Howard Hawks - Rétrospective personnelle

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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kiemavel
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Re: Howard Hawks - Rétrospective personnelle

Message par kiemavel »

Geoffrey Carter a écrit :Les Chemins de la gloire (The Road to Glory) 1936
Pas vu depuis très longtemps celui là. Ton texte donne envie mais honnêtement ce n'est pas un grand souvenir. A l'interprétation de June Lang au sujet de laquelle tu émets quelques réserves, j'ajouterais celle de Fredric March mais j'ai un problème avec cet acteur et je ne sais pas le définir. C'est de l'ordre du ressenti mais à quelques exceptions près : La mort d'un commis voyageur, Les plus belles années de notre vie, Sérénade à trois…je ne l'aime pas beaucoup et ce n'est même pas que je ne le trouverais pas juste dans certains registres puisque dans ces trois films il propose des facettes différentes de son talent (ah ben faudrait savoir…). Bref, à revoir. Je signale aussi que Nunnaly Johnson (qui devait aussi être associé à la production il me semble) revendiquait la paternité de la version définitive du scénario prétendant que Faulkner n'avait rien fait. Ce ne serait pas le premier à avoir voulu gonfler son cv mais ce n'était apparemment pas le genre du bonhomme.

Et alors sinon, au rayon : on a le droit de rire au dépend des autres. Je viens de lire cette avis sur Train de luxe :
" Il y a des films qu'il vaut mieux ne pas ressortir. Train de luxe est de ceux-là. Pochade antisémite : on rit de traîtres qu'on appelle Judas, de metteurs en scène dont le vrai nom est enfin révélé (Mendelbaum, ah ah !), de grand juifs à barbes longues qui rêvent de jouer les bourreaux de Jésus, de Juifs cupides qui crient gimme gimme gimme dès qu'on leur met vingt dollars sous le nez... et j'en passe - ce film est une abomination. Nul : 0,5/5 :shock: :lol:

Que ça y soit, oui…Alors si Hawks et/ou ses scénaristes avaient eu une idée derrière la tête, ce serait désagréable mais quoiqu'il en soit, c'est tout de même prendre ce film par un tout petit bout. Bon allez, faut être assez radical. C'est encore plus con que si un commentateur trouvait odieux La partie pour cause de racisme anti-indien. Y'a qu'un indien qui aurait le droit de le dire ! Ah mais alors notre ami est peut-être…? :fiou: (Quoi, mais non je ne l'ai pas dénoncé). Retour au cinoche. Ce chef d'oeuvre de la comédie américaine n'a plus été diffusé à la télévision française depuis une vingtaine d'années et c'est juste aberrant. J'espère tout de même que ce n'est pas en raison d'un lobbying quand même :mrgreen:
Geoffrey Carter
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Le Vandale

Message par Geoffrey Carter »

Le Vandale (Come and Get It) 1936

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Réalisation : Cosignée par William Wyler et Howard Hawks ; Scénario : Jules Furthman, Jane Murfin, d’après le roman homonyme d’Edna Ferber ; Photographie : Gregg Toland, Rudolph Maté ; Son : Frank Maher ; Montage : Edward Curtis ; Décors : Richard Day ; Musique : Alfred Newman ; Costumes : Omar Kiam ; Effets spéciaux : Ray Binger, Paul Eagler ; Durée : 105 minutes pour une production Samuel Goldwyn pour United Artists.

Interprétation : Edward Arnold (Barney Glascow), Joel McCrea (Richard Glascow), Walter Brennan (Swan Bostrom), Frances Farmer (Lotta Morgan/Lotta Bostrom), Andrea Leeds (Evvie), Frank Shields (Tony), Mady Christians (Carrie), Mary Nash (Emma).

Samuel Goldwyn, peu après la fin du tournage des Chemins de la gloire, contacte Howard Hawks et lui propose de réaliser Come and Get It (Le Vandale) d’après un roman à succès d’Edna Ferber. La romancière et dramaturge américaine (1885-1968) a inspiré de nombreux metteurs en scène hollywoodiens – Tod Browning, Anthony Mann, George Cukor, William Wellman, Gregory La Cava, Sam Wood, George Sidney, George Stevens, Robert Wise, entre autres – et fut lauréate du prix Pulitzer du roman en 1925 pour So Big (adapté trois fois au cinéma, par Charles Brabin, Wellman et Wise, respectivement en 1924, 1932 et 1953). Hawks se méfie des méthodes dirigistes du producteur, mais accepte tout de même la commande, sans doute par besoin d’argent, car le cinéaste est toujours aussi dépensier. De plus, le tournage doit se dérouler loin d’Hollywood (et donc loin du producteur) et l'histoire se déroule dans le Wisconsin, région à laquelle Hawks est particulièrement attaché puisque sa propre famille y a vécu. Anecdote amusante, la romancière ignore que le personnage principal de son livre s’inspire du grand-père du réalisateur ; en l’apprenant de sa bouche, elle lui donne carte blanche pour adapter l’histoire à sa guise. Jane Murfin et Jules Furthman sont chargés d’écrire le scénario. Hawks renvoie ensuite la comédienne engagée et la remplace par une débutante, Frances Farmer, comédienne restée célèbre pour ses frasques dans les années 1940, mais Edward Arnold conserve le rôle principal masculin aux côtés de Joel McCrea et Walter Brennan, qui remportera l’Oscar du meilleur second rôle. Tandis que Richard Rosson part dans le Wisconsin pour filmer les scènes d’abattage d’arbres et de scierie, Hawks commence le tournage sans se soucier des recommandations du producteur, hospitalisé. Il passera beaucoup de temps à épauler Frances Farmer pour qu’elle donne le meilleur d’elle-même. Une fois rétabli, Samuel Goldwyn découvre les changements opérés et déclare qu’il déteste les réalisateurs écrivant eux-mêmes le scénario. Hawks proteste, et Goldwyn le renvoie. William Wyler est engagé pour terminer ce film, mais il refuse d’être le seul crédité au générique. Il ira même jusqu’à tourner fidèlement plusieurs des scènes écrites par Hawks.
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Wisconsin, 1884. Barney et Swan travaillent sur un chantier de bois. Barney s’éprend d’une jeune femme rencontrée dans un tripot, Lotta, et veut construire sa vie avec elle, mais son arrivisme le conduit à épouser la fille de son patron. Délaissée, Lotta se marie avec Swan. Vingt-trois ans plus tard, Barney est devenu un bourgeois, il dirige les usines de son beau-père. Il a deux enfants, une fille et un garçon. Un jour, il retrouve Swan dans la forêt et découvre que Lotta est morte, en laissant une fille dont Barney tombe amoureux. Il la comble de bienfaits et de présents. Cependant, son fils l’aime aussi et Barney veut s’opposer à lui. Leur antagonisme finit par une bagarre, allant à l’avantage du fils qui part avec la fille de Lotta. Barney, comprenant qu’il n’est qu’un vieux fou, retourne auprès de sa femme.
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Come and Get It est un film de Samuel Goldwyn, réalisé par trois metteurs en scène : Richard Rosson, William Wyler et Howard Hawks. Son style passe de la rigueur élégante à un expressionnisme dans le jeu des acteurs qui semble être l’œuvre de Wyler. Certains thèmes de l’auteur de Scarface y émergent pourtant : Barney voyant la marque de son passé dans l’apparence de la fille de Swan, son comportement infantile de gosse amoureux et en proie à une idée fixe, sa volonté de pouvoir sans mesure, le fait de vieillir considéré comme une infirmité, l’inceste tout juste suggéré (la fille de Swan est-elle la fille de Barney ?) et l’ennui dans la conjugalité. On retrouve également une certaine force dans le personnage féminin, certainement due au jeu remarquable de Frances Farmer et qui annonce d’une certaine manière les personnages campés par Lauren Bacall dans les deux films qu’elle tourna avec le cinéaste. Malgré tout, si le film se suit sans ennui et même avec un certain plaisir dans sa première partie (les scènes d’abattage des arbres sont superbes), il faut bien avouer qu’il faiblit dans sa seconde partie, adoptant un rythme bien trop lent et une intrigue prévisible. On retiendra surtout le jeu des comédiens, Walter Brennan remarquable dans son deuxième film pour le cinéaste et Joel McCrea, qui est bien mieux servi par son rôle que dans Ville sans loi. Pour l'anecdote, la chanson qui sert de thème musical au film sera reprise par Elvis Presley sous le titre Love Me Tender dans le film éponyme réalisé par Roberrt D. Webb.

En 1936, Hawks aura donc tourné trois films, tous articulés autour de la volonté de pouvoir. Aucun d’eux n’atteint la perfection, ni même l’excellence. Ce sont les résultats de recherches diverses et encore non abouties quant au style nouveau qu’il cherche à parfaire.
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DVD très satisfaisant possédant des sous-titres français.
Dernière modification par Geoffrey Carter le 21 août 14, 13:47, modifié 1 fois.
Geoffrey Carter
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Re: Howard Hawks - Rétrospective personnelle

Message par Geoffrey Carter »

Arrivé à cette période, un des tournants de la carrière de Hawks, 20 films chroniqués dont 16 notés. Hawks ayant eu une cadence d'activité importante au début de sa carrière, il ne reste que 22 films à chroniquer (sans compter celui de cette semaine) jusqu'à 1970, ce qui devrait porter la fin de cette rétrospective à fin janvier 2015, en gardant un rythme d'un film par semaine, mais des retards ne sont bien sûr pas exclus.

Voici mon choix personnel arrivé à 1937 :

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1. Scarface (1932)
2. Train de luxe (Twentieh Century, 1934)
3. Une fille dans chaque port (A Girl in Every Port, 1928)
4. La Patrouille de l'Aube (The Dawn Patrol, 1930)
5. Le Harpon Rouge (Tiger Shark, 1932)

Les deux premiers devraient conserver une place de choix dans le top final.

Concernant les éditions DVD, un bilan très satisfaisant en zone 1 sauf pour les films muets, de plus en plus difficiles d'accès. En zone 2, en revanche, c'est assez décevant : seuls les films les plus connus ont droit à une édition en France. Sur les 17 films vus jusqu'ici, seulement 5 sont disponibles en zone 2 avec langue française.
Geoffrey Carter
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L'Impossible Monsieur Bébé

Message par Geoffrey Carter »

L’Impossible Monsieur Bébé (Bringing Up Baby) 1938

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Scénario : Dudley Nichols, Hagar Wilde, d’après une histoire originale d’Hagar Wilde ; Photographie : Russell Metty ; Son : John L. Cass ; Montage : George Hively ; Décors : Van Nest Polglase, Perry Ferguson ; Musique : Roy Webb ; Costumes : Howard Greer ; Effets spéciaux : Vernon L. Walker ; Durée : 102 minutes pour une production Howard Hawks, Cliff Reid pour RKO.

Interprétation : Cary Grant (David Huxley), Katharine Hepburn (Susan), Charles Ruggles (Horace Applegate), Walter Catlett (Slocum), Barry Fitzgerald (Gogarthy), May Robson (Aunt Elisabeth), Fritz Feld (le psychiatre), Tala Birrell (sa femme), Leona Roberts (Anna Gogarthy), George Irving (Peabody), Virginia Walker (Alice Swallow), John Kelly (Elmer), le chien Asta et le léopard Nissa.

En 1936, Franklin Delano Roosevelt est réélu pour un second mandat de quatre ans, prolongeant le principe de neutralité des Etats-Unis et poursuivant la politique protectionniste et isolationniste du pays. Mais cela n’empêche pas une nouvelle crise économique d’éclater fin 1937. Comme au début de la décennie, les foules vont au cinéma pour oublier l’angoisse de l’avenir l’espace d’une heure et demie en regardant des films d’aventures ou des comédies. Hollywood connaît un nouvel âge d’or, c’est également l’apogée du star-system. Hawks, quant à lui, serait resté plusieurs mois sans travailler après l’épisode Goldwyn, mais selon lui, il aurait collaboré aux scénarios de deux films réalisés par Victor Fleming pour la MGM : Capitaines Courageux (Captains courageous) et Pilote d’essai (Test Pilot), tiré d’une histoire de Frank « Spig » Wead, le scénariste de Brumes. Parmi la communauté hollywoodienne, son statut est toujours particulier : ses films sont loin d’obtenir un bon accueil public ; il a été renvoyé des plateaux de Viva Villa ! et du Vandale. Tous les patrons des grands studios se méfient de sa lenteur, de ses dépassements de budget et de son esprit d’indépendance. Néanmoins, il reste un des metteurs en scène les mieux payés. La RKO hésite à le contacter, mais lui propose quand même d’écrire et mettre en scène, Gunga Din, un récit d’aventures exotique inspiré par un vers d’un poème de Rudyard Kipling. Ce film est prévu pour décalquer le grand succès de la Paramount : Les Trois Lanciers du Bengale (The Lives of Bengal Lancer, 1935) d’Henry Hathaway. La perspective de signer une œuvre spectaculaire séduit Howard Hawks, qui accepte la proposition et se rend aussitôt à New York pour élaborer le scénario avec ses collaborateurs et amis Ben Hecht et Charles McArthur, ainsi que Dudley Nichols. Cependant, la production prend beaucoup de retard, en particulier à cause des difficultés liées à la distribution des rôles principaux. La RKO lui demande alors de produire et réaliser un autre film en attendant que la situation se décante. Hawks refuse d’abord plusieurs sujets, puis jette son dévolu sur une histoire d’Hagar Wilde (qui signa également le scénario d’un autre film d’Hawks, Allez coucher ailleurs), pensant qu’il pourrait en faire une bonne comédie. La compagnie donne suite au projet, autorise Hawks à engager l’auteur pour signer le scénario avec Dudley Nichols. L’Impossible Monsieur Bébé est désormais en chantier. Le film réunira de nouveau Cary Grant et Katharine Hepburn après l’audacieux Sylvia Scarlett, réalisé par George Cukor en 1935. A cette époque, Grant est à la fois sous contrat chez RKO et Columbia. Sa rencontre avec Hawks lui permettra d’effectuer une descente inoubliable dans la fantaisie débridée, au cours de séquences menées à un rythme effréné, et lui offrira un de ses meilleurs rôles comiques. Comme il s’entend parfaitement avec le réalisateur, l’improvisation lui sera souvent permise.
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David Huxley, un paléontologue distrait, est sur le point d’épouser son assistante, Alice, tandis qu’il achève la reconstitution d’un squelette de dinosaure. D’ailleurs, sa fiancée le prévient qu’ils ne songeront à consommer le mariage qu’une fois leur mission scientifique achevée. Pour faciliter les recherches, elle l’envoie à la rencontre de l’avocat Peabody qui pourrait convaincre une de ses riches clientes de donner un million de dollars pour le musée. Une partie de golf est organisée à cet effet, mais David ne peut rien réussir à cause d’une jeune écervelée nommée Susan. Toujours inconsciemment, elle lui prend ses balles de golf, lui emprunte sa voiture… Le soir même, David doit dîner avec Peabody, mais il retrouve Susan au restaurant qui recommence à provoquer des catastrophes. Le lendemain, Susan attire David chez elle en faisant croire qu’un léopard (en réalité apprivoisé) l’a attaquée. Ensuite, elle l’oblige à la conduire à la campagne. David vient de recevoir le dernier os de dinosaure, le dernier qui manquait pour permettre d’achever la reconstitution. Le léopard, nommé Bébé, continue à semer les catastrophes tout au long du voyage. Ils arrivent finalement chez la tante de Susan, qui est en réalité la riche cliente de Peabody. Plus tard, le chien de Susan s’empare de l’os de dinosaure et empêche David d’aller à son mariage. Il décide de s’installer chez la tante pour le week-end, usant d’une fausse identité et gardant sans cesse un œil sur le chien, espérant que celui-ci le conduira vers l’os. Cependant, Susan vient de se rendre compte qu’elle est tombée amoureuse de lui. Elle va donc user de tous les stratagèmes, et donc faire toutes les gaffes, pour le retenir. Tout se complique lorsque Bébé s’échappe tandis qu’un autre léopard, sauvage cette fois, s’évade d’un cirque. La chasse au chien et à l’os devient aussi celle du léopard. Tout cela conduit tout le monde en prison, y compris le chien et les deux léopards. Finalement, Susan rapporte l’os à David, dans son musée. Elle l’accompagne du chèque de sa tante. David lui avoue qu’elle lui a fait passer les moments les plus excitants de son existence. Il ajoute qu’il l’aime. Leur joie va détruire le squelette et les unir définitivement.
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Hawks, avec ce film, travaille directement sur la caricature et s’inspire même des systèmes comiques développés dans le cartoon, tant l’univers qu’il essaye de composer fait appel au grotesque et à l’irréalisme. Ce matériel est organisé sur l’écran au profit d’un jeu de l’imaginaire et de l’absurde extrêmement tonique. Pourtant, à l’avenir, les comédies de Hawks éviteront cet aspect burlesque, car il regrettera lui-même ce parti-pris. « Je crois que le film a un grave défaut. J’ai beaucoup appris de lui. Il n’y avait personne de normal [mis à part l’avocat, Peabody, qui semble être en effet le seul personnage complètement sain d’esprit du film]. Tous les gens qu’on rencontrait étaient cinglés. Depuis ce temps-là, j’ai appris ma leçon et je n’ai pas l’intention de rendre à nouveau tout le monde cinglé. Si le jardinier avait été normal, si le shérif n’avait été qu’un brave homme de la campagne, mal assuré… mais, tels quels, tous étaient décentrés. Et j’ai réalisé mon erreur après coup et je ne l’ai plus renouvelée. » Avec du recul, cette autocritique semble justifiée – quoique un peu sévère – même si, à mon sens, il ne s’agit pas réellement d’un défaut. En tout cas, le conglomérat de folie qui explose dans chaque coin de son film lui permet d’entamer une nouvelle période de son art et d’en développer plus profondément ses principes fondamentaux : la cadence, la déperdition d’énergie, le rapport entre la nature et l’esprit. Certains détails y sont révélateurs de ce dernier point. Si l’on fait encore une fois exception de l’avocat, les animaux y sont les seuls à ne pas être fous. Ils suivent leurs instincts et se moquent bien de ce que peuvent faire les humains. Cela nous projette dans le monde de la fable, contraignant Howard Hawks à quitter un moment ses pulsions macabres, et son obsession du suicide-rachat, qui habitaient ses deux chefs d’œuvres précédents : dans Scarface, entièrement construit sur le mode du burlesque par les dispositifs de destruction, d’accumulation, d’actes manqués, de gags excessifs et de représentation de catastrophes, le morbide régnait sous l’apparence de la vitalité triomphante ; dans Train de luxe, toutes les oppositions de volonté de puissance s’installaient dans le ludique réaliste (le monde du théâtre) et la ruse en affrontement frontal. Ce ne sont plus les mêmes dispositifs psychologiques qui servent de véhicule à L’impossible Monsieur Bébé qui possède d’ailleurs une construction différente. Conçu sur l’accumulation des clichés de la comédie, ce film les confronte les uns aux autres, et les annule en tant que poncifs pour les transformer en énergie pure - une réaction chimique en quelque sorte. Ce système aboutit à une nouvelle manière de montrer les actes et les gags, permettant l’échafaudage d’un ensemble comique inédit à l’écran. En conséquence, au lieu d’être une tentative hystérique ou générique autour d’un genre bien balisé, L’Impossible Monsieur Bébé redéfinit les codes de la comédie en jouant avec eux. Cette synthèse cohérente bénéficie de plus des recherches d’écriture cinématographique moderne auxquelles Hawks n’a cessé de se livrer depuis ses débuts. Le plus grand bénéficiaire de ce processus est le découpage : il prépare la rapidité exceptionnelle du film avec des scènes plusieurs fois reprises les unes dans les autres et court-circuitées d’ellipse, non plus entre les séquences seulement, mais à l’intérieur d’elles-mêmes. Avec cela, la caméra n’a pas besoin d’effectuer des mouvements virtuoses, comme Hawks s’y est déjà laissé piéger lors de ses premiers films. Son usage est élémentaire afin de ne pas briser la mécanique prodigieuse qui s’autoalimente sans faire appel à des accessoires inutiles ou des gags gratuits. L’essentiel devient alors que le public devine toujours ce qui va se passer, mais ne sait jamais de quelle façon cela va se passer. C’est là une des grandes forces du film (et des futures comédies de Hawks), faisant de la prévisibilité un argument fallacieux et déconcertant ainsi ses détracteurs les plus acharnés.
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Jusqu’à présent, aucune comédie parlante n’avait restitué la qualité d’écriture filmique du cinéma muet de la manière virtuose et magistrale dont Hawks y parvient : ce jeu de décalage universel et permanent, un défaut aux yeux du réalisateur et de nombreuses critiques, provoque un mouvement perpétuel, étonnant par ses variations, ses accélérations et ses ralentissements. On peut ainsi considérer le film comme une sorte de locomotive à vapeur qui doit impérativement parvenir à un point donné en une heure quarante, et se heurte tout au long du trajet à différents obstacles et changements de terrain. Ici, les personnages n’ont plus à justifier leur comportement en fonction du réel, contrairement à ceux de Train de luxe, emmêlés sans cesse dans le labyrinthe de leurs mises en scènes superposées. C’est l’irréalité des situations qui pervertit la fonction sociale (shérif, psychologue, chasseur de fauves, savant) pour la malmener jusqu’au plus loufoque, sauf que chaque protagoniste veut mettre en scène les situations qu’il traverse, en échouant presque toujours à les contrôler. D’ailleurs, ce dispositif semble préciser que ces pions affolés ne sont que les marques et limites d’une mise en scène en train de se mettre en place et de s’affirmer : celle d’Hawks. Dans ce sens, leur énergie physique est indissociable de leur langage, qu’il soit mimé ou parlé, car ils s’escriment à vouloir absolument communiquer, mais en ne suivant que leur idée fixe, et subissent alors en retour cinglant une initiation inconsciente. S’ils ne peuvent plus parler, ils grimacent, bredouillent ou gesticulent pendant le discours que l’autre leur impose. En fait, toute communication logique ou rationnelle est disjonctée. L’anormal règne, fortifié par des écarts de comportement : le chasseur et la tante se mettent à courir pour aller prendre l’air dans le jardin, le léopard apprivoisé fuit le léopard sauvage, le psychologue a l’air plus fêlé que ceux qu’il soupçonne d’aliénation mentale… De plus, une gêne physique ou psychologique conduit automatiquement à un gag toujours compromettant pour ceux qui le déclenchent. De décalage en décalage, le boitillement retrouve pourtant un équilibre général car il n’existe qu’en apparence. Lorsqu’elle joue les infirmes devant le shérif, Susan le démontre parfaitement.
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L’Impossible Monsieur Bébé peut s’aborder et s’analyser de différentes manières, mais tout désigne inévitablement le champ structurel : David, le jeune savant (très probablement puceau), veut reconstituer l’architecture osseuse d’un dinosaure et cela le conduit au plus farfelu des jeux de piste qui mène à la révélation de sa nature profonde. Pendant ce parcours initiatique, il plane encore au-dessus du présent et de la vie. Face à lui, l’instinctive Susan ne peut communiquer avec lui qu’en provoquant des catastrophes, car elle ne vit que dans l’instant, hors de la réalité mais directement reliée à elle. C’est l’inverse de David. En quelque sorte, la science aveugle et la raison inconsciente s’opposent à l’instinct et à l’irresponsabilité. Unis, ces deux êtres vont aller à la rencontre du monde sans le connaître véritablement au départ de leur confrontation. Les principales étapes de cette connaissance passeront par un contact avec, d’une part, l’hostilité de la nature (c’est la bêtise des fauves, l’entêtement du chien, la forêt truffée d’embûche) et d’autre part, la réalité aliénante des lois sociales (shérif, psychiatre, avocat). Il leur faudra donc vaincre ces deux éléments, mais cette conquête va nécessiter des constats préalables : David s’aperçoit que le sol contient beaucoup plus de vieilles chaussures que d’ossements (!), il apprend à mentir – avec des difficultés – et à s’aveugler (perte de lunettes, accessoires cachant son visage séduisant) afin de mieux traverser les miroirs de l’inconscient. Tombée amoureuse de David par l’erreur de jugement d’un psychanalyste mondain, Susan obstinément à mettre à nu l’objet de son désir et ne réussit d’abord qu’à le travestir en femme lors d’une séquence délirante où elle porte le pantalon. Alors, David avoue ne plus savoir qui il est. Sans cesse, la maladresse de Susan provoque la déchirure des apparences (celle de ses vêtements comme ceux de David). Elle détruit celles-ci lorsqu’elles ont une nécessité (chaussettes brulées, lunettes cassées, squelette de dinosaure démoli). Elle s’entête à se faire aimer par David et, feignant de l’aider à chercher le léopard, le chien et l’os, ne cherche qu’à le capturer, comme le démontre le plan métaphorique de sa prise au filet. Mais la traque est plus difficile que prévu : David est clôturé mentalement et physiquement par ses obsessions scientifiques et sa conception plus que conventionnelle du mariage. Ce calvaire deviendra pourtant une victoire après deux étapes transgressives, qui vont se présenter sous la forme de deux lieux visités par les protagonistes du film.
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Lors de l’apothéose du film qu’est la séquence de la prison, Susan impose sa mise en scène aux autres et enferme dans son boniment ceux qui voulaient l’enfermer, par un retournement de situation à la fois subtil et astucieux. Elle s’évade et abandonne David à une fausse solitude de claustration puisque la porte de sa cellule est restée ouverte. Après cette première victoire sur l’ordre social, elle pense s’emparer du léopard apprivoisé (allégorie de la nature sauvage) sans savoir qu’elle vient de vaincre le léopard de cirque (allégorie de la nature hostile). Prenant conscience de son erreur, elle échange sa situation avec David qui domptera l’animal avant de s’évanouir pour renaître différemment. Le final du film se déroule dans le musée : Susan et David démolissent accidentellement le squelette préhistorique à partir du moment où ils forment consciemment un couple. Ils abolissent ainsi ce « Mur de Jéricho », pour reprendre la célèbre expression de It Happened One Night, une barrière qui les séparait physiquement et sensuellement. Alors seulement, ils pourront regagner la nature hostile puisque c’est la seule qui fut susceptible de leur apporter du plaisir. Est-ce de l’infantilisme dans le sens où les animaux sont désignés comme les seuls à s’organiser sans perdre leur instinct au sein de cette fable en forme de farce ? Il est toujours difficile de connaître les intentions précises du réalisateur. Ici, il apparaît surtout qu’Hawks commence à interroger séparément chaque élément récurrent de sa thématique. En donnant libre cours à l’improvisation et à la folie, le cinéaste capte des instantanés de réalité humaine au sein de la mécanique de la comédie et des marionnettes toutes caricaturales qu’ils habitent. Mais revenons à un aspect purement cinématographique, car le film doit également beaucoup à la qualité de son interprétation. Cary Grant et Katharine Hepburn écrasent littéralement tous leurs partenaires à l’écran, malgré les compositions pittoresques livrés par Charles Ruggles, May Robson ou Barry Fitzgerald. L’alchimie entre les deux acteurs, entretenue probablement par la bonne ambiance du tournage – la fameuse anecdote de l’amitié entre Hepburn et le léopard Nissa – est absolument parfaite, « The Great Kate » livrant ici un de ses plus grands rôles comiques, un genre dans lequel elle se spécialisera. Hawks brosse de nouveau un superbe portrait de femme - pas forcément le plus beau, mais en tout cas un des plus riches et des plus passionnants. La photographie de Russell Metty – opérateur oscarisé pour Spartacus de Kubrick – s’avère également une très belle réussite, que ce soient au niveau des intérieurs ou des extérieurs, tous deux admirablement composés.

Tout ceci me permet d’affirmer sans grande hésitation – et quoiqu’en dise son auteur - que le vingt-et-unième film d’Howard Hawks est son troisième chef d’œuvre, dans une filmographie qui peut en receler une bonne dizaine. Malgré tout, je reconnais volontiers que toute cette folie ambiante peut agacer après plusieurs visions et veut bien admettre que le film s’avère une expérience éprouvante pour certains spectateurs. A ce propos, on pourrait rapprocher L'Impossible Monsieur Bébé d’Arsenic et Vieilles Dentelles de Frank Capra, les deux oeuvres s'avérant véritablement épuisantes pour ceux qui les aborderaient dans de mauvaises conditions. En tout cas, quoiqu’on pense de L'Impossible Monsieur Bébé, je crois que tout amateur de cinéma américain, et en particulier de comédie, se doit de le visionner une fois, « rien que pour voir », car il s'agit incontestablement d'une oeuvre majeure et indispensable, une des screwball comedies les plus représentatives de son époque.
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Jeremy Fox
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Re: Howard Hawks - Rétrospective personnelle

Message par Jeremy Fox »

Un film qui selon les moments m'a fait jubiler ou m'a grandement fatigué. Ton excellent texte fait assez bien comprendre les raisons de ces possibles revirements.
someone1600
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Re: Howard Hawks - Rétrospective personnelle

Message par someone1600 »

Un film qui me fait pleurer de rire a chaque fois personnelement. Et une série de chroniques vraiment très intéressante. :D :wink:
Geoffrey Carter
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Re: Howard Hawks - Rétrospective personnelle

Message par Geoffrey Carter »

someone1600 a écrit :une série de chroniques vraiment très intéressante. :D :wink:
Merci à toi ;) Et n'hésite pas à donner ton avis quand tu le souhaites.

Sinon, étant absent de chez moi pour un moment, je vais devoir retarder la prochaine chronique de plusieurs semaines.
Geoffrey Carter
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Re: Howard Hawks - Rétrospective personnelle

Message par Geoffrey Carter »

La prochaine chronique devrait arriver dans la soirée. Je vais désormais m'en tenir à un rythme d'une chronique par tranche de deux semaines. ;)
Strum
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Re: L'Impossible Monsieur Bébé

Message par Strum »

Geoffrey Carter a écrit :[A ce propos, on pourrait rapprocher L'Impossible Monsieur Bébé d’Arsenic et Vieilles Dentelles de Frank Capra, les deux oeuvres s'avérant véritablement épuisantes pour ceux qui les aborderaient dans de mauvaises conditions.
Pour moi, les deux films ne boxent pas dans la même catégorie, et me paraissent même relever de deux approches différentes du point de vue du mouvement cinématographique (qui est différent du rythme). L'un, L'Impossible Monsieur Bébé, est d'une inépuisable inventivité et parvient jusqu'au bout à conserver son rythme tourbillonnant (bon, la toute fin est un tout petit peu moins drôle), selon un principe de mouvement perpétuel, qui se retrouve dans le nombre remarquable de décors du film. L'autre, Arsenic et Vieilles Dentelles, après un premier tiers tonitruant, finit par se figer dans son seul décor intérieur, au point que même Cary Grant, sur les épaules duquel tout le film repose ou presque (là où dans L'impossible Monsieur Bébé, il partage ce fardeau avec Katharine Hepburn) donne parfois l'impression de trop en faire, s'escrimant à vouloir faire oublier que le spectateur est coincé dans quelques mètres carrés. Ce n'est plus le film qui est en mouvement au bout d'un moment, ce ne sont que ses acteurs, pourrait-on dire. Et dans son dernier tiers, vaincu par son statisme, Arsenic et Vieilles Dentelles ressemble à la pièce de théâtre dont il est issu.

L'Impossible Monsieur Bébé, c'est le chef-d'oeuvre de la comédie américaine classique, que seuls quelques Lubitsch sont en droit de concurrencer.
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AtCloseRange
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Re: L'Impossible Monsieur Bébé

Message par AtCloseRange »

Strum a écrit :
Geoffrey Carter a écrit :[A ce propos, on pourrait rapprocher L'Impossible Monsieur Bébé d’Arsenic et Vieilles Dentelles de Frank Capra, les deux oeuvres s'avérant véritablement épuisantes pour ceux qui les aborderaient dans de mauvaises conditions.
Pour moi, les deux films ne boxent pas dans la même catégorie, et me paraissent même relever de deux approches différentes du point de vue du mouvement cinématographique (qui est différent du rythme). L'un, L'Impossible Monsieur Bébé, est d'une inépuisable inventivité et parvient jusqu'au bout à conserver son rythme tourbillonnant, selon un principe de mouvement perpétuel, qui se retrouve dans le nombre remarquable de décors du film. L'autre, Arsenic et Vieilles Dentelles, après un premier tiers tonitruant, finit par se figer dans son seul décor intérieur, au point que même Cary Grant, sur les épaules duquel tout le film repose ou presque (là où dans L'impossible Monsieur Bébé, il partage ce fardeau avec Katharine Hepburn) donne parfois l'impression de trop en faire, s'escrimant à vouloir faire oublier que le spectateur est coincé dans quelques mètres carrés. Ce n'est plus le film qui est en mouvement au bout d'un moment, ce ne sont que ses acteurs, pourrait-on dire. Et dans son dernier tiers, vaincu par son statisme, Arsenic et Vieilles Dentelles ressemble à la pièce de théâtre dont il est issu.

L'Impossible Monsieur Bébé, c'est le chef-d'oeuvre de la comédie américaine classique, que seuls quelques Lubitsch sont en droit de concurrencer.
Assez d'accord avec ça. Arsenic souffre un peu de son origine scénique.
Geoffrey Carter
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Re: Howard Hawks - Rétrospective personnelle

Message par Geoffrey Carter »

Même si j'ai beaucoup d'affection pour le film de Capra, l'utilisation du mouvement et de la déperdition d'énergie est bien plus réussie et bien plus subtile chez Hawks. Cary Grant fait un peu « tout » le film et c'est bien le problème dont il souffre. Je rapprochai les deux oeuvres simplement par rapport à l'impression d'épuisement ressentie par certains spectateurs, littéralement lessivés après le visionnage.
L'Impossible Monsieur Bébé, c'est le chef-d'oeuvre de la comédie américaine classique, que seuls quelques Lubitsch sont en droit de concurrencer.
Ce n'est pas moi qui vais te contredire là-dessus, même si j'avouerais une préférence toute subjective, dans la comédie classique, pour His Girl Friday du même Hawks.
Geoffrey Carter
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Re: Howard Hawks - Rétrospective personnelle

Message par Geoffrey Carter »

Seuls les anges ont des ailes (Only Angels Have Wings) 1939

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Scénario : Jules Furhtman d’après une idée originale de Howard Hawks ; Photographie : Joseph Walker, Elmer Dyer ; Son : Lodge Cunningham ; Montage : Viola Lawrence ; Décors : Lionel Banks ; Musique : Dimitri Tiomkin ; Costumes : Robert M. Kalloch ; Réalisateur de seconde équipe : Richard Rosson ; Durée : 121 minutes pour une production Howard Hawks pour Columbia.

Interprétation : Cary Grant (Goeff Carter), Jean Arthur (Bonnie Lee), Richard Barthelmess (Kilgallon/McPherson), Rita Hayworth (Mrs. Kilgallon), Thomas Mitchell (Kid), Sig Ruman (Dutchy), Victor Killian (Sparks), John Carroll (Shelton), Allyn Joslyn (Lee Peters), Donald Barry (Tex Gordon), Noah Beery Jr. (Joe Souther).

Nous sommes en 1938, l’année précédant le début du second conflit mondial. Les armées allemandes et japonaises viennent d’annexer des territoires en Europe et en Asie, leurs appétits expansionnistes et les jeux des alliances rendant la guerre inévitable. Les efforts de la diplomatie internationale ne font que retarder l’échéance, mais les États-Unis s’obstinent à rester neutres. Cela n’empêche pas quelques rares films américains de mettre en garde contre les dangers de contagion du fascisme dans le monde, même si la plupart des studios évitent de produire des histoires abordant le sujet. Cependant, plusieurs comités contre le nazisme se constituent à Hollywood autour de personnalités progressistes et d’artistes européens émigrés. Howard Hawks, en bon individualiste, ne se soucie guère de prendre part à des activités pacifistes, bellicistes ou politiques, l’évidente montée des périls ne semblant pas le concerner. A cette époque, il traverse également une période riche en termes affectifs : son épouse, Athole Shearer, vient d'être internée dans un hôpital psychiatrique. Hawks a rencontré la belle Slim Keith, dont il est tombé fou amoureux. Sur le plan professionnel, il se soucie surtout de gagner de l’argent afin d’éponger ses dettes de jeu, et après sa belle réussite dans le genre comique, aimerait changer de creuset pour son prochain opus. Le cinéaste et Cary Grant avaient entamé une fructueuse collaboration avec L’Impossible Monsieur Bébé, et ils devaient se retrouver la même année sur le plateau de Gunga Din, film d’aventures produit par la RKO. Mais les studios font marche arrière après avoir constaté qu’Hawks était un metteur en scène très lent et trop dépensier, le modeste succès public de L’Impossible Monsieur Bébé n’ayant pas réussi à le rentabiliser d’autant que le budget initial avait été largement dépassé par le réalisateur. George Stevens est engagé pour réaliser Gunga Din, qui dépassera pourtant son budget au point d’atteindre près de deux millions de dollars et d’en faire le film le plus cher jamais produit par cette compagnie. Malgré cela, on peut y repérer quelques thématiques hawksiennes comme les trois hommes et leur valet, annonçant en quelque sorte Rio Bravo, ou le combat final à la dynamite. Plusieurs séquences reposent entièrement sur son système, comme la scène où Grant étrangle un étrangleur. En revanche, on peut imaginer que le rôle féminin aurait été bien plus intéressant dans son traitement. Une dernière évidence repose sur le choix des trois comédiens principaux : Victor McLaglen (star de Une fille dans chaque port), Douglas Fairbanks Jr. (vedette de La Patrouille de l’Aube) et bien sûr Cary Grant. Si Gunga Din n’atteint jamais la simplicité sèche et glauque des films de Hawks, il reste une réalisation efficace, solidement ancré dans le style propre aux films épiques produits à cette époque. La même année, Hawks aurait épaulé son ami Victor Fleming pour des séquences de Autant en emporte le vent : « Il n’avait pas ouvert le livre. Il prétendait qu’il n’avait pas le temps. On l’avait désigné pour mettre en scène le film, alors il m’a demandé, ainsi qu’à vingt autres personnes, ce qui nous avait plu là-dedans. Ensuite, il n’a travaillé que sur les choses qui nous avaient intéressés. A moi, il m’a demandé ce qui me semblait important et j’ai répondu : « L’important, c’est que seul l’amour qu’elle éprouve pour la terre de sa plantation empêche la fille d’être une putain. » Et il a dit : « Personne ne m’avait jamais parlé de cela. Pourrais-tu m’écrire quelques scènes ? » J’ai dit : « Bien sûr ! » et j’ai écrit quelques scènes qu’il a tournées. » (Cahiers du Cinéma n° 192, juillet 1967)
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A cette époque, Hawks est donc en mauvais termes avec la MGM, Goldwyn et la RKO. Cependant, il entretient toujours de bons rapports avec la Warner Bros et surtout, la Columbia. Avec ces deux studios, il jouit du privilège de pouvoir travailler sans signer de contrats à long terme et quand bon lui semble. Après son éviction de Gunga Din, il va donc tourner deux films avec Cary Grant pour Columbia. Le premier sera Seuls les anges ont des ailes, qui renoue avec sa passion pour l’aviation. Hawks demande à Jules Furthman d’écrire le scénario d’après une idée originale du cinéaste. La distribution va se faire en fonction de certaines références : le rôle de Kilgallon est attribué à Richard Barthelmess, une des vedettes de La Patrouille de l'aube. Le personnage de Bonnie est clairement inspiré de Marlene Dietrich dans les sept films de Josef Von Sternberg, sans sophistication et avec plus d’humanité. Mais pendant le tournage, elle ne se plie guère aux directives d’Hawks dans ce sens, ce qui ne nuit pas trop au film (contrairement à ce qu’on a pu dire), et accentue même la place d’outsider que le scénario lui assigne, marquant également l’opposition de nature et de jeu avec Rita Hayworth, qui tient ici son premier rôle important dans le personnage de l’épouse de Kilgallon, rôle qui fera d’elle une des stars les plus célèbres de l’âge d’or d’Hollywood.

Bonnie Lee fait escale à Barranca, un port d’Amérique du Sud. Elle y rencontre les pilotes américains d’une compagnie aéropostale que dirige Goeffrey Carter, surnommée Geoff. Amusée, elle accepte de sortir avec un de ces aviateurs. Mais ce dernier se tue le soir-même en essayant d’atterrir sans visibilité. Sous l’emprise d’un sentiment de culpabilité, la jeune fille réagit violemment face à la réaction indifférente des autres pilotes. Puis, s’habituant à leur code de vie, elle décide de rester parmi eux et se met en tête de séduire Goeff. Le lendemain, un nouveau pilote arrive avec son épouse qui n’est autre que Judy, une ancienne maîtresse de Goeff. Le mari, Kilgallon, ignore cette liaison, mais il a aussi un secret : autrefois, il abandonna son avion en flammes, sans porter secours à son copilote. Ce dernier était justement le frère de Kid, l’un des aviateurs de la compagnie. Kilgallon est démasqué, mais Goeff le conserve dans l’équipe et lui confie certaines des missions les plus périlleuses. Kilgallon s’en acquitte parfaitement. Plus tard, Bonnie blesse Goeff afin de l’empêcher de partir pour une mission suicidaire. Cela oblige Kid, dont la vue est déficiente, à faire équipe avec Kilgallon. Lors de l’opération, un condor fracasse l’habitacle et blesse grièvement Kid. Faisant preuve d’un courage insensé, parvient à ramener l’avion en flammes à la base, s’en sortant avec quelques brûlures. Cela le réhabilite aux yeux de tous. Mais, la nuque brisée, Kid ne tarde pas à mourir. Alors, Geoff part effectuer la mission, en compagnie d’un autre pilote, tout autant éclopé que lui. Auparavant, à l’aide d’une pièce truquée, il a fait comprendre à Bonnie qu’il souhaitait qu’elle l’attende.
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Seuls les anges ont des ailes, sur un plan purement formel, est le premier film du cinéaste dont l’imagerie se présente comme totalement irréaliste. Plus encore que dans Ville sans loi, le décor et les éclairages sont marqués par une théâtralisation volontaire et une schématisation qu’accentuent l’utilisation de la brume et les signes succincts d’un exotisme fabriqué de toutes pièces. L’usage habile des maquettes d’avion renforce d’ailleurs cette impression d’artifice, d’autant plus que les scènes documentaires tournées par une seconde équipe (encore une fois l’excellent Richard Rosson) créent un effet de contrepoint par leur souci de réalisme. Toutefois, cette panoplie du factice ne freine jamais le plaisir du spectateur sans doute parce qu’elle compose ainsi toute une architecture qui, comme dans une bande-dessinée, sous-tend une tapisserie de l’imaginaire et dévoile cependant des réalités. Un tel choix du mode de représentation permet de nous rappeler combien Hawks a horreur du naturalisme. S’il peut avoir du goût pour le documentaire, c’est pour mieux éviter de mêler le réel. D’ailleurs, Seuls les anges ont des ailes est théâtralisé au possible, comme la plupart des futurs chefs d’œuvres du cinéaste. Cette volonté stylistique aboutit à la simplicité, voire à l’abstraction, tout en parvenant à nourrir la structure et la dynamique du film.
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Rappelons en premier lieu que la nature est toujours hostile chez Hawks. Et qu’elle puisse créer des êtres humains n’incline pas son jugement. Il estime justement qu’elle peut engendrer des êtres faibles : les « héros » suicidaires des Chemins de la Gloire, le savant de L’Impossible Monsieur Bébé ou Johnny Lovo dans Scarface. Ainsi, dans Seuls les anges ont des ailes, l’oraison funèbre du pilote qui meurt au début du film se résume à ces mots : « Il n’était pas assez fort ». Cependant, la nature peut aussi accoucher de tyrans psychopathes : Tony Camonte, Pancho Villa dans Viva Villa !, Chamalis dans Ville sans loi ou, dans une moindre mesure, Barney dans Le Vandale. Ces personnages-là ne peuvent communiquer avec la nature qu’en la détruisant. Ils ont toujours besoin d’accessoires venus de la civilisation pour pouvoir s’assumer. Il s’agit généralement d’objets mécaniques : autos (La Foule Hurle), avion (La Patrouille de l’aube), bateaux (Le Harpon Rouge), mitraillettes (Scarface). Cela leur sert de prothèse, et comme le crochet du personnage d’Edward G. Robinson dans Le Harpon Rouge, remplace ce que la nature a omis de leur donner, ou ce qu’elle leur a pris. Les enfants et les animaux échappent à cette invalidité car ils sont encore en osmose avec la nature, ils s’y adaptent par l’instinct, ce qui leur donne un caractère monstrueux quand ils se trouvent livrés à eux-mêmes au sein d’un lieu social organisé. En fait, la femme est la seule à pouvoir communiquer avec la nature tout autant qu’avec le lieu social. Cela lui donne une supériorité sur l’homme qui, lui, refuse de s’adapter et veut dominer la nature (ou le lieu social) à l’aide d’inventions dangereuses et porteuses (ou donneuses) de mort. Dès qu’elle débarque au port, Bonnie affiche un désir instinctif de s’adapter à ce qui l’environne. Elle observe un couple de danseurs indigènes et participe à leur chanson. Ensuite, elle accepte de sortir avec un pilote, et adopte tout d'abord une réaction d’éducation et de civilisation à l’annonce de sa mort. Elle s'indigne de la réaction des autres pilotes qui continuent à vivre normalement et à se détendre. La fameuse scène du steak, souvent analysé, illustre parfaitement cette dynamique. Finalement, Bonnie va réussir à conjuguer son comportement avec celui de la micro société qu’elle vient de rencontrer. Poussée par son instinct amoureux, elle tente même de se durcir afin de séduire Goeff, le chef de ces grands gosses trop téméraires. Son choix se porte sur lui car il paraît probablement le moins humain et le plus mécanique de tous. Ne pouvant imposer la nature à celui-ci, Bonnie doit passer indirectement par la machine - le revolver - pour poser la marque de son désir sur lui. Mais alors, elle fait sortir l’infirmité morale qu’il porte en lui. Par cet acte accidentel, l’homme-machine retrouve l’état d’homme-nature.
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Tout au long du film, le cinéaste nous prépare à cette révélation en accumulant les indices : Geoff n’a jamais d’allumettes, car il redoute le feu, qui le brûle aussi intérieurement, retient ses pulsions sentimentales et sexuelles, n’utilise la séduction que pour dominer les autres afin de préserver l’organisation de la machine qu’il dirige, mais n’y trouve aucune jouissance sexuelle. Dès qu’il est impliqué dans la mise en scène d’un autre, il se brûle, par exemple avec la cafetière, ou se fait « brûler », dans la séquence du coup de feu accidentel. L’espace essentiel de son pouvoir et sa puissance sexuelle, toujours contenue, ne peut passer que par une communication invisible : le micro, l’allusion, le silence. Cela place Geoff dans le domaine de la théorie. Il ne quittera ce champ qu’à trois reprises : lors du premier vol (qu’on ne voit pas à l’écran) et cela lui permet de fuir une relation affectueuse avec Bonnie ; les larmes qu’il verse à la mort de Kid, le seul être humain avec qui il communiquait dans le jeu et le mensonge avoué ; et enfin le dernier vol, effectué en état d’invalidité physique. Au cours de ces trois moments, la nature l’aspire dans son hostilité et ses contradictions. Car généralement, Geoff reste à terre. Là, son état est proche de celui de ses hommes. Comme eux, il piétine à l’intérieur d’une clôture comprenant le bar, le restaurant, l’hôtel et l’aérodrome, puisque ces quatre espaces sont circonscrits dans le même lieu. Lorsque les aviateurs s’en échappent, c’est pour s’emprisonner à l’intérieur de la carlingue de leur machine volante et en devenir une partie intégrée. Dans cette situation, si l’avion est détruit, ils le sont également. Un seul membre de l’équipe ne partage pas ce lot. Il s’agit du guetteur installé sur une falaise excentrée dans la montagne. Un animal partage sa solitude, l’aidant ainsi à être plus proche d’une nature dont il doit indiquer toutes les variations météorologiques à sa base. L’enfermement physique et professionnel de ces porteurs de courriers s’augmente d’une prison morale. Si on excepte l’aviateur qui meurt au début du film, dont nous voyons la petite amie indigène, nous ne connaîtrons jamais leur passé social et sentimental. Ce seront les êtres venus de l’extérieur de cette cellule tropicale qui feront refluer des éléments du passé chez des individus qui se croyaient protégés par tous les artifices. En premier lieu, Bonnie provoque la nostalgie car elle leur rappelle leur patrie. Ce trouble causera la maladresse fatale d’un des pilotes. Le lendemain, l’arrivée du couple Kilgallon contraindra deux hommes à retrouver leur passé affectif : Kid se rappelle son frère et se laisse envahir par la haine et la douleur, au point de menacer Kilgallon. Geoff, lui, retrouve une ancienne maîtresse. Quant à Kilgallon, intégré physiquement au groupe, il est marginalisé par son passé.
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A partir de cet instant, le mécanisme des lieux (construit sur l’instant) ne peut que basculer. La crise augmente le danger des missions de celui des conflits humains. Ils s’imbriquent alors pour former un conglomérat de vaudeville, de comédie et de tragédie, à la fois étrange, génial et redoutablement efficace. Quand les traces dissimulées remontent à la surface, la nature humaine rejoint aussitôt l’hostilité de la nature cosmique. Cette alliance provoque la destruction de plusieurs rouages de la mécanique. Une invalidité s’installe, selon des lois naturelles : Kidd ne voit plus assez bien pour voler. Son état lui fait perdre sa protection morale et retourne cruellement sa nature d’homme. Sans son avion, il est un impotent, ce que Hawks nous avait déjà démontré dans ses films précédents. Son infirmité provoque alors sa colère envers un autre pilote et il lui brise le bras. La tension monte puisque c’est ensuite son ennemi qui le remplace. Par ailleurs, le « déraillement » de Bonnie provoque l’invalidité temporaire de Geoff. Pour que la machine continue de tourner, il faut que Kilgallon pilote avec (le presque aveugle) Kid. Agressé par la nature hostile (le condor), Kilgallon sauve l’avion et Kid, effaçant enfin la marque de son passé honteux. Il s’y brûle néanmoins les mains et se retrouve, à son tour, importent pour quelques jours. Mais le Kid meurt, même s’il était déjà mort de ne plus pouvoir voler, et cette mort permet à Kilgallon de naître une deuxième fois. On peut voir ici une référence, consciente ou pas, à Lord Jim et la seconde chance selon Conrad. Kid disparu, Geoff récupère sa pièce truquée, l’autre secret dérisoire de son compagnon. A ce stade du film, Bonnie (dont nous ne connaissons que vaguement le passé de « chorus girl ») est ébranlée par le constat qu’elle fait de la réalité de ce lieu totalement clos, et pourtant conçu pour assurer la communication et la transmission, un paradoxe qu’Hawks ne manque pas de souligner. Il ne reste alors plus que deux choses à faire pour relancer la machinerie : Geoff accepte Bonnie en lui mentant par le biais de la pièce truquée dont il lui laisse deviner le secret. Ensuite, il allie son invalidité (donnée par Bonnie) à celle d’un autre pilote (donnée par Kid) pour recommencer le transport aérien du courrier. Mais dans les deux cas, Geoff allie son invalidité à celle de l’autre : physique pour l’aviateur et morale pour Bonnie. Cette vérité profonde est révélée par le faux (la pièce à double face). C’est le signe d’une convention finalement acceptée pour que subsiste encore le mouvement général, et non plus le nickel pirouettant dans la main d’un personnage de Scarface, marquant l’instant, l’instinct et la mort.
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Dans Seuls les Anges ont des Ailes, on notera que les catastrophes aériennes n’interviennent qu’à cause de l’opacité du ciel (comme dans Brumes, auquel le film renvoie sans cesse). Par manque de clarté, le vautour aveuglé s’écrase, tout comme le vautour aveuglé traverse la cabine de la machine volante. Par son entité même, la nature est hostile, incontrôlable, rebelle et indestructible. Malgré sa science, l’homme ne peut en être que victime. Chez Hawks, le paradoxe s’installe ici entre la cellule protectrice, où un monde artificiel s’organise, et le besoin d’être détruit en explorant l’extérieur de ce lieu. Il ne prend pas de véritable parti sur cet état des choses. Son écriture a d’autres buts : capturer l’ineffable pour mettre en crise les concepts de réalité, tout en maîtrisant la représentation d’un monde qui repose sur des artifices et des mécanismes, comme il le souligne nettement par l’emploi visible du studio, espace où le cinéaste peut se permettre de réinventer la nature à sa guise et en toute sécurité.
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Si, comme j’ai tenté de le démontrer, Seuls les anges ont des ailes doit beaucoup à la qualité du scénario de Jules Furthman et aux relations qu’il développe entre ses personnages, il ne serait presque rien dans le talent de ses interprètes. Déjà, on se félicite du choix de Richard Barthelmess, idéal pour le rôle avec son visage marqué par les cicatrices et les blessures du passé. Présenté au début du film comme un personnage antipathique, il finira par susciter l’affection du spectateur grâce au jeu subtilement intériorisé de cet acteur malheureusement encore méconnu. On a loué maintes et maintes fois l’interprétation de Cary Grant (qui peut se dire cinéphile et ne pas avoir au moins un film de l’acteur dans son panthéon personnel ?) mais si on ne devait retenir qu’une poignée de chefs d’œuvre dans son impressionnante filmographie, Seuls les anges ont des ailes en ferait assurément partie. Il donne toute sa profondeur au personnage tourmenté de Goeff, adoptant un jeu froid qui permettra de révéler progressivement le cœur d’or du pilote. L’alchimie est parfaite avec Jean Arthur, comme toujours pétillante de malice, d’énergie et de fraîcheur, insolemment belle et remplie de féminité. Le long-métrage se distingue également par son remarquable choix de seconds rôles, tous familiers des cinéphiles. Thomas Mitchell est le plus remarquable d’entre eux, constituant un des personnages les plus attachants du film. Les sympathiques Allyn Joslyn (le cousin du Ciel peut attendre) ou Sig Ruman (toujours chez Lubitsch, mémorable dans Ninotchka) complètent le casting. Mais la véritable révélation de Seuls les anges ont des ailes est bel et bien la toute jeune Rita Hayworth, qui, à 21 ans, crève littéralement l’écran. Dotée d’une classe naturelle, elle éblouit le spectateur par sa beauté et son charme. Le mythe commence tout juste à se construire, tandis que la carrière d’Hawks commence à prendre un envol définitif : Seuls les anges ont des ailes est bel et bien le film de la maturité pour l’auteur de Rio Bravo, bien plus que L’Impossible Monsieur Bébé. C'est aussi, et surtout, un chef d'oeuvre unanimement célébré pour ses qualités cinématographiques, toutes proches de la perfection. Depuis les sept films de Josef Von Sternberg tournés avec Marlene Dietrich, aucun cinéaste hollywoodien n'était parvenu à restituer à l'écran autant de poésie visuelle, d'audacieuse stylisation dans la peinture du comportement et de philosophie personnelle excentrique et sans concessions, tout en conservant une force simple et discrète.
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Dernière modification par Geoffrey Carter le 17 déc. 14, 10:55, modifié 1 fois.
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Jeremy Fox
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Re: Howard Hawks - Rétrospective personnelle

Message par Jeremy Fox »

Geoffrey Carter a écrit : Seuls les anges ont des ailes est bel et bien le film de la maturité pour l’auteur de Rio Bravo. C'est aussi, et surtout, un chef d’œuvre unanimement célébré pour ses qualités cinématographiques, toutes proches de la perfection.
Je ne peux qu'acquiescer ; pour moi aussi l'un de ses films les plus parfaits :wink:
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Alexandre Angel
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Re: Howard Hawks - Rétrospective personnelle

Message par Alexandre Angel »

Frances Farmer, comédienne restée célèbre pour ses frasques dans les années 1940,

Restée surtout célèbre pour son calvaire retranscris brillamment par Graeme Clifford en 1983 dans l'excellent FRANCES, dont le rôle titre était interpreté de manière bouleversante par Jessica Lange, au sommet de sa beauté.
Aaaarrrgh Jessica !!!! :oops:
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
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Rick Blaine
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Re: Howard Hawks - Rétrospective personnelle

Message par Rick Blaine »

Un texte enthousiasmant pour un film que je n'ai jamais vu.
Peut-être ce soir, si j'ai le temps.
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