Zardoz (John Boorman - 1974)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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semmelweis
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Zardoz (John Boorman - 1974)

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Genre: de la SF de haut vol

Au coeur des seventies , John Boorman (auteur de Delivrance et du futur Excalibur) écrit et dirige un film de SF se déroulant en 2293 dans un univers post apocalyptique où va se débattre un Sean Connery tout velu et en slip rouge. Si le contexte du film prête à sourire, il est pour beaucoup dans la postérité du film. En effet, le look improbable de Sean Connery et la production design de l’univers dépeint a conduit souvent ce long-métrage à être considéré comme un nanar en partie par ceux qui ne l’ont pas vu !

En 2293, il existe deux ordres sociaux bien distinctes.D’un côté, on a les Brutes qui vivent sur une terre ravagée, réduits à l’état d’esclavage par les Exterminateurs. Ceux-ci sont les bras armés d’un dieu nommé Zardoz qui apparait sous la forme d’un masque en pierre volant au sourire grimaçant . Cette idole est en fait un objet de manipulation des Eternels (et en particulier de l’un d’entre eux Arthur Frayn) pour fournir les récoltes des Brutes. Les Eternels vivent dans un monde isolé nommé le Vortex où ils sont immortels et sont reliés entre eux grâce à une intelligence artificielle « le Tabernacle ».
Cependant, un jour, un des exterminateurs Zed(Sean Connery) s’introduit dans l’idole et se retrouve dans le Vortex où il est à la fois étudié par les Eternels mais aussi le révélateur des déviances de ce monde utopique.

A la croisée des chemins, John Boorman signe à la fois un récit d’anticipation imprégné d’héroic fantasy associé à une réflexion sociétale. A l’image de son Delivrance et Excalibur, le cinéaste explore la notion de civilisation et du rôle des mythes. En effet, dès l’évocation de Zardoz, on comprend clairement que ce totem de pierre n’est ni plus ni moins que la métaphore des dérives de la religion mais aussi son rôle de manipulation. C’est Arthur Frayn qui a conçu ce dieu afin d’obtenir le contrôle des Brutes mais aussi de diviser ceux ci en plusieurs castes. Mais l’exploration du monde des Eternels par Zed va conduire le spectateur à remettre en question les mythes fondateurs qui composent notre monde occidental.

L’esthétique (un peu daté) du film est aussi construit sur une satire de la culture hippie.Dès 1974, ce mouvement a déjà du plomb dans l’aile et Boorman au lieu d’en défendre les valeurs en montre une image mortifère. En effet, les Eternels refusant de suivre les règles du tabernacle sont ostracisés en devenant des vieillards séniles. Loin d’une société ouverte, ces êtres « supérieurs conditionnent leur vie aux pouvoirs du tabernacle .

Mais l’éternité est aussi une aberration de la vie. Zed se rend vite compte que les Eternels souffrent de ne pouvoir mourir car la vie n’a alors plus aucune saveur. Au sein d’un film de studio, Boorman arrive à inclure des idées hautement philosophiques rappelant que rompre le cycle de la vie en détruit l’essence même. L’idée d’un éternel retour nietzschéen ne conduit pas au sur-homme mais bien à l’apathie et à la mélancolie la plus profonde.Toujours en accord avec sa réflexion sur nature/culture, le réalisateur montre une société éloignée de ses origines terrestres qui ne peut plus qu’inventer de faux dieux pour se croire au dessus de la mêlée.

Proche du conte métaphysique, le film cite des éléments du genre (Zardoz est la contraction de « Wizard of Oz ») pour mieux en déconstruire la morale finale habituelle. Car ici, il n’y aura point de message rassurant mais une lucidité assez incroyable pour une telle production. Zed va donc abandonner sa vie d’exterminateur pour accéder à un autre niveau de conscience pour détruire le tabernacle. Il est l’un des rares qui ressent les coutures disgracieuses de ce Vortex. Mais pour se faire, il doit accepter de se renier lui-même et surtout faire appel à la violence. L’entrée dans la civilisation doit donc se faire par l’utilisation de la barbarie. Un paradoxe grinçant que notre héros met en exergue! L’exterminateur choisit la mortalité et le cours des choses plutôt que de perdre son humanité.

Le film est aussi une réflexion assez désespérante sur la révolution. A travers les divers rebondissements, on se rend compte que la ligne dramatique est systématiquement manipulée par un des personnages conduisant à un final résolument individualiste où l’humanité revient à une simple et nécessaire cellule familiale. Zed quitte les affres glorieuses du changement car celui-ci est manipulé.

D’ailleurs, John Boorman n’oublie pas d’émailler son film de touches d’humour avec un Sean Connery brandissant un révolver comme dans le générique de James Bond. L’esthétique du film baigne dans de nombreuses influences ( la peinture avec Magritte, des séquences sous LSD baignées de couleurs, la littérature avec Nietzsche,le conte).

On pourra être circonspect devant un rythme un peu décousu, une esthétique kitch. En 1h40, le film se montre dense, ambitieux. Il veut aussi avoir de nombreux niveaux de lecture et être à la fois sarcastique, ironique,satirique mais aussi une vraie proposition de cinéma de réflexion.
John Boorman réussit donc une oeuvre protéiforme où la SF devient un modèle de réflexion du spectateur, chose qui manque de nos jours…
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Watkinssien
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Re: Zardoz,John Boorman(1974)

Message par Watkinssien »

Cela fait des années que je subis moquerie, insulte, mépris parce que je considère Zardoz comme une réussite de Boorman ! :mrgreen:

Un peu comme Exorcist II: Heretic, du même Boorman, des gros yeux apparaissent et des rires narquois me sautent au visage lorsque je dis que j'aime ces deux films, pour leur folie complètement radicale.

Pour revenir à Zardoz, je trouve que c'est un film d'une grande richesse philosophique et thématique. Et sa mise en scène est impressionnante, emplie d'idées visuelles qui s'accumulent avec une abondance déconcertante.

Et même si l'esthétique part dans tous les sens (ah le slip rouge du héros), je trouve que seul le charisme d'un grand acteur comme Sean Connery fait passer la pilule à ce niveau.
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semmelweis
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Re: Zardoz,John Boorman(1974)

Message par semmelweis »

Watkinssien a écrit :Cela fait des années que je subis moquerie, insulte, mépris parce que je considère Zardoz comme une réussite de Boorman ! :mrgreen:

Un peu comme Exorcist II: Heretic, du même Boorman, des gros yeux apparaissent et des rires narquois me sautent au visage lorsque je dis que j'aime ces deux films, pour leur folie complètement radicale.

Pour revenir à Zardoz, je trouve que c'est un film d'une grande richesse philosophique et thématique. Et sa mise en scène est impressionnante, emplie d'idées visuelles qui s'accumulent avec une abondance déconcertante.

Et même si l'esthétique part dans tous les sens (ah le slip rouge du héros), je trouve que seul le charisme d'un grand acteur comme Sean Connery fait passer la pilule à ce niveau.
Tu n'es plus seul :mrgreen: ! Il faut réussir à passer l'esthétique datée du film pour en gouter la richesse. Pour ma part, c'est le Fossoyeur de films qui m'a donné envie de voir le film ! Quant à l'exorciste 2, il y a de très beaux passages mais dans l'ensemble, je ne sais toujours pas quoi penser de ce film :shock:
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Commissaire Juve
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Re: Zardoz,John Boorman(1974)

Message par Commissaire Juve »

Je l'ai vu une fois à la télé... La pilosité de Sean Connery m'avait bien fait rire (et je ne dis rien de sa tenue digne du string de Borat).

Il est passé sur TF1 le lundi 28 mai 1979 à 20h30.
Le jeudi 12 octobre 1989 sur FR3 à 20h30.

Je ne pense pas l'avoir vu en 1979 (mes parents m'auraient envoyé au lit). J'ai dû le voir en 1989. Bizarrement, j'aurais juré l'avoir vu chez Claude-Jean Philippe (un vendredi soir donc) au milieu des années 80.

nota : j'ai cherché entre janvier 79 et décembre 99.
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Re: Zardoz,John Boorman(1974)

Message par Tutut »

Je pense l'avoir vu en VHS louée et l'esthétique m'avait franchement rebuté, en particulier la tenue de Sean Connery. :)
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Re: Zardoz (John Boorman - 1974)

Message par Rick Blaine »

La seule chose que je connaissais de Zardoz c'est la tenue de Sean Connery sortie de son contexte et une réputation peu flatteuse, souvent construite sur cette tenue, qui ferait de ce film un ratage, voire un navet.

Je n'ai pas du tout vu ça. J'ai vu un film d'anticipation formidablement brillant, d'une extraordinaire richesse thématique. Un questionnement philosophique passionnant et stimulant. J'ai vu un film narrativement brillant, à la mise en scène virtuose qui m'a happé de la première à la dernière minute. J'ai vu aussi une direction artisitique réussie, car cohérente. Il est évident qu'il serait risible de voir un homme se balader en slip rouge et bottes montantes dans la rue, mais je ne vois rien de choquant à voir ça dans ce film, c'est en ligne avec ce que l'on nous dit des exterminateurs, choisi et élevés pour leur bestialité et leur absence de remord. Pour moi Zardoz est un film très beau, chaque plan est magnifique, coloré, visuellement sublime, et finalement bien moins daté que d'autres films d'anticipation de la période (THX, Logan's Run, ...). Un film bourré d'idées, visuelles et intellectuel, porté par le focrmidable charisme de Connery (qui était la seule raison pour laquelle je souhaitais découvrir le film). Certes, tout cela tient sur le fil d'un rasoir. On pourrait sombrer dans le ridicule mais pour moi, on reste du bon côté, et je trouve cela sublime. Une très grande découverte, je n'y mettrai ni réserve, ni précautions oratoires, pour moi c'est un chef d’œuvre.
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Re: Zardoz (John Boorman - 1974)

Message par Jeremy Fox »

Et bien on va dire que tu sais donner envie. Je l'avais beaucoup apprécié à l'époque mais sans oser le revoir. Du coup, je l'ajoute à ma wishlist.
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Rick Blaine
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Re: Zardoz (John Boorman - 1974)

Message par Rick Blaine »

Je ne sais pas ce que valent les éditions française. Je l'ai vu avec le récent BR Arrow, malheureusement réservé aux anglophones que j'ai trouvé très beau, même si je ne suis pas une référence d'expertise technique. Le film mérite ce genre de traitement, c'est un régal pour les yeux.
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Re: Zardoz (John Boorman - 1974)

Message par Rockatansky »

Vu quand j'avais 13 ans, peu de souvenirs, si ce n'est celui de ne pas avoir aimé. Je serais curieux de le revoir malgré tout.
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Re: Zardoz,John Boorman(1974)

Message par aelita »

Commissaire Juve a écrit :Je l'ai vu une fois à la télé... La pilosité de Sean Connery m'avait bien fait rire (et je ne dis rien de sa tenue digne du string de Borat).

Il est passé sur TF1 le lundi 28 mai 1979 à 20h30.
Le jeudi 12 octobre 1989 sur FR3 à 20h30.

Je ne pense pas l'avoir vu en 1979 (mes parents m'auraient envoyé au lit). J'ai dû le voir en 1989. Bizarrement, j'aurais juré l'avoir vu chez Claude-Jean Philippe (un vendredi soir donc) au milieu des années 80.

nota : j'ai cherché entre janvier 79 et décembre 99.
Découvert lors de la diffusion de 1979 (sur une TV noir et blanc, donc je n'avais pas profité à plein de l'esthétique du film). J'avais bien aimé . J'e l'ai revu récemment (en couleurs). J'aime toujours, mais je reconnais que l'esthétique du film (que je continue à apprécier) a un ^côté daté, très seventies. Et tout ça sent par moments furieusement le fumage de moquette de la part de l'équipe du film...
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Re: Zardoz (John Boorman - 1974)

Message par Carlito Brigante »

Rick Blaine a écrit :Je ne sais pas ce que valent les éditions française. Je l'ai vu avec le récent BR Arrow, malheureusement réservé aux anglophones que j'ai trouvé très beau, même si je ne suis pas une référence d'expertise technique. Le film mérite ce genre de traitement, c'est un régal pour les yeux.
Je l'ai également et c'est vrai que c'est une splendeur.
Ceci dit j'ai découvert le film (et revu maintes fois) le DVD français qui n'est clairement pas honteux, proposant même le commentaire audio de John Boorman sous-titré.
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Re: Zardoz,John Boorman(1974)

Message par Rick Blaine »

aelita a écrit :Et tout ça sent par moments furieusement le fumage de moquette de la part de l'équipe du film...
Je ne pense pas du tout. Il y a beaucoup de rigueur dans tous les plans, rien n'est vraiment laissé au hasard, à l'improvisation où à l'influence de susbstence diverse, ça ne pourrait pas donner ce résultat là, on n'est pas devant Easy Rider. La culture hippie est présente, esthétiquement en partie, thématiquement aussi mais je ne crois pas du tout que ce soit un film "enfumé".
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Jeremy Fox
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Re: Zardoz (John Boorman - 1974)

Message par Jeremy Fox »

La chronique de Justin Kwedi à l'occasion de la sortie du film en Bluray chez Movinside.
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Re: Zardoz (John Boorman - 1974)

Message par Jack Carter »

Éditeur de merde.
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Re: Zardoz (John Boorman - 1974)

Message par Addis-Abeba »

Jack Carter a écrit :Éditeur de merde.
Mais nonnnn , trop poilu le Sean, pour le coup le DNR se justifie.
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