Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-1967

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Rick Blaine
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Re: Le Western américain : L'Année 1960

Message par Rick Blaine »

Jeremy Fox a écrit :
hellrick a écrit :
Je ne sais pas si ça va te plaire, c'est assez proche du "spaghetti" si je me souviens bien :fiou: :mrgreen:
Oui, je m'attends à un rapprochement avec le western italien mais sait-on jamais.
Il y a un rapprochement mais celui-ci n'est pas forcément si brutal que ça. Je pense qu'on peut apprécier sans être forcément client de western spaghetti (c'est mon cas également). Notamment pour le premier qui tient franchement bien la route et propose quelques séquences remarquables.
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Jeremy Fox
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One Eyed Jacks

Message par Jeremy Fox »

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La Vengeance aux deux visage (One Eyed Jacks - 1961) de Marlon Brando
PENNEBAKER PRODUCTIONS


Avec Marlon Brando, Karl Malden, Katy Jurado, Ben Johnson
Scénario : Guy Trosper, Calder Willingham & Charles Neider
Musique : Hugo Friedhofer
Photographie : Charles Lang (Technicolor 1.85)
Un film produit par Frank P. Rosenberg pour Pennebaker Productions



Sortie USA : 30 mars 1961


Mexique, 1880. Après avoir dévalisé une banque, Dad Longworth (Karl Malden), Kid Rio (Marlon Brando) et Doc s'accordent un peu de bon temps. Mais à leur poursuite, les Rurales (la milice) pénètrent dans la taverne où ils se trouvent et abattent Doc ; Longworth et Rio parviennent à s'échapper de justesse. Au terme d'une longue chevauchée, la monture de Rio est mortellement blessée. Ils doivent faire halte, encerclés par leurs poursuivants. Désigné par un tirage au sort truqué, Longworth part à la recherche de deux nouvelles montures, seule solution pour pouvoir s’extirper de cette mauvaise passe. Mais, après quelques minutes d’hésitation, il décide de garder le butin pour lui seul, de ne prendre qu’un seul cheval frais, abandonnant ainsi son ami à son triste sort. Cerné puis maîtrisé, Rio comprend avoir été trahi. Cinq ans plus tard, il s'évade du bagne de Sonara avec son codétenu Modesto (Larry Duran) et se met inlassablement en quête de son ancien complice bien décidé à lui faire payer les cinq années infernales passées en prison. En chemin, il fait la rencontre des hors-la-loi Bob Amory (Ben Johnson) et Harvey Johnson (Sam Gilman) qui lui proposent de se joindre à eux pour attaquer la banque de Monterey. Pour le convaincre, Bob lui révèle que Longworth est devenu le shérif de la ville. A peine arrivé, Rio se rend chez celui-ci et fait semblant de se réconcilier. Il fait également la connaissance de l'épouse de Dad, Maria (Katy Jurado), ainsi que de Louisa (Pina Pellicer), sa fille âgée de 20 ans qui n’est pas insensible à son charme ; elle l’invite même à rester et participer à la fête annuelle organisée à Monterey. Après avoir abusé d’elle dans l’espoir de faire du mal à son ennemi, il le regrette amèrement ; en effet, il est tombé amoureux de sa "proie". A partir de ce moment, il va commencer à avoir mauvaise conscience, se poser des questions sur l’utilité de sa vengeance ; plus rien ne va se passer comme il l’aurait souhaité et les ennuis vont s’enchainer…

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Les westerns mis en scène par leurs principaux comédiens auront presque tous été passionnants à des degré divers. Burt Lancaster débuta avec le sympathique L’Homme du Kentucky (The Kentuckian) au moins original par son ton, son histoire et les paysages au sein desquels il se déroule ; John Wayne lui emboîta le pas avec pour résultat le splendide Alamo ; puis ce fut au tour de Marlon Brando de nous livrer son intrigant opus, ce très bon One-Eyed Jacks. En allant un peu plus loin de l'avant (puisque pas encore certain de poursuivre ce parcours au-delà des années 70, voire 60), Kirk Douglas réussira encore un des tous meilleurs westerns des années 70 avec le trop méconnu La Brigade du Texas (Posse) et Clint Eastwood en réalisera plusieurs de qualité durant cette décennie et les suivantes, sans oublier Kevin Coster qui, si sa carrière en tant qu’acteur déclinera rapidement, nous offrira encore deux superbes westerns derrière la caméra, Danse avec les loups et Open Range. Autant dire, au vu de tous ces titres, que le western aura été un genre dans lequel se seront épanouis quelques comédiens ayant voulu passer de l’autre côté de la caméra.

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L’enfantement de La Vengeance aux deux visages aura été très douloureux et difficile, la genèse de ce film maudit l’une des plus tumultueuses et tourmentées qui soit. C’est à Sam Peckinpah (qui n’avait pas encore mis les pieds à l’étrier de la mise en scène) qu’est dévolu le premier travail sur le scénario du film ; il part d’un roman de Charles Neider (surtout réputé pour sa biographie de Mark Twain qui fait toujours autorité),The Authentic Death of Henry Jones qui s’inspirait lui même de The Authentic Life of Billy le Kid écrit par le shérif Pat Garrett en personne. Le futur réalisateur de La Horde sauvage s’y consacre six mois durant mais est finalement évincé par Marlon Brando. Le film doit être alors réalisé par Stanley Kubrick ; son scénariste de Paths of Glory (Les Sentiers de la gloire), Calder Willingham, écrit une nouvelle mouture du scénario. Mais à nouveau, la capricieuse star Brando renvoie le metteur en scène après que ce dernier a refusé d’engager une amie du comédien en tant qu’actrice et s'est cogné à un artiste encore plus perfectionniste que lui. On peut regretter de n’avoir jamais pu voir un western réalisé par ce génie du cinéma mais c’est suite à ces circonstances que le plus beau péplum existe tel qu’il est ; en effet, Kubrick ira remplacer non loin de là Anthony Mann évincé dans le même temps par Kirk Douglas du tournage de Spartacus. Quoi qu’il en soit, l’acteur de Sur les quais ne se laisse pas démonter et décide alors de tourner lui-même le film. Y. Frank Freeman, le boss de la Paramount de l’époque a dit : "J’ai eu ma première attaque cardiaque avec Les Dix Commandements, ma seconde avec Les Boucaniers. Le film de Brando provoquera la troisième."

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Et il y avait de quoi ! Le budget alloué au départ, qui était de 1.8 million de dollars, monta jusqu’à six millions et alors que six semaines de tournage étaient prévues, Brando tourna son film en six mois emmagasinant pas moins de 300 kilomètres de pellicule, ce qui correspond au métrage moyen de pas loin de dix longs métrages ! Le premier montage terminé donne au film une durée de 4 heures 42 mn ; le studio la ramène purement et simplement à la moitié. C’est cette version qui est sortie dans les salles et que nous avons toujours connue. Eh bien, malgré ce charcutage, l’imposition d’un happy end par les producteurs (Rio et Louisa devaient initialement mourir tous deux) et le cinglant échec public qui suivit sa sortie, l’unique film de Brando en tant que metteur en scène, malgré quelques imperfections et tâtonnements, tient très bien la route. Il faut dire que Marlon Brando s’est approprié le solide matériau de base pour en faire une œuvre très personnelle au ton assez atypique ; il pourrait aussi s’agir d’une des principales sources d’inspiration de Sam Peckinpah et Sergio Leone. D’ailleurs, les deux seconds rôles les plus importants que l’on rencontre dans One-Eyed Jacks (Ben Johnson, Slim Pickens) feront plus tard partie de la famille cinématographique de Peckinpah alors que le personnage de Rio anticipe étonnamment, surtout durant la première heure, celui du futur homme sans nom interprété par Clint Eastwood pour le cinéaste italien dans sa trilogie des Dollars ; il porte même un poncho pendant un certain temps !

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Mais attention, La Vengeance aux deux visages ne possède ni le nihilisme du premier ni l’ironie du second ; si violence il y a, elle est souvent plus psychologique que physique et si l’humour est bien présent dans les réparties et le caractère de Rio, il n’est pas utilisé avec l'intention de vouloir dynamiter le genre de l’intérieur. Car le film de Brando, outre une histoire de vengeance, se révèle être aussi un beau film romantique et contemplatif. Malgré la réduction de sa durée de moitié, le rythme demeure lent et l’acteur-réalisateur ne cherche pas particulièrement le spectaculaire à tout prix. Les scènes d’action (la poursuite dans les montagnes), les éclairs de violence (l’assassinat de Timothy Carey) sont bien présents mais disséminés avec une grande parcimonie pour nous les faire paraître encore plus brusques et tendus lorsqu’ils viennent à éclater. La fameuse séquence au cours de laquelle Karl Malden arrête Marlon Brando pour le fouetter en place publique avant de lui écraser la main droite à coups de crosse possède ainsi une puissance considérable ; elle met fin à une heure de film quasiment sans action et à une attente qui commençait à nous mettre les nerfs en pelote, le spectateur ayant une longueur d’avance sur les deux protagonistes par le fait de connaître les mensonges que les deux hommes se sont dits en se retrouvant, chacun pensant ainsi faire croire à l’autre qu’ils se réconcilient alors que nous savons pertinemment que le premier prépare sa vengeance et que le second n’est toujours pas tranquille, d’autant qu’il voit sa belle-fille tourner autour de son ancien acolyte.

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Le prince de l’Actors Studio a bénéficié d’un très bon scénario dont il a souvent su tirer le meilleur parti, apportant à son film une remarquable justesse psychologique, son personnage notamment évoluant avec maturation et intelligence. Coïncidence assez cocasse, deux ans auparavant, le premier western ayant à son casting un comédien de cette prestigieuse école fondée par Lee Strasberg, Paul Newman en l’occurrence, abordait déjà le personnage de Billy The Kid dans Le Gaucher (The Lef-Handed Gun) d’Arthur Penn. Même si le film de Brando ne met pas en scène le célèbre bandit, on sait que l’intrigue est lointainement inspirée de son histoire, la séquence de l’évasion de la prison rappelant d’ailleurs beaucoup celle du film de Penn et préfigurant celle du futur Pat Garrett et Billy le Kid que réalisera Sam Peckinpah en 1973. "Tu as deux figures, et moi seul connaît les deux !" dira Marlon Brando à Karl Malden, son ancien complice devenu shérif. Mais le titre original sous-entendant un personnage à double face peut également très bien s’appliquer au personnage de Rio. Hors-la-loi sans scrupules, menteur invétéré, il n’en est pas moins fidèle en amitié puisqu’il trichera dès le début pour faire partir son coéquipier du traquenard dans lequel ils sont tombés. Se rendant compte de la duplicité et de la trahison de ce dernier qui était dans le même temps son mentor (le prénom de Dad n’est certainement pas un hasard), il n’a plus qu’une obsession : se venger des cinq années qu’il a dû passer dans un pénitencier par sa faute. Pour se faire, il ira avec machiavélisme jusqu’à l’avilissement moral (la multiplicité des mensonges) et physique (voler la virginité de la fille adoptive de son ennemi) ; on le pensera alors aussi odieux que le traître avant qu’il n'analyse son comportement et qu'il regrette ses faits et gestes, notamment le 'viol' consentant de la jeune fille qu’il s’est pris entre-temps à aimer passionnément.

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'Passionnément' peut faire sourire quand on connait le jeu impassible et tout en retenue de Marlon Brando qui, contrairement à ce que beaucoup croient, n’a pas cabotiné toute sa carrière, bien au contraire ; sa plus grande performance aura même été celle où il utilisa un jeu intériorisé à un degré rarement atteint : le sublime et vénéneux Reflets dans un oeil d’or (Reflections in a Golden Eye) de John Huston. Son impénétrable Rio a d’ailleurs été influencé par le bouddhisme zen de l’aveu même de son interprète ; c’est un personnage laconique, qui parle peu, qui semble parfois détaché des contingences terrestres et qui se plonge souvent dans de profondes méditations. Quoi qu’il en soit, l’acteur est parfait dans ce rôle et exprime parfaitement bien la dualité d’un personnage riche et complexe, et finalement fortement attachant du fait même de ses défauts. Pour interpréter les autres protagonistes qui gravitent autour de lui, il a bénéficié d’un casting particulièrement savoureux et parfaitement bien choisi. Karl Malden, qui s’était déjà à deux reprises trouvé en face de lui dans Un tramway nommé Désir (A Streetcar Named Desire) et Sur les quais (On the Waterfront), tous deux signés par Elia Kazan, mérite les mêmes éloges que son partenaire : alors que Dad nous est présenté comme méprisable, d’autant plus qu’il a abandonné son ami suite à un geste de générosité de ce dernier, Karl Malden arrive néanmoins à nous le rendre attachant, ce qui n’aurait probablement pas été le cas avec un mauvais comédien. Enfin, la jeune Pina Pellicier s’avère parfaite dans la peau de Louisa, jeune fille fragile, meurtrie et désemparée, un personnage féminin assez moderne qui s’inscrit avec sa culpabilité familiale et le poids de son acte dans la mouvance de ceux que l’on voit fleurir dans les mélodrames sur la jeunesse, notamment ceux de fin de carrière de Delmer Daves. La carrière de l’actrice se sera arrêtée trop brutalement puisqu’elle se suicidera quatre ans plus tard à l’âge de 24 ans.

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Du côté des 'Bad Guys' avides, libidineux et prompts à la trahison, le choix des interprètes n’est pas moins efficace. Slim Pickens sait se faire détester. Quant à Timothy Carrey, il joue admirablement de sa trogne inquiétante et se trouve ainsi être de la séquence la plus sèche et violente du film, celle où il se fait tabasser avant de se faire tuer par Marlon Brando alors en état de légitime défense. Mais c’est Ben Johnson qui mérite les plus grands éloges ; capable de passer avec une facilité déconcertante des univers aussi opposés que ceux de John Ford et Sam Peckinpah (de She Wore a Yellow Ribbon à The Wild Bunch) il est ici irréprochable et mérite franchement qu’on le redécouvre. Il possède un visage et une carrure qui le rendent fortement charismatique, et il dégage ici une puissance que peu de seconds rôles peuvent se targuer de posséder dans le domaine du western, à l’égal d’un Lee Marvin ou d’un Richard Boone par exemple. Par ailleurs, on trouve aussi la discrète Kathy Jurado, admirable de retenue, et Larry Duran, acteur mexicain que l’on croisait déjà dans Viva Zapata d’Elia Kazan. Quant à Elisha Cook, il fait une furtive apparition dans le rôle du caissier de la banque.

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Non seulement Brando rend captivante son histoire malgré un rythme lent, assure une tension dramatique presque constante et contrôle parfaitement sa direction d’acteurs mais sa mise en scène, malgré quelques tâtonnements, piétinements et fautes de goûts (les nombreuses transparences derrière les gros plans en champ/contrechamp lors entre autres des retrouvailles de Rio et Dad au bord de la mer) s’avère elle aussi méticuleuse, dense et remarquablement maîtrisée. Ses recherches esthétiques, son sens de la composition plastique sont eux aussi non négligeables, d’autant qu’avec la complicité du grand chef opérateur Charles Lang (qui donne lui aussi le meilleur de son talent) il utilise des décors naturels assez insolites pour un western, les désertiques paysages mexicains puis surtout la ville de Monterey située en bordure d’Océan Pacifique. Il se plait à filmer ses cow-boys à cheval devant le tumulte d’immenses vagues qui viennent se briser sur les rivages rocheux, les flots de l’océan venant rythmer quelques unes des plus belles scènes du film comme celle au cours de laquelle Louisa s’est donnée à Rio. D’autres éléments qui confinent au baroque, la présence dans un saloon en fond de plan d’un tableau de la Joconde remaniée puisque si l’on y prête attention, Mona Lisa a des cartes dans les mains.

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S’il manque quelque peu d’émotion et si la construction paraît chaotique à quelques reprises (mais comment en aurait-il été autrement au vu du remontage qui a du être effectué ?), La Vengeance aux deux visages n’en est pas moins une très belle réussite, un western ambitieux, mûri et fascinant sur une quête obsessionnelle de la vengeance qui devient l’unique raison de vivre pour son principal protagoniste. Il s’agit aussi d’une belle histoire sur la désillusion qui s’ensuit d’une amitié trahie comme l’ont déjà été de nombreux westerns des années 50 comme Vaquero de John Farrow ou L’Homme aux colts d’or (Warlock) d’Edward Dmytryk, ainsi que d’une tendre histoire d’amour, presque naïve en fin de compte. Le contraste avec la noirceur du reste n’est pas pour nous déplaire, d’autant que le thème d’amour de Hugo Friedhofer qui soutient la romance est magnifique (tout comme l'ensemble de la bande originale, l'une des plus réussies du compositeur). S’il ne peut pas prétendre intégrer les chefs-d’œuvre du genre, un western qui s’avère néanmoins une fort jolie réussite, très particulière et plutôt singulière pour l’époque.
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Major Dundee
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Re: One Eyed Jacks

Message par Major Dundee »

Jeremy Fox a écrit :
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Superbe analyse, comme d'hab Jeremy.
Et qui donne en plus l'envie de se rejeter sur le film pour une nouvelle vision.
Bon courage pour la suite.
Charles Boyer (faisant la cour) à Michèle Morgan dans Maxime.

- Ah, si j'avais trente ans de moins !
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Jeremy Fox »

Merci Major :wink:
Geoffrey Carter
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Geoffrey Carter »

Un film qui m'ennuie la plupart du temps, ce qui ne m'empêche pas d'apprécier l'interprétation et les qualités de mise en scène. Belle analyse une fois de plus, bonne continuation ;) J'attends avec impatience ton avis sur le premier Peckinpah.
someone1600
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par someone1600 »

Excellente chronique comme d'habitude, ca donne envie de découvrir ce film, mais reste à en découvrir une bonne copie en zone 1... :roll:
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Jeremy Fox
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Posse from Hell

Message par Jeremy Fox »

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Les Cavaliers de l'enfer (Posse from Hell - 1961) de Herbert Coleman
UNIVERSAL


Avec Audie Murphy, John Saxon, Zohra Lampert, Vic Morrow, Robert Keith
Scénario : Clay Huffaker d'après son roman
Musique : sous la direction de Joseph Gershenson
Photographie : Clifford Stine (Eastmancolor 1.85)
Un film produit par Gordon Kay pour la Universal



Sortie USA : 01 mai 1961


Quatre hors-la-loi évadés de prison arrivent de nuit dans la tranquille petite bourgade de Paradise, Arizona. Ils sont commandés par l’impitoyable Crip (Vic Morrow) qui n’hésite pas à assassiner les habitants de sang froid afin d’instaurer la terreur, espérant ainsi se faire obéir au doigt et à l’oeil. Après quatre assassinats dont celui du shérif, les dangereux bandits prennent la fuite non sans avoir dévalisé la banque et pris en otage Helen Caldwell (Zohra Lampert), jeune femme qu’ils violent et laissent pour morte dans un coin désertique. Les notables de la ville font appel à un ex-associé de l’homme de loi décédé, le tireur d’élite Banner Cole (Audie Murphy), pour organiser une expédition punitive et récupérer la jeune femme ainsi que l’argent de la banque. Mais la cruauté inaccoutumée des hors-la-loi fait que peu sont prêts à prendre de tels risques. Banner ne trouvera que six citoyens pour le suivre dont Seymour Kern (John Saxon), jeune employé de banque qui ne supporte pas la violence de l’Ouest, l’ex-soldat Jeremiah Brown (Robert Keith), la tête brûlée Jock Wiley (Paul Carr) ou l’honnête indien Johnny Caddo (Rodolfo Acosta). Ils retrouvent rapidement Helen, traumatisée par le viol ; mais le chemin est encore long et semé d’embûche. Peu en sortiront indemnes…

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Avec ce premier film signé Herbert Coleman, voici déjà quatre westerns au compteur pour Audie Murphy depuis le début de la décennie, dont Les Sept chemins du couchant (Seven Ways from Sundown) réalisé par Harry Keller. Comme pour ce dernier, c’est le scénariste Clair Huffaker qui adapte une fois encore son propre roman et le résultat s’avère à nouveau tout à fait honorable à défaut d’être mémorable. Après avoir signé le script de Les Rôdeurs de la plaine (Flaming Star) de Don Siegel, le romancier-scénariste travaillera encore par la suite pour de grands noms tels Michael Curtiz (Les Comancheros) ou Gordon Douglas (Rio Conchos). Quant à Herbert Coleman, il ne réitèrera qu’une seule autre fois l'expérience de se trouver derrière la caméra : ce sera un film de guerre tourné la même année avec toujours avec Audie Murphy en tête d’affiche, Battle at Bloody Beach, tout aussi méconnu que le western précédent. Avant de mettre en scène ces deux uniques films, Coleman aura surtout été un assistant-réalisateur de premier ordre aux côtés de John Farrow (Terre damnée – Copper Canyon), William Wyler (Vacances romaines – Roman Holiday) et surtout Alfred Hitchcock sur la plupart de ses meilleurs film de la deuxième moitié des années 50 pour lesquels il fut dans le même temps producteur associé (Mais qui a tué Harry, Sueurs froides, L’Homme qui en savait trop…) Pour son premier essai en tant que réalisateur, sans rien transcender, il fournit néanmoins le travail d’un bon professionnel.

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Le film narre la traque de quatre dangereux malfrats par un ‘posse’ qui, au fur et à mesure de son avancée, va connaitre des départs, des morts, des hommes se révélant des héros, d'autres des couards... On a auparavant vu ça des dizaines et des dizaines de fois (même déjà dans certains films avec Audie Murphy), mais la nouveauté du western d’Herbert Coleman est qu’il est bien ancré dans son époque, ce début des sixties où l’on constate la montée d’un cran de la violence à l’écran et une manière plus crue et plus franche d’aborder des sujets tabous (ici le viol), y compris, la preuve en est, dans la production de série B. A ce propos, les dix premières minutes de Posse from Hell sont magistrales (le reste, en comparaison, ne pourra que décevoir d’où probablement la réputation assez moyenne du film) ! Le film débute de nuit avec l’arrivé de quatre cavaliers sur une musique syncopée dont la mélodie est principalement rythmique et qui met immédiatement mal à l’aise, instaurant une tension assez forte et une atmosphère très lourde grâce notamment à des percussions inquiétantes. Les hommes, des brutes sanguinaires, pénètrent dans le saloon et sèment immédiatement la terreur, tuant de sang froid sans s’enfuir pour autant mais restant au contraire en terrain conquis : "We own this town" dira d’emblée le chef de bande interprété par Vic Morrow (l’inoubliable adolescent chahuteur dans le superbe Graine de violence – Blackboard Jungle de Richard Brooks). On peut affirmer sans grande crainte de se tromper, qu’à cette date, Crip était alors peut-être le 'Bad Guy' le plus sadique vu jusqu’à présent dans un western ; un salaud intégral que le comédien interprète avec conviction. La principale erreur du scénariste aura été de nous faire côtoyer les bandits uniquement durant ces dix premières minutes ; pensant probablement (à juste titre) que de les avoir présentés de la sorte nous aura fait comprendre à quel point leur poursuite allait s’avérer dangereuse, il a néanmoins oublié qu’il allait ainsi créer un effet d’attente chez le spectateur qui au final n’allait pas être récompensé, ne croisant plus ensuite les hors-la-loi que quelques secondes en ombres chinoises ou derrière des fenêtres, rochers ou autres cachettes naturelles. Créer d’aussi ahurissants méchants pour ne plus nous les montrer par la suite peut très clairement faire naitre une cruelle déception ; la preuve !

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En plus des surprenants éclairs de violence dues en grande partie à ces malfrats plus durs qu'à l'accoutumée (le meurtre du shérif ou des otages, toujours durant ce fabuleux prologue), l'époque permet également à ce que la jeune femme dise clairement et sans détours qu’elle a été violée par quatre hommes à tour de rôle, ce qui n’était évidemment encore pas courant au sein de la production hollywoodienne. Non seulement on le dit mais on discute crûment de la manière de pouvoir s’en sortir psychologiquement après un tel traumatisme ; la victime tentera d’ailleurs de se suicider avant bien plus tard de vouloir se donner bestialement à son sauveur, estimant qu’elle n’a désormais plus rien à attendre de beau de la vie !! L’actrice Zohra Lampert, à l’instar de Vic Morrow, est sortie de l’Actors Studio et, ainsi que son partenaire, s’avère tout à fait convaincante malgré son faible temps de présence à l’écran. Une autre curiosité de ce western est son épilogue d’au moins dix minutes après la mort du dernier bandit (là où habituellement le film se serait terminé) ; sauf que pour le coup, c’est pour finir le film sur un ton moralisateur et sirupeux qui ne cadre pas très bien avec tout ce qui a précédé. Enfin, pour en terminer avec les ‘originalités’ destinées à montrer un plus grand vérisme, repensons à cette séquence au cours de laquelle Audie Murphy demande à John Saxon de se déculotter afin qu’il lui applique de la pommade sur les fesses ‘abîmées’ par des ampoules dues à son manque d’habitude à chevaucher. John Saxon (le Johnny Portugal de The Unforgiven – le Vent de la plaine de John Huston) interprète avec talent le Tenderfoot (pied-tendre) de l’expédition punitive, un homme qui ne cache pas détester l’Ouest américain et sa violence, ne rêvant que de revenir à New York pour participer aux cocktails organisés au sein de la maison-mère de la plus modeste agence bancaire située à Paradise où il a atterri malgré lui. Il s’agit du personnage le plus intéressant du film, un homme qui s’avèrera le plus digne de confiance de tous, sans la moindre forfanterie, assumant ses goûts et mode de vie, ses limites en tant que cavalier, sans se soucier de ce qu’on pourrait en penser.

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Parmi les autres membres du groupe de poursuivants, un indien foncièrement honnête qui décide d’apporter son aide par pur altruisme, "because it's the right thing to do" (Rodolfo Acosta dans un de ses rares rôles sympathique), un vieux soldat va-t-en-guerre qui n’en a cure de faire échouer l’expédition si c'est pour prouver son courage et retrouver l’ivresse du combat (Robert Keith), ou encore un jeune fou de la gâchette qui perdra tous ses moyens au moment de devoir réellement se défendre (Paul Carr). L’homme qui a été choisi pour les diriger, c’est Audie Murphy une fois de plus très convaincant dans un rôle plutôt complexe, celui d’un ex-homme de loi qui semblerait avoir eu des problèmes à cause de son comportement un peu trop violent et qui serait entre temps devenu, probablement blessé moralement, un aventurier pas forcément recommandable mais surtout amer et désabusé. Quant le shérif mourant le sollicite pour rattraper les coupables, il lui demande bien de ne pas s'en occuper par vengeance mais pour faire revenir la paix à sa ville dont les citoyens ont souffert suite au passage des violents hors-la-loi : "Ne le fais pas pour moi, pas par vengeance, mais pour aider les gens de cette ville". Le moribond espère ainsi que cette mission redonnera à son ami pistolero l’estime de lui-même qu’il semble avoir perdu ainsi qu'une meilleure impression sur la nature humaine. Et en effet, on le verra s’humaniser au fur et à mesure de son parcours, et même retrouver un certain optimisme quant à ses semblables (même si ceci n'ira pas sans lourdeurs, naïvetés et mièvrerie dans le discours durant ce final peu gratifiant). Du côté des 'Bad Guys', outre un Vic Morrow mémorable, on note la présence de Lee Van Cleef qui déclarera très injustement dans une interview que ce fut le plus mauvais film de sa carrière. Enfin, parmi les citoyens de Paradise, on reconnait aussi l’excellent Ray Teal dans le rôle du banquier ou encore Royal Dano dans celui de l’oncle d’Helen. Une bien belle brochette de comédiens habitués du genre et que l'on prend plaisir à rencontrer de nouveau.

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Un western de série B assez fauché (les décors des intérieurs sont minimalistes et toutes les séquences de nuit ont été tournées en studio), non dépourvu de stéréotypes et à la mise en scène ultra-classique mais sinon plutôt efficace (malgré une impression de déjà-vu dominante) et attachant notamment par le fait de nous rendre témoins de la naissance d'une amitié entre deux personnages aux caractères antagonistes (ceux joués par Audie Murphy et John saxon) et de leur intéressante évolution au fur et à mesure de leur parcours. Hormis un final au ton moralisateur assez pénible, un film à la tonalité plutôt sombre, agréable à suivre pour sa belle brochette de comédiens, ses superbes décors naturels de Lone Pine et des Alabama Hills et sa très belle photographie. Un western de série B assez conventionnel mais loin d'être désagréable ; un de plus dans la filmographie de très belle tenue du comédien Audie Murphy.
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hellrick
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par hellrick »

Un bien plaisant Audie en effet :wink:
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique IV 1960-19

Message par Jeremy Fox »

hellrick a écrit :Un bien plaisant Audie en effet :wink:
Dommage que Vic Morrow n'ait pas plus souvent joué les méchants de westerns. Ici, il est effrayant sans avoir à faire grand chose : faut dire qu'il avait la gueule de l'emploi.
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Message par homerwell »

Jeremy Fox a écrit :A suivre : New Mexico (The Deadly Companions) de Sam Peckinpah avec Brian Keith & Maureen O’Hara
L'on va donc rentendre parler de Peckinpah juste après ta chronique du très bon et atypique La Vengeance Aux Deux Visages, Je suis bien content qu'il ait été forcé de jeter l'éponge sur ce film car son New Mexico est un ratage et il lui reste indéniablement du chemin à parcourir avant de livrer ses meilleurs westerns.
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Message par Arion »

homerwell a écrit :(Peckinpah) Je suis bien content qu'il ait été forcé de jeter l'éponge sur ce film car son New Mexico est un ratage et il lui reste indéniablement du chemin à parcourir avant de livrer ses meilleurs westerns.
Le chemin à parcourir était assez court, au final, puisque dans la foulée il tournait Coups de feu dans la Sierra / Ride the High Country qui était une franche réussite. :wink:
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

Arion a écrit :
homerwell a écrit :(Peckinpah) Je suis bien content qu'il ait été forcé de jeter l'éponge sur ce film car son New Mexico est un ratage et il lui reste indéniablement du chemin à parcourir avant de livrer ses meilleurs westerns.
Le chemin à parcourir était assez court, au final, puisque dans la foulée il tournait Coups de feu dans la Sierra / Ride the High Country qui était une franche réussite. :wink:
Plus qu'une franche réussite : l'un des plus beaux westerns de l'histoire du cinéma.
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Message par Arion »

Jeremy Fox a écrit :
Arion a écrit : Le chemin à parcourir était assez court, au final, puisque dans la foulée il tournait Coups de feu dans la Sierra / Ride the High Country qui était une franche réussite. :wink:
Plus qu'une franche réussite : l'un des plus beaux westerns de l'histoire du cinéma.
Je ne te contredirai pas sur ce point même si, du même réalisateur, ma préférence continue d'aller à La Horde Sauvage et Pat Garrett et Billy The Kid. Et aussi Bring Me The Head of Alfredo Garcia, si on peut considérer ce film comme un western moderne. ;)
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Jeremy Fox
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Re:

Message par Jeremy Fox »

homerwell a écrit :
Jeremy Fox a écrit :A suivre : New Mexico (The Deadly Companions) de Sam Peckinpah avec Brian Keith & Maureen O’Hara
L'on va donc rentendre parler de Peckinpah juste après ta chronique du très bon et atypique La Vengeance Aux Deux Visages, Je suis bien content qu'il ait été forcé de jeter l'éponge sur ce film car son New Mexico est un ratage et il lui reste indéniablement du chemin à parcourir avant de livrer ses meilleurs westerns.
Ouille ! Ca fait même très très mal. Pas grand chose à sauver de ce premier essai en effet. Une catastrophe :(

A suivre pour mon avis dans une petite semaine.
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Message par xave44 »

Arion a écrit :
Jeremy Fox a écrit : Plus qu'une franche réussite : l'un des plus beaux westerns de l'histoire du cinéma.
Je ne te contredirai pas sur ce point même si, du même réalisateur, ma préférence continue d'aller à La Horde Sauvage et Pat Garrett et Billy The Kid. Et aussi Bring Me The Head of Alfredo Garcia, si on peut considérer ce film comme un western moderne. ;)
Avec le temps, j'en viens à plus apprécier des films comme Ride the high Country plutôt que The Wild Bunch.
Bring me... est son meilleur film à mon sens, celui dans lequel il réussit la meilleure adéquation entre le fond et la forme.
Mais ce n'est pas un western, je suis donc hors sujet... :fiou:
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