnages qui permettent de relancer habilement l'intrigue comme avec un Lo Lieh réjouissant. Les chorégraphies parviennent elles aussi à éviter le surplace d'autant que Chu Yuan se permet quelques expériences atypiques qui tranchent avec la recherche de la lisibilité comme un court combat en intérieur uniquement cadré en gros plans en mouvements pour créer un effet fulgurant de chaos et d'imprévisibilité qui a sans doute marqué Tsui Hark (grand amateur du cinéaste). Le final est aussi très sympa avec son filet constitué de de lames tranchantes.

Très sympa au bout du compte d'autant que je raffole toujours de ce genre d'ambiance et des personnages particulièrement retors (et flegmatique) qui devinent qu'il y a 15 personnes placées en guet apens ou que le vieux couple qui se repose au bords de la route cache de dangereux assassins déguisés :)

Petit exemple


Uniquement sorti en Zone 3 chez Celestial, VOSTA dans une copie pimpante mais parfois un peu floue.
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Re: Chu Yuan

Message par Profondo Rosso »

Ah mais je n'avais pas vu ce topic, Chu Yuan mon réalisateur Shaw préféré ! :D Je rappatrie quelques avis aussi

Intimate Confession of a Chinese Courtesan (1972)

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La belle Ai Nu (Lily Ho), kidnappée par des brigands, est tenue prisonnière dans une maison close dirigée par l’envoûtante Lady Chun (Betty Pei Ti). Elle devient rapidement la proie des hauts responsables de la ville qui viennent assouvir leurs fantasmes. Après une tentative d’évasion échouée, elle mettra au point sa terrible vengeance contre tous ceux qui ont abusé d’elle …

Les mythiques studios Shaw Brothers, lorsqu'ils avaient réorienté leur production vers le cinéma d'arts martiaux au début des années 60 avaient conservé un certain élan féminin issue de la tradition de l'Opéra de Pékin. Dans celui-ci, tout les rôles devaient être tenus par des femmes, vraies vedette de cet art y compris les rôles masculins et cette tradition fut conservée pour un temps au cinéma. Ainsi dans le premier succès massif du studio dans le genre L'Hirondelle d'Or de King Hu l'actrice Chang Pei Pei tient elle un double rôle masculin/féminin, et bien que l'on distingue aisément ses traits féminins c'est une convention tout à fait acceptée par le public local (mais qui décontenancera un temps celui qui découvre ce cinéma). La donne allait changer avec l'arrivée du réalisateur Chang Cheh dont les films étaient truffés de héros masculins à la virilité hypertrophié, chantre de l'amitié virile (certains y virent même un homosexualité sous-jacente) et du combat sacrificiels. Le basculement se fit notamment ressentir dans Le Retour de L'Hirondelle d'Or réalisé par Chang Cheh qui relègue donc Chang Pei Pei héroïne du premier film au second plan au profit de Johnny Wang Yu et son charisme animal. Durant des années la donne sera donc inversée et les femmes désormais réduite au utilités dans les films d'actions de la Shaw Brothers. Jusqu'à ce fameux Intimate Confession of a Chinese Courtesan qui ramène la femme au centre dans un élan sulfureux et féministe.

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Pour faire passer les excès les plus divers dans un film d'exploitation, la vengeance est le motif le plus efficace qui soit et Chu Yuan réalise là un des fleurons du genre. Ai Nu (Lily Ho) est une jeune fille enlevée par d'infâme tenancier de maison close qui dressent ensuite leur prisonnière de la manière la plus impitoyable. Les premières images donnent le ton avec des images à l'érotisme bien plus prononcé que ce que la relativement prude Shaw Brothers a donné voir jusqu'ici, avec la nudité de ces jeunes filles et les maltraitances sadiques qu'elles ont à subir. Ai Nu plus résistante et rebelle que les autres va pourtant être contraintes de céder face à la détermination de la plus redoutable des adversaires, la tenancière lesbienne Lady Chun (Betty Pei Ti) qui nourri une trouble attirance pour elle. Ai Nu va ainsi subir un terrible baptême du feu en étant livrée en pâture à quatre notables libidineux lors d'une séquence cauchemardesque. Après ce traumatisme, elle revient à des disposition plus amicales et cède même aux avances Lady Chun, mais ce n'est que pour mieux nourrir sa vengeance. Le film fit sensation à sa sortie par l'illustration d'un amour saphique donnant ici dans l'érotisme soft et tout en retenue. Chu Yuan gorge le film de symbole qui permettent de distinguer les émotions des personnages à divers moments au delà des prestations ambigües de Lily Ho (formidable de fragilité puis de haine vengeresse) et Betty Pei Ti (impitoyable et aimante à la fois et d'une beauté renversante).

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Pour qui connaît la culture chinoise la symbolique de la couleur est très importante. Lorsqu'elle est exhibée aux notables qui vont la violer Ai Nu est vêtue d'une robe jaune, symbole de la fertilité et appuyant donc la toute puissance masculine à ce moment là. Lorsque heureuse elle accepte la vie de courtisane, elle arbore une robe blanche synonyme de deuil en Chine qui exprime ainsi son innocence perdue mais aussi les desseins vengeurs qu'elle médite sous son masque de bonheur. Plus tard c'est dans une robe rouge écarlate qu'elle tuera un des notables qui ont abusé d'elle. Cette vengeance dévoile d'ailleurs les élans féministes du film sous les excès puisque Ai Nu punit ses agresseurs dans leurs travers typiquement masculins. Parmi les plus marquants on peut citer ce vieux pervers que par malice Ai Nu amène à s'empoisonner par abus d'aphrodisiaque. Pourtant étrangement le propos se fait plus trouble au fil de l'avancée du film. La jeune innocente dont nous accompagnons la vengeance se fait progressivement aussi impitoyable et retorse que ses ennemis quand à l'inverse Lady Chun tombée amoureuse se fait moins cruelle et défend Ai Nu envers et contre tout. Cette volte face morale se ressent d'autant plus dans la conclusion et donne tout son sens au titre (Ai Nu en plus d'être le nom de l'héroïne signifie esclave de l'amour en chinois) puisque Ai Nu trébuche par les derniers sentiments nobles qui lui restent (preuve qu'elle n'a pas totalement basculé) alors que son amante la soumet à son amour intense par un ultime acte de détermination froide. Ambiance trouble et sensuelle, sophistication et raffinement extrême des décors et joutes martiales sangle et virtuose, Ai Nu est un des joyaux les plus vénéneux de la Shaw Brothers. Un grand film au féminin. Chu Yuan fera un remake raté de son oeuvre en 1984, l'esthétique léché cédant au kitsch et l'érotisme retenu cédant à une vulgarité plus explicite... 5,5/6

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Re: Chu Yuan

Message par Profondo Rosso »

La Guerre des clans (1976)

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Sur les ordres d'un employeur à l'identité secrète, Meng Sheng-hun, un tueur renommé, est engagé pour éliminer Sun Yu. Une tâche beaucoup moins aisée qu'il n'y paraît, sa cible étant constamment entourée de gardes du corps redoutables. L’assassin doit donc s'infiltrer au sein du clan Lung Men sous une fausse identité pour tenter de gagner la confiance de sa future victime. Mais la détermination habituelle du tueur solitaire est remise en question lorsqu'il croise par hasard une charmante et mystérieuse femme dans la Forêt aux Papillons...

La Guerre des Clans changea la donne en étant un des premiers films à adapter les romans de Gu Long. Celui-ci peut être considér2 comme une sorte de Alexandre Dumas local, officiant également au sein de la presse où il publia en tant que nègre puis sous son propre nom une somme considérable de roman d’arts martiaux en feuilleton jusqu’à définir son propre style. Ce style se caractérise par divers points qui tranchent avec la tradition du wu xia pian. Contrairement à un King Hu féru d’histoire et si pointilleux dans les détails temporels de ces films (décors, costumes…) les livres de Gu Long s’affranchissent de toute réalité en se déroulant à des périodes indéterminées. Tout ce que l’on sait, c’est qu’ils ont pour cadre le Jiang-hu (le monde des arts martiaux), peuplés de combattants et tueurs redoutable ne vivant que pour être le plus fort. Cet univers est une pure fantaisie avec des ennemis aux facultés surnaturelles et pouvoirs démesurés. Gu Long instaure donc des intrigues riches au complots et rebondissement où ce petit monde s’affronte mais où il interroge aussi la vacuité de cette vie consacrée au combat. Dernière touche marquante, l’influence européenne se caractérisant par des héros séducteurs à la James Bond et également un érotisme fort prononcé.

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La Guerre des Clans en incluant tous ces éléments dans cette première tentative d’adaptation est donc un sacré coup de tonnerre. Chu Yuan était le candidat idéal pour s’y frotter et deviendra le spécialiste des adaptations de Gu Long avec des chefs d’œuvres comme Le Complot des Clans ou Le Sabre Infernal. Son raffinement visuel et son goût pour les intrigues complexes avait déjà donné un classique du genre quelques années plus tôt avec Intimate Confessions of a Chinese Courtesan. La Guerre des Clans offre une entrée en matière parfaite pour s’initier au genre avec son intrigue transposant en quelque sorte Le Parrain dans le monde du Jiang-Hu. Le clan Lung Men mené par l’Oncle (le parrain) est donc ici en guerre avec le redoutable clan des Rox tandis que parallèlement un mystérieux commanditaire envoie en début de film un tueur régler son compte à l’Oncle. Seulement en cours de route le tueur en question rencontre puis tombe amoureux de la fille de l’Oncle, bannie quelques années plus tôt pour être déjà tombé sous le charme d’un assassin. L’intrigue est assez jubilatoire à travers une suite de rebondissement où les traîtrises se multiplient à des dimensions rocambolesque, chaque clan dissimulant des agents dormants chez l’autre et l’ami ou le parent le plus proche peut s’avérer un ennemi ambitieux attendant son heure. Mieux vaut rester attentif sans quoi l’on sera vite perdu mais l’on n’est pas loin du film d’espionnage bariolé où chacun avance ces pions dans une redoutable partie d’échec. Ku Feng dans le rôle de l’Oncle (et généralement spécialiste des rôles de méchants à la Shaw Brothers) est fabuleux en patriarche indestructible, humain mais qui exige néanmoins une soumission de tous les instants de ses acolytes.

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On salue ainsi son intelligence et sa capacité d’anticipation des pièges de ses ennemis mais le clan et son chef passe toujours en premier telle cette scène cruelle où une famille l’ayant aidé à s’enfuir doit s’empoisonner pour être certaine de ne pas le livrer. Chu Yuan intègre donc habilement ce versant négatif de ce fascinant univers, notamment par la rédemption du tueur amoureux (et de son ancien frère d’arme pour qui l’amour fut une déchéance et un salut à la fois comme le souligne un échange) qui ne peut plus effectuer sa mission sans fléchir.Visuellement c’est une splendeur où Chu Yuan renforce encore l’abstraction et la teneur irréelle du Jiang-hu, entre décor flamboyant (la forêt aux papillons où se rencontre les amants), affrontements virtuoses (un ennemis qui dissimule 72 armes secrètes sur lui, une tunique indestructible le tout sur des chorégraphies tourbillonnante de Tang Chia) et un érotisme qui s’il est moins prononcé que dans les écrits de Gu Long n’en demeure pas moins chatoyant et émoustillant sans tomber dans la vulgarité. L’épilogue est absolument parFait avec cette notion de traitrise se prolongeant jusque dans la dernière seconde mais aussi dans cette interrogation du Jiang-hu que l’on se doit d’abandonner lorsque de plus nobles sentiments dominent ses acteurs. Un grand film qui ouvrait la voie à d’autres grandes réussites signées Chu Yuan et adaptées de Gu Long. 5/6

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Re: Chu Yuan

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Le Complot des clans (1977)

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De nombreux meurtres sont perpétrés par un combattant secret. Tous les regards se portent vers Chu Liu-xiang, populaire maître en arts martiaux. Celui-ci, afin de prouver son innocence, va se charger de partir à la recherche du coupable.

Le Complot des Clans arrive donc un an après La Guerre des Clans et adapte les aventures d’un personnage phare de Gu Long, Chu Liu-xiang. Au croisement de James Bond et Sherlock Holmes, ce personnage charmeur allie séduction, dextérité martiale et intelligence dans des histoires reposant autant sur l’action les enquêtes où sont mises en avant ses capacités de déduction. Il est ici parfaitement incarné par le charismatique Ti Lung dans une aventure croisant les intrigues de trois romans de Gu Long (qui en consacra huit à son héros fétiche). L’efficacité narrative de Chu Yuan se mélange idéalement aux récits à rebondissement de l’auteur avec une ouverture magistrale qui pose les enjeux avec concision. Trois chefs de clans sont mystérieusement assassinés en étant empoisonnés par l’Eau magique, substance uniquement trouvable dans un palais isolés uniquement composés de femmes et dotées de pouvoir surnaturels. Les soupçons se portent immédiatement sur le seul homme capable d’une telle audace, notre héros Chu Liu-xiang qui a donc un mois pour démasquer le vrai coupable. Ti Lung tout en prestance et décontraction est pour beaucoup dans l’attrait du film. Le combat est réellement le dernier recours quand pour le reste il use largement plus de sa malice, l’influence de James Bond se ressentant notamment lors d’une scène de casino assez typique quand pour le reste son phrasé amical, son goût pour le déguisement seront des atouts précieux. . Dans cette logique privilégiant la réflexion sur l’action, les combats sont finalement autant des joutes verbales que physiques où Chu Liu-xiang jaugera constamment ses adversaires, dupant les plus limités (la ravissante mais nunuche Ching Li coutumière de ce type de rôle) et faisant preuve d’astuce pour soutirer des informations. Les rares démonstrations de force lui servent plutôt à se mettre un ennemi potentiel dans la poche tel ce moment où le redoutable Point-Rouge (Ling Yun) payé pour le tuer lui devient redevable après qu’il ait écarté une araignée venimeuse de son épaule en plein combat. Cette légèreté apparente du héros contraste avec une vraie ambiance mystérieuse où les fameux décors studios de la Shaw Brothers privilégient les scènes nocturnes baignant dans le surnaturel plus inquiétant à l’enquête menée par Chu Liu-xiang.

Les apparitions spectrales du tueur masqué jouent bien de cet aspect avec un ennemi insaisissable ayant toujours une longueur d’avance et semant la mort parmi les témoins interrogé par Chu Liu-xiang. On traversera ainsi nombres de demeures abandonnées, cimetières et autre crique isolées d’où le danger peut surgir à tout moment et comme souvent la solution ne sera pas aussi surnaturelle que l’on pense. Bien que simplifiée, l’intrigue du roman est donc rondement menée et captive avec cette histoire d’héritier d’un guerrier japonais assassiné et dont les enfants furent recueillis par des chinois. Chu Liu-xiang devra retrouver ces mystérieux descendants en quête de vengeance jusqu’à une sacrée surprise lorsqu’il découvrira leur identité. La dernière partie du film nous emmène dans le fameux Palais de l’Eau Magique où le décor immaculé et rococo sert encore une atmosphère différente. La résolution reposera sur une trame empruntant beaucoup (c’est presque un petit remake en soi) à Intimate Confession of a Chinese Courtesan (1972) autre grand classique de Chu Yuan dont on retrouvera là la thématique vengeresse, le triangle amoureux et la sulfureuse dimension saphique. Betty Pei Ti en souveraine indestructible et amoureuse y trouve également un rôle quasi identique. e réalisateur conclut donc l’aventure sur une note passionnelle et sanglante typique de son style auquel s’ajoute un Chu Liu-xiang impuissant face au drame en marche. Palpitant et virtuose, Le Complot des Clans est une grande réussite qui par son succès relancera de plus belle le fructueux filon des adaptations de Gu Long et installera Chu Liu-xiang en tant que héros récurrent. Une suite bien moins réussie fut d’ailleurs produite l’année suivante avec la même équipe L’île de la Bête (1978). Grand admirateur de Chu Yuan, Tsui Hark fera bien plus tard un mémorable remake du Complot des Clans avec le survolté Swordsman 2 (1992).
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Re: Chu Yuan

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Le Sabre infernal (1976)

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Fu-Hung-hsue et un autre chevalier experts en arts martiaux Yen Nan-fei, doivent protéger des plumes de paon magiques des menées criminelles d'un mystérieux seigneur de clan, et protéger aussi une jeune fille. 5 êtres magiques (Poésie, Échecs, Peinture, Luth, etc....) au service du mystérieux maître d'arts martiaux Gongsun Yu, seront 5 occasions de combats pour les deux héros jusqu'à la révélation finale.

Chu Yuan signait avec Le Sabre Infernal le second wu xia pian (film de sabre chinois) adapté d’un roman de Gu Long après La Guerre des Clans (1976). Ce premier essai avait rencontré un grand succès et relancé le genre, Chu Yuan peu familier au wu xia pian trouvant un écrin idéal pour s’y épanouir avec les intrigues à tiroir de Gu Long. Cet auteur considéré comme le Alexandre Dumas hongkongais avait su donner une vision unique du genre avec ce monde des arts martiaux peuplés de bretteurs aux qualités surpuissante poursuivant la quête d’être le meilleur mais où Gu Long apportait toujours un questionnement sur la vacuité de cet objectif. Le Sabre Infernal était un des romans les plus réussis de Gu Long et Chu Yuan allait grâce au triomphe de La Guerre des Clans devenir pour le meilleur l’adaptateur attitré de l’écrivain au sein de la Shaw Brothers. Le film s’ouvre sur le duel en les deux chevaliers, le taciturne Fu-Hung-hsue (Ti Lung) le plus rieur Yen Nan-fei (Lo Lieh). Ils s’étaient affrontés un an plus tôt et Fu-Hung-hsue était sorti vainqueur de ce premier affrontement, cette nouvelle rencontre devant déterminer qui domine leur art. Le combat va pourtant être interrompu par l’irruption de mystérieux tueurs cherchant et nos deux adversaires vont devoir s’allier contre leurs commanditaires. Il s’agit de Maître Yu, légende du monde du monde des arts martiaux qui cherche à se débarrasser des deux seuls adversaires susceptible de lui faire de l’ombre. Fu-Hung-hsue et Yen Nan-fei vont devoir le devancer et se procurer les Plumes du Paon, une arme redoutable qui rend son possesseur invincible. Si Maître Yu s’en empare, les ténèbres seront amenées à régner sur le monde des arts martiaux. Une longue quête semée d’embûches et d’ennemis diaboliques commencent alors pour nos deux héros. La scène d’ouverture illustre parfaitement l’atmosphère du film avec cette scène de fête nocturne étrange se vidant soudain pour laisser place au duel dans un inquiétant décor désert.

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La narration sous forme d’enquête et de mystère à résoudre obéit à la tonalité serial qu’affectionne Chu Yuan avec des rebondissements incessant nous faisant découvrir l’étendue du complot et de nouvelle informations sur l’insaisissable et omniscient adversaire qu’est Maître Yu. On y découvrira progressivement la personnalité de nos deux héros. Yen Nan-fei est un personnage flamboyant typique du wu xia pian par son port élégant et sa nature insouciante face au danger, interprété avec panache par Lo Lieh. Fu-Hung-hsue est plus intéressant et surprenant. Le personnage est calqué sur le modèle de L’Homme sans nom interprété par Clint Eastwood et magnifié par Sergio Leone. Par son allure et son caractère taciturne, il évoque en effet un personnage de western spaghetti échappé dans un wu xia pian. Un simili poncho dissimulé à la manière d’un revolver son sabre très particulier qu’il peut faire tournoyer dans des chorégraphies dévastatrice. Ti Lung impose son charisme ténébreux à cette figure de dur à cuir taciturne et invincible qui apparaîtrait presque comme antipathique au départ. Le cadre constamment nocturne, les mises en scènes inquiétantes de d’ennemis aux facultés surhumaines font tout au long du film baigner le récit aux lisières du fantastique. Les éclairages baroques de Huang Chieh (Mario Bava n’est pas loin) sont idéalement mis en valeur par la mise en scène de Chu Yuan, chaque recoin de pénombre ou de hors champ semblant dissimuler un danger inconnu dans les flamboyant décors studios de la Shaw Brothers.

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Quand ce n’est pas par l’image, c’est l’intrigue en elle-même qui nous surprend avec des alliés qui se font ennemi sans qu’on l’ait vu venir (Chu Yuan poussant moins à l’extrême cet aspect que dans La Guerre des Clans) et les combats incessants (splendides chorégraphies de Tang Chia) ne sont jamais futiles mais toujours un moteur d’avancée. Le film serait déjà extrêmement ludique sous cette forme mais, à capturant l’esprit de Gu Long, Chu Yuan donne une profondeur inattendue au film. Fu-Hung-hsue se fait ainsi plus vulnérable au fil du récit, notamment en causant involontairement la mort d’un homme dont il doit protéger la fille (Ching Li). L’austérité, l’allure modeste et la réserve du personnage sont à l’image de son existence vide où tout – amour, amitié, famille – a été sacrifié dans sa quête de domination du Jiang Hu (terme symbolisant ce cadre en vase clos du monde des arts martiaux). L’aventure va alors servir de révélateur et remise en question pour lui, Ti Lung amenant avec subtilité la bascule de son personnage. Le scénario va carrément s’avérer une métaphore des doutes de son héros par son surprenant retournement final. Sans trop en dire, Maître Yu va s’avérer un véritable symbole vivant de cette vaine quête de pouvoir et en en venant à bout, Fu-Hung-hsue va pouvoir aspirer à autre chose. La dernière partie est ainsi captivante par les réflexions soulevées et par le combat qui se joue face à un adversaire indicible car contenu également dans tout ce qui a pu constituer les convictions du héros. Du mystère, de l’étrange et un cheminement intérieur fascinant, Chu Yuan offre là une œuvre majeure du wu xia pian. 6/6

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Re: Chu Yuan

Message par Profondo Rosso »

Le Tigre de Jade (1977)

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Le Tigre de Jade constitue une des plus grandes réussites de Chu Yuan et son adaptation favorite de l’auteur Gu Long. Le réalisateur était devenu incontournable au sein de la Shaw Brothers en se faisant l’illustrateur idéal des romans Wu Xia (chevalerie et arts) à succès de Gu Long. Le romancier se détachait de la moyenne de ce genre littéraire en faisant de ses récits des thrillers tortueux où les combats importaient moins que les mystères à résoudre. L’autre point passionnant était sa description du Jiang Hu (le monde des arts martiaux), univers complexe et fantaisiste peuplé de bretteurs hors-pairs et prêt à tout pour être le plus puissant. Par son sens de la narration et son brio de conteur, Chu Yuan aura su traduire mieux que personne l’art du rebondissement et la force mélodramatique de Gu Long. La quête de pouvoir et de domination du monde des arts martiaux devient le théâtre de toutes les trahisons dans le virtuose La Guerre des Clans (1976 et variation martiale du Parrain), un jeu de piste dans le trépidant Le Complot des Clans (1977) et enfin un duel basculant dans l’abstraction avec le fascinant Le Sabre Infernal (1976). C’est pourtant bien avec Le Tigre de Jade que Chu Yuan va capturer au plus près la complexité de Gu Long.

L’histoire nous plonge dans un traditionnel récit de rivalité entre clans et de vengeance. Le jour de son mariage, le jeune Zhao Wu-Ji (Ti Lung) assiste à l’assassinat de son père, décapité par un émissaire du clan Tang. Dès lors il va remonter la piste des assassins tout en évitant les nombreux pièges placés sur sa route par les Tang. Le jeu de faux-semblants n’a pas seulement des vertus ludiques au fil des rencontres plus ou moins amicales de notre héros mais sert aussi à rendre plus floue la différence entre les deux clans ennemis. Si la vilénie des Tang est posée dès le meurtre initial, Zhao Wu-Ji va découvrir que les siens ont manœuvré de manière toute aussi sournoise pour vaincre, sa quête de vengeance naïve s’avérant bien vaine face à ces purs enjeux de pouvoir. Chu Yuan avait exploré ces aspects dans les films précédents mais en privilégiant toujours une dimension ludique quand Le Tigre de Jade dessine une vraie tragédie. Tous les liens passés ou noués en cours de film par Zhao Wu-Ji vont voler en éclat pour des ambitions qui le dépasse, dans une spirale dramatique implacable. Ti Lung par ses traits à la fois dur et juvénile exprime la simplicité de caractère de son personnage pris par des enjeux qui le dépasse et Chu Yuan par sa mise en scène met en avant une facette théâtrale, les fameux décors studios de la Shaw Brothers sont encore plus factice qu’ordinaire comme pour figurer une intrigue où tous ne sont que les pions d’une comédie de la haine qui se rejoue perpétuellement. Une œuvre passionnante dont Chu Yuan aura accentué l’approche tragique par rapport au roman de Gu Long qui se finissait sur un point d’interrogation où le héros hésitait entre suivre les préceptes du monde des arts martiaux et sa conscience qui le rongeait. 4,5/5
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Re: Chu Yuan

Message par bruce randylan »

Ah parfait ! Tu parles (très bien) des Chu Yuan que je regrettais de n'avoir pas évoqué. :D
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Re: Chu Yuan

Message par bruce randylan »

The emperor and his brother (1981)
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Lors de la guerre entre les Han et les Ching, un leader (Ti Lung),opposé au Ching, cherche à retrouver son "4ème frère" emprisonné après avoir été trahi. Ce dernier possède un secret concernant l'empereur

Petite nouveauté : si Ni Kuang est toujours au scénario, il délaisse Gu Long pour Louis Cha. Pas beaucoup de changements cela dit sur le fond : complots, rivalités, trahisons, guet-apens... Cela dit l'histoire est sans aucun doute l'une des complexes que le cinéaste a dû mettre en scène au point d'avoir un prologue de 3 films qui suffirait déjà pour tenir sur un film entier ! J'ai dû mettre le film en pause pour vérifier s'il ne s'agissait pas d'une suite à un quelconque film vu tout ce qui est évoqué... :mrgreen:
En gros, on comprend les grandes lignes (Ti Lung et son 4ème frère) mais les motivations et les identités de la dizaine de seconds rôle est autrement plus obscures.

Ce n'est presque pas handicapant tant le rythme est trépidant même si l'action n'est pas omniprésente. L'introduction des nouveaux protagonistes, les petits intermèdes plus légers ou certains épisodes développant les sous-intrigues donnent une œuvre pratiquement sans temps mort, porté par la réalisation toujours efficace et racée du cinéaste. Chu Yuan délaisse d'ailleurs les décors irréels et fantasmagoriques pour un style plus traditionnel mais toujours d'une perfection visuelle époustouflante (avec quelques pointes plus oniriques tout de même). Les costumes, la figuration et les décors ont l'air au dessus de la norme Shaw Brothers et se permet le luxe de refuser certains décors phares du studio en construisant une pagode différente à celle qu'on retrouve dans des dizaines et dizaines de films. Mine de rien, ça fait plaisir un peu de nouveauté.
La direction artistique est plutôt chouette et Chu Yuan s'essaye à quelques trucages comme des surimpressions pour traduire la vitesse du héros Ti Lung qui se dédouble pour mieux vaincre ses adversaire. Un peu rudimentaire comme effets mais le résultat est largement convaincant.
Les chorégraphies sont également d'un bon cru, plus câblés que d'habitude pour le cinéaste (Yuen Bun était assistant sur les combats d'ailleurs). C'est toujours bien dynamique, pas trop accéléré, avec des passes d'armes qui culminent dans un long final en plusieurs actes parfaitement excitant et aux techniques originales. La scène de La pagode avec les cordes en flammes est également une bonne idée, bien exploité de surcroit.

Le mélange des genres est un peu moins réussi. Car au milieu d'un ensemble assez sombres (dont un père contraint d'assassiner son fils, séquenceplutôt poignante et forte), on trouve deux moment plus légers et totalement hors-sujet : un vaudeville fripon et un diner contrarié pour l'empereur. Assez curieux de garder ce genre de scène alors que le film file à 100 à l'heure et aurait mérité de mieux expliquer quelques situations et personnages.

Le principal est que je n'ai jamais vu passer les 103 minutes :D



C'est sorti en zone 3 chez Celestial. Je l'avais acheté à San-Francisco mais c'est en fait un DVD pirate gravé. J'imagine que le disque officiel est autrement mieux compressé, un peu moins sombre et logiquement en 16/9 (moi, j'avais du letterbox :( )
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Re: Chu Yuan

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Swordsman And Enchantress (1978)

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Alors que de nombreux clans essaient de mettre la main sur une épée légendaire, un mystérieux guerrier nommé Xiao commet méfait sur méfait. Après avoir kidnappé la femme d'un homme puissant, beaucoup tente de retrouver ce redoutable épéiste qui agit en réalité sous un faux nom. Le véritable Xiao est bien décidé à laver son honneur et comprendre les raisons de ce complot.

Découvert deux jours après Holy Flame of the martial world et sa frénésie visuelle , j'ai été immédiatement sous le charme de la splendeur visuel du film. Comme d'habitude, Chu Yuan soigne avec minutie ses décors, sa gamme chromatique, son sens du cadre et sa direction artistique. C'est un véritable régal permanent et, même après pratiquement une vingtaine de films du cinéaste, il m'arrive encore d'être subjugué par sa beauté formelle. Certains décors sont des tableaux fascinants et hypnotiques. Plusieurs trouveront ça kitsch évidement, pour moi c'est un raffinement de tous les instants. J'ai l'impression que c'est vraiment le seul cinéaste de la Shaw Brothers a refuser de tourner dans les décors passe-partout qu'on croise dans tous les autres productions maison. Ici, on dirait que chaque décors a été conçu exclusivement pour le film en question. Sans doute l'avantage de préférer les studios aux extérieurs.

Le scénario est dés plus curieux (pour changer) avec Chu Yuan et ses incontournables adaptations de Gu Long. Après un début assez volontairement fouillis où l'on se demande qui est vraiment qui, l'intrigue se fait très linéaire une fois que Ti Lung sauvé Candice Yu. Pour le fois, le cinéaste ne court pas après les rebondissements permanents et les twists à profusion. Il privilégie ses personnages et la psychologie qui se révèlent plus fouillés pour créer quelques moments lyriques portées par une sublime musique (samplée ?). L'histoire d'amour entre les deux personnages est assez touchante, grâce également aux deux comédiens très charismatiques.
Alors que les deux amoureux contrariés sont traqués par des ennemis et se réfugie dans une grotte, le film bascule dans le grand délire assez réjouissant puisqu'ils se retrouvent projeté dans une maison de poupée (plutôt un palais) rempli de combattants miniaturisés ! De quoi lancer les 20 dernières minutes sous acide où l'approche se fait plus bariolé avec des effets de lumières plus baroques et criards mais toujours avec une invention plastique réjouissante.
Le dénouement est un peu prévisible mais cette partie qu'il était impossible de prévoir jusque là relance agréablement le film dans une nouvelle direction alors qu'il commençait à tourner un peu en rond. Autre bonne surprise, mais qui ne surprend pas vu l'univers de Chu Yuan : la grande place accordée aux femmes et qui ne sont pas de simples potiches.

Enfin, les combats sont dans la logique des autres films du cinéaste : pas d'échanges virtuoses ou des chorégraphies millimétrés mais des passes-d'armes sophistiquées filmées dans des long plans larges. Ca n'empêche pas quelques échanges d'être impressionnants tel ceux entre Ti Lung et Anthony Lau. De plus les scènes d'actions sont très fréquentes, idéalement espacées dans le récit qu'elles accompagnent à chaque fois plutôt que d'être de simple parenthèses gratuites.

Pour un part un très bon cru ! :D

Disponible seulement dans un impeccable DVD Zone 3 Celestial avec sous-titres anglais.

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Re: Chu Yuan

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Haunted Tales (1980)

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Entre deux épisodes de la série des Sentimental Swordman, Chu Yuan a tourné un segment de ce film à sketch fantastique à la fragmentation inhabituelle puisqu'il n'y a que deux histoires et que celle de Chu Yuan dure 55 minutes (pour une durée totale de 90 minutes).

En tout cas, le cinéaste livre une nouvelle fois une réussite ahurissante. Le scénario n'est en tant que tel pas très originale avec un jeune couple qui emménage dans une immense maison où des manifestations étranges ne tardent pas à terroriser l'épouse, seule personne pouvant les percevoir.
L'histoire ne raconte pas grand chose et n'offre aucun sous-textes alors qu'on aurait pu avoir une parabole sur la condition des femmes (comme pouvaient le faire les équivalents sud-coréens de la même époque). Tout repose donc sur l'ambiance. Et quelle ambiance !
Le décor principal, la maison, est l'un des plus impressionnant que j'ai jamais vu avec une sorte de vaste intérieur qui ressemble à un immense loft où chaque recoin possède une identité particulière avec un mélange d'influence artistique/architecturale fascinant et très osé, conçu d'un seul bloc entre pop art, grande baie vitrée, végétation tropicale, cubisme etc.... Chu Yuan peut ainsi placer sa caméra n'importe où pour créer immédiatement un climat dérangeant et presque torturé, surtout quand il rajoute des éclairages vifs qui habillent certains parties de l'images avec des filtres colorés dignes des meilleurs Bava/Argento. Une nouvelle réussite picturale d'une virtuosité plastique ébouriffante qui permet au film de ne jamais lasser malgré son scénario assez répétitif dans ses effets et à la chute plutôt prévisible.

Le second segment est réalisé par He Chi Chiang connu pour ses films hardcores ultra dérangeants et racoleurs comme Man behind the sun ou The Nanking massacre, des « oeuvres » qui ne m'intéresse absolument pas par ailleurs.
Ici, c'est beaucoup plus soft voire inoffensif bien que déjà bien putassier. C'est cependant tourné avec un second degré qui fait bien passé le mauvais goût du scénario où un gardien d'immeuble est contacté par un esprit qui lui promet fortune s'il ne cède pas à la folie des jeux, la luxure et le meurtre... Conseils qu'il transgressera évidemment, forçant par exemple une voisine hautaine à « attraper » des billets de banque avec ses seins ! Évidement la table est transparente et le nouveau riche à la bonne idée de pimenter le jeu en arrosant copieusement la table qu'il parsème de fleur. Un grand moment de poésie féministe assurément. :mrgreen:
Cynisme et voyeurisme sont donc au programme de cette petite critique sociale de l'arrivisme, de l'arrogance et du mépris (façon lutte des classes revancharde). Ca dure 35 minutes et sur un format de cette taille, c'est l'idéal. Rien de nouveau dans le scénario là encore, par contre la chute est pas mal du tout (et assez gore pour le coup). Ca casse pas trois pattes à un canard mais c'est rigolo pour son mauvais goût assumé.


Grosse déception par contre : Haunted tales n'a l'air d'être sorti qu'en VCD alors que le segment Chu Yuan mériterait largement un blu-ray. De plus la compression est vraiment pas discrète. Faut dire que le premier disque comprend 6-7 minutes de bandes-annonces et 98% du premier sketch alors que le second ne possède que les deux dernières minutes du Chu Yuan (c'est idiot déjà de l'avoir découpé pour si peu) et les 35 minutes du He. Pas très équilibré du coup.
Ca donne ainsi une photo un peu trop sombre pour le Chu Yuan, en plus de la compression visible au possible.

Je croise les doigts pour une ré-édition digne de ce nom.
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Re: Chu Yuan

Message par bruce randylan »

Descendant of the sun (1983)
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Il y a eu Buddha's palm et autre Martial world of Holy flame. Pourquoi ne pas continuer donc avec Descendant of the sun ?
Sur le papier, c'est une idée plutôt stimulante. Mais ce n'était peut-être pas la meilleure que de la confier à Chu Yuan, cinéaste plutôt classique (et du classicisme) qui ne connaît pas grand chose au psychédélisme survolté et aérien. Et lancer la production du film en pleine crise économique du studio qui allouait de moins en moins de budget à ses nouveaux films n'était pas non plus un trait de génie.

Le bébé entre les mains, Chu Yuan ne sait pas trop quoi faire et pousse du coup le potard disco à 11 qui atomise la perception rétinienne durant l'introduction : couleurs flashy, halo lumineux, narration à 100km/h, décor encore plus kitsch que d'habitude et donc une histoire qui croise mythologie divine et gros plagiait de Superman.
Sur le moment, on se dit que ça va le faire et que le réalisateur va y aller à fond... Et on déchante assez vite au final. Chu Yuan est empêtré avec 3 décors qui reviennent à tour de rôle, des maquettes affligeantes et surtout des chorégraphies qui ne correspondent pas du tout à son style. Il a l'air vraiment perdu avec les câbles ou les pouvoirs magiques et foire sa réalisation, trop statique.
Face à ce genre de trucages rudimentaires, il aurait fallut au contraire essayer de cacher au maximum les effets spéciaux en bougeant la caméra ou en jouant sur le montage. Mais avec des caméra fixes, les combats aériens perdent toute énergie et vitalité pour se résumer à des pantins oscillant entre deux colonnes. Les transformations sont tout aussi gênantes avec des figurants qui gesticulent dans l'arrière plan. Ce genre de mouvements dynamisent (artificiellement) les plans dans les affrontement traditionnels mais quand il faut multiplier les fondus enchaînés ou la stop motion pour les SFX, les yeux se mettent presque à pleurer face à un arrière plan sans cesse mouvant et illisible.
Tout n'est pas raté heureusement et on sent notamment une séquence où Chu Yuan semble s'amuser réellement avec pas mal de second degré lorsque deux ennemis passent leur temps à se transformer sans cesse pour piéger leur adversaire (et qui rappelle certains passages de la littérature chinoise fantastique). C'est totalement idiot et crétin dans son enchaînement et sa logique mais c'est aussi original qu'improbable.
Fondamentalement Descendant of the sun est rythmé sans le moindre temps mort avec une accumulation de combats et scènes d'actions. Mais comme la réalisation et les chorégraphies ne sont pas à la hauteur, l’œuvre est un coup d'épée dans l'eau pas vraiment excitante, si ce n'est 3-4 séquences plus amusantes pour sa destruction de cartons-pâtes et de figurants en mousse/mannequin explosif.
Et comme l'histoire n'est pas très folichonne avec des personnages lisses dont les interactions ne fonctionnent pas (l'histoire d'amour grotesque, la psychologie inexistante à l'instar des deux servantes qui n'évolueront pas durant toute la durée du film).

Du coup, le film est vraiment trop bancal pour être recommandé : pas assez délirant pour les fans de kung-fu fantasy hystérique et pas assez personnel/maîtrisé pour les aficionados du cinéaste. Reste les fans de bis cela dit qui devraient y trouver leur compte.



Logique après tout que ce film ne soit pas été exploité en DVD en dehors de HK. Ca sera donc du zone 3 Celestial VOSTA.
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Re: Chu Yuan

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The convict killer (1980)

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Tout juste sorti de prison où il y a purgé une peine de 15 ans, un expert en arts-martiaux cherche à se venger des hommes qui l'ont piégé injustement

Chu Yuan délaisse Gu long pour un autre écrivain, Chu Yu, et apporte ainsi un peu de fraîcheur à son cinéma qui tournait un peu en rond. Rien de profondément révolutionnaire mais l'histoire se déroule à une époque plus contemporaine (on y trouve des armes à feu) et prend place à 80% dans une grande auberge, sans pour autant se référer aux films de King Hu.
Pour le reste, nous sommes en terrain connu : Ti Lung, une facture visuelle somptueuse, bien que moins onirique que d'habitude, et un mélange toujours aussi rythmée de combats et rebondissements en pagaille.
The convict Killer commence très fort et la densité des 10 premières minutes est surréaliste pour nous plonger au cœur des enjeux dès la première seconde ! Stupéfiant et immersif au possible. Sept minutes plus tard, on a déjà ainsi fait la connaissance (directe ou indirecte) de presque 10 protagonistes.
Ca se calme par la suite pour développer un peu ceux-ci et cultiver le doute sur les nouveaux venus (amis, alliés de circonstances ou adversaires ?) sachant qu'un clan entier est sur le point de se réunir pour défaire Ti Lung.
C'est toujours un vrai régal, mené avec le brio esthétique et formaliste du cinéaste qui sait toujours composer son cadre, jouer des couleurs ou iconiser ses personnages dans des joutes martiales trépidantes comme lors des défis aux couteaux.
On a beau deviner quelques retournements de situations, la folie narrative des trente dernière minutes est ahurissantes avec littéralement un twist par minute. Et tous sont aussi délicieusement amenés et jubilatoires que dans la guerre des Clans. L'ultime est d'une noirceur incroyable et rappelle que le cinéaste porte un regard désabusé sur la loi du talion et son cercle de violence à l'instar du Tigre de Jade. Ca permet de redistribuer les cartes et d'avoir un nouveau éclairage sur plusieurs personnages.

Les chorégraphies sont une nouvelle fois réglées par le fidèle Tang Chia qui a du travaillé en étroite collaboré avec le cinéaste sur leur conception vu l'importance de l'espace et du mobilier dans leur évolution. En tout cas, ça fracasse habilement du décor avec une hargne remarquable. Les premiers combats sont assez banals mais gagnent rapidement en technicité et intensité avec de nombreux passages enthousiasmant. Et Ti Lung se servant de son ancienne chaînes de bagnard comme arme est une excellente idée.

Encore une brillante réussite pour le cinéaste que certains voulait enterrer un peu vite lors de ce changement de décennie.



Pour l'anecdote, il s'agirait du seul film du cinéaste a avoir connu une sortie en salle en France, en 1985 sous le titre Griffes d'Acier contre Léopard Noir. Il n'a cependant pas connu une exploitation en DVD chez nous et il faut se tourner vers l'import, zone 3, sans doute épuisé.
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