Johnny s'en va-t-en guerre (Dalton Trumbo - 1971)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Watkinssien
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Johnny s'en va-t-en guerre (Dalton Trumbo - 1971)

Message par Watkinssien »

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Je n'ai pas trouvé dans la recherche un topic spécifique. Mais si c'est le cas, modérateurs, faites ce qu'il y a de juste à faire. :wink:

Parler d'un tel film est assez difficile. Je l'ai découvert très jeune, et il m'avait traumatisé. En le revoyant aujourd'hui, je demeure toujours aussi groggy er séché.

Seule réalisation de ce scénariste génial qu'était Trumbo, on y découvrait qu'il était capable d'avoir les qualités d'un vrai cinéaste, doublé d'un auteur complet. Le film est adapté de son propre roman, publié en 1939. Forte charge antimilitariste, qui anticipait officieusement la Seconde Guerre mondiale, le livre a été un énorme succès pendant et après le conflit. Que Trumbo décide d'adapter lui-même cette histoire forte dans le début des années 70, où une autre guerre déchirait les idéaux des Etats-Unis, est un autre pas en avant pour prouver la pertinence artistique de ses thématiques.

Si bien que, fait rare, le film a immédiatement eu des répercussions sur son actualité, devenant culte pour les pacifistes de tous bords dès 1971.

Mais au-delà de sa résonance rapide chez ses nombreux spectateurs, Johnny got his Gun n'est pas un film coincé dans son époque. L'impact demeure, probablement grâce à l'absurdité de la situation que vit, endure, souffre le personnage principal.

Un jeune soldat, pendant la Guerre 14-18, est mutilé à cause d'un obus. Il a perdu l'ouïe, la vue, l'odorat, et les médecins lui amputent les deux bras et les deux jambes. Il devient donc un "tronc", qui tente de se repérer grâce à deux notions : ses souvenirs et le toucher. Nous entendons donc ses pensées, enfermées dans un corps prisonnier des affres de la guerre et des croyances ambigües de la science à son égard.

Filmé dans noir et blanc étouffant et épuré, les rêves et souvenirs sont retranscrits en couleurs automnales, amenant un souffle et une douceur (même s'il se souvient de moments délicats et parfois compliqués). Sa situation est tellement atroce que la rétrospective de sa vie apparaît quoi qu'il en soit tendre, étrangement rafraîchissante. L'esprit s'affranchit des simples réminiscences pour amener des composantes fictives qui se rapprochent de la psyché de notre pauvre protagoniste. Les complexités des rapports avec le père, la relation avec la religion (symbolisée par la présence fascinante d'un Donald Sutherland littéralement christique, dont Buñuel a participé à l'écriture non officiellement), les émois sentimentaux et amoureux, la complémentarité avec la nature: autant d'éléments qui s'entrechoquent et parfois s'annulent avec fracas dans le présent de Joe (impeccable Timothy Bottoms, dans un rôle très difficile).

La puissance dramatique du film est que l'on s'identifie à la position du personnage. Plus précisément, nous nous effrayons de pouvoir ressentir l'état horrible dans lequel il se trouve. Il paraît évident que nous nous plongerions dans nos souvenirs et dans notre imaginaire, que nous essaierions de trouver où nous sommes, quand on est et auriont envie de mourir. Le film enchaîne les séquences fortes jusqu'à un final terrible, où la dernière phrase continuera longtemps de résonner dans la tête de celui qui le voit.

Et quand on revisionne ce film en 2015, eh bien oui, Johnny got his Gun est toujours d'actualité, reste un grand film, un OFNI passionnant et déchirant. Une oeuvre qui rentre subtilement dans l'inconscient collectif (le groupe Metallica a composé une de ses meilleures chansons "One" en hommage au film). Une histoire forte et brillante qui transcende chaque support (littérature et cinéma).
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Jihl
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Re: Johnny s'en va-t-en guerre (Dalton Trumbo - 1971)

Message par Jihl »

Effectivement c'est bien qu'il ait son topic et Watkinssien a tout dit.
C'est un de ces films qui sont un expérience limite pour le spectateur, il faut donc si possible être en forme et reposé pour le voir. Je ne l'avais pas revu depuis une vingtaine d'année, mais le film est toujours aussi fort émotionnellement.
Il est aussi remarquablement construit, solidement interprété et mis en scène. Pour moi, un des meilleurs films sur la guerre, un des meilleurs films des 70 et à la limite de mon top 100. 8/10
Dernière modification par Jihl le 23 août 15, 15:25, modifié 1 fois.
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Jeremy Fox
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Re: Johnny s'en va-t-en guerre (Dalton Trumbo - 1971)

Message par Jeremy Fox »

Je retenterais pour la troisième fois à l’occasion car pour l'instant je n'ai jamais été convaincu :oops:
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Watkinssien
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Re: Johnny s'en va-t-en guerre (Dalton Trumbo - 1971)

Message par Watkinssien »

Jeremy Fox a écrit :Je retenterais pour la troisième fois à l’occasion car pour l'instant je n'ai jamais été convaincu :oops:
Ce serait tout à ton honneur. Mais si ça ne passe pas, ça ne passe pas et cela serait étonnant que tu y retournes ta veste comme nous l'avons déjà fait sur ce topic ! :wink:

Le film est quand même constamment étrange et atypique. Si on n'adhère aucunement à la structure du récit ni à son postulat, cela peut être un calvaire.

Mais ce film est un coup de poing dans l'estomac pour ceux qui y rentrent sans encombre.
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Dale Cooper
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Re: Johnny s'en va-t-en guerre (Dalton Trumbo - 1971)

Message par Dale Cooper »

Watkinssien a écrit :Je l'ai découvert très jeune, et il m'avait traumatisé.
Pareil. Sinon bravo pour ta critique, je suis d'accord sur tout.
Sacrée expérience que ce film...
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Watkinssien
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Re: Johnny s'en va-t-en guerre (Dalton Trumbo - 1971)

Message par Watkinssien »

Merci bien Dale! :)
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EuhBah
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Re: Johnny s'en va-t-en guerre (Dalton Trumbo - 1971)

Message par EuhBah »

Un film littéralement gravé dans mon corps tant ce fut une expérience physiquement éprouvante de le voir. Très grand film. Bravo et merci pour ta critique Watkinssien.
aelita
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Re: Johnny s'en va-t-en guerre (Dalton Trumbo - 1971)

Message par aelita »

Le sujet du film est en effet universel. Le film parle de 14/18, ça pourrait être n'importe quel conflit .
Le thème est déjà présent dans une chanson traditionnele irlandaise, Johnny I hardly knew ye, qui raconte l'histoire d'un jeune homme parti à la guerre et revenu mutilé. Le texte a plus de 200 ans...
L'un des couplets dit You haven't an arm, you haven't a leg, you'rz an eyeless , boneless,chickenless egg.
NB C'est une des versions, il peut y avoir des variantes.
Dernière modification par aelita le 8 janv. 18, 19:15, modifié 1 fois.
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? (pensée shadok)
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Watkinssien
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Re: Johnny s'en va-t-en guerre (Dalton Trumbo - 1971)

Message par Watkinssien »

EuhBah a écrit :Un film littéralement gravé dans mon corps tant ce fut une expérience physiquement éprouvante de le voir. Très grand film. Bravo et merci pour ta critique Watkinssien.
:wink:
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