Les Funérailles des roses (Toshio Matsumoto - 1969)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Demi-Lune
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Les Funérailles des roses (Toshio Matsumoto - 1969)

Message par Demi-Lune »

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Tant pis si ce topic fait un flop, je trouvais que ce film méritait une certaine visibilité.
Funeral parade of roses a acquis un statut de film culte (8,4 de moyenne sur imdb !) consacré par une édition chez MoC, mais je n'ai curieusement pas l'impression que ce film de Matsumoto soit vraiment connu en France.
De quoi s'agit-il ? Ben c'est pas évident à raconter : le film fonctionne comme un mélange de cinéma underground mis en abyme, de cinéma pop, de suspense, de documentaire, de comédie, de chronique sociale sur les travestis et les clubs homo ou encore de ciné de genre qui tache. Inclassable et donc indispensable pour celles et ceux qui ont envie de voir des choses originales.
Une liberté artistique rare souffle sur le film grâce à la formation expérimentale de Matsumoto. Ce ne sont pas que les idées de mise en scène, c'est tout simplement l'imprévisibilité totale du film, avec sa construction complexe et ses sauts de ton. Le film n'a peur de rien. Même lorsqu'il commence à marquer le pas, il film rebondit alors sur quelque chose de nouveau, ça ne s'arrête jamais. Malheureusement, le revers de la médaille c'est l'intérêt émotionnel proche du zéro (en tout cas pour moi). L'avant-gardisme du film l'enferme dans une froideur clinique et théorique que ne sauve que sur le fil une fin improbable laissant bouche bée. L'expérience est indéniablement fascinante mais Matsumoto met le spectateur trop à distance. Cela dit, quelles que soient mes réserves, j'encourage les curieux à se pencher sur ces Funérailles des roses qui propose un langage cinématographique revigorant voire dérangeant à défaut d'être réellement abouti.
Évitez de googliser le film, il vaut mieux en savoir le moins possible.
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Demi-Lune
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Re: Les funérailles des roses (Toshio Matsumoto - 1969)

Message par Demi-Lune »

Quelques avis glanés sur le forum :
Helward a écrit :Manifeste de contre-culture, entre fiction et documentaire. Une oeuvre fascinante, nimbée d'ironie, à la fois expérimentale et intime.
gnome a écrit :Chef d'oeuvre formel abordant des thèmes douloureux et difficile, Funeral Parade of Roses est un OVNI inclassable dont effectivement, Stanley Kubrick ne pouvait nier l'influence sur son Orange Mécanique (ceux qui ont vu les deux films comprendront pourquoi). Matsumoto surtout réalisateur de courts expérimentaux s'essaye au long (je crois qu'il n'y tâtera plus qu'avec Pandemonium et Dogra Magra) avec une pertinence incroyable, profitant de ses acquis expérimentaux pour en saupoudrer le film. Matsumoto entrecoupe son film d'interviews des acteurs ou de travestis (procédé utilisé par Oshima à la même époque dans Le retour des trois soûlards, Il est mort après la guerre (qui partage énormément de points communs avec ce film - la répétition des scènes, cinéma expérimental...) ou Journal d'un voleur de Shinjuku, fait parler ses personnages au travers de phylactères, utilise des accélérés... Mais la force du film, c'est son montage extraordinaire. Racontée linéairement, l'histoire n'aurait pu être qu'une banale relecture du mythe d'Oedipe; dévoilée comme elle l'est ici, par petites touches, par flash-backs morcelés revenant cycliquement avec chaque fois un peu d'information supplémentaire, elle en devient une tragédie émouvante mais implacable. La révélation progressive des éléments à l'instar de pièces de puzzle qu'on rajouterait pour faire un tout, pièces dont on ne soupçonne pas l'importance à la première vision mais qui prennent du sens au fur et à mesure des répétition des scènes, donne une dynamique incroyable au film. Tout tend vers la résolution dramatique finale...
noar13 a écrit :bon j'ai vu funeral parade of rose, film le plus réputé de matsumoto, hier soir.

surtout ne rien lire sur le film avant de le voir et notamment sur imdb qui spoile un maximum dès l'accroche.

beaucoup plus experimental que shura, ce film m'a semble longtemps decousu jusqu'au final qui dechire tout :shock:

photo splendide, quelques scenes mémorables, notamment la première, une scène d'amour surexposée, avec des gros plans magnifiques ...

pas mal d'expérimentation un peu pénible, saccades, accélerations, mélange de genre un peu perturbant, film dans le film, mais bon au final

une expérience forte et unique
Nada a écrit :Bara No Sôretsu (Funeral Parade of Roses) - Toshio Matsumoto (1969)

Une fois n'est pas coutume mon film du mois ne sera pas le film que j'ai le plus apprécié sur le moment.
Mais plus j'y repense et plus son impact grandit en moi. A voir avec le temps et une nouvelle vision mais j'ai bien l'impression que j'ai eu affaire à un moment important de ma cinéphilie.
Le film est troublant, percutant, par moments halllucinnt, souvent déroutant, parfois chiant, mais toujours fascinant.
Subversif voilà le maître mot qui a dû guider Matsumoto (dont j'ai hate à présent de voir Shura) ; fond et forme sont passés à la moulinette de la contestation 60's pour un résultat inégal mais souvent réussi. Car mélanger film d'avant garde et d'exploitation, théâtre antique et brûlot politique relevait de la gageure.
Alors certes le principe à ses limites, le film est décousu, bordélique et naïf (d'où mes réserves initiales) mais tellement inventif qu'au final, je ressors de cette expérience avec la nette impression d'avoir vu un grand film.
Et je ne suis manifestment pas le seul quand je repense à l'influence qu'il a pu avoir sur Orange Mécanique (il me semble impossible que Kubrick ne l'ait pas vu puisque nombre d'éléments visuels, sonores, narratifs ou techniques y sont purement et simplement repris de Bara no Sôretsu :o ).
Il m'apparait donc que je suis en présence d'un film qui a marqué de son empreinte le cinéma qui me fait vibrer, un film dans lequel il m'a été difficile d'entrer mais curieusement aussi dont il m'est difficile de sortir.
A l'instar d'un autre film de cette période (que je ne citerai pas puisqu'il fait parti de mes choix pour le frcd :mrgreen: ), ce funeral parade of roses est un somment de contre-culture, de contestation et de provocation comme je les aime. :D
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Re: Les funérailles des roses (Toshio Matsumoto - 1969)

Message par Prat »

De très bons avis sont donnés plus haut qui ne dévoilent pas trop le film car il faut être frais pour le voir, ne rien savoir dessus. Je n'ai donc rien à ajouter ou presque. Ce film m'a emporté et si je laisse de côté l'aspect formel, intellectualisé du film, c'est parce qu'il est aussi une mine à sensations diverses et variées; il ne peut laisser indifférent tant sa forme impacte nos émotions: les images, les sons, le montage de l'ensemble qui nous happent dans cet univers

Un film produit en 1969 et qui est toujours subversif. Funeral parade of roses est un film que j'aurai envie de revoir un jour, chose qui n'arrive pas très souvent. Bon, je vous fais perdre du temps à me lire, mieux vaut que vous le regardiez. :P
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Re: Les funérailles des roses (Toshio Matsumoto - 1969)

Message par Anorya »

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Techniquement et dans la mise en scène rien à dire, c'est fascinant de bout en bout et l'écrin visuel transforme l'objet en OFNI toujours aussi marquant encore aujourd'hui. Visuellement et dans le montage on a droit à un peu tout et on jubile véritablement de toutes les audaces graphiques. On a de la mise en abîme, de l'insert documentaire frontal (interview d'Eddie comme des autres personnages du film, j'ai pensé à Bergman qui faisait pareil sur Une passion, quelques années plus tôt), de la vidéo refilmée directement, de la solarisation, du ralenti, du très gros plan... Dans l'histoire, Toshio Matsumoto charge un peu trop la mule sur notre pauvre travesti gay Eddie, héros tragique malgré lui. On devine des choses à l'avance malgré le montage qui prend un malin plaisir à déjouer temporellement notre ressenti (le passé se mêle au futur surtout
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en ce qui concerne un trauma du passé qui ressurgit régulièrement
) mais on en voit venir d'autre d'emblée en se disant que le réal avec sa virtuosité saura les éviter (la fin).

Beh non.
Bon du coup pour reprendre notre aventurier cinéphile adorateur d'Indy ("fin improbable laissant bouche bée" pardon Demi-Lune ? Tu avais le film sur Youtube sans sous-titre pour ne pas voir arriver le truc ou tu roupillais un peu ? :shock: :mrgreen: Non parce que
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quand le montage insiste régulièrement sur la scène du portrait au visage brûlé durant tout le film à intervalles régulier et non pas juste au début, surtout vers la fin en montrant clairement le jeune héros feuilletant l'album de famille renommé "le départ du père" (je souligne hein) avec la photo dedans, là on est au delà de l'insistance je veux pas dire. C'est limite pour te stabiloter le truc en gros pour l'effet choc qui va suivre et raccord avec la malédiction lancée par Leda, la tenancière du bar, un peu plus tôt avant qu'elle se suicide
), oui on est un peu mis à distance. Mais cela ne gâche pas trop l'impact de ce film à voir si vous voulez tenter quelque chose sortant radicalement de l'ordinaire. Le bilan est donc assez positif au vu de la chose.
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Re: Les Funérailles des roses (Toshio Matsumoto - 1969)

Message par Jack Carter »

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Re: Les Funérailles des roses (Toshio Matsumoto - 1969)

Message par Spike »

Un peu déçu au vu de la réputation dithyrambique entourant ce film loin d'être aussi original ou innovant que les gens le prétendent.

Personnellement, Toshio Matsumoto m'a semblé reprendre (de manière parfois maladroite, voire plus rarement limite amateuriste) ce qui faisait à l'époque dans le cinéma japonais. Difficile de ne pas penser au Journal du voleur de Shinjuku de Nagisa Ôshima (les coupures brusques, les ruptures de ton, les écrans-titres, la mise en scène parfois empruntée au théâtre traditionnel, la thématique de la sexualité, etc.), sorti un an auparavant, et qui fonctionnait un chouïa mieux dans le genre "cinéma expérimental". Les passages avec le réalisateur underground présentent des similitudes avec Il est mort après la guerre (1970, certes). La réalisation des scènes de sexe évoque quant à elle énormément les Yoshishige Yoshida de la seconde moitié des années 60. La symbolique des masques parait tirée du Visage d'un autre (1966) de Hiroshi Teshigahara (extrait sonore à l'appui).

Le problème, c'est que Matsumoto ne pousse pas plus loin ses expérimentations (images déformées, images quasi-subliminales, stroboscope, plans fixes avec phylactères, ...) et ne dépasse donc pas les œuvres précitées. L'accumulation des techniques cinématographiques m'a même rappelé L'Étrange Couleur des larmes de ton corps (comme si les réalisateurs balançaient tous les effets qu'ils connaissaient, en espérant qu'un ou plusieurs spaghettis collent au mur).

En outre, à l'instar d'Un amour abusif, déviant et dévergondé (1969) de Teruo Ishii, le film est lardé de séquences cherchant à choquer le spectateur nippon de l'époque (scène de copulation homosexuelle, interraciale, "orgie" avec consommation de stupéfiants, etc.), mais dont l'effet s'est nettement amoindri de nos jours.

De plus, l'humour/le slapstick désamorce trop l'impact de l’œuvre (
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la séquence finale avec le protagoniste œdipien aux yeux crevés et aux vêtements recouverts de sang... avec l'enseigne d'un nettoyage à sec en arrière-plan, c'est croquignolesque.
). Et les multiples répétitions de scènes deviennent rapidement soûlantes.

Enfin, j'ai été surpris du traitement fort peu complaisant à l'égard des personnages, qui ne sont vraiment pas dépeints sous leur meilleur jour : homosexuels, travestis, toxicomanes, artistes "indés", ... en prennent pour leur grade.

P.S. Orange mécanique de Kubrick serait inspiré des Funérailles des roses. Honnêtement, hormis la scène avec une musique célèbre en accéléré où deux personnages plient bagage à l'annonce de l'arrivée de la police, je n'ai rien remarqué (mais je n'ai pas revu le Kubrick depuis des années). Auriez-vous repéré d'autres emprunts ?

Par ailleurs, il me semble que le film a influencé les deux Heart, Beating in the Dark (1982 et 2005) de Shunichi Nagasaki (les interviews documentaires face caméra dans l'original, et les morceaux de making-of directement intégrés au film de la suite-remake).
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cinephage
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Re: Les Funérailles des roses (Toshio Matsumoto - 1969)

Message par cinephage »

Je crois qu'il y a un malentendu ici, quand je lis le début de ton retour sur le film. Le Matsumoto n'est pas censé être le plus novateur des films de la nouvelle vague japonaise, il reprend effectivement les innovations est s'inscrit en plein au coeur de ce mouvement. Il est plutôt considéré comme en étant un des films les plus représentatifs, les plus exemplaires du genre, pour ce que j'en avais compris.
Par ailleurs, j'ai cru comprendre que le film avait beaucoup compté pour la communauté LGBT japonaise, ce qui lui a donné une sorte d'aura supplémentaire. Moins pour son coté provoc que pour son coté démonstratif, l'homosexualité étant un sujet peu abordé frontalement dans la société japonaise.
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