Lawrence d'Arabie (David Lean - 1962)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Dave Garver
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Message par Dave Garver »

Jeremy Fox a écrit :
Dave Garver a écrit :Je ne suis pas d'accord avec les critiques formulées, mais au moins elles le sont. Ce qui démontre que tout est affaire de sensibilité. Constructif.
Oui mais ce qui démontre qu'on peut faire dire n'importe quoi à un film et ça me confirme dans le fait de préférer une critique de film à une analyse de film.

Par exemple, comment peut on dire que le désert est mal filmé et sans force dans le film de Lean : il faut rester objectif aussi de temps en temps non ?
Technique ou pas, apprécier un film, sa mise en scène, je pense que cela relève principalement de la sensibilité. je peux comprendre qu'il n'apprécie pas... Mais je ne partage pas son avis :mrgreen:
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Dracu
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Message par Dracu »

Scytales a écrit :Quant à la musique, elle a la force des images, c'est-à-dire assez peu de force en réalité.)...
J'avoue ne pas encore regardé le film, mais une chose est certaine, lorsque j'écoute la musique de Jarre, je VOIS le désert, et il en devient presque palpable.

Ce qui, selon moi, en fait un grand score....

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Billy Budd
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Message par Billy Budd »

Aussi bien dans le camp des Pour que dans celui des Contrs, quelqu'un a t il lu le roman dont le film est tiré ?
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Message par David Locke »

Nikita a écrit :Aussi bien dans le camp des Pour que dans celui des Contrs, quelqu'un a t il lu le roman dont le film est tiré ?
Les Sept Pilliers de la Sagesse de T.E. Lawrence : c'est une autobiographie et non un roman. :roll:

J'en ai lu quelques passages, mais le film ayant quelque peu vampirisé mon imaginaire sur le sujet, je n'ai pas poursuivi :? (C'est très long... :mrgreen: ).
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Billy Budd
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Message par Billy Budd »

David Locke a écrit :
Nikita a écrit :Aussi bien dans le camp des Pour que dans celui des Contre, quelqu'un a t il lu le roman dont le film est tiré ?
Les Sept Pilliers de la Sagesse de T.E. Lawrence : c'est une autobiographie et non un roman. :roll:
C'est exact mais je pense qu'elle est tout de même romancée , j'aurais dû employer le terme livre
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Message par David Locke »

Scytales a écrit :Bonjour.

J'ai quelque peu de mal à admettre Lawrence d'Arabie dans le cénacle des "chefs-d'oeuvres absolus".

Les confrontations de personnalités (et d'acteurs) sont intéressantes dans leur propos, et auraient dû donner lieu à un traitement nuancé, une montée en puissance de la dramaturgie autrement plus subtile que ce qui est réalisé dans le film, qui peine à aller au-delà de la mise en oeuvre esthétisante du cliché.

La scène introductive - largement coupée dans la version originellement distribuée dans les salles- résume assez bien ce que sera le traitement des personnages. Lawrence offre les cigarettes de son compagon avec une emphase appuyée; ainsi sera-t-il: peinture par le détail caricatural et grandiloquence.

Lawrence est d'une trop désarmante ingénuité lorsqu'il s'attache le respect et l'admiration de son guide lors de son voyage vers l'Arabie en lui offrant son révolver.

Le traitement de l'histoire des deux pauvres hères que Lawrence prend à son service, histoire qui fait valoir la bonté du héros, frise le ridicule dans une épopée qui aurait gagné à se passer de ce genre ficelles scénaristiques.

La scène où Peter O'Toole, sa peau laiteuse mise à nue, est confrontée à l'officier ottoman manque cruellement de force; il faut réfléchir pour comprendre la portée qu'aurait dû revêtir cette épisode: l'humilation par procuration de l'homme blanc, la permutation des rôles entre les victimes et les bourreaux du racisme dans notre culture, une situation qui devait interpeller, mettre le spectateur mal à l'aise. Et pas ce plan sur le visage débile du soldat turc, plan qui ramène les choses dans leur ordre occidental... Ouf! Ce n'était qu'un mauvais (oui, mauvais) rêve. Mais que se passe-t-il? Lors de la vision de la scène, on ne comprends vraiment ni pourquoi Lawrence aligne l'offcier, ni pour quel motif celui-ci voulait depuis le début le battre. Et pour cause: le jeu de O'Toole manque terriblement de lisibilité.

Peter O'Toole, qui, avec son physique de poupée de porcelaine et son air de perpétuelle ébahi, réussit peut-être, dans les moments les plus sobres, à assumer son rôle d'illuminé messianique, mais qui n'affiche aucune réelle crédibilité dans celui de chef de guerre, de figure de proue. La détermination trop schématique d'un Lawrence qui s'en revient annoncer la victoire d'Akaba dans le mess des officiers manque de force. Où est la folie, l'effrayante cruauté du Lawrence qui sonne la charge sur une colonne en déroute? Pas dans la composition de l'acteur. Pour un peu, je préférerais le séance de "pétage de plombs" du futur Vador dans l'Attaque des Clones... On se demande aussi qui est cette grande silouette qui se fait giflé dans l'hopital militaire de Damas "libéré"... une scène qui tombe pour ainsi dire à la fois à plat et à pic pour conclure sur la qualité interpétative du film, singulièrement dans son rôle-titre. On peut penser qu'un traitement du personnage façon Les Vikings, sombre et plus sobre tout le long du film, aurait été bienvenu pour contre-balancer la nature de Peter O'Toole.

Certains seconds rôles me paraissent beaucoup mieux joués, si l'on excepte la faconde appuyée d'une caricature (encore une) du représentant civil du gouvernement britannique. Dommage que McQueen n'ai pas eu tant de bonne scènes. Son entrée, seul, dans la troupe qui vient de traverser le Sinaï n'échappe pas à certaines facilités, dont l'idée du gamin n'est pas la plus mauvaise: ce serait plutôt le plan sur un Omar Shariff venant à sa rencontre, le ventre un peu trop en avant pour véritablement figurer la dignité d'un grand chef.

Pour ce qui est de la mise en scène, son originalité et son efficacité m'échappe totalement.

La charge sur Akaba est d'un loupé, avec le mouvement final de la caméra sur un canon ridicule qui était censé tenir la puissante Royal Navy en respect... Les décors auraient mérité plus d'imagination pour montrer à l'écran une position dont l'importance stratégique avait été assez habilement amené par son évocation à la fois pleine de crainte et d'envie. Mais comment croire une seconde que l'Akaba que l'on voit à l'écran est celle que l'on avait évoqué?

La scène du retour de Lawrence du Sinaï, où il a récupéré un chamelier, est ennuyeuse et sans enjeux. Puisqu'il "était écrit" que Lawrence reviendrait (si! si! c'était dans le scénario!), Lean aurait pu faire plus court, et accessoirement mieux pour filmer l'attente. Le coup sans génie du montage d'une suite de plans fixes passe assez mal en la circonstance. D'autant que ce qui se passe dans le cadre est sans intérêt aucun.

Le gros plan sur le visage d'une jeune fille, puis le mouvement sur les femmes vues de dos qui observent la fête dans la tente du prince Fayçal n'a qu'une portée purement illustrative, anecdotique, là où on aurait pu souhaiter plus de recherche pour marquer la raideur et l'originalité de la culture d'adoption de Lawrence.

J'accumule les illustrations sorties du contexte; c'est ma façon de dire que le montage du film n'est pas le plus fluide qui soit.

Et que dire du désert filmé par Lean si ce n'est qu'il n'a pas la plastique poétique de celui d'un Ford (La prisonnière du désert).

Seule vraie bonne scène, à mon goût: le plan moyen, travelling arrière, sur le mouvement des pieds de Lawrence en train de se faire ovationner en marchant au fait d'un train. Scène qui, finalement, contient en germe ce qu'aurait dû être le personnage de Lawrence: une figure détachée, mystérieuse, décrite par son environnement, une sorte de colonel Kurtz du désert en somme, qui n'aurait pas du être laissé un travail d'un Peter O'Toole qui n'avait pas les épaules assez larges.

Quant à la musique, elle a la force des images, c'est-à-dire assez peu de force en réalité.

Reste, reste... que Lawrence d'Arabie, c'est avant tout une vision mordante de la politique, qui fait mouche plus d'une fois dans les conclaves d'Alexandrie ou de Damas, ou encore dans le clou du film, le point d'orgue qui culmine au sommet de l'étude anthropologique : la scéance du Conseil National Arabe, où l'on prend plaisir à voir un Peter O'Toole enfin dans sa peau: dépassé par les événements. S'il fallait défendre le film, ce serait pour avoir amener une telle scène, qui est véritablement jubilatoire dans l'incisive précision et la sincérité toute clinique du regard occidentale sur l'anecdocte qui fait l'histoire.

Finalement, Lawrence d'Arabie est encore un film à faire.
Critique intéressante si l'on remplace toutes tes affirmations par leur strict contraire :roll:

Le plus drôle, c'est que tu réclames de la subtilité et que chaque fois tu passes à côté du sous-texte, étant obnubilé par ce que TU VEUX VOIR dans ce film et qui ne s'y trouve pas.

Par exemple, la scène où Lawrence est confronté à l'officier turc est bourrée de sous-entendus homosexuels : l'aspect efféminé de Lawrence joue évidemment en sa défaveur et c'est lorsqu'il comprend ce que l'on veut de lui qu'il frappe l'officier.
Celui-ci le fait battre et l'air malsain affiché sur les visages de ses tortionnaires ne laisse aucun doute sur ce qui adviendra au cours de l'ellipse qui nous le fait retrouver brisé dans un caniveau au petit matin.

Dès lors, il prend conscience non seulement qu'il n'est pas un dieu doué d'invisibilité, un esprit à la rigueur mathématique auquel il suffit d'exposer une idée abstraite pour qu'elle se réalise dans le concret (d'où l'aspect irréel de la prise d'Akaba, une simple formalité puisque la traversée du désert devait dans son plan suffire à surprendre l'adversaire), mais qu'il n'est même pas un arabe comme il pensait l'être devenu.

Il n'y a pas de Colonnel Kurtz dans cette histoire : le journaliste américain a bien du mal à cerner le personnage "Lawrence" qui n'a rien d'un chef de guerre.
Et pour cause : plus qu'une épopée héroîque, ce film est le portrait intime d'un homme tiraillé entre ce qu'il est et ce qu'il fait ou croit faire.

Peter O'Toole est extraordinaire dans ce rôle d'un homme constamment dépassé par les événements : si ses idées, nourries de lectures et d'études de la culture et de la langue arabe, sont brillantes, il pense que leur mise en application dépend seulement de sa volonté, quitte à passer outre les obstacles les plus évidents.

Passées les premières réussites rien moins que miraculeuses, les entrprises de cet homme sont vouées à l'échec.

S'il y a un message plus général dans le film, c'est sans doute qu'il est illusoire, lorsque l'on fait partie du camp des éternels vainqueurs (les blancs dominateurs du Monde), de prétendre mener les minorités à la victoire contre son propre camp, quelque soit notre degré d'identification (d'amour?) pour ces minorités.
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Billy Budd
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Message par Billy Budd »

David Locke a écrit : :

Le plus drôle, c'est que tu réclames de la subtilité et que chaque fois tu passes à côté du sous-texte, étant obnubilé par ce que TU VEUX VOIR dans ce film et qui ne s'y trouve pas.

Par exemple, la scène où Lawrence est confronté à l'officier turc est bourrée de sous-entendus homosexuels : l'aspect efféminé de Lawrence joue évidemment en sa défaveur et c'est lorsqu'il comprend ce que l'on veut de lui qu'il frappe l'officier.
Celui-ci le fait battre et l'air malsain affiché sur les visages de ses tortionnaires ne laisse aucun doute sur ce qui adviendra au cours de l'ellipse qui nous le fait retrouver brisé dans un caniveau au petit matin.

Je n'y avais jamais vu aucun sous entendu pour ma part tou ça est PARFAITEMENT clair, en plus Lawrence prend son pied
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Roy Neary
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Message par Roy Neary »

David Locke a écrit :Critique intéressante si l'on remplace toutes tes affirmations par leur strict contraire :roll:
Vous noterez que ce n'est pas moi qui l'ai dit. :lol:
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David Locke
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Message par David Locke »

Roy Neary a écrit :
David Locke a écrit :Critique intéressante si l'on remplace toutes tes affirmations par leur strict contraire :roll:
Vous noterez que ce n'est pas moi qui l'ai dit. :lol:
Serait-ce la seconde fois que nous sommes du même avis?
Cela se fête :wink:
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Scytales
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Message par Scytales »

ATcHoUm a écrit : Parcontre je ne pourrait etre d'accord a propos de sa maniere de filmer le desert, qui est, je trouve, absolument sublime et envoutante. L'impression d'immensité est magnifiquement rendu, le desert nous attire tout comme il nous fait peur. La dessus je suis conquit.
Lorsque j'ai revu ce film récemment, je me suis fait la réflexion inverse: non seulement la photo ne valorisait pas la beauté du désert (fut-ce à trahir la réalité), mais encore une certaine exiguité de ce désert m'avait frappé.

En effet, le cadre reste visible; il confine le désert. Le fait est que Lean filme des sujets tels que des sables ou des regs proches d'un relief assez imposant, ce qui limite l'ouverture de l'espace. Même en terrain relativement nu, comme lors du voyage vers Akaba, le sujet est limité par deux choses: l'horizon et surtout, le fait que la caravane, très étirée, occupe toute la largeur du champ. En fait, Lean a la faiblesse, quel que soit le plan (ou presque), de donner au spectateur un point de repère qui lui permet d'apprécier l'échelle du sujet filmé. Le résultat est que la mesure de ce que l'on voit le borne.

Je ne pouvais m'empêcher de songer au Dune de David Lynch, qui suggère autrement mieux l'infinité du désert de sable d'Arrakis dans un des rares bons moments du film, lorsque la navette qui emmène le duc Leto et son fils Paul vers les champs d'épice franchit la barrière du Bouclier.

Suit une courte série de quelques plans larges sur ce fameux désert, plans dans lesquels le cadre est effacé par le sujet, dont la monotonie ne fait pas percevoir de limites matérielles: le sujet se poursuit hors du champ. Constamment. D'autant mieux que le plan n'est pas fixe, contrairement à ce qui se passe dans Lawrence d'Arabie (où l'on a au mieux des zooms arrières sur les plans larges sur le désert; encore une occasion malvenue de prendre du recul sur l'échelle du sujet). Dans Dune, l'oeuil de la caméra se déplace, lentement, et le sujet reste égal à lui-même: sans fin, ni commencement appréhensible. Le mouvement est d'ailleurs lent et le paysage bouge donc peu du point de vue du spectateur; ce que l'on voit fait songer a l'inaltérable immobilité du soleil que l'on cherche à rattrapper mais qui reste toujours hors d'atteinte. Lynch ne donne aucune point de repère qui puissent permettre de ramener le sujet à son échelle. Mieux encore, l'horizon, la limite naturelle de la vision humaine, n'est pas visible: il est masqué par le voile de chaleur mélangé à l'atmosphère poussiéreuse de la planète de sable.

Ainsi, en abolissant les limites objectives et suggestives du sujet, Lynch parvient à évoquer l'infinitude bien mieux que Lean, à mon avis.

Cala dit, je ne cracherais pas sur les qualités de Lawrence d'Arabie, bien sûr! Je concède volontier y percevoir un souffle historique (plus qu'épique). Mais je trouve que ce souffle est trop déservi par des automatismes et des facilités -et aussi par un certain manque de talent et d'imagination en certains moments- pour pouvoir ériger cette oeuvre en chef-d'oeuvre.
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Message par David Locke »

Cher Scytales

Je reconnais que ton argumentation sur la façon que Lean adopte pour filmer le désert se tient tout à fait.

Cependant, tu sembles oublier une scène-clef : celle où Sherif Ali tue le guide qui avait osé boire au puit de sa tribu. Dans cette scène en effet, Lean filme le désert comme une étendue infinie d'où le personnage émerge comme par magie, comme s'il était un mirage. Le coup de feu fatal n'en est que plus choquant.

Ce choix de mise en scène est particulièrement efficace et inspiré, et correspond plus ou moins à la manière de filmer le désert qui te plaît chez Lynch...

Ensuite cependant, Lean filme le désert en plans très larges, avec des indications d'échelle très précises : comment pourrait-il en être autrement?
En effet, après l'épisode que je viens de décrire, Lawrence abandonne sa vision romantique du désert, sa mentalité de voyageur, empreinte il est vrai de clichés (point de vue qui facilite également l'adhésion du spectateur au personnage dans un premier temps), pour revenir à une vision de soldat, de cartographe qui se sert de la topographie à des fins stratégiques militaires.

Le désert n'en est pas moins amoindri, et le seigneur de ces lieux, le SOLEIL, est bien filmé comme tel, particulièrement dans la séquence où Lawrence retourne dans le désert pour secourir l'homme tombé de chameau (ces plans où le soleil est filmé "en face" sont des trucages particulièrement réussis).

La scène où les chameaux se croisent est emblématique de ce que vient de faire Lawrence : il a vaincu le soleil, le seigneur des lieux, il a fait quelque chose de trop grand pour un homme normal. La majesté du mouvement et de la musique nous le font admirer dans sa gloire (éphémère) et justifie la réaction des Arabes qui l'attendent au campement lorsqu'il y parvient.

Pour en revenir à O'Toole qui incarne selon moi parfaitement Lawrence, il ne faut pas oublier que c'est le vent qui, jouant dans la tunique immaculée que l'on vient de lui offrir, lui donne sa majestée : il n'est même pas armé et se couvre de ridicule lorsque Anthony Quinn fait son apparition.
Le retour à l'uniforme, forcément étriqué, nous redonne la preuve qu'il n'a pas les épaules d'un chef de guerre, qu'il n'est en fait qu'un pion des puissants (les Anglais qui le manipulent adroitement).

J'espère que mes remarques t'aideront à mieux apprécier le film, et je te conseille de le voir au cinéma en 70mm pour profiter de ces vues du déserts qui te semblent réduites sur un écran télé (c'est compréhensible...) :wink:
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Message par DannyBiker »

arrête David, j'ai une envie furieuse de revoir le film... :P

Pour ce qui est de la façon dont Lean film le désert, je dirais (encore une fois) que dans la plupart de ses films, les personnages sont finalement étouffés par les grands espaces. L'immensité du désert, des étendues de glace et autres falaises ne sont rien sans le regard qu'on veut bien leur porter et Lean ne filme pas la nature pour ce qu'elle est mais pour ce qu'elle évoque à ses personnages. Ainsi, dans Lawrence d'Arabie, il ne filme pas un désert mais des déserts, changeants, toujours en rapport à l'état d'esprit des protagonistes. D'où leur importance dans le cadre.
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Message par Scytales »

David Locke a écrit :espère que mes remarques t'aideront à mieux apprécier le film, et je te conseille de le voir au cinéma en 70mm pour profiter de ces vues du déserts qui te semblent réduites sur un écran télé (c'est compréhensible...)
Je te rassure: j'apprécie ce film, revue dernièrement sur l'écran suffisant d'un home cinema. C'est simplement son statut que je discute et, à travers cette discussion, de ces qualités intrinsèques.
David Locke a écrit :Cependant, tu sembles oublier une scène-clef : celle où Sherif Ali tue le guide qui avait osé boire au puit de sa tribu. Dans cette scène en effet, Lean filme le désert comme une étendue infinie d'où le personnage émerge comme par magie, comme s'il était un mirage. Le coup de feu fatal n'en est que plus choquant.

Ce choix de mise en scène est particulièrement efficace et inspiré, et correspond plus ou moins à la manière de filmer le désert qui te plaît chez Lynch...

Ensuite cependant, Lean filme le désert en plans très larges, avec des indications d'échelle très précises : comment pourrait-il en être autrement?
En effet, après l'épisode que je viens de décrire, Lawrence abandonne sa vision romantique du désert, sa mentalité de voyageur, empreinte il est vrai de clichés (point de vue qui facilite également l'adhésion du spectateur au personnage dans un premier temps), pour revenir à une vision de soldat, de cartographe qui se sert de la topographie à des fins stratégiques militaires.

Le désert n'en est pas moins amoindri, et le seigneur de ces lieux, le SOLEIL, est bien filmé comme tel, particulièrement dans la séquence où Lawrence retourne dans le désert pour secourir l'homme tombé de chameau (ces plans où le soleil est filmé "en face" sont des trucages particulièrement réussis).
Je rebondissais sur l'association faite par ATcHoUm entre les images du film et la volonté de dépeindre l'immensité du désert.

Sans que cela remette en cause mon sentimement de "confinement", je trouve ton idée de lier les images du désert à l'expression d'une attitude intellectuelle des personnages vis-à-vis de lui ou d'un rapport quasi-hiérarchique entre les hommes, faibles et minuscules, et un milieu qui les écrase de son hostilité plus pertinente. Encore que je n'ai pas vraiment perçu cette variété de traitement que tu décris. Peut-être faudrait-il effectivement que le re-revois. :wink:
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Message par Scytales »

Cross-posting: je trouve les idées de David Locke et de Jack Torrance pertinentes.
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NUTELLA

Message par NUTELLA »

Scytales a écrit :Cross-posting: je trouve les idées de David Locke et de Jack Torrance pertinentes.

et les tiennes ?
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