Céline et Julie vont en bateau (Jacques Rivette - 1974)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Demi-Lune
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Céline et Julie vont en bateau (Jacques Rivette - 1974)

Message par Demi-Lune »

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Je sais maintenant d'où sort la localisation d'Amarcord. :uhuh:
Bon, que dire de ce film ? Autant annoncer la couleur de suite, il faut s'armer de beaucoup de persévérance pour tenter l'aventure aux côtés de Céline et Julie. Avoir ça en tête peut peut-être éviter des désillusions et des incompréhensions franches.
Car ce film s'apparente à une rêverie, on y flâne et on y digresse, dans des proportions rarement vues au cinéma. Accompagner Céline et Julie durant ces trois interminables heures revient à accomplir un réel effort : on ne peut pas rester neutre devant la proposition de Rivette. C'est, en ce qui me concerne, à la fois irritant et contre toute attente souvent fascinant... le curseur se déplace en permanence sur les deux extrémités du spectre, au gré de leurs facéties ou de leurs pérégrinations fantastiques. Même lorsque certaines séquences sont à se pendre, il y a quand même quelque chose, on ne parvient pas à abandonner ni à détourner le regard, sans doute parce que l'alchimie complice entre Juliet Berto et Dominique Labourier emporte le morceau (on pense à Rohmer pour la mise en valeur féminine et le minimalisme de la réalisation - la comparaison s'arrête là). La notion temps devient caduque, entre des étirements douloureux ou inversement, la fragmentation des réminiscences au 7 rue du Nadir-aux-pommes, puzzle d'une énigme fantomatique qui intrigue par sa force de suggestion.
Bref : subir et/ou séduire, voilà la promesse de Céline et Julie vont en bateau, divagation parisienne tissant un réseau labyrinthique dans lequel on peut se perdre, au propre comme au figuré.
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Watkinssien
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Re: Céline et Julie vont en bateau (Jacques Rivette - 1974)

Message par Watkinssien »

Pour ma part, ce fut la séduction qui l'a emporté.

Rivette a signé une oeuvre totalement libre et ludique, complètement loufoque. Mais curieusement, c'est la poésie qui émerge tout du long. Une poésie imparfaite, mais tellement audacieuse. Une vision kaléidoscopique qui recherche sans cesse des portes de sortie (plus que des entrées) à travers digressions verbales, métaphores visuelles, irrationalité et douceur de l'image.
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Amarcord
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Re: Céline et Julie vont en bateau (Jacques Rivette - 1974)

Message par Amarcord »

Oh, le joli topic que voilà ! :D
Demi-Lune a écrit :Je sais maintenant d'où sort la localisation d'Amarcord. :uhuh:
:wink:
J'ai rendez-vous chaque année avec ce film fabuleux et, à chaque fois, c'est un nouveau voyage !
Chaque fois, c'est la surprise, c'est une nouvelle découverte, un nouveau trip où l'on croise les fantômes de Lewis Carroll, de Cocteau, de Feuillade...
Je pense que c'est sans doute, pour moi, le film le plus fascinant (au sens strict du terme) que je connaisse (avec Mulholland Drive... vous remarquerez, d'ailleurs, qu'on peut trouver bien des similitudes - fortuites ? - entre le film de Rivette et celui de Lynch).
Demi-Lune, je suis un peu triste de lire que c'est un "réel effort à accomplir" que d'accompagner Céline et Julie dans leur voyage... Paradoxalement (et sans provocation), je dirais qu'il faut voir le film plusieurs fois (là encore, comme Mulholland Drive) pour l'embrasser totalement, pour qu'il se déploie pleinement, pour qu'il prenne tout sons sens. Bien sûr, je peux concevoir que 3 heures, ce n'est pas anodin : il faut vraiment "vouloir" revoir le film. Mais alors, quelle récompense : on se met à attendre avec impatience le moment où apparaîtra le bonbon magique qui fait tout basculer ! Et c'est en cela que la durée du film est essentielle (hormis le fait que la durée est l'une des composantes majeures du cinéma de Rivette) : l'attente faisant évidemment partie du plaisir, cela ne fonctionnerait pas de la même manière si le film avait une durée plus classique (genre 1h30).
Demi-Lune, on a un peu l'impression, en te lisant, que tu as un sentiment finalement "mitigé" face à Céline et Julie... Qu'en est-il réellement ?
Car il me semble que le dispositif-même de ce film un peu hors norme (ça, j'en conviens volontiers) interdit précisément la tiédeur du jugement : on ne peut qu'adhérer pleinement ou rejeter en bloc, non ?
Et sinon, il faut aussi absolument tenter l'expérience limite de Out 1: Noli me tangere (12h50 au compteur !) : hypnose et fascination garanties !
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Demi-Lune
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Re: Céline et Julie vont en bateau (Jacques Rivette - 1974)

Message par Demi-Lune »

Eh bien ça te paraîtra sans doute curieux, mais, comme je le disais, je suis en effet partagé. Même à plusieurs jours d'intervalle de la découverte, je continue de repenser au film en restant quelque part "raidi" par tous ces passages qui mettent la patience (oserais-je dire les nerfs ?) à rude épreuve... mais dans la foulée, c'est quelque chose de plus grand qui s'impose, une texture générale, un charme, un univers en fait. C'est vraiment paradoxal comme impression. Le film fait son chemin en tête, ça c'est bien, mais le souvenir d'ensemble n'arrive pas complètement à balayer mes réticences par endroits.
En fait si je devais illustrer ça par le film lui-même, ce serait le yoyo entre l'ouverture géniale où Julie poursuit Céline à travers Montmartre (le truc qui donne d'emblée la banane) et, plus loin, les élucubrations imbuvables de Céline sous la douche à base de safari, de marabout ou je ne sais plus trop quoi. Le passage qui te donne envie de lâcher l'affaire si tu ne rentres pas dans le trip, dans l'amusement inconséquent des deux jeunes femmes. Autre exemple : la première incursion de Julie au 7 bis (fascinant) et plus loin, le spectacle de Céline (dieu que c'est long). Même les réminiscences du 7 bis, au début, faut s'accrocher.
Bon après comme tu dis, c'est sans doute un film qui s'apprivoise sur la durée, qui infuse, mais me concernant, oui, il y a eu effort. Cela dit, je suis d'accord sur le fait qu'un tel film ne puisse laisser neutre et ne puisse sans doute complètement fonctionner sur une durée classique. Je le redis, pour moi la mise en balance est clairement positive. Le film marque, poursuit.
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Re: Céline et Julie vont en bateau (Jacques Rivette - 1974)

Message par Amarcord »

Demi-Lune a écrit :entre l'ouverture géniale où Julie poursuit Céline à travers Montmartre (le truc qui donne d'emblée la banane)
Géniale entrée en matière en effet... Difficile de na pas penser à l'ouverture d'Alice au pays des merveilles, hein ? :wink: (C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles ce film compte autant pour moi : j'y retrouve un peu de la magie que j'aime tant chez Carroll).
Demi-Lune a écrit :et, plus loin, les élucubrations imbuvables de Céline sous la douche à base de safari, de marabout ou je ne sais plus trop quoi.
:uhuh: Tiens, ça me rappelle quelque chose, ça... La première fois que j'ai vu le film, c'est effectivement le passage qui m'a un peu inquiété (je me souviens avoir pensé : "oh non, ils vont me casser mon délire, là ?? Pas maintenant, pas là !"... J'ai craint que le charme ne soit rompu.
Le numéro de cabaret de Céline est aussi potentiellement "éprouvant", c'est très vrai.
Mais avec le temps (et les nombreuses "revoyures"), ces moments-là du film (d'un certain "malaise", je dirais) me sont autant indispensables que mes séquences préférées : c'est comme des "passages obligés" dont on tire le plaisir de s'en échapper (à la manière d'Alice, justement, qui passe son temps à s'échapper, à fuir les épreuves qui ponctuent son "voyage").
Dans le même ordre d'idée, il y a, dans Out 1, des séquences encore plus "redoutables" ! À côté, Céline et Julie... semble filer comme lumière !
Demi-Lune a écrit :Cela dit, je suis d'accord sur le fait qu'un tel film ne puisse laisser neutre et ne puisse sans doute complètement fonctionner sur une durée classique.
Le principe de durée est un élément essentiel du cinéma de Rivette : je ne vois pas d'autre cinéaste qui gère aussi brillamment la notion de longueur... Dans le génial (et TRÈS recommandé !) Secret défense, par exemple, les trajets de Sandrine Bonnaire en métro ou en train (a priori d'une banalité consternante) sont pour moi des moments d'une magie et d'un mystère que je ne m'explique pas...
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Jeremy Fox
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Re: Céline et Julie vont en bateau (Jacques Rivette - 1974)

Message par Jeremy Fox »

Paradoxalement, alors que Out 1 m'a littéralement fasciné 13 heures durant, j'ai rejeté en bloc ces trois heures interminables durant lesquelles ces deux femmes agaçantes au possible m'ont très très vite saoulées (le prologue m'avait cependant semblé prometteur et il y a certes des idées géniales sur le papiper). Ce n'était peut-être pas le bon moment ; je le retenterais sans doute un jour... mais pas demain ! Ceci étant dit, pour les amateurs, un OFNI sans aucun doute possible.
Amarcord
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Re: Céline et Julie vont en bateau (Jacques Rivette - 1974)

Message par Amarcord »

Jeremy Fox a écrit :Paradoxalement, alors que Out 1 m'a littéralement fasciné 13 heures durant, j'ai rejeté en bloc ces trois heures interminables durant lesquelles ces deux femmes agaçantes au possible m'ont très très vite saoulées (le prologue m'avait cependant semblé prometteur et il y a certes des idées géniales sur le papiper). Ce n'était peut-être pas le bon moment ; je le retenterais sans doute un jour... mais pas demain ! Ceci étant dit, pour les amateurs, un OFNI sans aucun doute possible.
:cry:
Tu as trop aimé Out 1 pour rester totalement et définitivement fermé à Céline et Julie vont en bateau !
Laisse infuser quelques jours... Et faisons un pari : tu ne vas pas tarder à repenser à tel moment, tel plan, telle scène... comme des flashs qui vont te revenir par intermittence... Et, bientôt, tu voudras irrésistiblement retourner dans la maison fantôme du 7bis, rue du Nadir-aux-Pommes ! :wink:

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Jeremy Fox
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Re: Céline et Julie vont en bateau (Jacques Rivette - 1974)

Message par Jeremy Fox »

Amarcord a écrit : :cry:
Tu as trop aimé Out 1 pour rester totalement et définitivement fermé à Céline et Julie vont en bateau !

C'est bien pour ça que je rajoutais que ce n'était peut-être pas le moment. Je garde sous le coude pour plus tard. :wink:
En même temps, les protagonistes de Out1 (pour moi) n'étaient pas agaçants alors que les deux demoiselles me l'étaient fortement. Je préfère Juliet Berto quand elle tient un rôle muet :mrgreen:
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Thaddeus
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Re: Céline et Julie vont en bateau (Jacques Rivette - 1974)

Message par Thaddeus »

Sans doute le film le plus fameux et célébré de Rivette... et pour ma part, celui que j'aime le moins. Un peu le même ressenti que Jeremy, en fait : un ennui plombant face à trois longues heures de fantaisie fabriquée, jamais drôles, jamais merveilleuses, jamais étonnantes malgré tout le ludisme rocambolesque que le cinéaste et ses actrices tentent de lui insuffler. Peut-être retenterai-je un jour ce Céline et Julie au Pays des merveilles, mais dans le genre rêverie labyrinthique je préfère garder le souvenir de Paris nous appartient ou de Va Savoir.
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Jeremy Fox
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Re: Céline et Julie vont en bateau (Jacques Rivette - 1974)

Message par Jeremy Fox »

Thaddeus a écrit :Sans doute le film le plus fameux et célébré de Rivette... et pour ma part, celui que j'aime le moins. Un peu le même ressenti que Jeremy, en fait : un ennui plombant face à trois longues heures de fantaisie fabriquée, jamais drôles, jamais merveilleuses, jamais étonnantes malgré tout le ludisme rocambolesque que le cinéaste et ses actrices tentent de lui insuffler. Peut-être retenterai-je un jour ce Céline et Julie au Pays des merveilles, mais dans le genre rêverie labyrinthique je préfère garder le souvenir de Paris nous appartient ou de Va Savoir.
Ah ben voilà ; tout pareil. De plus j'aime tous les autres Rivette que j'ai pu voir jusqu'à présent.
Dans le genre "rêverie labyrinthique française", il faut voir aussi l'intrigant Alice ou la dernière fugue de Chabrol.
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Jeremy Fox
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Re: Céline et Julie vont en bateau (Jacques Rivette - 1974)

Message par Jeremy Fox »

La célèbre société de production et de distribution Les Films du Losange nous offre la possibilité dès ce 13 juillet 2016 de découvrir ou redécouvrir ce film phénomène des années 70, réalisé par le regretté Jacques Rivette, disparu au début de cette année 2016.

La chronique est signée Jean-Gavril Sluka.
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Re: Céline et Julie vont en bateau (Jacques Rivette - 1974)

Message par Barry Egan »

J'en sors. Effectivement, c'est long et y a des fois où j'ai sorti mon smartphone pour regarder mes mails... (désolé) Mais j'y suis revenu à chaque fois. J'ai surtout aimé la première heure et demie, la plus ouvertement drôle, c'est entre là et la dernière demi-heure que j'ai eu le plus de mal, parce que le procédé des répétitions me semblait trop évident et ouvertement projeté pour provoquer l'ennui.

Mais contre toute attente, j'ai été très ému par la fin, par cette promesse d'un éternel recommencement à travers un autre corps ou une autre identité ou quoique ce soit, l'image m'a donné une illustration concrète de ce que pourrait être une réincarnation heureuse. Et ce dernier plan, où on pourrait croire que le réalisateur nous dévoile le visage de celui qui a conçu tout ça, ou la forme de celui qui selon la légende peut revenir jusqu'à 9 fois :uhuh: Je sais pas pourquoi, mais ces 3-4 dernières minutes m'ont fait un effet monstre.
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Re: Céline et Julie vont en bateau (Jacques Rivette - 1974)

Message par Amarcord »

Dirk Diggler a écrit :J'en sors. Effectivement, c'est long et y a des fois où j'ai sorti mon smartphone pour regarder mes mails... (désolé) Mais j'y suis revenu à chaque fois. J'ai surtout aimé la première heure et demie, la plus ouvertement drôle, c'est entre là et la dernière demi-heure que j'ai eu le plus de mal, parce que le procédé des répétitions me semblait trop évident et ouvertement projeté pour provoquer l'ennui.

Mais contre toute attente, j'ai été très ému par la fin, par cette promesse d'un éternel recommencement à travers un autre corps ou une autre identité ou quoique ce soit, l'image m'a donné une illustration concrète de ce que pourrait être une réincarnation heureuse. Et ce dernier plan, où on pourrait croire que le réalisateur nous dévoile le visage de celui qui a conçu tout ça, ou la forme de celui qui selon la légende peut revenir jusqu'à 9 fois :uhuh: Je sais pas pourquoi, mais ces 3-4 dernières minutes m'ont fait un effet monstre.
Cet effet eût-il été aussi "monstre" sans les trois heures qui précèdent ces 3-4 minutes ?
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Barry Egan
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Re: Céline et Julie vont en bateau (Jacques Rivette - 1974)

Message par Barry Egan »

Pas trop mon fort de jouer à "et si..." Je me doute que la tendresse pour l'univers qui s'enrichit peu ou prou pendant le temps qui précède aurait été moindre... Mais je ne me suis senti ni heureux ni malheureux que le film s'achève, juste heureux de cette fin qui venait donner un sens à tout ce qui venait de se passer, y compris à ce que mon ennui a zappé...
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