Howard Hawks - Rétrospective personnelle

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Geoffrey Carter
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Scarface

Message par Geoffrey Carter »

Scarface, the Shame of a Nation 1932

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Scénario : Ben Hecht, Seton I. Miller, John Lee Mahin, W. R. Burnett d'après un roman de Armitage Trail ; Photographie : Lee Garmes, L. W. O'Connell ; Montage : Edward Curtis, supervisé par Douglas Biggs ; Son : William Snyder ; Musique : Adolph Tander, Gus Arnheim ; Décors : Harry Oliver ; Durée : 93 minutes pour une production United Artists.

Interprétation : Paul Muni (Tony Camonte), Ann Dvorak (Cesca), Karen Morley (Poppy), George Raft (Guino Rinaldo), Osgood Perkins (Johnny Lovo), Boris Karloff (Tom Gaffney). Hawks jouerait un homme dans un lit à l’hôpital.

Scarface fut tourné juste après The Dawn Patrol, mais ne sortit qu’après The Criminal Code. Il est donc nécessaire de revenir en 1930 et au tournage de The Dawn Patrol, durant lequel Hawks reçoit la visite du milliardaire Howard Hughes. Passionné depuis son enfance par l’aviation et le cinéma, il commence à produire des films dès l’âge de vingt-quatre ans (Two Arabian Knights, 1927 ; The Racket, 1928). En 1930, il passe à la réalisation pour Hell’s Angels (Les Anges de l’Enfer), conciliant ainsi ses deux passions : il s’agit d’une histoire de pilotes interprétée par Jean Harlow et Ben Lyon. Certaines scènes y sont photographiées en Technicolor. Cependant, Hughes ne vient pas voir Hawks pour échanger avec lui des propos amicaux sur le cinéma ou les derniers modèles d’avion ! Il est là pour se plaindre et menacer, car dans une séquence de Hell’s Angels, un pilote reçoit une rafale de mitrailleuse à travers la poitrine et il accuse Hawks d’avoir plagié cette scène pour The Dawn Patrol. La plainte n’a évidemment pas lieu d’être, et ne sert que de prétexte pour dénouer une situation plus subtile : le milliardaire avait engagé tous les pilotes disponibles pour son film, mais Hawks avait quand même réussi à s’arranger pour les utiliser dans le sien. Leur litige ne pouvant être plaidé, Hughes sort son film avant celui d’Hawks et Hell’s Angels obtient un énorme succès, non en raison de ses spectaculaires séquences d’aviation, mais plutôt grâce à la présence de Jean Harlow. Les deux hommes restent néanmoins en bons termes malgré leur querelle et Hughes décide d’engager le cinéaste pour réaliser sa prochaine production : Scarface. A l’origine de ce projet, un livre d’Armitage Trail qui retrace de manière romancée l’ascension criminelle d’Al Capone. Inspiré par Underworld, de Josef von Sternberg (qui empruntait déjà quelques éléments de la biographie du truand), Hawks souhaitait réaliser un film de gangster depuis 1927 et saute donc sur l’occasion.
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Né à Naples, le 17 janvier 1899, Al Capone arrive très jeune aux États-Unis, où la colonie italienne s’est déjà organisée dans les principales villes du pays. Leurs quartiers ont pris la couleur de leur terre d’origine et la délinquance s’y est développée. Une rumeur prétend que le petit Capone a tué pour la première fois à l’âge de douze ans. Après la Première Guerre Mondiale, il travaille pour Johnny Torrio, un baron de la pègre qui tient le marché de la prohibition. Employé comme garde du corps, il devient bientôt son tueur attitré. En 1920, il participe à l’exécution de « Big Jim » Colosimo et grimpe dans la hiérarchie du gang. Cinq ans plus tard, il succède à Torrio, retiré en Italie. Fort de son pouvoir, il inaugure de nouvelles méthodes de racket et de corruption, impose l’assassinat pour éliminer la concurrence, organise l’industrie du crime, invente un syndicat de bandits et déclare la guerre au gang irlandais dirigé par le fleuriste O’Bannion en faisant mitrailler sept de ses membres, dans un garage, le jour de la Saint-Valentin en 1929. Malgré son évidente responsabilité dans ce massacre, il n’est jamais inquiété par la police, faute de preuves et de témoins à charge. Sa puissance ne connaîtra de frein qu’en 1933, à l’abrogation de la loi sur la Prohibition. La justice l’assignera pour fraude fiscale et il sera incarcéré. A la fin de sa peine, il se retirera dans sa propriété avant d’y mourir de la syphilis en 1947. A l’heure actuelle, nous sommes en 1930, et Hawks a l’ambition d’utiliser la biographie du truand pour élaborer une fiction personnelle. Il accumule les documents, consulte des policiers, des journalistes spécialisés dans le crime et même des gangsters. Le scénario est écrit en collaboration avec plusieurs écrivains : Seton I. Miller, son scénariste attitré, John Lee Mahin, un jeune reporter, Ben Hecht, l’auteur d’Underworld et William R. Burnett, devenu célèbre en 1929 avec un roman que Melvyn LeRoy a porté à l’écran : Le Petit César (The Little Caesar, 1930) avec Edward G. Robinson dans le rôle-titre. Dans le magazine Polar n°15, Burnett évoque sa participation : « Il y avait déjà treize scénarios quand j’ai commencé, à la demande d’Howard Hughes. Ben Hecht a fourni la version définitive, contre la montre, dix jours avant le tournage. » Plusieurs autres témoignages confirment l’importance du travail de Ben Hecht. Selon John Lee Mahin, c’est lui qui a eu l’idée de transposer l’histoire incestueuse des Borgia dans le scénario du film.
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Tony Camonte, jeune tueur à gages impulsif, violent et infantile, devient le garde du corps de Johnny Lovo, chef d’un gang de bootleggers. Une fois dans la place, Camonte élimine rapidement ses concurrents et devient le chef de la bande, épaulé par Guino Rinaldo, son second. Ils font un raid pour éliminer Meehan, un des rivaux de Lovo. Mais Meehan survit à ses blessures. Qu'à cela ne tienne : Scarface va l'achever dans son lit d'hôpital. Après le meurtre de O'Hara, un fleuriste dirigeant de la bande rivale, Camonte est accusé par Lovo de se faire beaucoup trop d'ennemis. Mais celui-ci tout à sa joie d'essayer sa nouvelle mitraillette, n'a nulle intention de s'arrêter en si bon chemin. La guerre des gangs est maintenant à son comble. C'est alors qu'a lieu le massacre de la saint Valentin où sept gangsters sont exécutés dans un garage. Tom Gaffney, lieutenant de O’Hara, a échappé par miracle à la mort. En haut lieu, on juge dangereuse la mythification de gangsters que la presse encourage et on prévoit des mesures pour y mettre fin. Dans le même temps, Camonte voue une passion incestueuse à sa sœur Cesca ; sa jalousie l’aveugle et lui fait commettre de nombreuses imprudences...

Comme d’autres fictions tournées par Hawks, Scarface est construit sur un mouvement d’engrenage brassant la volonté de puissance, l’abus du pouvoir et l’autodestruction. C’est une machinerie implacable, imparable, marquée de dérision et d’inquiétantes désignations. Les personnages entraînés dans cette mouvance sont des tueurs au caractère d’enfants, sans un atome de maturité. Ils ignorent les contingences sociales, s’amusent à vivre et à tuer, comme s’ils étaient des personnages de comédie ou de bandes dessinées, protégeant leur identité en voulant oblitérer le réel, éliminer ce qui peut gangrener leurs illusions et en raturer cyniquement ce qui peut freiner leur course irresponsable et mégalomane. Chacun d’eux est labellisé par un détail ou une marque (comme on le trouve déjà dans A Girl in Every Port) : la cicatrice sur la joue gauche de Camonte ou la pièce dans la main de Rinaldo. Ces estampillages et ces tics sont les prolongements visuels de leur état d’âme. Par ailleurs, ces invalides sociaux habillent de cruauté leurs infantilismes et les inscrivent dans une froideur inhumaine ou des enfers freudiens. L’amour ne peut se concilier dans cette mécanique sans devenir un grain de sable gênant. En effet, les sentiments dissolvent le pouvoir de nos personnages : il n’est que de voir la jalousie de Lovo, la hargne possessive de Camonte ou la soumission aveugle de Rinaldo. Quand l’amour émerge, l’autodestruction se confond avec l’élimination tactique et, chaque fois qu’un personnage reconnaît son désir d’aimer, il traverse les apparences et se découvre dans une réalité sans issue. Aucun couple de Scarface (et ils sont nombreux) n’échappera ainsi à une conclusion tragique.
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Un autre aspect majeur de Scarface, au-delà de cette dominante, est sa construction en une suite de tableaux illustrant, d’une part, une ascension individuelle par rejet d’obstacles humains et, d’autre part, une dégradation irréversible de celui qui agit, et ceci par la nature même de ses propres actes. Pour atteindre le pouvoir absolu qu’il convoite, Camonte ne peut que s’amputer de son entourage et il se perd ainsi. Sa mégalomanie sape littéralement l’organisation qui sécurisait son pouvoir et cette suprématie de l’ego s’avère être le symptôme d’une réalité plus générale. Dès le premier plan-séquence du film, en effet, on assiste à l’exécution du dirigeant d’un monde qui semblait bien établi. Cette société sera déséquilibrée par les actes d’une silhouette-ombre qui assassine en sifflant du Donizetti. L’ouverture nous permet donc d’assister à l’agonie d’un système et l’intrusion d’une nouvelle forme d’autocratie. Dans les scènes suivantes, ce meurtrier fantôme prend corps et visage, celui de Camonte, force issue du peuple, broyée entre ses aspirations romantiques et sa volonté forcenée de pragmatisme inhumain. Il représente ainsi une image, effarante, celle d’une illusion impossible et anarchiste.
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On trouve également dans Scarface une utilisation massive de croix dans l’image. Elles annoncent ou concluent les exécutions quand elles n’ont pas un double usage en forme de parenthèses. Ce signe n’est jamais employé comme un système symbolique, une représentation qui aurait certainement été trop classique et que Hawks préfère occulter. Il est en réalité, l’élément nourricier d’une architecture où la fiction se durcit à l’intérieur d’un espace que pervertirait l’intrusion d’humanisme à caractère social. En fait chaque croix est le rouage d’un mécanisme d’ensemble dont Camonte se complaît à jouer méthodiquement et presque mathématiquement. Dans ce sens, il exulte devant la mitraillette, arme nouvelle et crépusculaire qui lui offre la possibilité d’accumuler rapidement un maximum de croix et d’accélérer ainsi le mouvement de cette machine qui doit le conduire à la toute puissance : celle d’organiser le monde selon sa volonté. Camonte désire se mettre en scène à l’intérieur de cet univers afin de mieux se préserver du réel. Il n’est pas créateur, bien au contraire. Sa passion est de détruire, passion qui le conduit à se bâtir en raturant. Pourtant, il connaît les artifices de la mise en scène. Au théâtre, il commente les effets spéciaux. Lorsqu’il veut démasquer Lovo, il fait soigneusement répéter leur rôle à chacun de ses comparses.
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C’est alors que la machine, emportée par un surplus d’égocentrisme et de passion destructrice, s’emballe, s’enraye et l’emporte inexorablement car, fasciné par sa propre apparence, il confond la fiction qu’il s’invente avec la réalité qu’il vit. A tel point que son narcissisme va l’empêcher de jouir de son jeu. Le voilà prisonnier de l’image qu’il se donne de sa réussite : il pense que la rature peut cacher les cicatrices qui le brûlent, les masquant sans les cautériser véritablement. Ainsi elles continuent de le dévorer intérieurement, le laissant aux frontières de l’infantilisme. L’enseigne Le Monde est à vous, sur laquelle le film se clôt juste après la mort de Tony, n’est qu’une manifestation quelque peu parodique de son désir d’enfant. A ce stade de confusion, notre personnage ne connaît qu’un pouvoir illusoire. Il organise sa vie en surface selon les poncifs des médias en quête de romanesque. Il ne peut (ni ne veut) guérir de son impuissance chronique. Il se contente d’avoir un double sexuel : Rinaldo qu’il laisse d’ailleurs tuer à sa place dès le début de son ascension. Celui-ci est connoté comme un homme à femmes, un séducteur qui sait assumer ses désirs autant que ceux de ses partenaires. Pour cela, il est le complément idéal de la vierge sensuelle qu’incarne Cesca. En tuant Rinaldo, acte qui conduit d’ailleurs à sa propre mort (et à celle de l’objet de son désir), Tony Camonte détruit sa propre prolongation virile et se retrouve alors seul, en gamin têtu, qui sera ravi de trouver en sa sœur une nouvelle partenaire qui, à la fin du film, est la seule à accepter de continuer à jouer avec lui (et pour lui).
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Rassuré par cette conséquente profusion de richesse dans le matériau même de son film, Hawks a ainsi le champ libre pour se livrer à diverses expérimentations. Chaque image de Scarface contient l’évidente contradiction de Camonte : il détruit et se détruit lui-même simultanément. Il fait du théâtre, voit du théâtre, avant de se métamorphoser finalement en objet théâtral et consumable. Pour désigner cet auto-cannibalisme acharné, le cinéaste utilise des plans bouclés. Le plus représentatif est celui de la tuerie de la Saint-Valentin, souvent montrée au cinéma mais rarement de manière aussi puissante qu’Hawks. La scène débute sur sept croix de bois, descend sur des ombres qu’on aligne contre un mur de garage. Puis des rafales de mitraillette crépitent, les ombres tombent et quittent le cadre tandis que la caméra remonte vers les sept croix de bois. Cette démarche est économe, ne travaillant que sur l’opaque et l’irréversible, mais se révèle diablement efficace. Le jeu de l’ombre, du « non-dit », du « off », de la profusion de signes récurrents, raturant ou oblitérant l’image, faisant de la bande sonore le prolongement d’une matière qui excède la fiction, permet à Howard Hawks d’accéder à une réalité ineffable et détournée vers l’abstraction. Scarface est ainsi un très bel exemple de cinéma moderne. La question de définir son genre est d’ailleurs matière à débat. Certains historiens le considèrent comme un drame et d’autres pensent que c’est une comédie déguisée en polar. Le mélange de tons est en fait permanent : même si les scènes de gunfights prennent la majorité du film, on trouve de nombreuses nuances (sérieux/comique, action/pause, drame personnel/drame social), marque au combien élégante de toutes les œuvres futures du cinéaste. La présence du personnage du secrétaire de Camonte, Angelo, nous donne ainsi de savoureux moments de comédies. Analphabète et illettré (il se présente comme le « sectaire » du truand), il est incapable de se servir d’un téléphone et d’assurer correctement ses fonctions, à l’image de la scène où Camonte, appelé pour un meurtre urgent, l’envoie au théâtre à sa place pour qu’il lui raconte la pièce. On trouve même des séquences de pur divertissement comme celle dans la chambre d’hôtel avec Guino et Cesca où cette dernière fait un petit numéro au piano.
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Mais en réalité, ce portrait d’un barbare ne peut véritablement se rattacher à un genre précis. C’est un jeu mécanique de la mise en scène établie sur le postulat que s’impose le personnage central : devenir le maître du monde, ou plutôt : devenir le monde entier. De plus, le traitement adopté par Hawks favorise une impression générale de cynisme, comme si le film était une grande fête foraine, avec ses autos folles, ses casse-pipes et ses dancings. Mais tout cela aussi, c’est du cinéma, et une magistrale leçon de septième art. On peut d’ailleurs en faire la démonstration en choisissant uniquement trois plans-séquences. Tout d’abord, un des plus fameux plans-séquences existant, celui qui ouvre le film : il commence par un lampadaire cadré en plan fixe annonçant sobrement l’endroit où l’on se trouve puis la caméra entame un long travelling. Celui-ci nous permet par exemple d’apercevoir un laitier repartant au travail avant de traverser un mur de décors pour nous montrer le patron de la salle de fêtes. Ce dernier balaye les cotillons de la soirée jusqu’à ce qu’il tombe sur un soutien-gorge oublié. La caméra continue son chemin vers la droite et se fixe quelques instants afin de saisir la conversation entre Big Louis et ses deux acolytes qui ne tardent pas à s’en aller. Toujours de manière latérale, on suit Big Louis qui se dirige vers la cabine téléphonique tandis qu’en arrière-plan une silhouette ouvre une porte. La caméra décadre largement sur la droite et on voit maintenant distinctement la silhouette, projetée en ombre chinoise sur le mur. Menaçante, elle passe derrière un panneau transparent et se rapproche de plus en plus de Big Louis dont l’on devine le sort. Le gangster rebrousse chemin tandis que la caméra se décale cette fois-ci sur la gauche pour cadrer le corps, découvert quelques secondes plus tard par le patron qui retraverse la salle de fête pour fuir. En à peine plus de trois minutes, Hawks nous a montré tout ce qu’il y avait à savoir, ce qu’un réalisateur moyen aurait fait en six minutes. Plus tard dans le film, on trouve un plan très court (six secondes) qui doit résumer à peu près dix minutes d’action. Un calendrier allant d’octobre à août s’effeuille au fur et à mesure sous les coups de revolver, symbolisant ainsi les jours de la vie quotidienne rythmée par les règlements de compte. Le massacre de Gaffney dans un bowling se déroule aussi en un seul plan-séquence de quinze secondes. On voit le truand abattu par une rafale de mitraillette juste au moment où il s’apprêtait à lancer une boule. Cette dernière continue sa course et fait d’ailleurs un strike tandis qu’on entend une deuxième rafale en off. A ces trois séquences d’anthologie s’ajoute évidemment le massacre de la Saint-Valentin décrit plus haut dans cette chronique.
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Il faut évidemment saluer la prestation des acteurs, sans lesquels le film ne serait sans doute pas ce qu’il est. Paul Muni adopte un jeu fort et violent, transmettant à son personnage un souffle démoniaque, psychédélique consolidant l’aspect instable de Tony Camonte, obnubilé par la violence, l’argent et le sexe. Il parvient parfois même à rendre ce caractère monstrueux profondément humain et pathétique. Dans le rôle de Guido, on retrouve George Raft dans ce qui est certainement son rôle le plus important, celui qui lui collera à la peau pendant toute sa carrière. A l’inverse de Muni, son jeu est ici totalement sobre et glacial, ce qui apporte un contraste bienvenu avec le personnage principal. Pour soutenir ces deux acteurs déjà exceptionnels, la frêle Ann Dvorak qui compose ici un personnage fascinant puisqu’elle sera l’instrument inconscient de la perte de son frère. Éprouvant un sentiment grandissant de frustration sexuelle suite aux nombreuses liaisons brisées par Tony, puis au comble de la fureur après le meurtre de Rinaldo, elle témoignera finalement d’un amour puissant pour son frère, en l’aidant à défendre son appartement assiégé. La question de l’inceste, toujours évoquée de manière ambiguë et voilée, ne sera jamais complètement affirmée, le cinéaste préférant probablement laisser aux spectateurs une interprétation libre.
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Hawks raconte qu’à partir de Scarface, il veut créer de nouvelles stars, mais il omet d’évoquer le refus des studios de prêter leurs vedettes au producteur Howard Hughes. Dvorak est une ex-chorus girl de la MGM, prise sous contrat par Hawks qui l’utilise encore dans The Crowd Roars avant de l’abandonner à la Warner où elle tournera sous la direction, entre autres, de William Wellman, Mervyn LeRoy et George Cukor, sans néanmoins atteindre le statut de vedette. Muni, de son côté, avait été remarqué sur la scène d’un théâtre juif de New York et ne se serait pas facilement laissé convaincre de jouer le personnage qui lui vaudra sa gloire. Enfin, selon Hawks, il aurait repéré Gorge Raft dans la foule massée autour d’un ring de boxe et l’aurait fait débuter au cinéma, ce qui est faux puisqu’il était déjà apparu dans quatre films avant d’incarner Rinaldo qui fait de lui une star. Scarface achevé, la censure ne lui donne pas son visa d’exploitation et exige d’y adjoindre un prologue moralisateur, une séquence sociale chez le maire de la ville et une autre fin où Camone est pendu. Ces deux scènes, très didactiques présentent peu d’intérêt et il est nécessaire de visionner le film dans sa version originale pour l’apprécier comme il se doit. D’ailleurs, Hughes fit remonter sa production quelques mois après sa sortie, diffusant la version « Director’s Cut » à la presse et dans certains États.
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Scarface n’est pas seulement la description d’une carrière criminelle, mais la mise en relief de la nostalgie du ludique de l’enfance. Et cela rejoindrait pertinemment la radioscopie d’une période trouble de l’Amérique moderne, écartelée, bousculée par sa violence intime, sa naïveté têtue et ses crises hystériques d’immaturité. Film qui peut se révéler bien plus riche qu’en apparence (on a parfois l'erreur de le centrer totalement autour de son personnage principal) Scarface demeure, aux côtés de L’Ennemi Public, Le Petit César et autres fleurons du film de gangster, une des plus belles réussites du genre, par la richesse de ses thématiques, la force de ses personnages magistralement interprétés et surtout une puissance et une énergie destructrices qui laissent le spectateur pétrifié et confus. Un chef d’œuvre essentiel autant à la carrière de son réalisateur qu’au cinéma dans son ensemble, qu’on ne doit manquer sous aucun prétexte.
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Dernière modification par Geoffrey Carter le 21 août 14, 13:36, modifié 3 fois.
Hitchcock
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Re: Howard Hawks - Rétrospective personnelle

Message par Hitchcock »

Pas encore lue intégralement, mais ta chronique a l'air très intéressante ! ;) Du très beau travail pour ce film que j'adore également.
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Jeremy Fox
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Re: Howard Hawks - Rétrospective personnelle

Message par Jeremy Fox »

Penser à me prendre le DVD un de ces jours car pas revu depuis un moment :idea:
Très bon texte Geoffrey. Le premier que je pourrais regarder juste après toi sera Today we Live
Geoffrey Carter
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Re: Howard Hawks - Rétrospective personnelle

Message par Geoffrey Carter »

Jeremy Fox a écrit : Très bon texte Geoffrey. Le premier que je pourrais regarder juste après toi sera Today we Live
Merci ;)
Je rajoute cette petite anecdote amusante, qui n'avait pas vraiment sa place dans la chronique, tirée du Hawks on Hawks de Joseph McBride. :arrow:

Hawks raconte que son spectateur le plus attentif aurait été... Al Capone lui-même qui missionna des hommes chargés de persuader le cinéaste de leur montrer le film. Selon Hawks, il ne se laissa pas intimider en signifiant que Capone verrait le film à sa sortie, en payant son ticket comme tout le monde. Plus tard le truand l'aurait invité à Chicago :
« Capone avait vu Scarface cinq ou six fois. Il en possédait une copie. Il trouvait cela formidable. Il disait : "Bon Dieu ! Vous avez déniché plein de trucs pour ce film ? Comment saviez-vous tout cela ?" J'ai répondu : "Écoutez, vous n'êtes pas sans savoir qu'un avocat n'a pas le droit de trahir le secret professionnel... Bon, moi, je suis comme un avocat." Cela le faisait rire. Il ne m'a rien reproché. Un autre gangster célèbre avait vu le film. Ensuite, il se présenta à moi. Il demanda : "Où avez-vous trouvé tel truc pour un assassinat ?" Je répondis : "Pourquoi ? Vous n'êtes pas content de ça ?" Il dit : "Non, je suis simplement curieux." Alors je lui ai raconté et il a ri. Puis il m'a dit : "Figurez-vous que c'est exactement comme ça que nous avons fait." Il ajouta : "Et pourquoi le film n'a pas été diffusé à Chicago ?" Je lui ai expliqué qu'on ne me laisserait pas le projeter là-bas. Il me demanda si j'aimerais qu'il le soit et j'ai répondu par l'affirmative. Alors, il m'a demandé la permission de téléphoner. Et quand il raccrocha, il me dit simplement : "Vous pourrez montrer votre film quand vous le voudrez." »
Malgré la saveur de cette anecdote, il est nécessaire de ne pas lui accorder trop d'importance quand on connaît la fâcheuse tendance d'Hawks à mentir et embellir les faits à son avantage.
kiemavel
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Re: Howard Hawks - Rétrospective personnelle

Message par kiemavel »

Je t'avais lancé un : "Je t'attends au tournant dès les premiers polars" pour rire mais je vois que ça t'a pas mal aiguillonné :o et motivé :shock: pour soigner ton texte…C'est réussi. J'espère que c'est ton maximum parce que je n'ai aucunement l'intention de me monter une bibliothèque psycho/psycha pour pouvoir suivre tes prochaines chroniques car j'ai plus trop la place. Sans rire cette fois...Je n'avais jamais lu une analyse aussi pointue du cas Tony Camonte, sa psychologie et ses conséquences. Par contre, ça ne se lit pas distraitement en faisant autre chose. Faut rester concentré et vigilant pendant la lecture mais ça reste abordable pour le commun des neuneus mais le rythme que tu as annoncé, une chronique par semaine me convient finalement très bien…histoire de digérer car le menu est copieux :mrgreen: . Merci également d'être assez malin pour ne pas avoir à le montrer de manière trop voyante en employant ces formules alambiquées des stylistes de la langue qui finissent par en devenir incompréhensibles (remarque le flou, ça peut faire illusion et même passer pour du brio). Merci de ne pas donner dans les grosses affirmations assénées comme des vérités définitives…faciles à dire. Merci aussi de ne pas donner dans le : "le metteur en scène n'a pas su me convaincre". Bref, merci pour le brio et la modestie.

Une remarque au sujet Paul Muni. Puisque tu as évoqué il est vrai très brièvement la carrière des 3 comédiens principaux ainsi que les quelques très grands films des années 30 évoquant le gangstérisme, tu aurais pu signaler que Muni était également exceptionnel dans un film qui ne l'est pas moins : Je suis un évadé qui est aussi de 1932, l'année de Sarface mais évidemment avec ce film on est dans une autre sous famille du genre : le polar "social".
Geoffrey Carter
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Re: Howard Hawks - Rétrospective personnelle

Message par Geoffrey Carter »

Merci pour tous ces compliments kiemavel, ça fait plaisir :)
J'ai essayé effectivement de faire une analyse approfondie sans être vraiment compliquée et inabordable. Je déteste aussi les phrases alambiquées et prétentieuses, j'essaye donc d'éviter ça au maximum. Donc merci encore une fois ;)
Concernant Paul Muni, effectivement ça aurait été intéressant d'évoquer le film qui est excellent.
A noter que je lis toutes tes chroniques sur le film noir avec intérêt ;)
Geoffrey Carter
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La Foule Hurle

Message par Geoffrey Carter »

The Crowd Roars (La Foule Hurle) 1932

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Scénario : Kubec Glasmon, John Bright, Seton I. Miller et Niven Busch, d’après une idée originale de Howard Hawks ; Photographie : Sid Hickox ; Montage : John Stumar, Thomas Pratt ; Musique : Leo B. Forbstein ; Décors : Jack Okey ; Durée : 85 minutes pour une production Vitaphone pour Warner Bros.

Interprétation : James Cagney (Joe Greer), Eric Linden (Eddie Greer), Ann Dvorak (Lee Merrick), Joan Blondell (Ann), Guy Kibbee (le père Greer).

L’année 1931 est bien remplie pour Howard Hawks. En plus des tournages de Scarface et The Criminal Code, il aurait travaillé sur l’adaptation de Chances d’Allan Dwan, dont le thème recoupe plusieurs de ses obsessions : Durant la Grande Guerre, deux hommes aiment la même femme. La mort au combat les départagera. Il aurait également collaboré à Red Dust (La Belle de Saigon), version originale de Mogambo réalisé par Victor Fleming à la MGM. Cependant, le générique ne crédite que John Lee Mahin comme adaptateur du récit de Wilson Collinson. A cette époque, Hawks est toujours sous contrat avec la First-National Warner, il y tourne un film sur les courses automobiles (une de ses constantes) : The Crowd Roars (La Foule Hurle). Pour l’avoir fréquenté durant l’adolescence, le cinéaste connaît bien la mentalité des pilotes et l’ambiance surchauffée des compétitions, ce qui lui permet de désigner, en ricochet, le comportement des Américains sous la dépression économique. A travers le scénario de Seton I. Miller, Niven Busch, John Bright et Kubec Glasmon, il en fait même l’inventaire.

Joe Greer est pilote de course, fiancé à Lee. Il tente d’empêcher Eddie, son cadet, de se lancer à sin tour dans la compétition. Mais le jeune s’entête et les deux frères vont devenir rivaux sur les circuits comme dans la vie. Peu après, Joe rompt avec Lee tandis qu’Eddie s’amourache de Ann, une fille vénale et sans scrupules. Lors d’un tournoi, l’adversité excessive des deux frères va provoquer un accident conduisant à la mort d’un autre pilote… Eddie sort finalement vainqueur de cette course, mais Joe abandonne et il disparaît. Son destin s’enlise peu à peu…
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La jouissance des personnages de The Dawn Patrol était limitée par le contexte patriotique des missions militaires, bien qu’Hawks nous montre le plaisir que peut susciter le pilotage d’un avion. Nous avions alors affaire à un groupe d’hommes qui, comme une machine, devait remplacer ses pièces détruites pour pouvoir continuer de produire la destruction à coups de bombes. The Crowd Roars, tout comme Scarface, ne nous décrit que les aléas du comportement d’individus soucieux d’affirmer leur personnalité et leur puissance à travers une machine : la mitraillette pour Tony Camonte, ici la voiture pour les deux frères. Leur motivation se veut sportive, mais elle est marquée d’une mystique narcissique, auréolée d’un rituel ludique. Ce dispositif motive le joueur solitaire pour qu’il gagne contre les autres et surtout, sur lui-même. Dans ce sens, Hawks n’hésite pas à souligner le caractère infantile de ses personnages (il le fera désormais dans la plupart de ses œuvres). Par ailleurs, il renforce cette notion en désignant les femmes comme des initiatrices jouant les mères ou les épouses serviables, mais ne les marque jamais comme des êtres soumis et irresponsables. Quel que soit l’intérêt qui les stimule, ces personnages féminins sont lucides face à l’immaturité du sexe opposé et elles savent ne pas être le troisième angle du triangle marquant l’opposition entre les deux frères. Adversaires par leur besoin de gloire et poussés par leur égoïsme, Joe et Eddie sont plutôt avides de s’emparer de ce troisième angle (narcissique) qui a pour nom le succès. A propos du statut des femmes dans ce film, et dans l’œuvre hawksienne en général, il convient donc de se méfier d’une prétendue misogynie du cinéaste.
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Le réalisateur travaille à enfermer ses protagonistes de la même manière que le circuit de compétition clôture le lieu où les courses se déroulent. The Crowd Roars se propose surtout comme une démonstration du devoir de l’énergie enfermée : tout s’y joue sur les transits impossibles. D’une manière générale, la vitesse est nécessaire pour gagner la course, mais les voitures n’en tournent pas moins, de façon répétitive et mécanique. Alors, au volant de leur engin, les pilotes confondent leur pouvoir avec la puissance de leur machine. Durant la course, le monde se résume à eux seuls. Ils sont pris par un enivrement et une griserie que le cinéaste parvient à nous communiquer de manière plus documentaire que fictionnelle. Cependant, et paradoxalement, la jouissance du coureur provient aussi du plaisir de souffrir et d’avoir peur. On peut éventuellement appeler cela du courage, mais la course les use de la même manière qu’elle brûle les pneus, chauffe les métaux et cristallise la poussière. Hawks insiste sur cette détérioration des matériaux, comme si les giclements d’huile ou les flamboiements de gaz s’y mêlaient pour marquer l’usure du temps se dévorant dans l’espace de cette clôture infernale. Il filme donc ce processus comme un documentaire, intercalant au montage des inserts enregistrés en studio, car les gros plans sont très rares pendant les séquences de tournoi. Ils sont juste là pour dresser un portrait peu flatteur de l’image sportive et la rendre cauchemardesque, permettant une complète mise à nu. Pour mieux faire sentir l’atmosphère fiévreuse du circuit, Hawks a engagé les meilleurs pilotes disponibles. Le réalisme qui en découle souligne la manière dont ils jouent avec la mort pour la nier. La fiction désigne ainsi la fascination qu’ils ont envers les « privilèges » que donne leur « métier ». A l’aube des années trente, ces hommes vivent avec intensité en exhibant leur témérité sportive, de la même façon que les aviateurs survivent en effectuant des cascades sur des champs de foire. Néanmoins, la course automobile est beaucoup plus médiatisée et leurs champions jouissent d’une réussite sociale exceptionnelle dans un pays en pleine dépression économique. Malgré tout, ces conducteurs sont invalides sans leur engin, tout comme les aviateurs de The Dawn Patrol. Leur compétence, qui peut certes leur apporter gloire et argent, s’accroche à eux comme l’unique moyen dont ils disposent pour se sentir vivants. Le meilleur exemple de ce système infernal réside en la déchéance de Joe, qui intervient après le terrible accident. Les pilotes le rejettent alors avec élégance, il n’est plus qu’un ange déchu une fois sorti de sa voiture. Hawks explore cela pour montrer que la névrose de l’inaction hante ces hommes-machines tout autant que la fixation de vaincre à tout prix. Privé de courses, ils dérivent dans l’impuissance à assumer leur quotidien. Leur vie s’effiloche comme du caoutchouc brûlé sur des pneus surchauffés. Ils sont tout à fait incapables de conduire leur existence avec la même quasi-logique mathématique qui en fait des virtuoses de leur sport.
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Hawks illustre tous ces éléments par une théâtralité extrêmement marquée dans les scènes de liaison, permettant de souligner le décalage psychologique de ces êtres lorsqu’ils sont privés de leurs quatre roues. Eux qui savent contrôler parfaitement leur véhicule, sans lui les voici à vif, éperdus et infantiles. Pour accentuer cette fébrilité ambiguë et donner un caractère spontané et névrotique au personnage, Hawks fait appel à James Cagney, acteur dégageant à la fois une impression de puissance et de fragilité. Le réalisateur a remarqué l’impossibilité de prévoir la façon dont il va jouer une scène. Cagney ne cesse jamais de renouveler sa panoplie de tics et d’expressions insolites ou surprenantes. Qu’il nous mime le triomphe, la déchéance ou le chagrin, il enveloppe son jeu d’une série de petites choses qui dégagent une énergie formidable et font de lui un comédien exceptionnel. C’est encore plus sensible dans un film dépouillé comme The Crowd Roars et cela augmente la désignation des faiblesses et des pulsions du coureur, comme s’il n’était que la prolongation de son bolide. Ici, le jeu de l’acteur est constitué d’accélérations, de dérapages, de freinages, de changements de vitesse, autant de trucs qui le « mécanisent », et sans sa voiture, il est amputé, ne peut alors plus que déchoir et bégayer, victime du manque à l’image d’un drogué. The Crowd Roars reprend également l’axiome des deux frères effectuant le même métier, l’aîné veillant sur le cadet sauf que, dans The Air Circus, le grand frère est mort, et dans The Dawn Patrol c’est le cadet qui est abattu en vol. Il apparaît néanmoins que le lien familial parcourt le début de son œuvre et trouve déjà son prolongement dans la relation presque amoureuse entre deux hommes, concept affirmé dans The Dawn Patrol par le sacrifice de l’un pour l’autre et dans Scarface par l’assassinat de l’un par l’autre. Mais ici ce sont deux frères qui s’opposent, s’aiment et prennent le devant de la scène (le père n’apparaît qu’en retrait). C’est d’ailleurs la variation (ou le prolongement) de la relation à consonance incestueuse entre Tony Camonte et sa sœur, inaugurée par Scarface l’année précédente. En tout état de cause, ces couples – liés par le sang ou non, quand l’un d’eux ne meurt pas, finissent toujours par se réconcilier, comme c’est le cas ici. Toute une part de l’œuvre d’Hawks est d’ailleurs consacrée à ces tensions et distorsions.
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The Crowd Roars reste une œuvre imparfaite et inégale, faute à une théâtralité assumée mais qui transmet parfois une certaine lourdeur dans les scènes romantiques, certainement les plus faibles du film. Le scénario, qui ne brille certes pas par son originalité, permet de développer une relation intéressante entre les deux frères, portée par la superbe interprétation de James Cagney. Hawks nous livre également de spectaculaires scènes de tournoi, mais n’oublie pas pour autant de dénoncer le comportement des sportifs et le mauvais esprit qui règne dans le milieu automobile. Un film pas nécessairement indispensable mais que je conseillerai avec enthousiasme à tous les admirateurs du cinéaste. A noter que le film fut tourné simultanément en version française, dirigée par Jean Daumery et interprétée par Jean Gabin dans le rôle du personnage de Cagney. Il fera également l’objet d’un remake de Lloyd Bacon en 1939 : Indianapolis Speedway.
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Le film est sorti aux États-Unis dans une correcte édition DVD All Zones.
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Hitchcock
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Re: Howard Hawks - Rétrospective personnelle

Message par Hitchcock »

Le DVD est dénué de sous-titres j'imagine ?
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Jeremy Fox
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Re: Howard Hawks - Rétrospective personnelle

Message par Jeremy Fox »

Hitchcock a écrit :Le DVD est dénué de sous-titres j'imagine ?
Oui ; comme tous ceux de cette collection. Pas même de sous titres anglais.
Geoffrey Carter
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Re: Howard Hawks - Rétrospective personnelle

Message par Geoffrey Carter »

Si tu es hispanophone, il y a également ce DVD :
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Je pense que je ferais à la fin de la rétrospective, un récapitulatif des différentes éditions DVD des films d'Hawks.
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Jeremy Fox
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Re: Howard Hawks - Rétrospective personnelle

Message par Jeremy Fox »

Rêvons que d'ici la fin de ta rétrospective, une édition correcte de La Captive aux yeux clairs ait vu le jour.
Geoffrey Carter
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Re: Howard Hawks - Rétrospective personnelle

Message par Geoffrey Carter »

Jeremy Fox a écrit :Rêvons que d'ici la fin de ta rétrospective, une édition correcte de La Captive aux yeux clairs ait vu le jour.
Croisons les doigts :mrgreen:
kiemavel
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Re: Howard Hawks - Rétrospective personnelle

Message par kiemavel »

La grande vogue vroum vroum qui a débuté au milieu des années 60 dans laquelle se sont illustré quelques stars qui avaient une tête à casque et quelques unes qui ne l'avaient pas (Grand Prix, Virages, Le Mans, Bobby Deerfield, etc…) avait été devancée par quelques petits films dont un Hawks : Ligne rouge 7000, l'un de ses derniers. Et sinon, voici une liste des plus regardables des films antérieurs sur le milieu des courses automobiles (j'ai omis ceux dans lesquels ce n'est qu'une toile de fond, type The Fast and the Furious ou Drive a Crooked Road)

Speed de Edwin L. Marin (1936) avec James Stewart (télévisé)
Indianapolis Speedway de Lloyd Bacon (1939) avec Pat O'Brien et Ann Sheridan (?)
The Big Wheel de Edward Ludwig (1949) avec Mickey Rooney et Thomas Mitchell (inédit en France)
To please a lady de Clarence Brown (1950) avec Clark Gable et Barbara Stanwyck (DVD zone 1 avec vost)
Les bolides de l'enfer de George Sherman (1954) avec Tony Curtis et Piper Laurie (DVD zone 2)
Le virage du diable de et avec Cornel Wilde (1957) avec Jean Wallace (télévisé et édité en vhs)
Quant au film chroniqué par notre ami, il a lui aussi été diffusé à la TV chez nous.
Geoffrey Carter
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Le Harpon Rouge

Message par Geoffrey Carter »

Tiger Shark (Le Harpon Rouge) 1932

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Scénario : Wells Root et John Lee Mahin, d’après Tuna de Houston Branch ; Photographie : Tony Gaudio ; Montage : Thomas Pratt ; Musique : Leo B. Forbstein ; Décors : Jack Okey ; Consultant pour la pêche en mer : capitaine Guy Silva ; Réalisateur seconde équipe : Richard Rosson ; Durée : 80 minutes pour une production First National Picture-Vitaphone pour Warner Bros.

Interprétation : Edward G. Robinson (Mike Mascarenas), Richard Arlen (Pipes), Zita Johann (Quita Silva).

Darryl F. Zanuck, dirigeant de la First National Warner Bros est globalement satisfait du travail d’Hawks depuis son arrivée aux studios et particulièrement de The Crowd Roars. Il lui propose donc de travailler avec Edward G. Robinson, l’une des principales vedettes de la firme après son interprétation du Petit César de Mervyn LeRoy. Hawks tourne alors Le Harpon Rouge (Tiger Shark). Avec ce film, le cinéaste se sépare pour la première fois depuis 1929 de Seton I. Miller, son scénariste attitré. Ce sont Wells Root et John Lee Mahin qui adaptent Tuna, une histoire d’Houston Branch (1899-1968), écrivain américain qui collabora aux scénarios de plus de cinquante films entre 1927 et 1958.

Mike Mascarenas et Pipes Boley sont deux pêcheurs de thon dans l’Océan Pacifique. Au cours d’une tempête, un requin arrache la main de Mike, qui est contraint à porter un crochet comme prothèse. Plus tard, lors d’une nouvelle expédition, un marin, Silva, est dévoré par les squales. Mike rend visite à la fille de la victime, Quita, dont il tombe amoureux. Il réussit à la séduire et finit par l’épouser. Après leur mariage, Quita comprend qu’elle aime Pipes et lui avoue. Ils entament une relation adultère. Cependant, Pipes est blessé à son tour au cours d’une pêche. Mike l’oblige à se faire soigner par Quita. Une fois son ami guéri, Mike emmène les deux amants en mer. Malheureusement pour eux, il les surprend échangeant un baiser…
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Profitant d’un scénario rappelant fortement A Girl in Every Port, Hawks tourne une version inversée et dramatisée de son œuvre précédente, là où le film muet ressemblait plutôt à une comédie. Cependant ici, la mutilation et le handicap sont les noyaux essentiels du récit. Mike est un homme frustré, son amputation exprimant d’autant mieux son caractère. Mais Quita et Pipes sont perturbés par leur amour l’un pour l’autre et l’absence du vrai père, bien que la complexité de leur passion adultère les rende moralement invalide. Car si Quita est traumatisée par l’ablation de son père dévoré par les requins et le glissement conséquent opéré sur Mike, son mari manchot (signe primaire d’impuissance), Pipes est également humilié d’aimer la femme de son ami, qui est aussi, pour lui, une figure imagée du père. Malgré son entêtement et sa ténacité, Mike ne peut jamais maîtriser l’univers selon son désir : ainsi sa timidité, son impotence et son aveuglement infantile le mettent d’entrée de jeu hors-compétition face à la force, au charme et à la jeunesse de son rival. Dans cette situation bloquée (au sens le plus freudien du terme), chaque point du triangle amoureux classique ne peut être qu’un jouet de la nature et de ses forces supérieures qu’incarnent, ici, l’océan et les requins. Les squales imposent en effet les données de base du drame et manœuvrent les structures mouvantes du récit par leurs fréquentes interventions sauvages, meurtrières et castratrices. Dans ses films précédents, Hawks n’avait pas vraiment joué de la nature. On y voyait des villes, des lieux clos (chambre, cantonnement, prison, garage), des ruines, des circuits automobiles et autres cabarets. En revanche, les quatre éléments y tenaient un rôle crucial : la terre (vue du ciel), le feu (crépitements de mitraillette, bombes et voiture en flamme), l’air surtout (les avions) et, dans une moindre mesure, l’eau qui n’avait d’importance que dans A Girl in Every Port, et encore, tout le film ayant été tourné en studio. Cette fois, l’eau tient son rôle de nature nourricière (la pêche aux thons) et dangereuse (les requins). Les personnages du film en sont les jouets, même si ce sont tous des professionnels comme l’étaient pilotes, gangsters et policiers dans les précédentes œuvres du cinéaste. Mais ici, ces pêcheurs participent à la vie sociale par leur travail. La caméra ne nous les montre donc pas comme des héros en mal d’émotions fortes. Elle filme la réalité de leurs gestes collectifs de manière documentaire. L’effet de réel est alors absolu et ce n’est que dans l’intimité qu’ils se comportent en gamins superstitieux, amoureux ou jaloux. D’ailleurs, la séquence où Mike jette à la porte le proxénète venu tenter sa future épouse démontre le mépris qu’il éprouve devant le vice.
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Le concept de l’idée fixe anime chaque personnage du Harpon Rouge. Mike en est la victime la plus incurable. En effet, il se polarise sur ces requins qui, en même temps qu’arracher sa main, lui ont ôté son intégralité en détériorant l’idée insistante qu’il se fait de la virilité. Son obsession devient alors inévitablement une névrose qui l’aveugle. Il ne peut plus analyser la réalité domestique ou professionnelle, que ce soit le transfert du père qu’il est pour Quita ou les rapports troubles que Pipes entretient avec elle. Victime des requins, il affiche ensuite une volonté suicidaire en cherchant à remplacer sa puissance perdue par une incontinence verbale et douloureuse. Mais, quoiqu’il puisse faire, son esprit est aussi irrémédiablement amputé que son corps. Avec tous ces éléments, Hawks affirme directement l’intérêt quelque peu morbide qu’il porte à l’impuissance et l’invalidité (thématique amorcée dès son premier film, The Road to Glory). Cela décale l’échafaudage des éléments reflétant un univers viril : ainsi, le motif principal qui émerge de cette tapisserie ingénieusement mise en scène, c’est la cristallisation aiguë de l’infirmité physique, mais également – et surtout – morale. Ses personnages y sont victimes de la nature extérieure, hostile et sauvage (tempête, requins, océan) et aussi des pulsions internes afférentes à l’être humain (jalousie, désir, blocage sexuel, besoin de vengeance). Une fois de plus, incapable d’harmoniser ces deux éléments, les protagonistes se comportent comme des enfants en voulant réinventer le monde en fonction de leurs fantasmes.
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Comme dans ses précédents films mettant en scène aviateurs et pilotes de course, le cinéaste se plaît à accoler la vérité du documentaire au romantisme de la mythologie inscrite dans la fiction. Il met également en évidence la faiblesse générale du mâle qui se cache derrière une force physique toute relative. En fait, ce sont la nature et la machine qui dominent les instincts de l’individu et Le Harpon Rouge nous dévoile le pessimisme effronté, cynique et désabusé de son auteur. Tous ces éléments font du treizième film d’Howard Hawks une œuvre complexe et fascinante, portée notamment par un Edward G. Robinson au meilleur de sa forme, même si on peut peut-être regretter l’absence de seconds rôles développés, comme l’auteur nous y habituera dans ses futurs chefs d’œuvres.
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Le film est sorti aux États-Unis dans la collection Warner Archives All Zones.
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et en France dans la collection Les Trésors Warner
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Geoffrey Carter
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Après nous le déluge

Message par Geoffrey Carter »

Après nous le déluge (Today We Live) 1933

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Scénario : Edith Fitzgerald et Dwight Taylor, d’après Turn About de William Faulkner publiée en France sous le titre Chacun son tour dans le recueil Docteur Martino (Éditions Gallimard) ; Photographie : Oliver T. Marsh ; Montage : Edward Curtis ; Musique : Douglas Shearer ; Décors : Cedric Gibbons ; Costumes : Adrian ; Durée : 113 minutes pour une production Howard Hawks pour MGM.

Interprétation : Joan Crawford (Diana), Gary Cooper (Bogard), Robert Young (Claude), Franchot Tone (Ronnie), Roscoe Karns (Mc Ginnis).
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La crise économique bat son plein et l’industrie cinématographique commence à en ressentir les effets en cette fin 1932. Hawks est un réalisateur bien payé mais très dépensier et couvert de dettes, avec deux contrats en cours, l’un pour Howard Hughes auquel il doit des films après Scarface et l’autre à la First National-Warner Bros. qui le juge trop lent sur les tournages et peu enclin aux concessions. Malgré tout, Hawks se préoccupe peu de la crise d’autant que son mariage avec Athole Shearer (sœur de Norma) en a fait le beau-frère d’Irving Thalberg, directeur de la Metro Goldwyn Mayer, studio qui parvient à résister aux ennuis financiers. Travailler pour la firme au lion, qui emploie également son ami Victor Fleming, est donc tentant pour le cinéaste. Un arrangement est trouvé avec la First-National Warner Bros. et Hawks entre à la MGM comme réalisateur et producteur. Commence alors sa fructueuse collaboration avec William Faulkner. Dans un entretien avec Anne Capelle pour la Quinzaine littéraire n°32 (juillet 1967), le cinéaste parle de sa rencontre avec Faulkner : « J’ai lu une de ses histoires, elle m’a plu. Je l’ai présentée à un ami éditeur. J’ai dit qu’il fallait la publier, que je trouvais ça bon, fort, qu’on devrait s’occuper de cette homme. J’ai acheté les droits cinématographiques. » Cette version est peu plausible. En effet, lorsqu’il s’installe en Californie, Faulkner a déjà publié plusieurs ouvrages : Monnaie de singe (Solder’s Pay, 1926), Moustiques (Mosquitoes, 1928), The Sound and the Fury (Le Bruit et la Fureur, 1929), As I Lay Dying (Tandis que j’agonise, 1930). Sur le point de publier Light in August (Lumière d’août), le cinéma est pour lui un moyen de résoudre ses difficultés financières. En effet, les studios proposent des contrats de scénaristes aux dramaturges et aux romanciers. En 1932, la MGM l’a déjà engagé pour six semaines quand Hawks y entre. Au même moment, la Paramount prend une option sur Sanctuary (Sanctuaire, 1931) qui le tournera sous le titre de The Story of Temple Drake (1933). Il est donc plus vraisemblable qu’Hawks découvre la nouvelle dans un magazine (probablement le Saturday Evening Post de mars 1932). Séduit par la proximité de l’univers de l’écrivain avec le sien, il souhaite l’adapter au cinéma et propose à la MGM d’en acquérir les droits. Il demande ensuite au studio de prolonger le contrat de scénariste de Faulkner – du 30 novembre 1932 au 13 mai 1933 pour six cent dollars par semaine - car il souhaite l’associer à l’écriture de l’adaptation et des dialogues. De nombreux points communs favorisent une relation d’amitié entre les deux hommes : Faulkner est un pilote d’avion qui n’a pas pu participer aux combats pendant la Première Guerre Mondiale, tout comme le cinéaste.
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Le film, comme l’était The Dawn Patrol, est prévu sans femmes, et reste très fidèle au texte de la nouvelle. Elle narre l’histoire d’un marin anglais et d’un aviateur américain qui s’invitent respectivement à suivre leur mission, au cours de la Grande Guerre. Il s’en dégage un dérisoire du tragique conduisant à la mort sans le moindre sentimentalisme. Hawks est soucieux de mettre tous les atouts de son côté et s’assure la participation de Gary Cooper, superstar de la Paramount qui accepte de le prêter à la compagnie d’Irving Thalberg. Pour compléter le casting, Franchot Tone et Robert Young sont engagés. Malgré des problèmes familiaux qui l’éloignent d’Hollywood, Faulkner termine l’adaptation. La direction de la MGM intervient alors et exige la présence de Joan Crawford dans la distribution. Hawks accepte la contrainte et change le titre : Today We Live. Au générique, le scénario est signé Edith Fitzgerald et Dwight Taylor, malgré la participation de Faulkner qui n’est crédité que comme dialoguiste.

Pendant la Première Guerre Mondiale, une jeune aristocrate loue sa maison à Bogard, un américain qui vit en Angleterre. Elle apprend la mort de son père, tombé au front. C’est au tour de son frère Ronnie, ainsi que son ami Claude, auquel elle s’est fiancée, de partir au combat. Totalement désemparée, elle se jette dans le bras de Bogard et tombe amoureuse de lui. Décidée à s’engager dans la lutte, elle rejoint le département des ambulancières. Cependant, les Etats-Unis entrent en guerre : Bogard s’engage donc dans l’aviation, pilotant un bombardier. Dans le même temps, Ronnie et Claude servent à bord d’un torpilleur. C’est alors que l’Américain est porté disparu ; Diana, désespérée, se donne à Claude. Plus tard, l'aviateur revient et souffre de voir la femme qu'il aime dans les bras d'un autre homme : il décide de s'engager pour une mission suicide...
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Assez similaire à The Dawn Patrol dans le fond, ce mélodrame recoupe plusieurs obsessions d’Howard Hawks : rivalité amoureuse, cécité, infirmité, missions suicides, alcoolisme, femme forte, rapport entre frère et sœur, amitié (amoureuse ?) entre deux hommes, absence des parents en général et notamment du père dont l’annonce de la mort ouvre le film. L’auteur affirme de plus en plus son style en répétant les mêmes thématiques au fur et à mesure de ses réalisations. Comme dans ses précédents films, il introduit des éléments de documentaire dans la fiction en nous offrant de spectaculaires scènes de combats, d’ailleurs empruntées à d’autres productions ou tournées par son assistant Richard Rosson. Jouant sur les contrastes, le cinéaste théâtralise les scènes romantiques et mélodramatiques. Ici, cependant, la concision est encore plus forte que dans The Dawn Patrol : le dialogue de Faulkner y contribue de manière remarquable. On peut y voir ainsi une transposition du climat morose, fataliste et suicidaire de la Grande Dépression sur le terrain de guerre. La MGM décide d’accepter ce type de conclusion tragique parce qu’il s’adapte au contexte de l’époque. Mais il est évident que ce climat morbide convient parfaitement au cinéaste, lui permettant de signer une œuvre presque toujours passionnante (malgré l’intrusion brutale et malhabile de Joan Crawford) avec une construction et une fidélité à la nouvelle d’origine tout à fait exemplaires. Il reproduit ainsi certains détails de l’œuvre de Faulkner, comme la pipe à l’envers dans la bouche de Ronnie ou le contenu du paquet livré à Bogard avant son départ en mer. Hawks conserve également l’intégralité des dialogues écrits par son ami. Pour le reste, il se contente de décliner sa thématique en explorant différentes trouvailles de mise en scène déjà établies dans les films antérieurs. L’auteur joue ainsi sur le brouillard, le clair-obscur ou l’opaque et invente un découpage parfait et sans fioritures. Ainsi, sur le plan esthétique, Today We Live est une réussite. Mais les compromis de la MGM en font une œuvre imparfaite : ainsi l'intrusion d'une présence féminine dans le scénario a tendance à décrédibiliser le tout. Les scènes romantiques (comme dans la plupart des films d'Hawks de cette époque) manquent particulièrement de légèreté et de crédibilité, à l'exception de la séquence finale qui apporte une certaine émotion et suggère un retour à la vie, éclairant ainsi le titre de l'œuvre. Ce film, qui sera d'ailleurs un échec commercial, marque la fin d’une période d’apprentissage d’Howard Hawks : elle lui a permis de définir son style et sa mise en scène qui marqueront ses futurs chefs d’œuvres.
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Le film est sorti en France dans la collection Trésors Warner.
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Dernière modification par Geoffrey Carter le 21 août 14, 13:41, modifié 1 fois.
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